Média indocile – nouvelle formule
Norbert Creutz
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Entretien.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1714035944_lafermedesbertrand1.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Le réalisateur Gilles Perret. © DR</em></h4> <hr /> <p><strong>Norbert Creutz</strong>: <strong>Félicitations, <i>La Ferme des Bertrand</i> est votre plus gros succès à ce jour en France et le premier film à décrocher une vraie distribution en Suisse, via Filmccoopi Zurich...</strong></p> <p><strong>Gilles Perret</strong>: En effet, et c'est assez inespéré! Il faut dire que la crise agricole actuelle nous a donné un sacré coup de pouce, même si le film ne parle bien sûr pas directement de ça. Soudain, j'ai eu accès à des médias qui ne s'étaient jamais intéressés à mon travail jusqu'ici. Et le bouche-à-oreille a particulièrement bien fonctionné. En France, on approche les 250'000 spectateurs, alors que d'habitude, je me situe dans une fourchette entre 100'000 et 200'000. 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Pour la nouvelle génération, que j'ai connue comme bébés, le regard s'est un peu inversé, puisque là, c'est moi l'aîné.</p> <p><strong>Marion Richoux</strong>: De mon côté, je suis d'Annecy. J'ai fait des études de cinéma et j'ai travaillé à la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain. Je connaissais ce premier film de Gilles, <i>Trois frères pour une vie,</i> dont la frontalité m'avait frappée mais qui n'avait presque pas eu de visibilité. Je me disais que c'était dommage et quand, après <i>Reprise en main,</i> on a cherché quel serait le projet suivant, j'ai proposé d'y revenir. C'était l'occasion de parler de tout ce qui avait changé depuis.</p> <p><strong>GP</strong>: En fait, tout est parti de Suisse, parce que ce premier film autoproduit a été primé au Festival du film alpin des Diablerets et de ce fait, acheté pour une version raccourcie par la TSR. 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On y sent une approche bienveillante, pas intimidante, qui laisse un vrai temps de parole et permet d'aborder des questions existentielles tout sauf évidentes.</p> <p><strong>GP</strong>: A l'époque, j'avais encore tout à apprendre. Je me suis formé sur le tas, avec une approche très télé-journalistique. C'est intuitivement que j'ai découvert qu'en me plaçant à hauteur d'homme, dans une interaction naturelle et sans pression, cela fonctionnait mieux. Dès qu'il y a trop de gens, ça peut devenir le bazar. Depuis, j'ai continué de tout faire tout seul, l'image et le son – sauf pour des scènes de groupe où il faut forcément une perche. Ce qu'on perd en qualité technique, on le gagne largement en termes de prise de parole et de réactivité.</p> <p><strong>A l'encontre de la crise agricole actuelle, on découvre ici une agriculture de montagne qui s'en sort plutôt bien. D'où peut-être votre film le moins militant à ce jour!</strong></p> <p><strong>GP</strong>: C'est vrai. 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En témoignent une vingtaine de titres, dont une dizaine de longs-métrages de <i>Ma Mondialisation</i> (2006), sur l'industrie du décolletage dans la vallée de l'Arve toute proche, à deux films récents avec le député Insoumis François Ruffin <i>(J'veux du soleil!</i> et <i>Debout les femmes!).</i></p> <p>Après un premier détour par la fiction tenté avec l'aide de sa compagne Marion Richoux, <i>Reprise en main</i> (ancré dans cette même réalité ouvrière, avec Pierre Deladonchamps et Laetitia Dosch), le voici qui revient au sujet de son premier film, <i>Trois frères pour une vie</i> (1999), portrait de paysans de son village. A l'époque, les trois frères restés célibataires étaient sur le point de transmettre leur exploitation laitière d’une centaine de bêtes à un neveu et son épouse. 25 ans plus tard, c'est cette dernière qui se prépare à la retraite, bientôt remplacée par des robots...</p> <p>Riche idée que cette mise en regard entre hier et aujourd'hui, qui parle de pénibilité et de progrès, de sacrifices et de transmission, d'une vie de labeur comme on ne l'imagine plus guère. Simple et direct, mais réalisé dans une relation de proximité et de confiance rares, <i>La Ferme des Bertrand</i> n'en est que plus frappant, tout en abordant nombre de questions cruciales d'aujourd'hui. 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Pour la nouvelle génération, que j'ai connue comme bébés, le regard s'est un peu inversé, puisque là, c'est moi l'aîné.</p> <p><strong>Marion Richoux</strong>: De mon côté, je suis d'Annecy. J'ai fait des études de cinéma et j'ai travaillé à la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain. Je connaissais ce premier film de Gilles, <i>Trois frères pour une vie,</i> dont la frontalité m'avait frappée mais qui n'avait presque pas eu de visibilité. Je me disais que c'était dommage et quand, après <i>Reprise en main,</i> on a cherché quel serait le projet suivant, j'ai proposé d'y revenir. C'était l'occasion de parler de tout ce qui avait changé depuis.</p> <p><strong>GP</strong>: En fait, tout est parti de Suisse, parce que ce premier film autoproduit a été primé au Festival du film alpin des Diablerets et de ce fait, acheté pour une version raccourcie par la TSR. C'est cet achat qui a lancé la machine... </p> <p><strong>On voit aussi dans le film une achive TV en noir et blanc avec les trois frères, Jean, Joseph et André, en 1972. D'où provient-elle?</strong></p> <p><strong>GP</strong>: Elle figurait déjà dans le film de 1999. Je m'étais souvenu de l'événement qu'avait été la venue de la télé dans notre hameau – je devais avoir 4 ou 5 ans – et j'étais donc parti à sa recherche. Avant l'apparation de reportages télévisés plus formatés, c'était une sorte d'émission de promotion rurale à l'intention des paysans eux-mêmes, diffusée sur un créneau spécifique de FR3. Retrouver ça n'a pas été une mince affaire!</p> <p><strong>MR</strong>: En fait, je pense que ces images ont aussi influencé Gilles dans sa manière de faire. On y sent une approche bienveillante, pas intimidante, qui laisse un vrai temps de parole et permet d'aborder des questions existentielles tout sauf évidentes.</p> <p><strong>GP</strong>: A l'époque, j'avais encore tout à apprendre. Je me suis formé sur le tas, avec une approche très télé-journalistique. C'est intuitivement que j'ai découvert qu'en me plaçant à hauteur d'homme, dans une interaction naturelle et sans pression, cela fonctionnait mieux. Dès qu'il y a trop de gens, ça peut devenir le bazar. Depuis, j'ai continué de tout faire tout seul, l'image et le son – sauf pour des scènes de groupe où il faut forcément une perche. Ce qu'on perd en qualité technique, on le gagne largement en termes de prise de parole et de réactivité.</p> <p><strong>A l'encontre de la crise agricole actuelle, on découvre ici une agriculture de montagne qui s'en sort plutôt bien. D'où peut-être votre film le moins militant à ce jour!</strong></p> <p><strong>GP</strong>: C'est vrai. Contre les discours politiques qui simplifient, cela rappelle qu'il existe en France beaucoup de réalités rurales très différentes. Ici, derrière les trois frères qui ont souffert pour tout mettre en place, on a une génération qui a vraiment choisi ce métier et qui en vit bien, parvenant à réinvestir sans surendettement. A priori, on peut ne pas voir la robotisation de la traite d'un très bon œil, mais de leur point de vue c'est un réel progrès. Leur modèle fonctionne bien, sous la protection de l'AOC Reblochon. Car il faut se rendre compte que c'est grâce à elle que leur lait est payé deux fois plus cher qu'un lait de plaine, qui lui est en concurrence avec d'autres laits européens.... Même si ce n'est pas explicite dans le film, je tiens à ramener cette dimension politique dans les débats. Alors que de nombreux paysans clament qu'ils veulent moins de règles, surtout environnementales, ici, ce sont bien les règles contraignantes édictées par l'AOC qui les protègent!</p> <p><strong>MR</strong>: C'est un film où il y a beaucoup de thèmes sous-jacents, en particulier du fait que tout est appréhendé sur le temps long. Le montage non-chronologique, qui fait des retours dans le passé, permet de se rendre compte de tout ce qui a évolué. Cadré sous le même angle, le paysage n'a peut-être pas changé, mais on voit la ferme se moderniser, le travail se mécaniser, les gens prendre de l'âge et la vie passer...</p> <p><strong>Tout documentaire est forcément sélectif. Ici, on se demande ce que ces paysans font à part travailler du matin au soir. Il n'y a donc pas de place pour d'autres passions?</strong></p> <p><strong>GP</strong>: Les trois frères n'ont pas vraiment connu de loisirs, encore moins pris de vacances. Et l'heure de la retraite arrivée, ils n'en manifestent pas le désir. Mais c'était des gens étonnamment érudits et intéressés, capables de discuter d'autres sujets que juste leur travail! Le grand-père était un grand lecteur et il leur avait transmis ça. André, celui qui est encore en vie et qui tire un bilan plutôt amer de leur existence, sans femmes pour la partager, lit toujours le <i>Courrier International!</i> Ils ont aussi un peu regardé la TV, même si on ne la voit pas: elle était cachée dans un coin sous un tissu, dans cet intérieur d'une totale austérité.</p> <p><strong>MR</strong>: Il a bien fallu se focaliser sur la ferme, la question de sa survie économique et de sa transmission. Si la nouvelle génération est parvenue à prendre sa place dans le film, ce n'était pas du tout évident au début, face à des personnages tels que ces trois oncles! Au bout du compte, malgré les inévitables «oublis», ils se sont tous déclarés satisfaits de l'image qu'on donne du métier. Même le vieil André, en général si négatif.</p> <p><strong>Les thèmes du regroupement des terres, de la construction galopante, de l'écologie et du réchauffement climatique sont juste effleurés. Que peut-on en dire?</strong></p> <p><strong>GP</strong>: Le regroupement foncier s'est fait naturellement, en parallèle à la mécanisation. A présent, les Bertrand possèdent la moitié des terres à Quincy et gèrent tout le reste. Mais si le hameau est resté inchangé, au contraire d'autres villages de la même commune où la population a doublé, c'est bien grâce à son classement comme terrain agricole. Encore une règle salutaire! Parce qu'entre l'industrie de la vallée de l'Arve, le tourisme et la proximité de Genève, la pression démographique est très forte dans la région. Sans même parler des résidences secondaires...</p> <p><strong>MR</strong>: Même si André paraît se moquer de ces écologistes citadins, il faut aussi voir que dans la pratique, on trouverait difficilement plus vertueux que lui! En termes de bilan carbone, on est tous loin derrière, même si la nouvelle génération n'en est évidemment plus là non plus. Dans le film, on voit encore comment l'entretien du paysage et le bien-être de leurs vaches leur ont toujours tenu à cœur. Comme quoi les paysans ne sont pas forcément les ennemis de l'écologie.</p> <p><strong>GP</strong>: Quant au réchauffement climatique, je dirais qu'ils ne sont pas dans la panique, plutôt dans l'anticipation. Les foins se font déjà plus tôt dans l'année et les retours à l'étable plus tard. Alors, ils se préparent à des années avec «deux hivers»: c'est-à dire qu'en plein été aussi il va falloir rentrer les vaches pendant un ou deux mois. Cela paraît inéluctable quand on voit toute la neige qui a déjà disparu en hiver, les pics de chaleur et la sécheresse qui commence à s'installer en été. 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Culture / (Re)localisation au pays du Reblochon
Sur les écrans depuis une semaine, le documentaire français «La Ferme des Bertrand» nous rapproche d'un monde rural trop ignoré. Son grand atout est de travailler sur trois temps, retraçant ainsi cinquante ans d'évolutions dans une ferme d'élevage de Haute-Savoie où – surprise – tout ne va pas si mal. Rencontre avec ses auteurs, Gilles Perret et Marion Richoux.
Norbert Creutz
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Puis le cinéma a commencé à s'intéresser à elle, Laëtitia Masson (non-)adaptant de manière originale <i>Pourquoi (pas) le Brésil</i> bien avant qu'une Claire Denis peu inspirée n'illustre ses scénarios <i>Un Beau soleil intérieur</i> et <i>Avec amour et acharnement.</i> Quant à l'adaptation d'<i>Un amour impossible</i> par Catherine Corsini, elle est hélas restée inédite sous nos cieux.</p> <p>Tout cela pour dire que lorsque dame Angot décide de faire un film, ce n'est pas en oie blanche qu'elle débarque, mais entourée de grands professionnels, de ses producteurs (Alice Girard et Bertrand Faivre) à sa cheffe opératrice (Caroline Champetier). Et qu'il convient donc de prendre le résultat au sérieux, d'autant plus qu'elle est devenue une icône pour toute une nouvelle vague féminine. L'ennui, c'est qu'<i>Une Famille</i> est aussi la suite de sa vingtaine de productions littéraires et que forcément, si on a manqué les épisodes précédents, la perception s'en ressent. Est-ce la raison pour laquelle j'ai ressenti un fort tiraillement entre adhésion et réserves, bien loin du concert de louanges des collègues français?</p> <h3>Demander des comptes</h3> <p>Dans ce film, Christine Angot va en gros demander des comptes à ceux auxquels elle reproche de n'être pas intervenus lorsqu'elle a subi un inceste de la part de son père, entre 13 et 16 ans, alors qu'elle et lui venaient de faire connaissance (il avait quitté sa mère et Châteauroux avant sa naissance). Le déclencheur est un passage par Strasbourg, où vit l'épouse de son père décédé en 1999. Appliquant la méthode du pied dans la porte, Angot force l'entrée et confronte (avec caméra et perche son) une dame d'un certain âge. N'obtenant que de vagues excuses de cette digne bourgeoise germanique qui prétend n'avoir rien su de l'inceste qui a eu lieu sous ce même toit, elle repart à peine moins fâchée. Qui croire? La violence employée ne plaide pas forcément en faveur de celle qui réclame des excuses...</p> <p>Suit heureusement toute une remise en contexte, avec narration en voix off et images d'archives familiales qui montrent l'enfant puis la belle jeune femme, épouse et mère, que Christine Angot a aussi été. Les mots choisis sonnent juste, les images habilement amenées touchent, sa jeunesse saccagée ne fait aucun doute derrière une apparence faussement tranquille. S'ensuivent d'autres rencontres, avec son ex-mari, sa mère et pour finir sa propre fille, qui justifient pleinement le titre d'<i>Une famille.</i> Drôle de famille, ou plutôt infiniment triste.</p> <h3>Posture victimaire problématique</h3> <p>Et puis, il y a aussi l'évocation du tribunal médiatique qu'Angot a subi depuis la publication de <i>L'Inceste,</i> en 1999. Pièce à conviction, cet extrait devenu célèbre qui la voit quitter le plateau de l'émission <i>Tout le monde en parle</i> alors que Thierry Ardisson insiste qu'ils «s'amusaient si bien». Là, on est totalement de son côté et on les bafferait tous volontiers. Mais n'est-ce pas la même Angot qui un peu plus tard, «bonne cliente» du petit écran malgré tout, alla jusqu'à en devenir une chroniqueuse zélée? Bref, il y a là une dimension de plaidoyer <em>pro</em> <em>domo</em> sélectif dont il convient de de pas être dupe.</p> <p>La rencontre la plus révélatrice est celle, douce-amère, avec son ex-mari, qui fut lui-même victime d'un viol dans son enfance. Survient alors ce moment où elle lui reproche de ne pas être intervenu alors que, dans leur maison à Nice, elle «rechutait» avec son père à l'étage. Lui se défend en affirmant que c'était par respect pour sa personne, supposant qu'à ce moment de sa vie elle devait savoir ce qu'elle faisait. Ignoble lâcheté ou au contraire retenue admirable? Apparaît alors, aveuglante, l'infinie complexité de ces histoires d'emprise et de consentement, de désir et de honte, de demande d'amour et de responsabilité qui peut fluctuer avec le temps. Car à ce moment, qui est la victime, surtout si cette histoire a mené à l'éclatement de leur couple?</p> <p>Toute à sa posture victimaire, Christine Angot ne peut envisager un regard extérieur différent du sien, admettre ne serait-ce qu'une hésitation. Lorsqu'elle fait intervenir son compagnon antillais, le musicien Charly Clovis, c'est pire encore: elle lui coupe simplement la parole par une coupe de montage. Apparemment, sa réponse était hors sujet ou alors ne lui a pas convenu... La seule question qui vaille vraiment, elle la pose en fin de compte à nous tous: «Comment un homme peut-il faire ça, se l'autoriser moralement?» Autrement dit, comment un homme peut-il abuser d'une enfant qui, de surcroît, est sa propre fille? En l'absence de l'intéressé, nous n'en aurons jamais la réponse. Dès lors, à moins d'aller la chercher dans d'autres histoires, l'écrivain-cinéaste autocentrée se condamne à tourner en rond.</p> <h3>Creuser son trou ou en sortir</h3> <p>«J'en ai marre de parler de ça, j'en ai marre que mon travail soit envahi par ça…» se lamente vers la fin Christine Angot, aujourd'hui 65 ans. Et encore une fois, ses accents sonnent parfaitement sincères. Mais la réalité, c'est qu'on peut aussi la soupçonner d'avoir creusé son propre trou, de se complaire dans ce malheur, surtout depuis qu'il est devenu la clé de son succès. Même la prise de connaissance du journal intime de sa mère, qui s'arrête le jour où celle-ci a décidé de passer à autre chose après trop de malentendus, ne saurait l'aider. Elle-même ne peut ou ne veut pas. 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Puis le cinéma a commencé à s'intéresser à elle, Laëtitia Masson (non-)adaptant de manière originale <i>Pourquoi (pas) le Brésil</i> bien avant qu'une Claire Denis peu inspirée n'illustre ses scénarios <i>Un Beau soleil intérieur</i> et <i>Avec amour et acharnement.</i> Quant à l'adaptation d'<i>Un amour impossible</i> par Catherine Corsini, elle est hélas restée inédite sous nos cieux.</p> <p>Tout cela pour dire que lorsque dame Angot décide de faire un film, ce n'est pas en oie blanche qu'elle débarque, mais entourée de grands professionnels, de ses producteurs (Alice Girard et Bertrand Faivre) à sa cheffe opératrice (Caroline Champetier). Et qu'il convient donc de prendre le résultat au sérieux, d'autant plus qu'elle est devenue une icône pour toute une nouvelle vague féminine. L'ennui, c'est qu'<i>Une Famille</i> est aussi la suite de sa vingtaine de productions littéraires et que forcément, si on a manqué les épisodes précédents, la perception s'en ressent. Est-ce la raison pour laquelle j'ai ressenti un fort tiraillement entre adhésion et réserves, bien loin du concert de louanges des collègues français?</p> <h3>Demander des comptes</h3> <p>Dans ce film, Christine Angot va en gros demander des comptes à ceux auxquels elle reproche de n'être pas intervenus lorsqu'elle a subi un inceste de la part de son père, entre 13 et 16 ans, alors qu'elle et lui venaient de faire connaissance (il avait quitté sa mère et Châteauroux avant sa naissance). Le déclencheur est un passage par Strasbourg, où vit l'épouse de son père décédé en 1999. Appliquant la méthode du pied dans la porte, Angot force l'entrée et confronte (avec caméra et perche son) une dame d'un certain âge. N'obtenant que de vagues excuses de cette digne bourgeoise germanique qui prétend n'avoir rien su de l'inceste qui a eu lieu sous ce même toit, elle repart à peine moins fâchée. Qui croire? 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Pièce à conviction, cet extrait devenu célèbre qui la voit quitter le plateau de l'émission <i>Tout le monde en parle</i> alors que Thierry Ardisson insiste qu'ils «s'amusaient si bien». Là, on est totalement de son côté et on les bafferait tous volontiers. Mais n'est-ce pas la même Angot qui un peu plus tard, «bonne cliente» du petit écran malgré tout, alla jusqu'à en devenir une chroniqueuse zélée? Bref, il y a là une dimension de plaidoyer <em>pro</em> <em>domo</em> sélectif dont il convient de de pas être dupe.</p> <p>La rencontre la plus révélatrice est celle, douce-amère, avec son ex-mari, qui fut lui-même victime d'un viol dans son enfance. Survient alors ce moment où elle lui reproche de ne pas être intervenu alors que, dans leur maison à Nice, elle «rechutait» avec son père à l'étage. Lui se défend en affirmant que c'était par respect pour sa personne, supposant qu'à ce moment de sa vie elle devait savoir ce qu'elle faisait. Ignoble lâcheté ou au contraire retenue admirable? Apparaît alors, aveuglante, l'infinie complexité de ces histoires d'emprise et de consentement, de désir et de honte, de demande d'amour et de responsabilité qui peut fluctuer avec le temps. Car à ce moment, qui est la victime, surtout si cette histoire a mené à l'éclatement de leur couple?</p> <p>Toute à sa posture victimaire, Christine Angot ne peut envisager un regard extérieur différent du sien, admettre ne serait-ce qu'une hésitation. Lorsqu'elle fait intervenir son compagnon antillais, le musicien Charly Clovis, c'est pire encore: elle lui coupe simplement la parole par une coupe de montage. Apparemment, sa réponse était hors sujet ou alors ne lui a pas convenu... La seule question qui vaille vraiment, elle la pose en fin de compte à nous tous: «Comment un homme peut-il faire ça, se l'autoriser moralement?» Autrement dit, comment un homme peut-il abuser d'une enfant qui, de surcroît, est sa propre fille? En l'absence de l'intéressé, nous n'en aurons jamais la réponse. 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Un peu de baume sur son cœur n'arrive que lorsque sa popre fille trouve enfin les mots qu'elle attendait: «Maman, je suis si désolée qu'il te soit arrivé ça.» Retrouvailles émouvantes sur fond de Méditerrannée apaisante.</p> <p>A l'évidence, c'est aussi mis en scène que le final d'un autre remarquable documentaire actuellement sur nos écrans, <i>Joan Baez – I Am a Noise,</i> où l'on découvrait avec stupéfaction qu'elle aussi, apparemment... Sauf que la chanteuse américaine, militante généreuse de toutes les causes, l'avait occulté jusqu'au déni dans un contexte familial pour finir lui aussi saccagé. Ce sont là deux attitudes très différentes qui se répondent, dans deux films très contrôlés (même si Joan Baez n'est pas officiellement réalisatrice du sien). L'essentiel est de ne pas perdre de vue que même dans un documentaire, tout est affaire de construction d'une image et d'un récit qu'on veut transmettre et qui n'est pas forcément toute la réalité.</p> <hr /> <p><iframe frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/gclctKacOHI?si=P48IKpyk3uV9bMnv" title="YouTube video player" width="560"></iframe></p> <h4>«Une Famille», documentaire de Christine Angot (France, 2024). 1h22</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'le-film-de-madame-angot', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 22, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2414, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {}, (int) 1 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Culture / Le film de madame Angot
Salué par une presse unanime, «Une Famille» de Christine Angot est un premier film qui prouve surtout le nouveau statut d'intouchable de son auteure, quasiment sanctifiée par le mouvement #MeToo. Pourtant, c'est un «auto-documentaire» passionnant qui mérite qu'on s'y attarde avec un minimum de circonspection.
Norbert Creutz
B Article réservé aux abonnés
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Ne reste pour l'instant plus que le Ciné 17 de Genève, qui sort le film le 10 avril – qu'on se le dise.</p> <h3>C'est quoi, ce <i>Palace?</i></h3> <p>Car enfin, ce n'est «que» d'une œuvre qu'il sagit, pas d'anciennes affaires de mœurs sur lesquelles nous n'avons ni les moyens ni l'autorité pour juger! Et <i>The Palace,</i> malgré tous les bâtons mis dans ses roues, vaut largement le détour. Peut-être que seuls ceux qui se souviennent encore de <i>What? </i>(1972), la dernière franche comédie de Polanski, comprendront vraiment d'où sort ce film absurde et grotesque, cosmopolite en diable et peuplé de monstres tous plus ou moins escrocs. Après une villa isolée au bord la Méditerranée, c'est dans un grand hôtel de l'Oberland bernois – à Gstaad, où il possède un chalet et passa une année en résidence surveillée sous la menace d'une extradition aux Etats-Unis – que notre auteur a situé sa nouvelle farce. Et à la place de son vieux complice Gérard Brach, décédé en 2006, c'est cette fois son ami de jeunesse Skolimowski qui, avec son épouse Ewa Piaskowska, co-signe le scénario. Soixante ans après leur mémorable collaboration du <i>Couteau dans l'eau,</i> un bel exemple de fidélité.</p> <p>Pays hôte, la Suisse n'en sort pas grandie, et on peut dès lors comprendre que la Confédération n'ait pas lâché le moindre centime au courageux co-producteur CAB Films. Mais elle n'est de loin pas la seule à en prendre pour son grade dans ce qui s'apparente à un grand jeu de massacre géopolitique. Seul épargné, ce «reste du monde», pays du Golfe, Chine, Inde ou Brésil, qui n'a atteint le statut puissance mondiale qu'après l'an 2000. Ce règlement de comptes est donc avec l'ancien monde, celui du XXème siècle qu'a traversé Polanski, aujourd'hui âgé de 90 ans. Mais il concerne tout autant une certaine «belle» société huppée qu'il a aussi côtoyée. Et là, il y a peu de chances que quoi que ce soit ait changé depuis, les nouveaux riches valant bien les anciens.</p> <h3>Jeunesse qui s'enfuit, argent aux abris</h3> <p>Tout commence donc avec l'arrivée des convives pour un réveillon du millénaire qui s'annonce festif tandis que le personnel s'active pour leur accueil. Hansueli Kopf, l'impeccable directeur du palace (Oliver Masucci, un des principaux acteurs allemands actuels), sera particulièrement mis à contribution. Il est le clown blanc de l'affaire, qui se plie aux exigences les plus extravagantes de ses hôtes, arrangeant des services discrets par-ci et éteignant des incendies par-là avec l'aide de ses adjoints Tonino (Fortunato Cerlino) et Mrs. Frautschi (Beatrice Frey). Et parmi les habitués déjà installés, qui d'autre pour ouvrir le bal que... Sydne Rome, l'héroïne de <i>What?</i></p> <p>Las! Ex-beauté d'une fraîcheur exquise, cette juive américaine installée en Italie n'est plus que l'ombre d'elle-même après trop de passages sous les bistouris (à sa décharge, dans la vie réelle, c'est suite à un accident de voiture lors duquel un airbag lui explosa au visage). Vitrine de tous les autres «monstres» à venir, elle remercie un certain Dr. Lima (Joaquim de Almeida, star portugaise du cinéma international) pour les années de jeunesse qu'il lui aurait fait gagner. Très demandé, ce prince de la chirurgie esthétique ne se souvient pas des noms de ses innombrables patientes, plus préoccupé qu'il est par une épouse gagnée par Alzheimer. Claquemurée dans sa suite, une autre de ses clientes, une marquise française (Fanny Ardant), voue son affection à son petit chien Mr. Toby. Mais un souci d'écoulement lui fait bientôt reporter son intérêt sur Karol, un beau plombier polonais.</p> <p>Et ainsi vogue la comédie, de chambre en chambre et de nouvel arrivant en nouvelle crise. Il y a là l'octogéraire milliardaire américain Arthur William Dallas III (John Cleese, des Monty Python) et Magnolia, sa jeune épouse texane enveloppée (la non moins britannique Bronwyn James), surtout intéressée à hériter. Autre Américain quoique d'âge indéfinissable grâce à sa moumoute et son fond de teint orangé, Bill Crush (Mickey Rourke, ou ce qu'il en reste) est un escroc qui s'est invité sans réservation pour faire affaire avec Jacob Tell (Milan Peschel, autre excellent comédien allemand), un timide banquier suisse. Mais qui est donc ce Vaclav, surgi de quelque pays d'Europe centrale avec femme et enfants, qui se présente soudain comme son fils? A l'autre bout du spectre, voici un groupe de jeunes et bruyants oligarques russes avec leurs blondes escorts venus retrouver un ambassadeur corrompu avec des sacs remplis de billets à «blanchir». Trop volumineux pour être accueillis par le safe de l'hôtel, ils trouveront place dans l'abri anti-atomique...</p> <h3>La vanité des monstres</h3> <p>On peut trouver le trait gros, mais la caricature à la Daumier est précise et cruelle, de même que la mise en scène reste affûtée. Par moments, Polanski manque visiblement de moyens (l'envol depuis un balcon qui révèle enfin l'ensemble du bâtiment, réalisé en effets spéciaux) et ses blagues ne sont pas toujours du meilleur goût, comme celles concernant le signor Minetti, alias Bongo, ancienne star du porno bien membré (Luca Barbareschi, complice de longue date et principal producteur du film). Mais un pansement bien placé en souvenir de <i>Chinatown</i> a tôt fait de nous le rendre plus amusant. En fait, tous se valent dans cette grande course à l'argent, contre le temps qui file et qui finira tout de même par les rattraper.</p> <p>Mr. Crush veut convaincre Tell de parier avec lui sur le «bug» informatique prédit pour l'an 2000. A la télévision, en direct, un Boris Eltsine épuisé passe la main à un jeune successeur prometteur, un certain Vladimir Poutine, lequel assure un peu plus tard à tous la protection d'un Etat de droit. Un pingouin offert par le vieux milliardaire à sa petit-fille – pardon, sa jeune épouse – s'échappe dans les couloirs de l'hôtel, pauvre petit intrus dans ce monde de fous. Pour finir, il y aura des morts, mais on ne dévoilera pas ici lesquelles. Par contre, il n'y pas de mal à révéler que, de manière parfaitement réaliste, les riches resteront riches et la Suisse saura en profiter. Quant à Tell, il sortira de là tout ébaudi, déclarant avoir vécu là «la plus belle soirée de sa vie». Clin d'œil au titre du film qu'Ettore Scola tira en 1972 de <i>La Panne</i> de Friedrich Dürrenmatt?</p> <p>Toujours est-il que c'est bien la satire jusqu'au-boutiste des dernières grandes comédies italiennes qui vient ici à l'esprit (bien plus que les récents <i>Youth</i> de Paolo Sorrentino ou <i>Sans filtre/Triangle of Sadness</i> de Ruben Östlund). C'est comme si Polanski avait choisi de rester un cinéaste du siècle passé, pour le meilleur et pour le pire. Quant à l'humour, il n'y a bien sûr rien de plus personnel. Par le passé, il est arrivé au cinéaste de toucher le grand public <i>(Cul-de-sac, Le Bal des vampires)</i> comme de rater sa cible <i>(What?, Pirates). </i>Pour notre part, nous nous sommes bien amusés. En tous cas, ne croyez pas ceux qui clament que Polanski serait soudain devenu gâteux et aurait perdu tout talent. Secondé par ses fidèles collaborateurs, le monteur Hervé de Luze (12ème film en commun), le chef opérateur Pawel Edelman (8ème) et le compositeur Alexandre Desplat (6ème), réunis depuis <i>The Ghost Writer</i> et ses ennuis helvétiques de 2009, cet éternel fugitif a réalisé le film qu'il voulait. Sans doute le dernier d'un esprit libre, qui aura estimé qu'il n'avait plus rien à perdre.</p> <hr /> <p>(<strong>Rédaction</strong>) <em>Nous apprenons que le producteur-délégué du film de Polanski, Jean-Louis Porchet, a été victime d’un grave accident de circulation le dimanche 24 mars, près de Rivaz. Il se trouve dans un état grave au CHUV, à Lausanne. Sa société, CAB-Productions, établie à Lausanne, connaît de sérieuses difficultés en raison du boycott dans quasiment toutes les salles suisses de cette œuvre tournée à Gstaad, avec un grand nombre de techniciens locaux. 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Ne reste pour l'instant plus que le Ciné 17 de Genève, qui sort le film le 10 avril – qu'on se le dise.</p> <h3>C'est quoi, ce <i>Palace?</i></h3> <p>Car enfin, ce n'est «que» d'une œuvre qu'il sagit, pas d'anciennes affaires de mœurs sur lesquelles nous n'avons ni les moyens ni l'autorité pour juger! Et <i>The Palace,</i> malgré tous les bâtons mis dans ses roues, vaut largement le détour. Peut-être que seuls ceux qui se souviennent encore de <i>What? </i>(1972), la dernière franche comédie de Polanski, comprendront vraiment d'où sort ce film absurde et grotesque, cosmopolite en diable et peuplé de monstres tous plus ou moins escrocs. Après une villa isolée au bord la Méditerranée, c'est dans un grand hôtel de l'Oberland bernois – à Gstaad, où il possède un chalet et passa une année en résidence surveillée sous la menace d'une extradition aux Etats-Unis – que notre auteur a situé sa nouvelle farce. Et à la place de son vieux complice Gérard Brach, décédé en 2006, c'est cette fois son ami de jeunesse Skolimowski qui, avec son épouse Ewa Piaskowska, co-signe le scénario. Soixante ans après leur mémorable collaboration du <i>Couteau dans l'eau,</i> un bel exemple de fidélité.</p> <p>Pays hôte, la Suisse n'en sort pas grandie, et on peut dès lors comprendre que la Confédération n'ait pas lâché le moindre centime au courageux co-producteur CAB Films. Mais elle n'est de loin pas la seule à en prendre pour son grade dans ce qui s'apparente à un grand jeu de massacre géopolitique. Seul épargné, ce «reste du monde», pays du Golfe, Chine, Inde ou Brésil, qui n'a atteint le statut puissance mondiale qu'après l'an 2000. Ce règlement de comptes est donc avec l'ancien monde, celui du XXème siècle qu'a traversé Polanski, aujourd'hui âgé de 90 ans. Mais il concerne tout autant une certaine «belle» société huppée qu'il a aussi côtoyée. Et là, il y a peu de chances que quoi que ce soit ait changé depuis, les nouveaux riches valant bien les anciens.</p> <h3>Jeunesse qui s'enfuit, argent aux abris</h3> <p>Tout commence donc avec l'arrivée des convives pour un réveillon du millénaire qui s'annonce festif tandis que le personnel s'active pour leur accueil. Hansueli Kopf, l'impeccable directeur du palace (Oliver Masucci, un des principaux acteurs allemands actuels), sera particulièrement mis à contribution. Il est le clown blanc de l'affaire, qui se plie aux exigences les plus extravagantes de ses hôtes, arrangeant des services discrets par-ci et éteignant des incendies par-là avec l'aide de ses adjoints Tonino (Fortunato Cerlino) et Mrs. Frautschi (Beatrice Frey). Et parmi les habitués déjà installés, qui d'autre pour ouvrir le bal que... Sydne Rome, l'héroïne de <i>What?</i></p> <p>Las! Ex-beauté d'une fraîcheur exquise, cette juive américaine installée en Italie n'est plus que l'ombre d'elle-même après trop de passages sous les bistouris (à sa décharge, dans la vie réelle, c'est suite à un accident de voiture lors duquel un airbag lui explosa au visage). Vitrine de tous les autres «monstres» à venir, elle remercie un certain Dr. Lima (Joaquim de Almeida, star portugaise du cinéma international) pour les années de jeunesse qu'il lui aurait fait gagner. Très demandé, ce prince de la chirurgie esthétique ne se souvient pas des noms de ses innombrables patientes, plus préoccupé qu'il est par une épouse gagnée par Alzheimer. Claquemurée dans sa suite, une autre de ses clientes, une marquise française (Fanny Ardant), voue son affection à son petit chien Mr. Toby. Mais un souci d'écoulement lui fait bientôt reporter son intérêt sur Karol, un beau plombier polonais.</p> <p>Et ainsi vogue la comédie, de chambre en chambre et de nouvel arrivant en nouvelle crise. Il y a là l'octogéraire milliardaire américain Arthur William Dallas III (John Cleese, des Monty Python) et Magnolia, sa jeune épouse texane enveloppée (la non moins britannique Bronwyn James), surtout intéressée à hériter. Autre Américain quoique d'âge indéfinissable grâce à sa moumoute et son fond de teint orangé, Bill Crush (Mickey Rourke, ou ce qu'il en reste) est un escroc qui s'est invité sans réservation pour faire affaire avec Jacob Tell (Milan Peschel, autre excellent comédien allemand), un timide banquier suisse. Mais qui est donc ce Vaclav, surgi de quelque pays d'Europe centrale avec femme et enfants, qui se présente soudain comme son fils? A l'autre bout du spectre, voici un groupe de jeunes et bruyants oligarques russes avec leurs blondes escorts venus retrouver un ambassadeur corrompu avec des sacs remplis de billets à «blanchir». Trop volumineux pour être accueillis par le safe de l'hôtel, ils trouveront place dans l'abri anti-atomique...</p> <h3>La vanité des monstres</h3> <p>On peut trouver le trait gros, mais la caricature à la Daumier est précise et cruelle, de même que la mise en scène reste affûtée. Par moments, Polanski manque visiblement de moyens (l'envol depuis un balcon qui révèle enfin l'ensemble du bâtiment, réalisé en effets spéciaux) et ses blagues ne sont pas toujours du meilleur goût, comme celles concernant le signor Minetti, alias Bongo, ancienne star du porno bien membré (Luca Barbareschi, complice de longue date et principal producteur du film). Mais un pansement bien placé en souvenir de <i>Chinatown</i> a tôt fait de nous le rendre plus amusant. En fait, tous se valent dans cette grande course à l'argent, contre le temps qui file et qui finira tout de même par les rattraper.</p> <p>Mr. Crush veut convaincre Tell de parier avec lui sur le «bug» informatique prédit pour l'an 2000. A la télévision, en direct, un Boris Eltsine épuisé passe la main à un jeune successeur prometteur, un certain Vladimir Poutine, lequel assure un peu plus tard à tous la protection d'un Etat de droit. Un pingouin offert par le vieux milliardaire à sa petit-fille – pardon, sa jeune épouse – s'échappe dans les couloirs de l'hôtel, pauvre petit intrus dans ce monde de fous. Pour finir, il y aura des morts, mais on ne dévoilera pas ici lesquelles. Par contre, il n'y pas de mal à révéler que, de manière parfaitement réaliste, les riches resteront riches et la Suisse saura en profiter. Quant à Tell, il sortira de là tout ébaudi, déclarant avoir vécu là «la plus belle soirée de sa vie». Clin d'œil au titre du film qu'Ettore Scola tira en 1972 de <i>La Panne</i> de Friedrich Dürrenmatt?</p> <p>Toujours est-il que c'est bien la satire jusqu'au-boutiste des dernières grandes comédies italiennes qui vient ici à l'esprit (bien plus que les récents <i>Youth</i> de Paolo Sorrentino ou <i>Sans filtre/Triangle of Sadness</i> de Ruben Östlund). C'est comme si Polanski avait choisi de rester un cinéaste du siècle passé, pour le meilleur et pour le pire. Quant à l'humour, il n'y a bien sûr rien de plus personnel. Par le passé, il est arrivé au cinéaste de toucher le grand public <i>(Cul-de-sac, Le Bal des vampires)</i> comme de rater sa cible <i>(What?, Pirates). </i>Pour notre part, nous nous sommes bien amusés. En tous cas, ne croyez pas ceux qui clament que Polanski serait soudain devenu gâteux et aurait perdu tout talent. Secondé par ses fidèles collaborateurs, le monteur Hervé de Luze (12ème film en commun), le chef opérateur Pawel Edelman (8ème) et le compositeur Alexandre Desplat (6ème), réunis depuis <i>The Ghost Writer</i> et ses ennuis helvétiques de 2009, cet éternel fugitif a réalisé le film qu'il voulait. Sans doute le dernier d'un esprit libre, qui aura estimé qu'il n'avait plus rien à perdre.</p> <hr /> <p>(<strong>Rédaction</strong>) <em>Nous apprenons que le producteur-délégué du film de Polanski, Jean-Louis Porchet, a été victime d’un grave accident de circulation le dimanche 24 mars, près de Rivaz. Il se trouve dans un état grave au CHUV, à Lausanne. Sa société, CAB-Productions, établie à Lausanne, connaît de sérieuses difficultés en raison du boycott dans quasiment toutes les salles suisses de cette œuvre tournée à Gstaad, avec un grand nombre de techniciens locaux. Ce qui d’ailleurs, outre la notoriété du réalisateur, n’a pas suffi à convaincre la RTS, Cinéforom et l’Office fédéral de la Culture de soutenir le projet. 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Culture / Jeu de massacre à Gstaad
Film maudit depuis sa présentation à la dernière Mostra de Venise, «The Palace» de Roman Polanski est une comédie satirique sauvage située dans un grand hôtel au tournant de l'an 2000. Sans doute pas du meilleur cru et plus vraiment dans l'esprit du temps, mais très drôle et personnel tout de même. A vérifier dès le 10 avril, à Genève seulement.
Norbert Creutz
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D'une pression économique enfin, qui, alliée au délai qui se rapproche inexorablement, pousse Ravel à une solution «de facilité» qui s'avèrera radicalement moderne (le <i>Bolero</i>, source de la musique répétitive et des boucles électro d'aujourd'hui?). Pour finir, le choc avec une chorégraphie aussi érotisée que vouée à la poussière d'Ida Rubinstein donnera lieu à une séquence mémorable, qui oppose le musicien rongé par le doute et l'insatisfation à la danseuse pleine d'assurance mais aussi de suffisance.</p> <h3>Anne Fontaine bien inspirée</h3> <p>A ce moment, on se dit que Raphaël Personnaz, cet acteur au physique de jeune premier un peu démodé, vient de trouver le rôle de sa carrière. Mais, surprise, le film ne s'arrête pas là, pour évoquer encore le déclin du compositeur, frappé par une maladie neurodégénérative et hanté par ce triomphe involontaire. Ne valait-il pas mieux rester un «perdant», cet éternel recalé du Prix de Rome, plutôt que devenir un créateur fêté par tous ceux qui ne sauront jamais rien des affres traversées? Et là encore, Anne Fontaine s'en sort très bien dans l'évocation ramassée (c'est l'un des grands défis de mise en scène du genre) d'une confusion mentale croissante ainsi que de la popularité paradoxale de ce «tube» qui était aussi le comble d'une musique dite savante.</p> <p>Acquise depuis toujours à une forme classiquement commerciale, la cinéaste trahit ses limites dans le manque de regard sur les différents espaces traversés. Egalement par certains mouvements de caméra de pur remplissage, là où un détail-idée ou une attention plus marquée aux personnages (les femmes sont réduites à une seule note) auraient pu encore enrichir son film. Mais sa manière de conclure stylisée ne manque pas de panache, qui prouve la durabilité et la malléabilité du <i>Bolero</i> à travers une nouvelle interprétation dansée par François Alu. Après le déjà remarquable <i>Police</i> (2020, avec Virginie Efira et Omar Sy), Anne Fontaine vient de signer là un film qui comptera assurément parmi ses meilleurs. 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D'une pression économique enfin, qui, alliée au délai qui se rapproche inexorablement, pousse Ravel à une solution «de facilité» qui s'avèrera radicalement moderne (le <i>Bolero</i>, source de la musique répétitive et des boucles électro d'aujourd'hui?). Pour finir, le choc avec une chorégraphie aussi érotisée que vouée à la poussière d'Ida Rubinstein donnera lieu à une séquence mémorable, qui oppose le musicien rongé par le doute et l'insatisfation à la danseuse pleine d'assurance mais aussi de suffisance.</p> <h3>Anne Fontaine bien inspirée</h3> <p>A ce moment, on se dit que Raphaël Personnaz, cet acteur au physique de jeune premier un peu démodé, vient de trouver le rôle de sa carrière. Mais, surprise, le film ne s'arrête pas là, pour évoquer encore le déclin du compositeur, frappé par une maladie neurodégénérative et hanté par ce triomphe involontaire. Ne valait-il pas mieux rester un «perdant», cet éternel recalé du Prix de Rome, plutôt que devenir un créateur fêté par tous ceux qui ne sauront jamais rien des affres traversées? Et là encore, Anne Fontaine s'en sort très bien dans l'évocation ramassée (c'est l'un des grands défis de mise en scène du genre) d'une confusion mentale croissante ainsi que de la popularité paradoxale de ce «tube» qui était aussi le comble d'une musique dite savante.</p> <p>Acquise depuis toujours à une forme classiquement commerciale, la cinéaste trahit ses limites dans le manque de regard sur les différents espaces traversés. Egalement par certains mouvements de caméra de pur remplissage, là où un détail-idée ou une attention plus marquée aux personnages (les femmes sont réduites à une seule note) auraient pu encore enrichir son film. Mais sa manière de conclure stylisée ne manque pas de panache, qui prouve la durabilité et la malléabilité du <i>Bolero</i> à travers une nouvelle interprétation dansée par François Alu. Après le déjà remarquable <i>Police</i> (2020, avec Virginie Efira et Omar Sy), Anne Fontaine vient de signer là un film qui comptera assurément parmi ses meilleurs. Et qui en remontre à bien des trousseurs de biopics dépourvus de l'essentiel: la quête de l'inspiration.</p> <hr /> <p><iframe frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/te3lJ7aHAuE?si=xEKCteF2HhBxcN_6" title="YouTube video player" width="560"></iframe></p> <h4>«Bolero» d'Anne Fontaine (France, 2024), avec Raphaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Emmanuelle Devos, Sophie Guillemin, Vincent Perez, Anne Alvaro, Alexandre Tharaud. 1h52</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'le-mystere-ravel-densifie', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 45, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2414, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {}, (int) 1 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Culture / Le mystère Ravel densifié
«Bolero» d'Anne Fontaine saisit Maurice Ravel au moment de la création de son plus fameux morceau, en 1927-28. Surprise, c'est un film qui explore sérieusement le mystère de l'inspiration et le lie à un autre, celui de l'apparente asexualité du compositeur. D'où un modèle de biopic, qui a trouvé en Raphaël Personnaz son interprète idéal.
Norbert Creutz
B Article réservé aux abonnés
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Et pour peu qu'on s'intéresse au 7e art (mais sinon, pourquoi lire ces lignes), c'est aussi bidonnant qu'éclairant!</p> <p>Cédric Kahn aurait-il été inspiré par la mésaventure de Terry Giliam, dont la première tentative de tourner son <i>Don Quichotte</i> se solda par un documentaire du désastre composé à partir de son «making of» <i>(Lost in La Mancha</i> de Keith Fulton et Louis Pepe, 2002)? Toujours est-il qu'il semble vouloir exorciser ses pires angoisses à travers cette histoire de tournage d'un film socialement engagé basé sur des faits réel – une affaire d'ouvriers s'opposant à la fermeture de leur usine – qui part à vau-l'eau. Simon (Denis Podalydès) a beau être un réalisateur aguerri, soutenu par son producteur de longue date Marquez (Xavier Beauvois) et protégé par sa directrice de production Viviane (Emmanuelle Bercot), dès le premier jour de tournage, tout va de travers. Y aura-t-il vraiment un film à l'arrivée? Et bien le brulôt politique que Simon avait imaginé?</p> <h3>L'usine en folie</h3> <p>Tout se joue sur un lieu unique d'usine désaffectée dans une morne banlieue française, que le cinéma a investi tel un cirque en tournée. Lors d'une réunion d'urgence demandée par les co-producteurs, il transpire que Marquez leur avait soumis un scénario modifié, avec un <em>happy end</em>, alors que pour Simon il n'en a jamais été question! Et c'est parti à la recherche de nouveaux financiers tandis que le tournage se poursuit de manière précaire. Il y a aussi le problème Alain (Jonathan Cohen), la star aussi indispensable qu'insupportable: même totalement investi, il ne peut s'empêcher de ramener la couverture à lui alors même que ce film se tourne au milieu de ceux à qui le malheur est arrivé. Enfin, il y a Joseph (Stefan Crepon), un figurant local que Simon recrute au pied levé pour réaliser ce fameux «making of». C'est ce jeune fou de cinéma bientôt amoureux de l'actrice principale Nadia (Souheila Yacoub) qui deviendra le cœur battant du récit.</p> <p>Marquez a tôt fait de disparaître, promettant par téléphone des pistes de financement de plus en plus improbables. De son côté, Viviane est forcée de revoir le planning et de négocier avec les différents corps de métier pour rogner sur le budget. Alain, qui squatte sans vergogne chez le syndicaliste qu'il est censé interpréter, porte de plus en plus sur les nerfs de sa partenaire Nadia, dont la situation sentimentale est plutôt compliquée. Quant à Simon, qui vit séparé de sa femme Alice (Valérie Donzelli) et de ses enfants sans parvenir à vraiment l'admettre, il sombre de plus en plus dans la déprime en voyant s'éloigner le film qu'il avait rêvé. Seul le jeune Joseph, pourtant obligé de jongler avec son travail de pizzaiolo au restaurant tenu par sa sœur, semble bien déterminé à ne pas lâcher la chance de sa vie!</p> <h3>Conflits en abyme</h3> <p>En fait, Cédric Kahn présente tellement de situations parallèles problématiques (pourtant encore bien moins nombreuses que dans la réalité) qu'un film abouti pourrait presque paraître tenir du miracle. C'était déjà plus ou moins la leçon de <i>La Nuit américaine</i> de François Truffaut, si juste sur les multiples réalités d'un tournage qu'on se fichait bien du «film dans le film», clairement ringard. Ici, l'ambition de Simon de faire œuvre utile à la manière d'un Stéphane Brizé <i>(En guerre,</i> avec Vincent Lindon) en rajoute une couche. Pour autant, la mise en abyme ne se veut pas aussi clairement politique, artistique et morale que celles de Nanni Moretti dans ses récents <i>Mia Madre</i> et <i>Vers un avenir radieux. </i>Sans doute juste le plus réaliste possible.</p> <p>C'est en tous cas avec une dextérité extraordinaire que l'auteur imbrique les différents niveaux de son récit. Le format change entre le film dans le film (large), le tournage (moyen) et son «making of» (réduit), de sorte à ce qu'on sache toujours où l'on se situe; les acteurs sont tous d'un précision bluffante, en particulier un Jonathan Cohen déchaîné; et jamais le rythme de la comédie n'est perdu, même dans des scènes ostensiblement dramatiques. Le vertige atteint son comble lorsque les techniciens à cran (ils ne sont plus payés) menacent eux aussi de tout arrêter ou quand Joseph se retrouve perdu dans le jeu de miroirs que lui offre l'insaisissable Nadia.</p> <h3>Du cynisme bien tempéré</h3> <p>Où s'arrête le cinéma et où commence la vraie vie? Un film peut-il seulement prétendre approcher celle-ci, voire la dépasser et permettre d'en tirer des leçons? Ou bien tout n'est-il que vanité et compromis? Pour finir, chacun apparait pétri de contradictions, seule la gestionnaire Viviane jouant vraiment franc-jeu. Car pour elle au moins, tout est clair: quelles que soient les intentions, l'argent reste le nerf de la guerre! Inutile de préciser comment tout cela se termine. Armé de sa longue expérience des deux côtés de la caméra, Cédric Kahn n'a rien d'un catastrophiste. Du moins en ce qui concerne le cinéma, clairement désigné comme une entreprise de privilégiés qui s'ignorent, d'illusionnistes qui s'illusionnent et de (sympathiques) filous. Tandis que ceux qui sont dans la vraie vie, les mains dans le cambouis, eux, s'enfoncent.</p> <p>Une vision cynique? Pas à une contradiction près, elle n'en déborde pas moins de générosité et d'affection pour les uns comme les autres. On apprécie en particulier la capacité de Kahn à se projeter aussi bien dans la personne du vétéran dépassé que dans celle du jeune débutant encore naïf. C'est ainsi que le film arrive à vraiment faire la part des choses, de l'exigence et de l'à-quoi-bon, de la fougue et de la lassitude, du drame et de la comédie, pour finir par se hisser parmi les meilleurs de son genre.</p> <hr /> <p><iframe frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/FBLbck0AJyc?si=CbAvkABRlvGvRPeZ" title="YouTube video player" width="560"></iframe></p> <h4>«Making of» de Cédric Kahn (France, 2024), avec Denis Podalydès, Jonathan Cohen, Stefan Crepon, Souheila Yacoub, Emmanuelle Bercot, Xavier Beauvois, Valérie Donzelli, Orlando Vauthier. 1h54</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'chronique-d-un-naufrage-pour-rire', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 53, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2414, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {}, (int) 1 => object(Cake\ORM\Entity) {}, (int) 2 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Culture / Chronique d'un naufrage (pour rire)
Trois mois après son remarquable «L'Affaire Goldman», Cédric Kahn est déjà de retour avec «Making of». Une comédie qu'il a pu tourner dans la foulée et non moins brillante à sa manière, dans laquelle le Français, entre Truffaut et Moretti, s'amuse des paradoxes du cinéma. Un film à découvrir à Lausanne et Genève grâce à une importation directe.
Norbert Creutz
B Article réservé aux abonnés
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Culture / Le cinéma a trouvé son Damien Hirst
Fort du succès de «The Favourite», le Grec Yorgos Lanthimos rajoute une couche de mise en scène tape-à-l'œil dans «Pauvres créatures (Poor Things)», Lion d'Or de la dernière Mostra de Venise. A l'évidence, d'aucuns crient au génie. Et si cette adaptation pseudo-féministe d'un roman gothico-picaresque était au contraire le piège ultime d'un certain cinéma «artistique»?
Norbert Creutz
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Culture / Les destinées sentimentales mondialisées
Merveille pour les fêtes, «Past Lives» de Celine Song raconte l'histoire d'amour d'une fille et d'un garçon coréens séparés par l'émigration de la première. Hissée en compétition au festival de Berlin, cette première œuvre d'une sensibilité rare a tout pour réconcilier les tenants d'un cinéma d'art et essai exigeant et ceux d'un cinéma grand public émouvant.
Norbert Creutz
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Culture / Adieu mère, adieu patrie
Auteur d'un mémorable «Ordinary People» il y a une décennie, le Serbe Vladimir Perisic est de retour avec «Lost Country», histoire d'un garçon tiraillé entre sa famille et sa conscience politique naissante. Avec la même rigueur, ce film revisite un trauma personnel subi dans la Serbie de Slobodan Milosevic. Même resté sans distributeur en Suisse, on peut le découvrir ces jours à Genève et Lausanne.
Norbert Creutz
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