Culture / Bruno Dumont réhabilite le manichéisme
En compétition à la Berlinale, «L'Empire» en a laissé plus d'un perplexe. Fidèle à ses obsessions, l'auteur de «L'Humanité» et «Ma Loute» est retourné dans sa France profonde du Nord pour y mêler vision sans fard de la réalité, aspirations métaphysiques et goût du burlesque sur une histoire de combat entre forces du Bien et du Mal façon «Star Wars»! Complètement dingo, est-ce pour autant génial?
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Avec le coming out d'Ellen Page, le petite actrice canadienne adoptée par Hollywood dans les années 2000 <i>(Hard Candy, Juno, Bliss, X-Men, Inception, Free Love,</i> etc.), on passe un nouveau cap. Disparue des radars depuis le catastrophique <i>Flatliners</i> de 2017, la/le voici qui ressurgit comme Elliot Page, au terme d'une transition déjà largement rendue publique par la publication de mémoires intitulées <i>Pageboy.</i> Et le film choisi pour entériner cette transition est... un drame de la transidentité. Bref, un geste hautement politique.</p> <p>Désormais, un site comme I'Internet Movie Data Base (imbd.com) ne s'autorise même plus à offrir de renvoi à partir du nom d'Ellen Page! Par contre, le film en question, <i>Close to You</i> de Dominic Savage, un ciné-téléaste britannique de 60 ans, a bien peu de chances de rester dans les mémoires. Au contraire du pamphlet bien senti de Preciado ou du film grand public et spectaculaire d'Audiard, ceci n'est en effet qu'un petit drame intimiste de plus. Plus grave, aussi maladroit et problématique qu'il est sincère et par moments émouvant. Bref, à part les festivals de la communauté LGBTQI+, personne ne s'est rué dessus depuis sa première à Toronto en 2023, la Suisse faisant partie des rares pays à l'avoir pris en distribution.</p> <h3>Tout le poids du monde</h3> <p>Suggérée par Page lui-même, l'histoire est simple. Son personnage, Sam, n'est pas retourné chez lui depuis sa transition. Après quatre ans passés à Toronto, il entreprend donc ce voyage redouté de retour à Cobourg – bourgade située à 100km à l'Est sur le lac Ontario – pour l'anniversaire de son père. Par chance, il rencontre dans le train Katherine, une amie proche du temps du lycée. Mais celle-ci, trop troublée, préfère couper court une fois arrivés. En famille, Sam est accueilli tel le fils prodigue et tout se passe mieux que prévu jusqu'à ce que l'hostilité de l'ami d'une de ses sœurs le fasse sortir de ses gonds. Avant de repartir, Sam souhaite toutefois retrouver Katherine pour s'expliquer...</p> <p>Dès les premiers plans sur Sam au réveil, dans sa chambre à Toronto, il s'agit d'exposer à la fois sa transformation et sa solitude. A 36 ans, Elliot Page est un jeune homme fin et musclé dont seuls les pectoraux cicatrisés portent la trace de ce qu'il fut. Par contre, en ce jour J, Sam semble porter tout le poids du monde sur ses épaules. Et ce n'est pas sa mine si triste dans le train qui changera cette impression. Puis son regard se concentre sur une femme blonde plongée dans un livre et s'éclaire un peu. Il faudra quelque temps pour identifier tout le sens de cette rencontre: le souvenir d'un amour de jeunesse entre filles, resté non déclaré. 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Le fait d'avoir été si longtemps mal dans sa peau et incompris justifierait-il donc le fait d'être si autocentré?</p> <h3>Elliot Page dans l'ombre de Xavier Dolan</h3> <p>La maladresse du film, conçu à partir d'improvisations – marque de fabrique du réalisateur à la TV anglaise, paraît-il – ne s'arrête pas là. Plusieurs séquences s'emboîtent fort mal, une bonne continuité n'étant même pas respectée (pluie, neige et sols secs se succédant de manière aberrante). Bref, tout ceci ne saurait juste être imputé à un(e) script(e) défaillant(e)! Dominic Savage n'est certes pas Mike Leigh, le roi de ce style semi-improvisé, et encore moins Xavier Dolan. De fait, pour les plus cinéphiles, l'erreur fatale des auteurs aura été de marcher sur les traces de <i>Laurence Anyways</i> (une histoire d'amour trans) et <i>Juste la fin du monde</i> (un impossible retour dans le giron familial). 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C'était les années du déferlement érotico-porno dans les cinémas et ce film «soft» tourné par un photographe publicitaire (Just Jaeckin), qui raconte l'émancipation sexuelle de la jeune épouse d'un diplomate libertin, y aura largement contribué. Une salle parisienne le gardera plus de dix ans à l'affiche sans interruption! Un demi-siécle plus tard, on n'en est plus là. <i>Emmanuelle</i> 2024 est l'œuvre d'Audrey Diwan, une cinéaste qui prétend affranchir la sexualité féminine du regard masculin, au risque de signer un film bien peu titillant. A l'heure du grand supermarché pornographique sur Internet, son attrait ne saurait de tout façon plus être le même. </p> <p>Lion d'Or mérité à Venise il y a trois ans avec <i>L'Evénement,</i> d'après Annie Ernaux, Diwan n'a cette année même pas été invitée hors compétition à la Mostra. Une claque. Finalement, <i>Emmanuelle</i> a atterri en ouverture du moins prestigieux Festival de San Sebastian. 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Elle apprend aussi que sa mission est de trouver un prétexte pour permettre au groupe de sacquer la directrice Margot (Naomi Watts), tenue pour responsable de la dégradation de l'hôtel par une agence de notation. La seule piste semble être la présence tolérée bien qu'en principe interdite d'escort girls, dont la Chinoise Zelda, qu'Emmanuelle surprend avec un certain trouble en train «d'exercer» au fond du jardin. Quel lien entre ces trois relations qui s'esquissent au cours d'un séjour par ailleurs ponctué par une tempête tropicale?</p> <p>Plus insidieux, le discours à base d'insatisfaction, de pouvoir et de risques tranche déjà avec les théories ronflantes sur le plaisir de l'original. La mise en scène est aussi plutôt séduisante, avec sa belle photo écran large et sans moments trop languissants. 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Stylistiquement, Audrey Diwan essaie bien de se la jouer Wong Kar-wai <i>(Chunking Express, In the Mood for Love), </i>elle n'arrive qu'à une vague approximation, pour conclure que la ville reprise en main par le pouvoir chinois... n'en présente plus guère.</p> <h3>L'orgasme ou l'amour?</h3> <p>Pour finir – ne lisez pas si vous souhaitez préserver un minimum de suspense –, Kei se laissera rattraper mais se révèlera... asexuel. Plus de désir, nada! Il faudra l'intermédiaire d'un beau gigolo pour amener enfin Emmanuelle jusqu'à l'orgasme, sous le regard de son homme inaccessible dans une scène savamment chorégraphiée. D'accord, c'est mieux que le viol plus ou moins consenti du film original. Et sûrement plus malin que toutes les suites navrantes et autres <i>Nuances de Grey</i> apparues depuis. 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Laissant à Asghar Farhadi ou Mani Haghighi de finasser avec ce qu'il est autorisé ou interdit de montrer selon la censure des mollahs, la plupart des cinéastes qui comptent ont cessé de tourner autour du pot. Harcelés par le régime, certains déjà exilés, il signent des films de plus en plus ouvertement critiques, apparemment sans se soucier des conséquences. C'est dans ce contexte que <i>Les Graines du figuier sauvage</i> de Mohammad Rasoulof apparaît aujourd'hui comme une œuvre phare.</p> <p>En clair, c'est là LE film que tout le monde attendait depuis le mouvement des femmes de l'automne 2022, sans trop oser l'espérer. Et il fallait bien un cinéaste de la trempe de Rasoulof, Ours d'Or à Berlin avec son précédent <i>Le Diable n'existe pas</i> (2020), pour s'y atteler. En prison au moment des faits, il possédait sans doute dès le départ un recul précieux. Mais à 50 ans, après huit films qui dessinent une montée en puissance artistique, peut-être bien que seul ce cinéaste-là avait également les capacités pour un film aussi bien pensé et réalisé. Tout ça pour dire qu'un chef-d'œuvre comme celui-ci ne tombe pas de nulle part. A l'indignation naturelle doit s'ajouter un art capable de la canaliser pour nous faire accéder à un degré de compréhension supérieur.</p> <h3>Une promotion empoisonnée</h3> <p><i>Les Graines du figuier sauvage</i> s'apparente d'abord à une sorte de suite à <i>Le Diable n'existe pas, </i>film en quatre volets qui dénonçait les effets délétères de la peine de mort sur la société iranienne. Cette fois, nous suivons en effet un candidat au poste de juge, c'est-à-dire celui amené à décider cette sanction ultime. Un homme libre de juger en son âme et conscience? Au moment d'accepter sa promotion, le quadragénaire Iman (sic) semble encore le croire. Sauf que, dans un premier temps, il n'est passé qu'au rang de juge d'instruction, sorte d'enquêteur en chef qui dépend d'ordres venus de plus haut, et dont l'avis ne compte pas vraiment. Et ce travail pourrait bien avoir des conséquences sur le caractère de celui qui se voudrait également bon croyant et bon père de famille.</p> <p>Pour son épouse Najmeh, cette promotion signifie surtout la perspective d'avantages matériels enviables. Elle enjoint donc leurs deux grandes filles Rezvan et Sana à se montrer irréprochables afin de ne pas nuire à la réputation et à la carrière de leur père. En ce moment de rentrée estudiantine, elle voit d'un mauvais œil Sadaf, une nouvelle amie qui débarque chez elles avec des manières de fille émancipée. Puis éclatent les émeutes dans la rue suite à la mort de Mahsa Amini, et c'est comme si la famille, calfeutrée dans son appartement, était en état de siège. Le père rentre toujours plus tard, surchargé de travail, la mère reste scotchée devant la télévision (d'Etat) et les filles se cachent pour suivre une tout autre information sur les réseaux sociaux. Lorsque Sadaf appelle à l'aide après avoir été blessée dans une manifestation, tout s'accélère...</p> <h3>Un sacré suspense</h3> <p>Une idée forte est d'avoir fait de l'inflexible Najmeh le personnage central de l'affaire. Elle l'est d'ailleurs de fait, en tant que chargée du maintien de la loi patriarcale à la maison tout en ayant sincèrement à cœur l'avenir de ses filles. Ebranlée par l'épisode Sadaf, sa position devient de plus en plus intenable et, avec elle, c'est le socle de toute la société iranienne qui vacille. Arrive le troisième acte, avec une mystérieuse disparition de l'arme de service d'Iman, qui pourrait lui coûter son poste. S'ensuivent panique, conciliabules et enquête. Mais tout le monde proteste de son innocence, même dans des conditions d'interrogatoire infâmes. Puis le nom et l'adresse d'Iman surgissent sur les réseaux sociaux et toute la famille doit s'enfuir pour se cacher dans sa maison d'enfance, aux abords d'un village abandonné...</p> <p>Pour l'essentiel confiné en intérieurs (tout a été tourné clandestinement), le film devient un modèle de <i>slow burn</i>. Au début, comme dans tout bon film iranien, ce sont les détails révélateurs qui comptent tandis que s'esquisse une superstructure métaphorique. Sauf que cette fois, on embraie également sur un suspense de plus en plus prenant. Les terribles images réelles de la rue (plus de 500 morts...) et le sort de Sadaf servent d'avertissement: cette histoire d'apparence banale pourrait très mal se terminer! Surtout que selon la règle dite «du fusil de Tchékhov», la mise en évidence d'une arme dès le début ne saurait qu'annoncer des coups de feu plus tard. Qu'adviendra-t-il de la ou des coupables, ou pire encore, des innocentes?</p> <p>Il faut voir avec quelle habileté Mohammad Rasoulof mène son affaire. Il existe pourtant peu de cinéastes au style moins voyant et apparemment recherché que lui. Sur écran large, avec une exigence de réalisme de tous les instants, une direction d'acteurs sans faille, son huis clos ne fait que gagner en épaisseur. Lorsqu'on sort de l'appartement pour gagner la rue, les bureaux du palais de justice ou encore la maison anonyme de la police secrète, la tension et l'impression d'enfermement ne faiblissent pas. 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Il est sans aucun doute l'un des cinéastes les plus singuliers du moment et ce film avait tout pour devenir son grand œuvre. Et pourtant, loin de la pierre philosophale espérée, L'Empire réjouit à peine. Que s'est-il donc passé? Dans un tel cas, il faut toujours commencer par soupçonner sa propre réception, un coup de mou ou un manque d'acuité intellectuelle. Mais un tour des critiques tombées lors de la présentation du film au Festival de Berlin puis à sa sortie française, y compris les plus favorables, a tôt fait de confirmer l'impression d'un film follement ambitieux mais pas vraiment réussi. Soyons clair, L'Empire vaut absolument le coup d'œil. Mais sans en attendre forcément un nouveau Messie, même lorsque l'auteur de La Vie de Jésus (1997) accouche d'une Malédiction + La Guerre des étoiles transposées sur sa chère Côte d'Opale.
Peut-être convient-il de rappeler la trajectoire de ce natif de Bailleul dans le département du Nord, qui a débuté comme prof de philosophie doublé d'un cinéaste du dimanche. Sortis de nulle part, cette Vie de Jésus au titre trompeur puis surtout L'Humanité, primé à Cannes, ont tôt installé une réputation de visionnaire fondée sur son expression de la tragique imperfection humaine face à la grandeur et la beauté du monde. Son emploi d'amateurs aux gueules et à l'élocution impossibles contraste avec un sens époustouflant du paysage et bientôt un recours frappant à des musiques préexistantes, en particulier sacrées. Ses films suivants (Flandres, Hadewijch) ont creusé ce sillon métaphysique jusqu'au sommet que constitue pour nous le méconnu Camille Claudel 1915 (2013), qui le voit pour la première fois recourir à une actrice professionnelle, Juliette Binoche.
Mais le soupçon de prétention n'a jamais été loin, certains films moins inspirés (Twentynine Palms, Hors Satan) y prêtant clairement le flanc. Comme pour s'en défendre, Dumont a alors opéré une volte-face qui a autant enchanté que surpris, «libérant son clown intérieur» dans les mini-séries P'tit Quinquin et Coincoin et les z'inhumains, pour une sorte de de relecture absurde et burlesque de L'Humanité. Son seul succès public en salles, Ma Loute avec Binoche et Fabrice Luchini, est aussi de cette veine-là. Et depuis? Tant ses deux Jeanne d'Arc, confidentielles et indigestes, que le plus commercial France avec Léa Seydoux (2021), état des lieux médiatico-moral de la nation, sont tombés à plat, laissant craindre un déclin de cet auteur original, un pied chez Pialat, un autre chez Bresson et un troisième chez Blake Edwards.
Un Empire pour tout boucler?
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Dumont du côté de Besson
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Avec le coming out d'Ellen Page, le petite actrice canadienne adoptée par Hollywood dans les années 2000 <i>(Hard Candy, Juno, Bliss, X-Men, Inception, Free Love,</i> etc.), on passe un nouveau cap. Disparue des radars depuis le catastrophique <i>Flatliners</i> de 2017, la/le voici qui ressurgit comme Elliot Page, au terme d'une transition déjà largement rendue publique par la publication de mémoires intitulées <i>Pageboy.</i> Et le film choisi pour entériner cette transition est... un drame de la transidentité. Bref, un geste hautement politique.</p> <p>Désormais, un site comme I'Internet Movie Data Base (imbd.com) ne s'autorise même plus à offrir de renvoi à partir du nom d'Ellen Page! Par contre, le film en question, <i>Close to You</i> de Dominic Savage, un ciné-téléaste britannique de 60 ans, a bien peu de chances de rester dans les mémoires. 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C'était les années du déferlement érotico-porno dans les cinémas et ce film «soft» tourné par un photographe publicitaire (Just Jaeckin), qui raconte l'émancipation sexuelle de la jeune épouse d'un diplomate libertin, y aura largement contribué. Une salle parisienne le gardera plus de dix ans à l'affiche sans interruption! Un demi-siécle plus tard, on n'en est plus là. <i>Emmanuelle</i> 2024 est l'œuvre d'Audrey Diwan, une cinéaste qui prétend affranchir la sexualité féminine du regard masculin, au risque de signer un film bien peu titillant. A l'heure du grand supermarché pornographique sur Internet, son attrait ne saurait de tout façon plus être le même. </p> <p>Lion d'Or mérité à Venise il y a trois ans avec <i>L'Evénement,</i> d'après Annie Ernaux, Diwan n'a cette année même pas été invitée hors compétition à la Mostra. Une claque. Finalement, <i>Emmanuelle</i> a atterri en ouverture du moins prestigieux Festival de San Sebastian. Chez nous, son distributeur alémanique (Ascot Elite, héritiers de l'empire du pornographe Erwin C. Dietrich) n'a pas jugé bon d'y convier la presse. Alors, ratage sans appel, ou plutôt source d'inévitables malentendus que ce remake? S'il y avait certainement mieux à faire, la tentative reste intrigante, pour peu qu'on ait une indulgence pour ce genre décrié entre tous qu'est le cinéma érotique.</p> <h3>Froideur contre moiteurs</h3> <p>J'avouerai pour ma part une certaine nostalgie coupable, étant encore passé par là dans ma jeunesse. Sylvia Kristel a laissé d'agréables impressions dans mon esprit tandis que les mélodies de Pierre Bachelet trottent encore facilement dans ma tête. Par contre, «l'éducation» d'Emmanuelle par le vieux pervers sentencieux joué par Alain Cuny m'avait déjà paru d'un glauque et d'un ridicule achevés. Comment une jeune femme pouvait-elle se soumettre à ça? 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Elle apprend aussi que sa mission est de trouver un prétexte pour permettre au groupe de sacquer la directrice Margot (Naomi Watts), tenue pour responsable de la dégradation de l'hôtel par une agence de notation. La seule piste semble être la présence tolérée bien qu'en principe interdite d'escort girls, dont la Chinoise Zelda, qu'Emmanuelle surprend avec un certain trouble en train «d'exercer» au fond du jardin. Quel lien entre ces trois relations qui s'esquissent au cours d'un séjour par ailleurs ponctué par une tempête tropicale?</p> <p>Plus insidieux, le discours à base d'insatisfaction, de pouvoir et de risques tranche déjà avec les théories ronflantes sur le plaisir de l'original. La mise en scène est aussi plutôt séduisante, avec sa belle photo écran large et sans moments trop languissants. Hélas, tout se gâte avec les dialogues, en anglais et rarement crédibles, le pire étant assurément les scènes avec le mystérieux Kei Shinohora (l'Anglo-Japonais Will Sharpe), en fait un ingénieur spécialisé dans l'expertise des barrages qui ne dort même pas dans la chambre que lui paient ses employeurs. Après lui avoir détaillé par le menu ce qui s'est passé dans les toilettes de l'avion, Emmanuelle pense être parvenue à le séduire. Mais il se défile et finira par l'inviter à sortir plutôt de son univers aseptisé.</p> <h3>De l'impensé au non réalisé</h3> <p>Il y aussi le facteur Merlant, une actrice respectée qui n'a jamais refusé de se dévêtir si le rôle en valait la peine <i>(Portrait de la jeune fille en feu, Les Olympiades).</i> Ici, elle campe sans peine un véritable glaçon, qui souffre de sa réussite et son contrôle de soi. Pour mettre les points sur les i, l'une des principales scènes érotiques n'est-elle pas une masturbation avec... des glaçons? 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Stylistiquement, Audrey Diwan essaie bien de se la jouer Wong Kar-wai <i>(Chunking Express, In the Mood for Love), </i>elle n'arrive qu'à une vague approximation, pour conclure que la ville reprise en main par le pouvoir chinois... n'en présente plus guère.</p> <h3>L'orgasme ou l'amour?</h3> <p>Pour finir – ne lisez pas si vous souhaitez préserver un minimum de suspense –, Kei se laissera rattraper mais se révèlera... asexuel. Plus de désir, nada! Il faudra l'intermédiaire d'un beau gigolo pour amener enfin Emmanuelle jusqu'à l'orgasme, sous le regard de son homme inaccessible dans une scène savamment chorégraphiée. D'accord, c'est mieux que le viol plus ou moins consenti du film original. Et sûrement plus malin que toutes les suites navrantes et autres <i>Nuances de Grey</i> apparues depuis. 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