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Actuel / Les zigzags opportunistes d’Ignazio Cassis

Grégoire Barbey

18 octobre 2017

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L’homme est de toutes les coteries. Durant la campagne pour la succession du conseiller fédéral Didier Burkhalter, les liens d’intérêt troubles du candidat Ignazio Cassis n’ont cessé de faire parler d’eux. Ce qui ne l’a pas empêché d’être élu au deuxième tour du scrutin par ses collègues de l’Assemblée fédérale le 20 septembre dernier. Début novembre, Ignazio Cassis entrera donc en fonction en sa qualité de conseiller fédéral en charge des Affaires étrangères.



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Mais si l’homme des lobbies a atteint son objectif en devenant le 117e conseiller fédéral, sa personnalité insaisissable continue de défrayer la chronique. Ainsi, la presse se faisait l’écho il y a quelques jours d’une situation pour le moins originale: neuf jours avant l’élection au Conseil fédéral, le Tessinois a demandé son adhésion au lobby des armes à feu Pro Tell… association qui refuse que la Suisse s’aligne sur les exigences de la Commission européenne en matière de régulation des armes à feu, alors même qu’elle est membre de l’espace Schengen.

Pro Tell envisage de lancer un référendum si la Suisse applique le durcissement de la législation de l’Union européenne. Si les Suisses devaient rejeter l’adaptation du droit helvétique à ces exigences, la Confédération pourrait être exclue de l’espace Schengen. L’adhésion d’Ignazio Cassis à Pro Tell ne peut donc que nous interroger, puisqu’il va diriger le Département des affaires étrangères. Quelle est sa position sur ce dossier? Va-t-il soutenir la position du Conseil fédéral, lequel entend appliquer ce durcissement de la législation?

22 septembre dernier: proTELL est enchanté: son tout nouveau membre Ignazio Cassis
est élu au Conseil fédéral. © DR

Adepte des circonvolutions

Essuyant la critique depuis quelques jours, Ignazio Cassis a annoncé son retrait du lobby des armes à feu, sans pour autant préciser sa pensée. L'émission Forum de la RTS a d'ailleurs relevé que rien ne l'y obligeait d'après le règlement du Conseil fédéral. Dès lors, a-t-il adhéré à cette association par conviction personnelle ou pour obtenir des recommandations de vote en sa faveur? Lui seul le sait. Et c’est bien là que le bât blesse. Dans la plupart des dossiers, Ignazio Cassis est adepte des circonvolutions. Ses positions sont rarement claires.

Médecin de profession, il a présidé l’une des faîtières des assureurs-maladie, l’association Curafutura. En tant que président, il était rémunéré 180'000 francs par an pour représenter la faîtière, et donc ses intérêts. Cela ne pose-t-il pas des questions sur son indépendance à propos du dossier de la santé, lui qui présidait en parallèle la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national? Aucune réponse claire à ce sujet.

A droite, ces interrogations sont systématiquement balayées par l’argument du système de milice, lequel implique que les parlementaires doivent continuer à travailler en parallèle de leur mandat. Les lobbies auraient pour leur part qu’un rôle d’information. Sauf qu’Ignazio Cassis n’était pas proche des assureurs-maladie lorsqu’il a été élu à l’Assemblée fédérale. Et qu’un élu peut très bien s’informer sans forcément occuper des mandats rémunérés au sein même de groupements d’intérêt, quels qu’ils soient.

Une «réflexion personnelle», vraiment?

Autre élément récemment mis en avant par le journal Le Temps, son appartenance au groupe parlementaire helvético-catalan jusqu’à son élection. Alors que la Suisse pourrait être intéressée à proposer ses bons offices à l’Espagne pour l’aider à gérer la crise catalane, la question de la neutralité d’Ignazio Cassis, futur chef des Affaires étrangères, se pose. Interrogé par le quotidien romand, le département n’a pas répondu.

Enfin, Ignazio Cassis a annoncé durant sa campagne avoir abandonné sa nationalité italienne. Alors que l’UDC en avait fait un thème et une condition pour obtenir le soutien de son groupe parlementaire, le Tessinois a annoncé sa décision plusieurs semaines après avoir effectué les démarches. Une opération opportuniste? La question se pose, puisqu’il n’a pas jugé utile de communiquer immédiatement. Selon ses dires, il s’agissait d’une réflexion personnelle. Cette décision a toutefois clairement séduit ses collègues de l’UDC, pour lesquels un conseiller fédéral ne peut pas disposer d’une double nationalité – alors même que les binationaux représentent un tiers de la population suisse.

Pourquoi avoir adhéré neuf jours avant son élection?

Son adhésion tardive à Pro Tell avait sans doute aussi pour objectif de se rapprocher encore davantage de l’UDC, parti qui s’oppose au durcissement de la législation sur les armes à feu, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une exigence de l’Union européenne. Sa décision de quitter cette association en rassurera plus d’un, mais elle ne répond pas aux interrogations que cette adhésion suscite. Pourquoi avoir adhéré neuf jours avant son élection? Quelle est sa position personnelle vis-à-vis d’un éventuel référendum contre l’application de la législation européenne?

Qui est réellement cet homme qui, pour s’assurer des voix, abandonne la nationalité de ses parents et adhère en dernière minute à une association qu’il abandonne aussitôt que la critique se fait entendre, sans pour autant s’expliquer sur ses intentions? Ignazio Cassis est-il pourvu d’une colonne vertébrale ou adapte-t-il ses positions politiques au gré des événements? Peut-être que le futur chef de la diplomatie helvétique se reconnaît dans ces mots de Talleyrand, qui fut ministre sous Napoléon et dont la carrière demeure une référence pour les diplomates modernes: «En politique, il n’y a pas de convictions, il n’y a que des circonstances».


L'interview donnée par Ignazio Cassis à proTELL à la veille de son élection

«Oui, j'adhère volontiers à proTELL»

10 septembre 2017



Etes-vous membre de proTELL et sinon, souhaitez-vous le devenir?
Je suis membre de l’association tessinoise «libertà e valor » qui est très proche de proTELL. J’adhère donc volontiers à proTELL.

Etes-vous membre de l'Intergroupe parlementaire pour un droit libéral sur les armes et sinon, souhaitez-vous y adhérer (question évidemment réservée aux parlementaires)?
Je suis déjà membre.

Partagez-vous le point de vue selon lequel le droit suisse en vigueur est suffisant pour garantir la sécurité publique et que dès lors, tout nouveau durcissement de notre législation sur les armes doit être refusé?
Oui, notre droit interne est suffisant. Ce même droit nous lie aussi au traité de Schengen-Dublin. Si la Suisse veut rester dans ce traité, il faut trouver la bonne voie.

Partagez-vous le point de vue selon lequel à l'avenir, les citoyens-soldats libérés de leurs obligations militaires doivent pouvoir continuer à conserver leur arme d'ordonnance aux conditions fixées par le droit en vigueur (autrement dit sans les nouvelles exigences prescrites dans la directive révisée de l'UE)?
Oui. C’est au Conseil fédéral de négocier de manière ferme avec l’UE pour obtenir comme résultat une large marge d’interprétation de cette nouvelle directive.

A deux reprises et de manière parfaitement claire, le peuple suisse et le Parlement fédéral ont refusé l'enregistrement rétroactif des armes. Etes-vous prêt à vous opposer à l’enregistrement rétroactif des armes détenues légalement?
Oui.

Partagez-vous le point de vue selon lequel une arme acquise légalement ne saurait être confisquée ultérieurement par l'effet rétroactif d¹une éventuelle révision de la loi?
Une arme acquise est acquise. Le nouveau droit ne doit par principe pas avoir effet rétroactif.

Le droit fédéral autorise les cantons à acquérir jusqu'à 3 armes moyennant une unique demande de permis d¹acquisition d¹armes (PAA) et un unique émolument (art. 16 al. 1 OArm). Le problème est purement bureaucratique puisqu'en tout état de cause, la totalité des armes ainsi acquises doit être enregistrée. Etes-vous favorable au maintien du système en vigueur dans presque tous les cantons, respectivement (s'agissant de M. Maudet) êtes-vous disposé à mettre fin à l'«exception genevoise» sur ce point?
Je suis favorable au maintien du système en vigueur.

Un nombre croissant de stand de tir subissent des pressions juridiques, essentiellement liées à leurs nuisances sonores, bien qu'ils existent depuis des décennies et que leur activité est stable. Soutenez-vous la protection des stands de tir qui existent depuis au moins dix ans afin de garantir leur droit à continuer leurs activités ?
Oui.

Actuellement, les propriétaires d'une arme détenue légalement ne peuvent pas acquérir de réducteur de son (silencieux), si ce n'est moyennant une très hypothétique autorisation exceptionnelle. Pourtant, ce type de dispositif permet de réduire les nuisances sonores liées au tir et du même coup, de conserver un nombre de stands et autres places de tir suffisant adapté au nombre des tireurs de ce pays. Dans ce sens, soutenez-vous l'idée que les réducteurs de son, qui ne sont finalement que de simples accessoires d¹armes, devraient pouvoir être acquis aux mêmes conditions que l'arme sur laquelle ils doivent être fixés, c'est-à-dire moyennant un PAA ordinaire pour toutes les armes non soumises au régime de l¹autorisation exceptionnelle?
A priori je suis d’accord. Mais une réponse définitive dépend de l’examen approfondi de cette question, que je ne peux pas faire ces jours-ci. 

L'octroi d'un permis de port d'arme (PPA) est subordonné à une «clause du besoin» (art. 27 al. 2 let. b LArm). Celle-ci est interprétée de manière très diverse en fonction des cantons. Ainsi, un bijoutier vaudois qui avait pourtant déjà été victime de plusieurs braquages et qui disposait d'une formation complète de tir pratique s'est vu refuser un PPA bien qu'il remplissait toutes les conditions exigées par ailleurs par la loi. Soutenez-vous le maintien de cette clause ou pensez-vous qu'il est préférable de soumettre les demandeurs non-professionnels aux mêmes conditions drastiques de de moralité, de formation et d¹examens que les porteurs professionnels?
En tant que profond fédéraliste, je veux laisser aux Cantons une large marge d’interprétation et d’action, pour répondre aux attentes de ses citoyens. Je ne connais pas la situation dans le Canton de Vaud, mais telle que vous la décrivez, elle me semble absurde. Mais c’est aux Vaudois de réclamer, par voie juridique d’abord ou politique par la suite.

L'interview sur le site de ProTell


Précédemment dans Bon pour la tête

L’homme qu’il ne faut pas au Conseil fédéral – Der Mann, den es nicht im Bundesrat bedarf, par Jacques Pilet
Ignazio Cassis: les 1,4 million de Suisses binationaux ne lui disent pas merci
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Port d'armes: ce que dit la Constitution américaine et ce qu’on lui fait dire
, par Denis Masmejan«proTELL et NRA même combat.» © Mix & Remix / Infrarouge


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