Actuel / «Le printemps du journalisme», côté alémanique
«Le Quatrième pouvoir» du Bernois Dieter Fahrer s’est donné le temps de poser un vrai regard. Que l’on ait apprécié ou non celui de Gonseth, ce film vaut le détour. © Mira Fahrer
Après Frédéric Gonseth, le Bernois Dieter Fahrer livre à son tour son point du vue sur l'évolution actuelle du journalisme dans «Le Quatrième pouvoir». Un documentaire plus méditatif que combatif, mais d'autant plus intéressant. Entretien avant la première romande du mercredi 2 mai à Vevey qui sera suivie d'un débat sur le rôle des médias et leur importance dans la formation d’un esprit critique et citoyen avec Jacques Pilet.
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Dans un genre sur lequel la critique a peu de prise tant le sujet tend à primer, il faut pourtant bien reconnaître que la méthode, la sensibilité, l'art narratif et la profondeur intellectuelle du l'auteur(e) peuvent faire la différence. Et il n'en fallait pas moins pour s'attaquer à un sujet tel que Leni Riefenstahl, déjà documenté une bonne vingtaine de fois pour la télévision, notamment dans un mémorable <i>Leni Riefenstahl - Le Pouvoir des images</i> (Ray Müller, 1993). Trois décennies plus tard, avec cette fois un accès illimité aux archives personnelles de la dame, décédée en 2003 à l'âge de 101 ans, Andres Veiel n'a pas tremblé. Pour le grand écran, après ses déjà mémorables <i>Black Box BRD</i> (2001) et <i>Beuys</i> (2017), il a signé un sobrement intitulé <i>Riefenstahl,</i> présenté hors compétition à la dernière Mostra de Venise plutôt qu'à la Berlinale.</p> <p>A l'heure du retour en grâce du nazisme chez certains jusqu'en Allemagne, d'une possible apologie féministe chez d'autres, c'était sans doute plus sage pour ce film qui réexamine le cas de cette figure hautement controversée, artiste de grand talent mais qui a failli humainement. Qu'ils semblent lointains, ses anciens triomphes à la Mostra fasciste des années 1930! Depuis, on n'ose quasiment plus montrer ses documentaires de propagande nazie <i>Le Triomphe de la volonté </i>(1935) et <i>Les Dieux du stade (Olympia, </i>1938) et, côté fictions, son superbe début <i>La Lumière bleue</i> (1932) ou son dernier opus compromis <i>Tiefland</i> (1944/1954). 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Ne reconnaît-elle pas lors d'une interview que sa vie aurait mieux fait de s'arrêter en 1939? Jusque-là, tout ne fut en effet que mouvement ascentionnel – peu importe apparemment au service de quoi.</p> <p>Au début était une grande fille sportive, traitée comme un garçon par son père autoritaire et réceptacle de toutes les ambitions frustrées de sa mère. D'abord danseuse, c'est suite à un accident qu'elle se retrouve plutôt actrice, choisie à 23 ans pour être la vedette d'un film de montagne d'Arnold Fanck. Les six films tournés coup sur coup avec le brave Dr. Fanck, très basiques à part <i>L'Enfer blanc du Piz Palu</i> (co-signé par G.W. Pabst), ne sont aujourd'hui plus que d'un intérêt anecdotique. Par contre, les photos «glamour» de studio montrent à quel point Riefenstahl, skieuse et alpiniste émérite aussi bien que comédienne, fut érigée au rang de star avant d'obtenir la chance de réaliser son propre film. Coup d'essai, coup de maître: à la fois idéaliste, féministe et mystique, <i>La Lumière bleue</i> (1932) la propulse à 30 ans cinéaste à part entière.</p> <p>C'est à ce moment qu'un collaborateur, le scénariste juif Carl Mayer, l'avertit que ce film risque bien de faire d'elle l'égérie des nazis, alors aux portes du pouvoir. En vain, puisqu'elle se jettera littéralement dans leurs bras, demandant peu après à rencontrer personnellement Adolf Hitler. Lourdement courtisée (jusqu'à une tentative de viol) par le ministre de la propagande Josef Goebbels, elle ne se donna apparemment ni à l'un ni à l'autre, finissant par épouser plutôt l'officier Hans-Peter Jacob. Mais alors même qu'elle ne jurait que par la fiction, elle se lança avec enthousiasme dans la confection de documentaires à la gloire du régime, séduite par les budgets illimités mis à sa disposition. C'est ainsi qu'elle fut impliquée aux côtés de l'architecte Albert Speer dès la préparation du fameux Congrès de Nuremberg puis des Jeux Olympiques de Berlin – où elle dit n'avoir jamais voulu que saisir la beauté, son unique souci. Et à en revoir des extraits, il faut bien avouer que le résultat fut grandiose, cinématographiquement parlant.</p> <h3>Une simple suiveuse?</h3> <p>Mais par la suite, tout s'est effectivement gâté pour Leni Riefenstahl. Embrigadée pour immortaliser l'invasion de la Pologne, elle emploie des prisonniers comme figurants avant de jeter l'éponge. Ses soutiens s'étiolent pour <i>Tiefland,</i> qui doit marquer son retour à la fiction et à ses chères montagnes. La guerre interfère avec le tournage et, à 40 ans, elle paraît trop âgée pour tenir le rôle principal. Elle utilise aussi des jeunes tziganes recrutés dans des camps, enfants qu'elle prétendra avoir revus plus tard alors qu'ils furent pour la plupart assassinés à Auschwitz. Arrêtée dès la fin de la guerre, elle sera néanmoins déclarée simple <i>Mitläuferin</i> (ceux qui suivirent juste le mouvement). Autrement dit, officiellement innocentée, même si l'industrie lui fermera désormais ses portes, si ce n'est pour la sortie très retardée de <i>Tiefland</i> – un flop.</p> <p>Passé ce survol, qui regorge de documents prouvant sans le moindre doute possible qu'elle trempa jusqu'au cou dans le bain nazi, le film la montre reprendre du poil de la bête dans diverses émissions télévisées à partir des années 1970. S'il y a des choses qu'elle ne saurait nier, elle plaide sa naïveté politique, argue qu'elle n'était en fait que dans une quête artistique. Et bien sûr qu'elle n'a rien su de la «solution finale» – ce qui est fort possible, vu sa relative disgrâce qui l'éloigna du premier cercle décisionnel. Par contre, il y a tout un art de s'aveugler, qu'elle pratiqua très activement, jusqu'à devenir par là-même la porte-parle de toute une BRD (l'Allemagne de l'Ouest d'alors) qui aurait préféré ne jamais avoir à se confronter à son passé.</p> <p>Divorcée en 1947, sans revenus et réfugiée auprès de sa vieille mère, Leni Riefenstahl se refait une santé économique dès le début des années 1960 en devenant photographe. Une expédition au sud du Soudan, d'où elle rapporte des photos du peuple Nuba, sont particulièrement remarquées. Sponsorisée, elle y retournera maintes fois, albums et expositions à la clé. En 1967, c'est surtout la rencontre avec Horst Kettner, un étrange jeune homme de 40 ans son cadet qui devient son assistant et son compagnon jusqu'à la fin de sa vie. 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L'une de la TSR («Destins», 1982) qui voit Claude Torracinta annoncer la défection de Leni Riefenstahl à l'entretien durant lequel il avait prévu de la confronter aux plus terribles images des camps de la mort. Une autre en Allemagne qui se clôt par des appels de soutien d'auditeurs auxquels elle répond, philosophe et confiante, qu'il faudra au moins deux générations pour finir par faire reconnaître leur innocence, mais qu'elle est certaine «que le peuple allemand a cela en lui». 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Entre école, centres autogérés, collectifs de production et RSI (Radio-télévision Suisse Italophone), le désir de cinéma n'est venu que peu à peu, toujours sous le signe du politique. De <i>Volo in ombra</i> (2012) à <i>Non ho l'età</i> (2017, sur l'immigration italienne) et <i>La scomparsa di Bruno Bréguet,</i> les moyens ont grandi en fonction des sujets. Plutôt qu'une sophistication filmique ou une carrière, ce réalisateur cherche du sens en se frottant à l'histoire récente. Un parcours et une démarche qui l'ont logiquement fait atterrir, pour co-produire son dernier film, chez les Zurichois de Dschoint Ventschr (Samir, Werner Schweizer & co), une maison de production née de la contre-culture. 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Edité en 1980 par une petite maison d'édition disparue depuis et devenu quasiment introuvable, il a été réédité en 2015 en Italie et je me suis rendu à une soirée de présentation à la Casa del Popolo de Bellinzone. J'ai été très remué par cette découverte, stupéfait de ne jamais avoir entendu parler avant de ce Bréguet, si proche puisqu'il était aussi allé au lycée à Lugano mais surtout de par sa jeunesse militante. Je suis pourtant quelqu'un qui s'informe beaucoup! Il m'est donc apparu que son histoire méritait d'être approfondie et pourrait intéresser un plus large public.</p> <p><strong>Dans le film, vous citez assez peu ce livre...</strong></p> <p>Il y a des citations au début, pour évoquer ses années de prison en Israël, de 1970 à 1977. Mais ce livre ne chronique justement que cette expérience-là. Sept terribles années qui l'ont radicalisé, alors qu'au départ, il était juste ce jeune gars de 19 ans touché par le sort des Palestiniens et qui s'est dit un jour qu'il ne pouvait pas rester là sans rien faire. C'est un livre plein de rage, extrêmement dur.</p> <p><strong>Comment avez-vous retrouvé la trace de vos témoins, ces personnes qui ont connu Béguet? Et pourquoi pas de membres de la famille?</strong></p> <p>Pour la famille j'ai essayé. J'ai écrit à ses deux compagnes, les mères de ses deux enfants, mais elles ne m'ont pas répondu. Même son frère Ernesto, qui s'était tellement engagé pour lui jusqu'en 1995, n'a pas souhaité participer. Cela remue apparemment trop de souvenirs douloureux et ils ont préféré tourner la page, ce que je respecte. Pour les amis par contre, ce n'était pas bien difficile. Le Tessin n'est pas grand et tout le monde se connaît plus ou moins. De fil en aiguille, en partant du petit milieu alternatif de gauche, j'ai rencontré pas mal de gens qui l'avaient côtoyé. J'en ai retenu cinq parmi les plus pertinents, qui étaient d'accord de participer. En fait, l'un d'eux, Gianluigi Galli a été mon professeur de sociologie, et sans avoir idée, je participais déjà à un projet d'agriculture communautaire aux côtés de Claudia Ribi (par ailleurs mère de la cinéaste vaudoise Lila Ribi, ndlr)! C'est dire la proximité mais aussi la difficulté de la transmission.</p> <p><strong>Le nom de Bréguet est plutôt romand et suscite en lui-même quelques interrogations...</strong></p> <p>Cela n'est pas dans le film, mais j'ai fait quelques recherches. En fait, la famille paternelle est originaire de Coffrane, dans la Val-de-Ruz neuchâtelois, mais on n'y trouve plus de traces. Un aïeul est déjà parti s'installer en Suisse alémanique, avant que le père de Bruno ne vienne s'installer au Tessin. Il a donc été élevé à Muralto, à côté de Locarno, avec ses trois frères et sœurs. La famille parlait déjà plusieurs langues et c'est ainsi qu'il a pu devenir très tôt un «citoyen du monde» sachant l'italien, le français, l'allemand et l'anglais. Plus tard, en prison, il a encore appris l'arabe.</p> <p><strong>Et comment s'est-il engagé, puis radicalisé?</strong></p> <p>D'après toutes les descriptions, c'était un garçon très réservé et secret, qui lisait beaucoup. Les fameuses fiches fédérales contiennent le détail de sa bibliothèque. Au lycée déjà, à la fin des années 1960, il a fait des présentations sur l'énergie atomique et sur la cause palestinienne. Il a commencé à fréquenter certains groupes de gauche, toujours en retrait. Et puis un jour, il s'est rendu à Genève pour prendre contact avec la Ligue arabe, dans l'idée de se rendre utile aux Palestiniens. Après son arrestation en Israël, sa radicalisation est vraiment venue de ses longues années de prison – et encore, il n'en aura purgé que la moitié! Puis il s'est installé à Berlin avec sa première compagne, au bénéfice d'une bourse fédérale d'études universitaires... C'est à ce moment qu'il est entré en contact avec le terroriste Carlos, à l'époque le terroriste le plus recherché au monde.</p> <p><strong>A-t-on facilement accès aux archives le concernant, en tant que chercheur?</strong></p> <p>A Berne, aux Archives fédérales, ça s'est fait en plusieurs étapes. J'ai pu consulter presque tous les dossiers contre signature d'une promesse de non-divulgation. En plus du détail de sa surveillance, on y trouve même les photocopies de tous les documents est-allemands de la Stasi le concernant. Puis je suis retourné avec une demande plus précise d'utilisation de certains documents, en expliquant mon projet et son intérêt public. Ce qui n'a pas posé de problèmes. En fait, je pense que les derniers dossiers encore gardés secrets sont ceux liés à sa disparition.</p> <p><strong>Et pour essayer de retracer son parcours international?</strong></p> <p>Là, je me suis contenté d'archives de presse ou filmiques, comme l'INA. L'essentiel de son activité est alors souterraine et donc difficile à cerner. En Grèce, où il s'est insallé avec une deuxième compagne anglaise, je n'ai retrouvé que le lieu où il habitait – un village où tout le monde l'appréciait sans savoir vraiment qui il était. Mais j'ai eu la chance de pouvoir m'appuyer sur les recherches d'Adrian Hänni, qui apparaît dans le film et qui a eu accès à des archives des services secrets américains déclassifiées. C'est lui qui a révélé ce dernier chapitre inattendu du parcours de Bréguet dans son récent livre <i>Terroriste et agent de la CIA - l’incroyable histoire du Suisse Bruno Bréguet</i> (2023): désillusionné et «retourné» par la CIA, ou seulement en apparence?</p> <p><strong>Que retenez-vous essentiellement de toute cette histoire?</strong></p> <p>J'ai surtout compris que les engagements de ma génération, marquée par les manifestations anti-G8 de Gênes en 2001, l'altermondialisme, le combat écologiste ou la revendication d'espaces culturels alternatifs, n'ont rien de nouveau. Tout est lié, d'abord à travers des gens qui peuvent transmettre leur expérience, mais aussi par les concepts dont on hérite. J'ai également pu mesurer à quel point le contexte a changé. La génération de Bréguet était animée par l'idée qu'on pouvait encore changer le monde par la révolution, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. 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Au-delà du destin de Bréguet, c'est ce contraste que le film cherche à évoquer, laissant à chacun de juger par lui-même.</p> <p><strong>La fabrication de ce film et son parcours à ce jour vous ont-ils satisfait?</strong></p> <p>La co-production avec Dschoint Ventschr a été un grand soutien. C'est ma monteuse Kathrin Plüss – qui pense s'arrêter sur ce film, quarante ans après <i>Der Grüne Berge</i> de Fredi M. Murer – qui nous a mis en contact. Karin Koch a œuvré comme productrice, mais des cinéastes aussi chevronnés que Samir ou Sabine Gisiger ont aussi apporté leurs conseils artistiques. Et pour la sortie, je ne vais pas me plaindre. Le film a été bien accueilli à Soleure et Locarno et a remporté un prix au festival du documentaire de Milan Visioni dal Mondo avant de connaître un beau succès au Tessin, où il est resté sept semaines à l'affiche. 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Avec le coming out d'Ellen Page, le petite actrice canadienne adoptée par Hollywood dans les années 2000 <i>(Hard Candy, Juno, Bliss, X-Men, Inception, Free Love,</i> etc.), on passe un nouveau cap. Disparue des radars depuis le catastrophique <i>Flatliners</i> de 2017, la/le voici qui ressurgit comme Elliot Page, au terme d'une transition déjà largement rendue publique par la publication de mémoires intitulées <i>Pageboy.</i> Et le film choisi pour entériner cette transition est... un drame de la transidentité. Bref, un geste hautement politique.</p> <p>Désormais, un site comme I'Internet Movie Data Base (imbd.com) ne s'autorise même plus à offrir de renvoi à partir du nom d'Ellen Page! Par contre, le film en question, <i>Close to You</i> de Dominic Savage, un ciné-téléaste britannique de 60 ans, a bien peu de chances de rester dans les mémoires. Au contraire du pamphlet bien senti de Preciado ou du film grand public et spectaculaire d'Audiard, ceci n'est en effet qu'un petit drame intimiste de plus. Plus grave, aussi maladroit et problématique qu'il est sincère et par moments émouvant. Bref, à part les festivals de la communauté LGBTQI+, personne ne s'est rué dessus depuis sa première à Toronto en 2023, la Suisse faisant partie des rares pays à l'avoir pris en distribution.</p> <h3>Tout le poids du monde</h3> <p>Suggérée par Page lui-même, l'histoire est simple. Son personnage, Sam, n'est pas retourné chez lui depuis sa transition. Après quatre ans passés à Toronto, il entreprend donc ce voyage redouté de retour à Cobourg – bourgade située à 100km à l'Est sur le lac Ontario – pour l'anniversaire de son père. Par chance, il rencontre dans le train Katherine, une amie proche du temps du lycée. Mais celle-ci, trop troublée, préfère couper court une fois arrivés. 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Mais Katherine est mariée et a deux enfants, et si son mari n'est pas là qui l'attend comme prévu à la gare, il ne tarde pas à rappliquer en voiture, genre barbu sexy et sympa. Fin de parenthèse?</p> <p>En fait, ce seront les retrouvailles en famille, la parenthèse. Une fois rentré à la maison, surprise, tout le monde se montre aimant, dans l'acceptation et le soulagement sinon forcément une totale compréhension. Le réalisateur enchaîne les tête-à-tête avec une sœur, la mère et le père, et on se dit que Sam a vraiment beaucoup de chance! Plus que nous autres, qui devons subir ces scènes banales, faiblement dialoguées avec cet accent d'Amérique profonde qui écorche les oreilles... Seul le nouvel ami de l'autre sœur se montre désagréable. Lorsqu'il se lance sur l'idée qu'il est pesant de devoir faire attention au moindre écart de langage à cause de Sam, ce dernier l'engueule vertement et s'en va, puisque c'est comme ça. Tant pis pour l'anniversaire de son père, tant pis pour la joie de sa mère!</p> <h3>Transphobie avérée ou susceptibilité exacerbée</h3> <p>C'est au plus tard à ce moment que le public du film se divisera. Soit on est en empathie totale avec le personnage et la maladresse du «beauf» est à prendre comme de la transphobie intolérable; soit on se dit que la susceptibilité de Sam donne plutôt raison à l'autre: vu son statut de fils prodigue, tout tourne autour de lui, de son bien-être ou mal-être. En fait, le scénario permettra de rationnaliser ce brusque départ par le désir de retrouver Katherine – déjà revue une fois dans la journée et moins fermée. La famille, après tout, c'est le passé. Cette amie retrouvée pourrait être le futur, la chance d'une vie meilleure, enfin plus seul. Sam a donc saisi le premier prétexe pour se tirer de là, et ce qui advient lui donne en partie raison: Katherine finira par venir le rejoindre dans sa chambe de colocation à Toronto. Un amour partagé, porteur d'avenir ou non, peu importe et inutile de le dévoiler ici: traitée avec pudeur et sensibilité, leur intimité est belle et émouvante.</p> <p>Mais même ici, une gêne s'installe. Tôt ou tard, on aura en effet remarqué que la voix de Katherine n'est pas agréable. Puis on comprend via sa collègue serveuse dans un bar qu'elle connaît la langue des signes, sans doute pour avoir elle-même été sourde, un soupçon bientôt confirmé au lit (recherches faites, l'actrice américaine qui l'incarne, Hillary Baack, est effectivement sourde). Pourtant, pas une fois, il n'a été question de cela durant leurs retrouvailles! C'est comme si les problèmes des autres, leur sensibilité, ne concernaient pas Sam. Le fait d'avoir été si longtemps mal dans sa peau et incompris justifierait-il donc le fait d'être si autocentré?</p> <h3>Elliot Page dans l'ombre de Xavier Dolan</h3> <p>La maladresse du film, conçu à partir d'improvisations – marque de fabrique du réalisateur à la TV anglaise, paraît-il – ne s'arrête pas là. Plusieurs séquences s'emboîtent fort mal, une bonne continuité n'étant même pas respectée (pluie, neige et sols secs se succédant de manière aberrante). Bref, tout ceci ne saurait juste être imputé à un(e) script(e) défaillant(e)! Dominic Savage n'est certes pas Mike Leigh, le roi de ce style semi-improvisé, et encore moins Xavier Dolan. De fait, pour les plus cinéphiles, l'erreur fatale des auteurs aura été de marcher sur les traces de <i>Laurence Anyways</i> (une histoire d'amour trans) et <i>Juste la fin du monde</i> (un impossible retour dans le giron familial). Deux films si incandescents qu'ils ne laissent que terre brûlée derrière eux.</p> <p>A l'évidence trop peu pensé et travaillé, <i>Close to You</i> ne convaincra donc guère que les convaincus de la cause. C'est souvent l'ornière du cinéma LGBTIQ+ que de s'enfermer dans des scénarios victimaires joués d'avance, qui empêchent les films de se déployer dans une complexité plus large. Certes, on ne peut guère courir tous les lièvres à la fois, mais il s'agit plutôt là d'une question de style, de suggestion, de poétique. Ici, même la fin douce-amère, purement sentimentale, n'invite pas à penser plus loin ces questions de transidentité et de «wokisme». Quant à Elliot Page, son exemple comptera. Mais s'il pose ici les bases d'une nouvelle carrière, il y a peu de chances que celle-ci soit du même calibre que la première, et pas seulement pour une question de supposée transphobie de l'industrie. 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La situation préoccupante des médias en Suisse a déjà inspiré dernièrement un film réalisé dans l’urgence par Frédéric Gonseth, Le Printemps du journalisme – dans lequel figurait le lancement de Bon pour la tête. Voici que sort en salles son pendant alémanique: Le Quatrième pouvoir (Die vierte Gewalt) du Bernois Dieter Fahrer (Thorberg). Un film à la réalisation plus soignée, dans la meilleure tradition documentaire d’Outre-Sarine, qui s’est donné le temps de poser un vrai regard. Et qui vaut donc le détour que l’on ait apprécié ou non celui de Gonseth.
En suivant sur une longue durée la vie de quatre rédactions, celles du quotidien bernois Der Bund, du magazine d’information radio Echo der Zeit de la SRF, du jeune média en ligne Watson et enfin du journal indépendant en gestation Republik, il nous replonge au milieu de la tourmente: une mutation aux enjeux essentiels bien plus qu’une simple crise. Le tout sans oublier d’y ajouter une touche personnelle de nostalgie assumée et d’espoir inquiet. En pleine tournée nationale depuis sa présentation aux Journées de Soleure, Dieter Fahrer nous a répondu par téléphone, dans un excellent français.
Votre film est à l’évidence un travail de longue haleine. Quand avez-vous donc commencé et quel a été le déclencheur?
J’y aurai travaillé trois ans et demi. Tout est parti du déménagement de mes vieux parents en EMS. Dans l’appartement de mon enfance vidé, les murs sont devenus comme un écran sur lequel je revoyais nos vies. Et au milieu, il y avait Der Bund. Pour mes parents, ce journal aura été un vrai pilier, autant pour se situer dans le monde que pour revenir à soi. Même quand leurs intérêts ont commencé à se rétrécir, Der Bund est resté. Quant à moi, j’ai aujourd’hui 60 ans et j’ai grandi quasiment sans autre média jusqu’à ma découverte de la photo puis du cinéma. Bref, je me suis soudain rendu compte à quel point tout avait changé depuis. Et comme le sujet m’a aussitôt paru trop vaste pour espérer en faire le tour, j’ai décidé de l’approcher de manière personnelle. J’ai commencé par contacter la rédaction de Der Bund, journal traditionnel en difficulté, puis Watson pour le contrepoint jeune, dynamique et online, Echo der Zeit pour le service public et enfin Republik. Ce travail d’approche à lui seul a déjà duré une année!
Ont-ils tous été partants ou a-t-il fallu convaincre, surmonter des réticences ou des velléités de contrôle?
Ils se sont tous montrés étonnamment ouverts. Il faut dire que je leur ai montré mes films précédents et présenté ma méthode, basée sur l’observation et une certaine transparence. Je cherche toujours à établir une proximité avec les gens que je filme. Je leur ai aussi fait signer un accord préalable – même si ils n’en voyaient pas du tout l’utilité chez Watson. Et quand j’ai fini un premier montage brut, je le leur ai montré et on en a discuté. Le plus dur a été pour Der Bund, quoique même eux ont fini par apprécier le film. Les articles qu’ils lui ont consacrés l’un et l’autre sont d’ailleurs très intéressants – Watson s’y voyant en star et Der Bund plutôt en victime...
Ces médias «de niche» vont continuer de se développer. Mais faudra-t-il s’en contenter?
Quels événements imprévus sont survenus durant le tournage?
Le déménagement de Der Bundn’était pas prévu même si d’importantes mesures d’économies étaient déjà dans l’air. Mais surtout, j’ai eu vent parmi les tout premiers du projet de Republik, à travers Christof Moser, qui est aussi Bernois. C’est devenu la grande chance du film. Puis est encore arrivée l’initiative No Billag, mais cela aurait ouvert encore d’autres perspectives et j’ai décidé de ne la mentionner que dans un carton final.
Et cette découverte des «streetcams» dont vous faites une sorte de leitmotiv de votre film?
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Les responsables du Bund ont l’air sincèrement désolés de la tournure des choses. Mais avaient-ils la possibilité de tout dire? Pourquoi ne pas avoir fait intervenir le grand manitou de Tamedia, Pietro Supino?
Nous sommes allés le voir, mais à peine sortis de 1h30 d’entretien, j’ai su que je n’en retiendrais rien pour le film. Ses visions stratégiques sur comment mener un business profitable au XXIe siècle n’avaient rien à voir avec ce film centré sur le travail du journaliste. Les dividendes des actionnaires et les millions de bonus aux dirigeants font clairement partie du problème, mais c’était déjà déjà en dehors de mon cadre. C’est sûr que le rédacteur en chef du Bund Patrick Feuz ne peut pas tout dire, mais je l’ai quand même trouvé très honnête. Je suis encore surpris qu’il nous ait autorisés à être là lors de l’annonce de suppressions d’emplois! Ce que je regrette peut-être de ne pas avoir assez enregistré, ce sont les réactions des journalistes victimes de cette dégradation régulière de leurs conditions de travail...
Vous n’hésitez pas à faire sentir vos sympathies et vos antipathies, sans trop vous soucier de neutralité...
Cela fait partie de mon choix d’un ton personnel. Au moment où j’enregistre, je m’efforce d’être neutre, mais après, je veux pouvoir me montrer critique. Tout n’a pas la même valeur à mes yeux. C’est sans doute une question de génération, mais pas seulement. En règle générale, je pense que la seule information, c’est bon pour la télévision. Un documentaire d’observation et de réflexion, lui, est affaire de cinéma. Je préfère les films qui posent des questions, même sans réponses.
Votre principale interlocutrice chez Watson, Rafaela Roth, n’y est pas restée par la suite?
Non, elle est passée au Tages-Anzeiger. C’est quelqu’un d’ambitieux, avec une forte conscience de sa carrière, ce qui ne l’empêche pas d’être honnête. Mais même sympathique, sa manière d’aborder la question des migrants avec ce reportage sur une famille syrienne reste purement émotionnelle – sans même parler de sa participation à leurs «native ads». Le journalisme vraiment capable d’affronter ces grands thèmes et de nous aider à comprendre nécessite des correspondants, tout un travail sérieux sur le long terme. Et c’est cela qui est en train de disparaître.
Du côté de Republik, vous montrez Constantin Seibt comme un personnage d’une autre envergure...
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Et quel est votre sentiment, à présent que Republik existe vraiment?
J’y trouve beaucoup d’articles intéressants, mais aussi très... longs. Alors j’imprime, en espérant une version PDF! Mais il s’agit d’une toute petite rédaction, obligée de choisir ses sujets. Etre abonné et lire seulement Republik ne suffit donc pas pour se tenir informé. Ce n’est pas comme la Neue Zürcher Zeitung ou Echo der Zeit sur la RTS, qui se donnent une mission généraliste, touchent un large public et jouent un rôle fondamental pour notre démocratie. A mon sens, ce type de médias «de niche» vont continuer de se développer. Mais faudra-t-il un jour s’en contenter? Avec le temps, j’apprécie de plus en plus une vraie compétence, qui tend à s’effacer. C’est ce que je déplore le plus dans le changement actuel: le sacrifice de tout un savoir au nom d’une modernisation superficielle.
Dans le film, vous dites que Der Bund était un peu la mémoire de vos vies. Pensez-vous qu’Internet, avec sa promesse de mémoire sans limites, crée plutôt une génération d’amnésiques?
C’est en effet un gros souci. C’est un peu la thèse de Douglas Rushkoff dans son fameux livre Present Shock, qui met en garde contre un monde où tout se passerait maintenant, dans un présent instantané sans plus de mise en perspective. Je présente mon film à des élèves et je constate leur difficulté croissante à rester concentrés. Ils ont l’air intéressés, ne serait-ce que parce qu’ils connaissent tous Watson, mais après, il faut vraiment les pousser pour ouvrir un dialogue. Je suis un peu rassuré quand ils commencent à comprendre que le journalisme, c’est beaucoup de travail et de temps et donc que cela ne peut pas être gratuit.
Vous saviez qu’à travers ses deux derniers films, The Post et Ready Player One, Steven Spielberg partage à sa manière vos réflexions?
Et il y en aura encore beaucoup d’autres, vu l’importance de ce qui se passe! C’est toute la question que résume la citation du philosophe Ludwig Hasler au début du film. Il dit en gros que dans ce monde qui subit une véritable révolution à travers la globalisation, la numérisation et bientôt la robotisation, il faut se demander si nous sommes encore pilotes ou plus que simples passagers. Bref, si nous voulons contrôler ou subir le «progrès». Cela touche bien sûr les médias, mais aussi de plus en plus d’autres domaines de nos vies.
La bande-annonce
Première romande suivie d'un débat avec BPLT
«Le Quatrième pouvoir (Die vierte Gewalt)», documentaire de Dieter Fahrer (Suisse, 2018) 1h40.
Première mercredi 2 mai à 18h30 au Rex à Vevey, suivi d'un débat sur le rôle des médias et leur importance dans la formation d’un esprit critique et citoyen avec Jacques Pilet.
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Je préfère les films qui posent des questions, même sans réponses. </p><p><strong>Votre principale interlocutrice chez <em>Watson</em>, Rafaela Roth, n’y est pas restée par la suite? </strong></p><p>Non, elle est passée au <em>Tages-Anzeiger</em>. C’est quelqu’un d’ambitieux, avec une forte conscience de sa carrière, ce qui ne l’empêche pas d’être honnête. Mais même sympathique, sa manière d’aborder la question des migrants avec ce reportage sur une famille syrienne reste purement émotionnelle – sans même parler de sa participation à leurs «native ads». Le journalisme vraiment capable d’affronter ces grands thèmes et de nous aider à comprendre nécessite des correspondants, tout un travail sérieux sur le long terme. Et c’est cela qui est en train de disparaître. </p><p><strong>Du côté de <em>Republik</em>, vous montrez Constantin Seibt comme un personnage d’une autre envergure... </strong></p><p>On comprend très vite que c’est quelqu’un qui a beaucoup réfléchi. Il a d’ailleurs tenu durant deux ans un blog au <em>Tages-Anzeige</em>r sur la question du journalisme, dont il a tiré un livre très fort intitulé <em>Deadline</em>. Il n’est bien sûr pas seul à <em>Republik</em>, mais c’est clairement le plus connu. C’est pour cela qu’il est invité dans des talk-shows, où il arrive même à dire des choses frappantes... </p><p><strong>Et quel est votre sentiment, à présent que <em>Republik</em> existe vraiment? </strong></p><p>J’y trouve beaucoup d’articles intéressants, mais aussi très... longs. Alors j’imprime, en espérant une version PDF! Mais il s’agit d’une toute petite rédaction, obligée de choisir ses sujets. Etre abonné et lire seulement <em>Republik</em> ne suffit donc pas pour se tenir informé. Ce n’est pas comme la <em>Neue Zürcher Zeitung</em> ou <em>Echo der Zeit </em>sur la RTS, qui se donnent une mission généraliste, touchent un large public et jouent un rôle fondamental pour notre démocratie. A mon sens, ce type de médias «de niche» vont continuer de se développer. Mais faudra-t-il un jour s’en contenter? Avec le temps, j’apprécie de plus en plus une vraie compétence, qui tend à s’effacer. C’est ce que je déplore le plus dans le changement actuel: le sacrifice de tout un savoir au nom d’une modernisation superficielle. </p><p><strong>Dans le film, vous dites que <em>Der Bund</em> était un peu la mémoire de vos vies. Pensez-vous qu’Internet, avec sa promesse de mémoire sans limites, crée plutôt une génération d’amnésiques? </strong></p><p>C’est en effet un gros souci. C’est un peu la thèse de Douglas Rushkoff dans son fameux livre <em>Present Shock</em>, qui met en garde contre un monde où tout se passerait maintenant, dans un présent instantané sans plus de mise en perspective. Je présente mon film à des élèves et je constate leur difficulté croissante à rester concentrés. 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Dans un genre sur lequel la critique a peu de prise tant le sujet tend à primer, il faut pourtant bien reconnaître que la méthode, la sensibilité, l'art narratif et la profondeur intellectuelle du l'auteur(e) peuvent faire la différence. Et il n'en fallait pas moins pour s'attaquer à un sujet tel que Leni Riefenstahl, déjà documenté une bonne vingtaine de fois pour la télévision, notamment dans un mémorable <i>Leni Riefenstahl - Le Pouvoir des images</i> (Ray Müller, 1993). Trois décennies plus tard, avec cette fois un accès illimité aux archives personnelles de la dame, décédée en 2003 à l'âge de 101 ans, Andres Veiel n'a pas tremblé. 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Coup d'essai, coup de maître: à la fois idéaliste, féministe et mystique, <i>La Lumière bleue</i> (1932) la propulse à 30 ans cinéaste à part entière.</p> <p>C'est à ce moment qu'un collaborateur, le scénariste juif Carl Mayer, l'avertit que ce film risque bien de faire d'elle l'égérie des nazis, alors aux portes du pouvoir. En vain, puisqu'elle se jettera littéralement dans leurs bras, demandant peu après à rencontrer personnellement Adolf Hitler. Lourdement courtisée (jusqu'à une tentative de viol) par le ministre de la propagande Josef Goebbels, elle ne se donna apparemment ni à l'un ni à l'autre, finissant par épouser plutôt l'officier Hans-Peter Jacob. Mais alors même qu'elle ne jurait que par la fiction, elle se lança avec enthousiasme dans la confection de documentaires à la gloire du régime, séduite par les budgets illimités mis à sa disposition. 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Arrêtée dès la fin de la guerre, elle sera néanmoins déclarée simple <i>Mitläuferin</i> (ceux qui suivirent juste le mouvement). Autrement dit, officiellement innocentée, même si l'industrie lui fermera désormais ses portes, si ce n'est pour la sortie très retardée de <i>Tiefland</i> – un flop.</p> <p>Passé ce survol, qui regorge de documents prouvant sans le moindre doute possible qu'elle trempa jusqu'au cou dans le bain nazi, le film la montre reprendre du poil de la bête dans diverses émissions télévisées à partir des années 1970. S'il y a des choses qu'elle ne saurait nier, elle plaide sa naïveté politique, argue qu'elle n'était en fait que dans une quête artistique. Et bien sûr qu'elle n'a rien su de la «solution finale» – ce qui est fort possible, vu sa relative disgrâce qui l'éloigna du premier cercle décisionnel. Par contre, il y a tout un art de s'aveugler, qu'elle pratiqua très activement, jusqu'à devenir par là-même la porte-parle de toute une BRD (l'Allemagne de l'Ouest d'alors) qui aurait préféré ne jamais avoir à se confronter à son passé.</p> <p>Divorcée en 1947, sans revenus et réfugiée auprès de sa vieille mère, Leni Riefenstahl se refait une santé économique dès le début des années 1960 en devenant photographe. Une expédition au sud du Soudan, d'où elle rapporte des photos du peuple Nuba, sont particulièrement remarquées. Sponsorisée, elle y retournera maintes fois, albums et expositions à la clé. En 1967, c'est surtout la rencontre avec Horst Kettner, un étrange jeune homme de 40 ans son cadet qui devient son assistant et son compagnon jusqu'à la fin de sa vie. 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Mais le film rend bien perceptible un ego parfaitement proportionnel à son ambition artistique. Et en définitive, c'est bien de la place de l'artiste dans la société, du sens de son travail et de sa responsabilité humaine qu'il est question. C'est ainsi que l'idéal esthétique de Riefenstahl devient suspect en lui-même. A la question «Auriez-vous filmé de la sorte des athlètes handicapés?», la dame répond du tac au tac par un «Jamais de la vie!» scandalisé. Et si on ne saura jamais le degré de son antisémitisme, on peut là aussi soupçonner une certaine compatibilité avec le national-socialisme, elle qui s'employa très vite à effacer la participation décisive du fameux théoricien juif hongrois Béla Balász à <i>La Lumière bleue..</i>.</p> <p>Le réalisateur conclut sur des extraits parlants de deux émissions. 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Entre école, centres autogérés, collectifs de production et RSI (Radio-télévision Suisse Italophone), le désir de cinéma n'est venu que peu à peu, toujours sous le signe du politique. De <i>Volo in ombra</i> (2012) à <i>Non ho l'età</i> (2017, sur l'immigration italienne) et <i>La scomparsa di Bruno Bréguet,</i> les moyens ont grandi en fonction des sujets. Plutôt qu'une sophistication filmique ou une carrière, ce réalisateur cherche du sens en se frottant à l'histoire récente. Un parcours et une démarche qui l'ont logiquement fait atterrir, pour co-produire son dernier film, chez les Zurichois de Dschoint Ventschr (Samir, Werner Schweizer & co), une maison de production née de la contre-culture. 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Edité en 1980 par une petite maison d'édition disparue depuis et devenu quasiment introuvable, il a été réédité en 2015 en Italie et je me suis rendu à une soirée de présentation à la Casa del Popolo de Bellinzone. J'ai été très remué par cette découverte, stupéfait de ne jamais avoir entendu parler avant de ce Bréguet, si proche puisqu'il était aussi allé au lycée à Lugano mais surtout de par sa jeunesse militante. Je suis pourtant quelqu'un qui s'informe beaucoup! Il m'est donc apparu que son histoire méritait d'être approfondie et pourrait intéresser un plus large public.</p> <p><strong>Dans le film, vous citez assez peu ce livre...</strong></p> <p>Il y a des citations au début, pour évoquer ses années de prison en Israël, de 1970 à 1977. Mais ce livre ne chronique justement que cette expérience-là. Sept terribles années qui l'ont radicalisé, alors qu'au départ, il était juste ce jeune gars de 19 ans touché par le sort des Palestiniens et qui s'est dit un jour qu'il ne pouvait pas rester là sans rien faire. C'est un livre plein de rage, extrêmement dur.</p> <p><strong>Comment avez-vous retrouvé la trace de vos témoins, ces personnes qui ont connu Béguet? Et pourquoi pas de membres de la famille?</strong></p> <p>Pour la famille j'ai essayé. J'ai écrit à ses deux compagnes, les mères de ses deux enfants, mais elles ne m'ont pas répondu. Même son frère Ernesto, qui s'était tellement engagé pour lui jusqu'en 1995, n'a pas souhaité participer. Cela remue apparemment trop de souvenirs douloureux et ils ont préféré tourner la page, ce que je respecte. Pour les amis par contre, ce n'était pas bien difficile. Le Tessin n'est pas grand et tout le monde se connaît plus ou moins. De fil en aiguille, en partant du petit milieu alternatif de gauche, j'ai rencontré pas mal de gens qui l'avaient côtoyé. J'en ai retenu cinq parmi les plus pertinents, qui étaient d'accord de participer. En fait, l'un d'eux, Gianluigi Galli a été mon professeur de sociologie, et sans avoir idée, je participais déjà à un projet d'agriculture communautaire aux côtés de Claudia Ribi (par ailleurs mère de la cinéaste vaudoise Lila Ribi, ndlr)! C'est dire la proximité mais aussi la difficulté de la transmission.</p> <p><strong>Le nom de Bréguet est plutôt romand et suscite en lui-même quelques interrogations...</strong></p> <p>Cela n'est pas dans le film, mais j'ai fait quelques recherches. En fait, la famille paternelle est originaire de Coffrane, dans la Val-de-Ruz neuchâtelois, mais on n'y trouve plus de traces. Un aïeul est déjà parti s'installer en Suisse alémanique, avant que le père de Bruno ne vienne s'installer au Tessin. Il a donc été élevé à Muralto, à côté de Locarno, avec ses trois frères et sœurs. La famille parlait déjà plusieurs langues et c'est ainsi qu'il a pu devenir très tôt un «citoyen du monde» sachant l'italien, le français, l'allemand et l'anglais. Plus tard, en prison, il a encore appris l'arabe.</p> <p><strong>Et comment s'est-il engagé, puis radicalisé?</strong></p> <p>D'après toutes les descriptions, c'était un garçon très réservé et secret, qui lisait beaucoup. Les fameuses fiches fédérales contiennent le détail de sa bibliothèque. Au lycée déjà, à la fin des années 1960, il a fait des présentations sur l'énergie atomique et sur la cause palestinienne. Il a commencé à fréquenter certains groupes de gauche, toujours en retrait. Et puis un jour, il s'est rendu à Genève pour prendre contact avec la Ligue arabe, dans l'idée de se rendre utile aux Palestiniens. Après son arrestation en Israël, sa radicalisation est vraiment venue de ses longues années de prison – et encore, il n'en aura purgé que la moitié! Puis il s'est installé à Berlin avec sa première compagne, au bénéfice d'une bourse fédérale d'études universitaires... C'est à ce moment qu'il est entré en contact avec le terroriste Carlos, à l'époque le terroriste le plus recherché au monde.</p> <p><strong>A-t-on facilement accès aux archives le concernant, en tant que chercheur?</strong></p> <p>A Berne, aux Archives fédérales, ça s'est fait en plusieurs étapes. J'ai pu consulter presque tous les dossiers contre signature d'une promesse de non-divulgation. En plus du détail de sa surveillance, on y trouve même les photocopies de tous les documents est-allemands de la Stasi le concernant. Puis je suis retourné avec une demande plus précise d'utilisation de certains documents, en expliquant mon projet et son intérêt public. Ce qui n'a pas posé de problèmes. En fait, je pense que les derniers dossiers encore gardés secrets sont ceux liés à sa disparition.</p> <p><strong>Et pour essayer de retracer son parcours international?</strong></p> <p>Là, je me suis contenté d'archives de presse ou filmiques, comme l'INA. L'essentiel de son activité est alors souterraine et donc difficile à cerner. En Grèce, où il s'est insallé avec une deuxième compagne anglaise, je n'ai retrouvé que le lieu où il habitait – un village où tout le monde l'appréciait sans savoir vraiment qui il était. Mais j'ai eu la chance de pouvoir m'appuyer sur les recherches d'Adrian Hänni, qui apparaît dans le film et qui a eu accès à des archives des services secrets américains déclassifiées. C'est lui qui a révélé ce dernier chapitre inattendu du parcours de Bréguet dans son récent livre <i>Terroriste et agent de la CIA - l’incroyable histoire du Suisse Bruno Bréguet</i> (2023): désillusionné et «retourné» par la CIA, ou seulement en apparence?</p> <p><strong>Que retenez-vous essentiellement de toute cette histoire?</strong></p> <p>J'ai surtout compris que les engagements de ma génération, marquée par les manifestations anti-G8 de Gênes en 2001, l'altermondialisme, le combat écologiste ou la revendication d'espaces culturels alternatifs, n'ont rien de nouveau. Tout est lié, d'abord à travers des gens qui peuvent transmettre leur expérience, mais aussi par les concepts dont on hérite. J'ai également pu mesurer à quel point le contexte a changé. La génération de Bréguet était animée par l'idée qu'on pouvait encore changer le monde par la révolution, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Nous pouvons juste espérer améliorer des choses à petite échelle.</p> <p><strong>Et concernant Bréguet lui-même et sa dérive dans l'action violente?</strong></p> <p>Clairement, Bréguet n'a rien d'un modèle à suivre. Son histoire est tragique, jusqu'au mystère de sa disparition. S'il est facile d'avoir de la sympathie pour le jeune idéaliste qu'il était au début, son image se brouille fatalement par la suite. Les autres protagonistes du film, eux, sont restés dans le cadre d'une lutte collective et non-violente. Même Giorgio Bellini, qui a participé à l'attentat contre le pavillon d'information de la centrale de Kaiseraugst en 1979, est finalement resté sur cette ligne. Bréguet et le groupuscule autour de Carlos se sont vus comme une élite révolutionnaire et ce qu'ils ont fait est l'exact contraire des grandes manifestations ou des petites actions pacifiques auxquelles nous autres avons pu participer. Au-delà du destin de Bréguet, c'est ce contraste que le film cherche à évoquer, laissant à chacun de juger par lui-même.</p> <p><strong>La fabrication de ce film et son parcours à ce jour vous ont-ils satisfait?</strong></p> <p>La co-production avec Dschoint Ventschr a été un grand soutien. C'est ma monteuse Kathrin Plüss – qui pense s'arrêter sur ce film, quarante ans après <i>Der Grüne Berge</i> de Fredi M. Murer – qui nous a mis en contact. Karin Koch a œuvré comme productrice, mais des cinéastes aussi chevronnés que Samir ou Sabine Gisiger ont aussi apporté leurs conseils artistiques. Et pour la sortie, je ne vais pas me plaindre. Le film a été bien accueilli à Soleure et Locarno et a remporté un prix au festival du documentaire de Milan Visioni dal Mondo avant de connaître un beau succès au Tessin, où il est resté sept semaines à l'affiche. Si la sortie est nettement plus confidentielle dans le reste de la Suisse, c'est sans doute parce que le personnage y est encore plus oublié...</p> <p><strong>Auriez-vous déjà de nouveaux projets?</strong></p> <p>Je suis cinéaste indépendant, alors forcément j'y travaille. Je m'intéresse en ce moment à deux sujets, l'un concernant l'hôpital psychatrique de Mendrisio, l'autre une communauté hippie romande qui a existé dans le Malcantone, près de Lugano. 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Avec le coming out d'Ellen Page, le petite actrice canadienne adoptée par Hollywood dans les années 2000 <i>(Hard Candy, Juno, Bliss, X-Men, Inception, Free Love,</i> etc.), on passe un nouveau cap. Disparue des radars depuis le catastrophique <i>Flatliners</i> de 2017, la/le voici qui ressurgit comme Elliot Page, au terme d'une transition déjà largement rendue publique par la publication de mémoires intitulées <i>Pageboy.</i> Et le film choisi pour entériner cette transition est... un drame de la transidentité. Bref, un geste hautement politique.</p> <p>Désormais, un site comme I'Internet Movie Data Base (imbd.com) ne s'autorise même plus à offrir de renvoi à partir du nom d'Ellen Page! Par contre, le film en question, <i>Close to You</i> de Dominic Savage, un ciné-téléaste britannique de 60 ans, a bien peu de chances de rester dans les mémoires. 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Au lieu de prendre la route habituelle d'une suite ou d'un dérivé de série, le réalisateur Todd Phillips et son complice Scott Silver, co-scénariste, avaient consacré à ce fameux antagoniste de Batman un prototype vraiment adulte, aux accents psy et socio-politiques douloureux. Inspirée par <i>Taxi Driver </i>et surtout <i>The King of Comedy</i> de Martin Scorsese, leur histoire d'un comique raté qui prend une sanglante revanche en direct sur un plateau de TV et rencontre l'approbation d'un public en mal de héros avait fait l'unanimité. 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Non seulement ce bis fait parfaitement sens en termes de scénario, mais tout ce que le premier <i>Joker</i> pouvait avoir de problématique dans son nihilisme semblant faire l'apologie du chaos, s'y trouve remis en question et retravaillé. Pour donner à la clé ce qui pourrait bien être le film le plus anti-hollywoodien jamais réalisé au sein du système.</p> <h3>Un amour fou en prison</h3> <p>Première surprise, cette suite s'ouvre sur un dessin animé intitulé <i>Me and My Shadow,</i> dans le style des cartoons classiques des années 1950. En fait d'introduction rigolote, il s'agit d'un résumé de l'opus précédent qui présente le protagoniste comme dépassé par son ombre, laquelle serait responsable de ses crimes commis grimé en clown. Réalisé par le Français Sylvain Chomet <i>(Les Triplettes de Belleville, L'Illusionniste),</i> ce dessin animé qui explicite la personnalité psychotique d'Arthur Fleck n'est déjà pas très drôle. Mais ce qui va suivre sera carrément anti-<i>fun!</i> Soudain, on passe à l'écran large et à un décor carcéral bien glauque. Interné dans l'île-prison d'Alcatraz – pardon l'asile d'Arkham, univers de <i>Batman</i> oblige –, un Fleck terriblement amaigri y attend stoïquement d’être jugé. Souffre-douleur des gardiens, il croise un jour Lee Quinzel, une détenue qui participe à une chorale et qui ne tarde pas à lui déclarer son admiration en mimant un suicide, les doigts pointés sur la tempe!</p> <p>Voici déjà posé l'essentiel. Un lien improbable va naître dans ce quotidien désespérant. Planche de salut pour ce pauvre Arthur qui n'avait jamais connu d'autre amour que celui de sa mère (qu'il a tuée)? Un autre pari insensé se révèle alors, d'abord en chansons entonnées à mi-voix: transformer cette histoire en <i>musical</i> via des séquences imaginaires qui se jouent dans l'esprit du duo et inspirées quant à elles par la grande tradition hollywoodienne. Comme pour <i>Emilia Perez</i> de Jacques Audiard, il fallait oser! Mystérieusement remise en liberté, Lee – en qui les fans de <i>Batman</i> auront reconnu cette cinglée de Harley Quinn – sera dès lors présente dans le public pour soutenir Arthur une fois ouvert le procès au tribunal de Gotham City.</p> <h3>Le spectacle en question</h3> <p>Qui de l'avocate Maryanne Stewart, pleine de compassion pour son client, ou du jeune procureur Harvey Dent (le futur Two-Face), qui requiert sans sourciller la peine de mort, aura le dernier mot? Mais surtout qu'espérons-nous, public, qui sommes témoins du traitement cruel d'Arthur en prison et de cet espoir inespéré né d'un amour partagé, tout en étant également rappelés au souvenir de ses crimes? Une évasion spectaculaire ou bien que justice soit rendue? C'est là que le film devient très fort: après avoir joué avec nos fausses attentes (un film d'action à grand spectacle) et de l'effet d'identification, il nous tend un miroir. Lorsque surviennent coup sur coup deux événements inouïs, un retournement interne suivi d'un coup de théâtre externe, cette interrogation devient encore plus claire. Voulons-nous le chaos ou un semblant d'ordre, sommes-nous pour l'irresponsabilité ou pour un rappel aux actes commis?</p> <p>Les déçus affirment qu'il ne se passe quasiment rien dans ce film, qu'il n'est même pas cohérent avec son projet initial de «récit des origines». Pour ce qui est de l'action, on dira au contraire: quelle belle idée que ces personnages ramenés à une dimension réaliste, tellement plus intéressante que ces exploits répétitifs à base d'effets spéciaux. Après les images choc de la prise d'assaut du Capitole en 2021, ce retour de sobriété introspective était la meilleure chose à faire. Quant à l'étincelle qui nait dans les yeux de Joaquin Phoenix et de Lady Gaga, portée à des sommets imaginaires typiques d'une «folie à deux», elle suffit largement en termes de spectacle.</p> <p>Mais ce qui advient ensuite de leur histoire d'amour n'est pas moins captivant, ce film allant en effet jusqu'à dire la méprise, la part de malentendu dans toute histoire d'amour. Lee aime le Joker, son déguisement et son acte insensé, et non Arthur. Et de son côté, Arthur pense avoir trouvé en Lee son âme sœur, ce que cette fille de «bonne famille» mythomane n'est pas vraiment. L'un comme l'autre s'imaginent en vedettes d'un grand spectacle («<em>That's Entertainment</em>»)? C'est le comble de l'illusion romantique, qui va les voir retomber de haut. Et Todd Phillips d'enfoncer le clou jusqu'à un déchirant «<em>If you Go Away</em>», alias «Ne me quitte pas» de Brel revu par Rod McKuen, chanté au téléphone. 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Tant plastiquement qu'auditivement, le travail est impressionnant et la mise en scène souvent inspirée tandis que Joaquin Phoenix et Lady Gaga se livrent à des performances exceptionnelles. Cinéaste doué mais longtemps porté sur la facilité, comme tant de confrères juifs américains à Hollywood (un syndrome des héritiers?), le «non engagé» Todd Phillips semble, au contact de son ami Bradley Cooper (vedette de <i>The Hangover</i> et passé réalisateur de <i>A Star Is Born</i> et <i>Maestro),</i> s'être enfin réveillé à une vraie ambition d'auteur.</p> <p>Reste à savoir comment elle survivra à l'échec quasi programmé de cette auto-critique subversive, sans doute la plus radicale depuis le fameux <i>Gremlins 2</i> de Joe Dante – et en affirmant ça, on n'oublie pas toute l'œuvre impressionnante mais inaboutie de Paul Verhoeven. 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