Culture / Un passionnant portrait du fondateur du surréalisme
André Breton photographié par Henri Manuel, 1927.
On fête cette année à grand bruit le centenaire du «Manifeste du surréalisme» et dans ce cadre rien ne pouvait être plus pertinent que le remarquable et si lucide opuscule dont nous allons ici vous parler, «André Breton a-t-il dit passe» de Charles Duits.
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Au XXIème siècle, le voyeurisme est désormais viral et se répand comme une trainée de poudre à travers une foultitude inouïe de réseaux sociaux.</p> <h3>A l'ancienne: le gérant du motel</h3> <p>En janvier 1980, à New York, le célèbre journaliste Gay Talese reçoit une lettre anonyme en provenance du Colorado qui débute par: «Je crois être en possession d’informations importantes qui pourraient vous être utiles.» Dans cette missive, un certain Gerald Foos confesse être un voyeur et avoir acquis un motel à Denver dans l’unique but de le transformer en moyen d’exercer son vice. Il a donc, sans jamais être découvert, épié sa clientèle pendant plusieurs décennies, annotant dans le moindre détail ce qu’il observait et entendait. Aidé de son épouse et ayant découpé dans le plafond d’une douzaine de chambres des orifices rectangulaires de 15 centimètres sur 35, puis les ayant masqués avec de fausses grilles d’aération, il a pu, à l’infini, voir sans être vu. Parfois en se masturbant, parfois en faisant l’amour avec sa femme. Eprouvant un sentiment de puissance et d’exaltation, en 1973, par exemple, il observe 184 orgasmes masculins, 33 orgasmes féminins, et en 1974, l’année de la sortie de <i>Gorge profonde</i>, constate que la pratique de la fellation passe de 12 à 44%. Il a assisté à des vols, des trafics, des viols, des incestes, des actes de zoophilie, des morts et, digne d’une scène de <i>Psychose</i>, un meurtre. Sans jamais intervenir bien sûr.</p> <p>Ceci dit la plupart du temps, reconnaît-il, les gens ne font rien et un ennui désespérant règne en maître.</p> <p>Accroché, Gay Talese rencontre l’homme mais le <em>deal</em> ne se fait pas car l’homme demande à rester anonyme, et ce n’est que 18 ans plus tard qu’il acceptera d’assumer publiquement ses agissements et que le livre racontant son histoire pourra enfin paraître.</p> <h3>Les années 70: Jean-Luc Hennig et Jean Eustache</h3> <p>En 1981, Jean-Luc Hennig, ami de Grisélidis Réal et responsable pendant sept ans du supplément <i>Sandwich</i> de <i>Libération</i>, auquel collaborèrent, entre autres, Duras, Barthes, Sempé, Topor et F. Pajak, publie son très dense <i>Le Voyeur. Enquête sur une passion singulière</i>. Et dans cet ouvrage, ce qu’il décrit, c’est un groupe d’hommes qui se refilent des bons plans: des portes d’hôtel, des toilettes de café, des lieux publics de rencontres d’amoureux.</p> <p>L’un des mateurs confiant à Henning que ce qu’on voit n’a pas grand intérêt et que c’est ce qu’on risque de voir qui vaut le coup. Eh oui, nous sommes en pleine métaphysique. Mais surtout dans une complète réification de l’autre et dans une non-réciprocité absolue. Certains se masturbent en fantasmant un viol, d’autres, un meurtre. </p> <p>Hennig va voir le voyeur d’<i>Une sale histoire</i>, 1977, de Jean Eustache, film en deux volets, l’un documentaire, l’autre fictionnel avec Michael Lonsdale. Le voyeur lui raconte en détails comme il observait des femmes en train d’uriner car si, dans le film, il reconnait que les femmes n’aiment pas son histoire, lui, dans la réalité, ne se lasse pas de la raconter. Cela se passait dans un café à la Motte-Picquet-Grenelle et c’est en se mettant à quatre pattes, la joue collée au sol, qu’il fallait regarder sous la porte. Au comptoir, des types trépignaient, sueur au front, en attendant leur tour d’y aller. Notre raconteur a fini par ne faire plus que ça, cinq heures par jour, et même à y amener des filles et à les pousser à boire, jusqu'au moment où il a réussi, juste avant de devenir complètement cinglé, à arrêter. </p> <h3><em>Peeping Tom</em></h3> <p>Côté voyeur au cinéma, le film quintessentiel et mythique est le<i> Peeping Tom</i> de Michael Powell. Dès le premier plan, nous sommes le jeune cameramen Mark Lewis et nous traquons la peur de la mort sur le visage de jeunes femmes en les filmant au moment où nous les tuons. Tout comme le Norman Bates de <i>Psychose</i>, Mark Lewis n’épie, ne traque et ne tue que des femmes. Et si la critique lambda lui sera hostile, <i>Midi-Minuit Fantastique</i>, la grande revue du cinéma de genre de l’époque le choisira comme étant son film de référence et le fera projeter semaine après semaine dans une multitude de ciné-club.</p> <h3>Cinéma et voyeurisme</h3> <p><i>Fenêtre sur cour</i> d’Hitchcock produit une autre démonstration magistrale de voyeurisme cinématographique. Jeff, non pas cinéaste lui mais photographe de presse, en pyjama dans un fauteuil roulant, la jambe plâtrée jusqu’au bassin, est coincé depuis six semaines dans son deux-pièces. Il a sorti ses jumelles et son téléobjectif. Le décor est fait de façades de briques rouges, d’escaliers métalliques, de miteux parterres de fleurs, de palissades, de ruelles pisseuses. Lors d’un été caniculaire, à Greenwich village, où passe un chat noir, pendant qu’un homme se rase et qu’une femme en sous-vêtements se prépare un café. Six semaines que cela dure et l’infirmière qui vient chaque jour pour ses soins lui dit qu’on voit à l’état de ses yeux qu’il a regardé par la fenêtre pendant des heures. Y a de quoi! Jeff est persuadé que son voisin d’en face vient de tuer sa femme et de la couper en morceaux.</p> <p>Voilà. Un homme regarde et attend pendant que nous regardons cet homme et attendons ce qu’il attend, philosophent Chabrol et Rohmer dans <i>Les Cahiers du cinéma</i>. Tous spectateurs et tous voyeurs, le message est clair et confirmé à Truffaut par le maître du suspense. Pour lui, neuf personnes sur dix sont des voyeurs. Et dans <i>Psychose</i>, il poussera la compulsion scopique à son paroxysme en nous transformant en Norman Bates observant par un trou la cliente qu’il va bientôt poignarder sous la mythique douche.</p> <h3>En Corée du Sud</h3> <p>Ce pays, où 90% des gens possèdent un Smartphone et qui est 117ème au classement mondial égalité homme-femme, est le premier au monde en terme de caméras espion en circulation. Rien qu’en 2017, 6'500 cas de victimes filmées pendant leur sommeil, dans les toilettes, des vestiaires ou sous leur jupe, sont signalées. Soit 17 cas par jour.</p> <p>Soranet, fermé en 2016, était un site qui comptait plus d’un million de membres et allait jusqu’à diffuser du <i>revenge porn</i>, ou le viol d’une femme inconsciente parce que droguée. </p> <p>En mars 2019, un site internet payant hébergé à l’étranger diffuse en direct des images de 1'600 clients espionnés dans 30 hôtels différents.</p> <p>Bref, le 9 juin 2018, révoltées par l’impunité notoire de tous ces voyeurs, 22'000 Sud-Coréennes défilent dans les rues de Séoul en martelant ce slogan: «<i>Ma vie n’est pas ton film porno</i>».</p> <h3>De nos jours: voyeurisme et révolution technologique</h3> <p>Aujourd’hui, les voyeurs usent de détecteurs de mouvements à vision nocturne et de caméras sans fil de la taille d’une clef USB, de caméras stylo et de lunettes caméra.</p> <p>En France, par exemple, 107'000 photos et 206 vidéos de femmes en train d’uriner sont découvertes dans l’ordinateur portable de Florent C., ingénieur chez Arcelor Mittal en Moselle. Il est inscrit au fichier des délinquants sexuels, condamné à trois ans de suivi socio-judiciaire et à indemniser ses victimes de 2'000 euros chacune.</p> <p>Ceci admis, on peut signaler que dans cette nouvelle pratique du voyeurisme ultra-équipée, deux éléments, la compulsion et l’impunité, ont résisté au changement, et que la plupart des articles sur le sujet parlent du voyeur mais toujours pas des femmes victimes et du traumatisme qu’elles peuvent avoir vécu . Cela continue à être vu par la presse comme des faits divers aguicheurs, ragots croustillants et autres étrangetés malséantes.</p> <h3>Nouveau terrain de chasse</h3> <p>Après les toilettes, la rue et les transports publics, un nouveau continent a été découvert par nos amis compulsifs: les Airbnb, créés en 2008.</p> <p>En 2017 en Floride, un couple ayant loué un logement découvre une caméra dissimulée dans le détecteur de fumée de la chambre à coucher. En janvier 2018, à Cran-Gevrier dans la banlieue d’Annecy, sept amis qui ont loué l’appartement d’un informaticien de 45 ans découvrent une caméra cachée dans un radio-réveil placé dans la salle de bains face à la douche et un autre de ces engins au-dessus du lit. En 2019, en Irlande, c’est une caméra cachée qui enregistre et diffuse en direct ce qui se passe dans le logement. Et en Seine-et-Marne, deux mille vidéos sont trouvées dans le téléphone portable du loueur. Il ne les a pas diffusées et il fera donc l’objet d’un simple rappel à la loi. En septembre 2021, à Tourcoing, un loueur a placé une caméra dans la salle de bains de l’appartement et les policiers découvrent dans son téléphone des dizaines de femmes nues filmées à leur insu. En décembre 2022, à Rouen, la locataire emporte avec elle le réveil et la multiprise qui une fois démontés dévoileront des images d’elle sous la douche et de ses amis aux toilettes. Au Canada, en 2023, un cas de voyeurisme 2.0 est rapporté tous les dix jours, trois fois plus qu’en 2017. En France, où on ne recense pas ce phénomène, on a quand même 857 infractions constatées en 2017.</p> <p>Interrogée à ce sujet, la plateforme Airbnb relativise le problème et déclare que sur un milliard d’arrivées de voyageurs enregistrées sur son site, ce genre d’incident est «incroyablement rare».</p> <p>Une histoire qu’on s’obstine à ne pas vouloir voir et encore moins punir. Clémentine Thiebault, l’autrice de <i>Voyeur!</i> dit avoir eu des moments de doute, de découragement et d’envie de juger. L’impression de fouiller dans une poubelle. Mais un élément a fini par émerger: les voyeurs sont des hommes, leurs victimes sont des femmes. Il s’agit d’une affaire de domination et on peut poser comme hypothèse que seules les femmes pensent que le voyeurisme est un problème. Pour elles, il s’agit d’une violence sexuelle.</p> <h3>La loi en France</h3> <p>Depuis la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le voyeurisme est un délit passible d’un an de prison et de 15'000 euros d’amende. Peine qui passe à 2 ans d’emprisonnement et à 30'000 euros d’amende lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de son autorité, sur un mineur, une personne vulnérable, dans un transport public, ou/et lorsque les images sont transmises. </p> <p>Depuis août 2020, le fait de filmer, d’enregistrer et de transmettre des images est puni d’un an d’emprisonnement et 45'000 euros d’amende. Le fait d’être un conjoint ou un concubin est une circonstance aggravante, d’où, pour eux, deux ans d’emprisonnement et 60'000 euros d’amende. </p> <h3>Conclusion </h3> <p>Le Luxembourg, la Belgique, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont aussi adapté leur législation en la matière et ont ainsi offert aux victimes potentielles une sécurité juridique et un cadre légal leur permettant de porter plainte.</p> <p>L’autrice ajoute, en guise de conclusion, qu’il est dur d’analyser un phantasme sans porter un jugement moral sur celui-ci, dur de qualifier l’intangible, de séparer l’homme de l’artiste, de dire stop.</p> <p>Et dans <i>Le Monde</i> du 18 avril, un intertitre nous annonce qu’un équipementier japonais a mis au point une matière bloquant les prises de vues utilisant des infrarouges, qui dévoilent les dessous ou les formes des corps. 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Il a revendiqué ce point de vue dès le début de sa très longue carrière. Appartenant donc à un genre souverain et indépendant, ses dessins proposent une très grande variété d’approches et de couleurs, dans des palettes de tons différenciés, et dégagent souvent une impression de grande vitalité, de plaisir, de sensualité, l’impression d’une perception subjective plutôt qu’objective. L’expression est émotion immédiate et dans ses productions, il ne cherche jamais à rendre la réalité mais bien plutôt le fourmillement des sensations qui le traversent, quand, concentré, il s’exerce à capter l’expression d’un visage, un geste, un paysage, un mouvement. Ses nus, devenus très vite non conventionnels, accordent une attention particulière aux chevelures et aux mains. Auguste Rodin, Ferdinand Hodler, Gustav Klimt, Aubrey Beardsley sont ceux qu’il espère dépasser. 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En 1909, il expose des nus qui plaisent beaucoup et sont très rapidement vendus. Dans les années 1910, il réalise des dessins très travaillés, entre autres pour la revue <i>Sturm</i>. Traits secs et nerveux, densification des lignes, portraits expressionnistes d’hommes et de femmes, suites d’illustrations, passage à la lithographie, il expérimente à tout va. En 1911, il donne des cours dans une école privée et en 1912 et 1913, enseigne le nu au sein d’une institution qu’il a lui-même créée. De 1912 à 1914, il réalise de nombreuses aquarelles sur des éventails pour sa compagne d’alors, la fameuse Alma Mahler et, voyageant avec elle dans les Dolomites ou à Venise, il y dessine au pastel des paysages et des scènes de la vie quotidienne.</p> <p>Jusqu’à la Première Guerre mondiale, il exécute aussi les portraits des grands pontes de la haute société viennoise de son temps, loin de toute ressemblance photographique, s’attachant à mettre en valeur la façon dont il les perçoit lui, et en faisant fi de l’amour-propre de ses commanditaires. Ensuite, entre 1919 et 1923, il occupe un poste aux renommés Beaux-Arts de Dresde. Au début des années 20, couleurs lumineuses, larges coups de pinceau, énergie et fraîcheur, convalescent, il s’adonne à l’aquarelle. Nombreux portraits aussi à la même époque à la craie et au crayon. Dans les années 30, il fragmente ses traits, sans plus aucun soucis du contour, fuyant les traitements homogènes et cherchant le relief et la profondeur. Il traverse une période de dessins monochromes, dont des croquis de la danseuses Mary Meerson à la sanguine par exemple. Il réalise aussi beaucoup de dessins, de celle qui deviendra son épouse, la danseuse Olda Palkovská, essayant inlassablement de rendre la grâce d’un mouvement et ce sans jamais user d’aucun effet vériste, de rien qui ne paraisse régulier ou lisse, cherchant sans trêve la subjectivité, l’authenticité, la vivacité, rêvant de rendre la vie à la vie elle-même. En 1937, les nazis l’étiquettent «artiste dégénéré» et à leur fameuse et infamante exposition <i>Entartete Kunst</i>, c’est lui qui aura l’honneur d’avoir le plus d’œuvres représentées. Exilé à Prague, puis à Londres et devenu ensuite, après-guerre, peintre nomade, on l’aperçoit en Grèce, en Italie, en Tunisie, en Libye, en Turquie, au Maroc et, pour finir, à Jérusalem. </p> <h3>Kokoschka en Suisse</h3> <p>Le lac Léman le fascine depuis qu’en janvier 1910 accompagnant le célèbre Adolf Loos, auteur de <i>Ornement et Crime</i> (1908) et préfigurateur du <i>brutalisme </i>en architecture, aux Avants, au-dessus de Montreux, il a peint <i></i>le célèbre paysage <i>Les Dents du Midi </i>ainsi que plusieurs portraits, dont à Yvorne, celui du renommé naturaliste, psychiatre et réformateur social, Auguste Forel. Adolf Loos installe ensuite son protégé au Sanatorium du Mont Blanc à Leysin, où il réalise des portraits d’aristocrates tuberculeux, portraits qui sont aujourd’hui considérés comme des sommets de la si romantiquement tourmentée représentation expressionniste de la figure humaine. Oui, tempête et passion! Adolf Loos, en 1913, organise au Kunsthaus de Zurich une présentation d’une douzaine de ceux-ci, présentation ressentie par la plupart des indigènes helvètes comme un conte d’épouvante.</p> <p>Mais, événement entre tous historique, voici que Dada débarque et que la comédie de Kokoschka, <i>Le sphinx et l’homme de paille, </i>est jouée le 14 avril 1917 au Cabaret Voltaire à Zurich. Marcel Janco en signe les masques que portent les comédiens et la mise en scène, Tristan Tzara joue le rôle du perroquet, Emmy Hennings celui de l’infidèle Anima, Friedrich Glauser, la mort et Hugo Ball, Firdusi, l’époux trompé. Dans <i>La fuite hors du temps</i>, qu’il écrit et publie dix ans plus tard, Ball nous raconte le chaos qui règne ce soir-là sur la scène: «Malgré le prix d’entrée élevé, la Galerie était trop petite pour contenir tous les visiteurs. Dans une pièce du fond, Tzara était responsable de l’éclair et du tonnerre et, comme un perroquet, il devait répéter "Anima, douce Anima!". Mais il confondait les entrées et les sorties, faisait éclater l’orage aux mauvais moments et donnait, à tout prendre, l’impression que c’étaient des effets spéciaux, une confusion calculée des arrière-plans. Finalement, lorsque Monsieur Firdusi était censé tomber, tout s’est embrouillé dans une pagaille de fils électriques et de lampes. Pendant quelques minutes, ce fut la nuit noire et la confusion totale; après quoi la Galerie a retrouvé son aspect habituel.» </p> <p>La Seconde Guerre mondiale passée, la Suisse offrant à Kokoschka des perspectives de commandes de portraits et une clientèle prospère, en 1951, il décide de se faire construire une petite villa sur les bords du lac Léman: «Ce n’est pas par fierté de propriétaire, mais simplement le désir de pouvoir souffler de temps en temps quelque part au cœur de l’Europe dans un lieu politiquement paisible», écrit-il à sa sœur.</p> <p>En 1953, il s’établit définitivement non loin du Château de Chillon, à Villeneuve. Il y passe les vingt-sept dernières années de son existence, et décède en 1980, à Montreux, à l’âge de nonante-quatre ans et en ayant donc vécu un tiers de sa vie en pays vaudois.</p> <h3>Portrait de l'artiste dessinant</h3> <p>Il existe de nombreuses photographies le montrant, regard vif, main souple, dessinant avec agilité des vestiges archéologiques, noircissant des centaines de pages dans ses carnets de croquis, explorant des thèmes liés à l’Antiquité ou effectuant des reproductions dans des musées, redessinant inlassablement des bribes de tragédies grecques ou de récits mythologiques afin d’y trouver le ferment commun de toutes les sociétés, des décors et des costumes de théâtre ou d’opéras. Bref, c’est son destin, il l’a accepté et il dessine et redessine sans trêve ni repos.</p> <p>Pendant septante ans, à coups de traits outrés et fracturés, de visions oniriques, il alterne des représentations d’insectes, de nus, de scènes bibliques ou mythologiques et des paysages aux perspectives bizarres, Kokoschka préférant une vue bifocale à la perspective cavalière, vue embrassant l’étendue du paysage, des représentations de fleurs, d’animaux. Dans le paysage, ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’idylle, mais la nature à l’état sauvage, indomptée. 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A l’école primaire, un jour, la maitresse le sermonne: il a couvert pendant des mois son bureau de centaines de petits dessins. Et pourquoi pas faire pipi sur les pupitres, s’exclame-t-elle. Toute la classe se gondole et en guise de punition, le petit Philippe est enfermé toute une longue et interminable journée dans les toilettes, et ceci sans manger ni boire et sans lumière. D’où que depuis ce jour-là, il associe l’acte d’uriner et le dessin. Et effectivement, tel Gargantua, du haut des tours de Notre-Dame, il adore dessiner ainsi sur le sable. 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Répétons-le: pour lui, il ne s’agit pas d’imiter mais de traduire un ressenti.</p> <h3>Le trait, la tache</h3> <p>Lorsqu’il a sept ans, sensible à l’application qu’il met à copier des tableaux, ceux du Greco par exemple, ses parents l’inscrivent dans une Académie dite «du Jeudi». Les enfants y peignent debout et n’y apprennent rien mais pratiquent assidument la chose. Et notre jeune futur artiste y prend plaisir à tracer des lignes parallèles et à s’y s’entraîner à tracer des lignes régulières, à main levée ou à la règle. C’est une technique qu’il connaît par les illustrations exécutées au burin figurant dans ses livres de classe. Dans son ouvrage, après une vibrante apologie de la gomme, il enchaîne avec celle d’une roulotte de bohémiens, de leur osier tressé pour les paniers, et de la petite bohémienne, pieds nus et cheveux sales pour laquelle il ressent une forte attirance physique. Sujet à sa première érection spontanée, il apprend ce jour-là que le sale et le sexuel ont affaire ensemble et que la découverte de l’outil peut précéder la connaissance de sa fonction. D’un côté, le trait aigu qui cerne. De l’autre, la tâche qui bave. Deux bornes: idéalisme et réalisme. Rodin, dans ses dessins érotiques, associe d’ailleurs ces deux démarches.</p> <h3>Le dessin: une habitude</h3> <p>Notre artiste, cent pour cent sédentaire, habitant depuis cinquante ans la même maison, homme d’habitudes, retrouve ce trait de caractère dans l’acte même de dessiner: le désir de retenir à tout prix, de saisir ce qui fuit. Très tôt sensible au pouvoir du dessin et des mots, la frontière entre les deux n’étant pas aussi nette qu’il y paraît, pour lui les mots ne sont pas que des signes arbitraires. Leur graphie suggère des figures. Ne parle-on pas en typographie de corps de la lettre, de jambage et d’empattement.</p> <h3>Palimpsestes, copies et détournements</h3> <p>En 1961, un sigle <i>OAS</i> ayant été transformé dans son quartier en <i>ONASSIS</i>, nom de l’amant de la Callas et de l’époux de Jacqueline Kennedy, il découvre l’art du détournement. On peut donc masquer le mot originel sans le rayer ou le biffer. Dès lors, il s’applique à faire disparaître ses propres dessins obscènes sous des dessins anodins. Ces palimpsestes sont suivis du détournement de photos de magazines sur lesquelles il modifie le sens d’une image sans que la retouche y soit visible. Il devient aussi, très tôt, faussaire. A dix, onze ans, il réalise déjà de faux tickets d’autobus et de faux timbres-poste, chaque ticket lui demandant plusieurs heures de travail. Une bonne copie doit être plus allusive que descriptive, pas trop précise pour ne pas se faire remarquer. Et petit-à-petit, il se met à remplacer la Marianne sur les lettres et cartes postales par des fragments de corps nus de dame. Oblitéré par la Poste, le timbre devient œuvre.</p> <h3>S'auto créer par et pour le dessin</h3> <p>Ses parents n’ont pas une sensualité marquée, son père lui inflige des fessées pantalon baissé, sa mère répugne au contact physique avec ses enfants et lui, il dessine en cachette des femmes nues, dessins qu’il détruit ensuite. Il rêve aussi d’auto-fellation et de s’auto-dévorer lui-même et retrouve cela dans un personnage de Saul Steinberg, personnage s’auto-dessinant et dans certains dessins de Hans Bellmer, un corps s’auto-dessinant également; et finit par penser que le phantasme d’auto-engendrement est l’essence même de l’art.</p> <h3>Dessin d'enfant</h3> <p>Les dessins d’enfant permettent-ils de retracer les fondements d’une œuvre à venir? Rien n’est moins certain, tant les choix individuels et les partis pris d’un artiste ne se dégagent que lentement des archétypes propres aux dessins d’enfant. Tout en tentant de saisir ce qui, dans ses premières expériences graphiques, a nourri sa pratique actuelle de dessinateur, Philippe Comar n’est guère porté à leur attribuer plus d’attention qu’ils n’en méritent. </p> <p>Pourtant, le XXème siècle a préféré cette naïveté à tous les savoirs. Lui, à l’inverse, défend la maitrise du dessin en tant que plaisir originel secondant phantasme jouissance et hédonisme. Il n’angélise rien, goûte à tout, nous raconte ses émois les plus anciens, scatologie et signes fortement sexués. Oui, décidément, dessiner, c’est voir et voir mieux.</p> <h3>Epitaphe</h3> <p>Très tôt, il a été obnubilé par la représentation des rayons lumineux. Fasciné donc par tout ce qui trace, que ce soit droit ou courbe, une ligne dans l’air, sans écran, ni feuille de papier: étoile filante, sillage d’avion, etc. Les traités de balistique en sont pleins. Un trait est un signe, une abstraction, les rayons de soleil, la ligne d’horizon en sont aussi mais dans la nature rien n’est parfait et tout a une dimension charnelle. Aux lignes droites qu’il observe dans le ciel s’ajoutent les cercles concentriques entourant le caillou qu’il vient de jeter dans l’eau. Et la courbe que trace en l’air, écrit-il, le jet mictionnel et qui se retrouve chez les peintres Lorenzo Lotto, Jean Cousin, Titien, Rubens, Rembrandt, Guido Remi et tant d’autres encore. Et les coquillages, les vignes, les crosses de fougère. Mais de toutes les lignes, celles qui l’ont le plus fasciné sont les herbes. Toutes les sortes d’herbes qui existent, le gazon dru, le chiendent, les hautes graminées et la <i>Grande touffe d’herbes </i>de Dürer lui paraît être le plus beau dessin jamais exécuté. Une douzaine d’espèces d’herbacés y sont représentées. A l’âge adulte, de la pousse native jusqu’à la pourriture, il a lui aussi tenté de relever le défi et exécuté plusieurs séries de cet inépuisable sujet. 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Quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’Elle en a besoin.</p> <p>Des hommes en manque comme s’il en pleuvait, se soumettent avec docilité à tous ses caprices, elle leur demande de creuser, ils creusent. Des hommes avec des cheveux frisés, des cheveux raides, chauves, des casquettes, des lunettes, des cravates, des hommes nus, des hommes en pierre, en terre, assis, couchés, debout, enlacés entre eux, sur un banc, en tablier devant un barbecue, des paons, une centaine de candidats corvéables à merci. 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/></p> <h4>«Le Jardin des Candidats», Dominique Goblet et Kai Pfeiffer, Editions FRMK, 256 pages.</h4> <h4>Le livre accompagne la <a href="https://cartoonmuseum.ch/ausstellungen/dominique-goblet" target="_blank" rel="noopener">rétrospective Dominique Goblet</a> au Cartoonmuseum à Bâle qui a lieu du 2 mars au 26 mai.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'dominique-goblet-un-livre-envoutant-et-une-exposition-a-bale', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 94, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2107, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 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Il s’agit du récit de la rencontre à New York en septembre 1942 entre deux poètes exilés – l’un à 17 ans et l’autre 45 – et de l’amitié qui s’ensuivit.
Un récit rédigé dans un style tendu, passionné, tour à tour sombre ou lumineux et remarquablement dissonant. Un pur éblouissement. Ainsi André Breton a-t-il dit passe de Charles Duits, achevé aux lendemains de mai 68, et si heureusement réédité aujourd’hui aux Editions Maurice Nadeau, avec une belle préface d’Annie Le Brun, nous offre un éclairage décisif et incomparable de la figure d’André Breton.
Portrait mais aussi autoportrait
Né en France, en 1925, d’une mère américaine et d’un père juif hollandais, Charles Duits à la maison parle anglais, et à l’école, français. Il n’aura jamais la nationalité française et se sentira toujours décalé par rapport au monde qui l’entoure. De plus, enfant, issu d’un milieu bourgeois, se retrouvant dans une école communale, il ressent un fort sentiment de ne pas y être à sa place.
Face à l’avance éclair de l’armée allemande en 1940, sa mère étant américaine, la famille fuit aux Etats-Unis. Une fois arrivé là-bas, de tous côtés, on lui conseille d’oublier la France. Mais lui, ne s’adaptant pas du tout, nanti d’un accent, d’une coiffure et d’une allure qui trahissent son statut d’étranger, se retrouvant dans un collège de riches garçons américains agressifs, vulgaires et lourds, plus âgés et plus sportifs et qui le briment, cherche à ne pas oublier le français. Il se met à apprendre par cœur des pièces de Corneille et de Racine.
Un «panneau d’acier transparent», dit-il, l’isole des joies les plus simples et des groupes hilares qui le montrent du doigt. Il rejette son milieu mais le puritanisme l’habite toujours. Il n’a pas encore 17 ans, disciple de Sade, il pense sa révolte mais ne la vit pas. Il s’imagine n’être pas normal, se croit damné. Il a horreur de ses désirs et honte de son visage, de sa couleur, de ses cheveux, de son nom. Dans sa chambre, sous sa couverture, il sanglote. Il n’est que rage, masturbation, solitude et lectures intensives.
Il arpente New York à pied et connaît toutes les libraires de la ville dans lesquelles on trouve des livres français. Et c’est ainsi que la révélation a lieu: en juin 1942, il découvre VVV, la revue des surréalistes exilés aux USA, et précisément le numéro contenant les Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non d'André Breton. Derechef, Duits rédige une lettre au ton ironique qu’il envoie à Breton, lui confiant qu’il est l’un de ses disciples et poète.
La rencontre
Breton lui répond et l’invite à venir le voir. Et nous, lecteurs, sommes là avec lui revivant cette rencontre du jeune homme de 17 ans avec un André Breton de 45 ans; de Charles Duits à la fois irrésistiblement attiré par l’incontestable génie de Breton et d’emblée rebuté par ses mœurs, ses manies, son caractère.
Breton refuse d’apprendre l’anglais et se trouve dans une situation précaire. Ce sont deux solitudes qui se rencontrent, dit Annie Le Brun. Breton paraît beaucoup plus âgé que ses 45 ans, las, amer, seul. La rencontre sera néanmoins magnétique car tous les deux, et Duits aveuglément, ont la même confiance en la poésie. La situation les obligeant à jouer un rôle, les premiers mots qu’ils échangent ne sont que paroles conventionnelles, banalités. Heureusement, Matta débarque et allège l’ambiance, introduit de la gaité.
Pour Breton vivre est une affaire sublime et pour cette raison même, douloureuse, angoissante, tragique. Il est d’ailleurs, Matta est d’ici, aime exister, trouve cela drôle, curieux et passionnant, il prend du plaisir à respirer, à marcher, à dormir, à explorer ce monde.
L'incident
Une semaine plus tard, lors d’une réunion de groupe, apercevant une femme qu’il trouve désirable, Duits s’en approche, veut la complimenter mais, à son insu, des mots sortent de sa bouche et lui déclarent qu’elle est belle comme un pot de chambre. Duits s’enfuit. Le lendemain, invité à déjeuner par Breton, il revient et reconnaît avoir proféré la phrase en question. Breton ne lui fait aucun reproche mais il ne voit dans ce geste rien de surréaliste; il lui demande d’aller s’excuser auprès de la jeune femme. Peu importe les motivations de son geste, il ne doit pas déshonorer le surréalisme.
Portrait
Duits va aussi être infiniment déçu en découvrant que l’homosexualité répugne à Breton. L’exaltation de tous les vices n’est donc pas le moteur du surréalisme? Lui, Charles, qui a été captivé par le mouvement grâce au Grand Masturbateur de Dalí, lui qui a grandi dans un monde où il était interdit d’avoir des émotions, de les montrer, dans une famille où on ne se touchait jamais et dans laquelle la sexualité n’existait pas, en fréquentant Breton, s’imaginait qu’il allait devoir insulter un policier et gifler un militaire, cracher sur tous les drapeaux et porter le scandale dans la rue. Mais pas du tout! Loin de l’encourager aux excès, Breton le modère, arguant de leur situation précaire, de leur statut d’étrangers, de leur peu de force physique.
Portrait magistral
On ne peut pas bavarder avec André Breton, avoir des rapports normaux, faciles, plaisanter, échanger des propos futiles, nous apprend-il. Il lui faut un climat dramatique. Possédant une mâchoire difforme, un corps assez pesant, sans grâce, mal habillé, ne doutant jamais, aimant par-dessus tout de grands mots tels que liberté, amour, justice, honneur, émotif, arrogant, perpétuel indigné, amateur d’expressions violentes, mais néanmoins, et c’est ce qui importe, misant sur ce qui commence, qui va arriver, ayant confiance en la simplicité et l’innocence, recevant les jeunes d’égal à égal.
Tyrannie
Embarqué dans un de ces jeux que Breton pratiquait fréquemment, dire la qualité et le défaut numéro un des présents, Duits proteste en faisant remarquer qu’il ne connaît personne. A quoi Breton lui répond: cela sera d’autant mieux. S’exécutant donc, il finit son tour laborieux face à Breton en lui attribuant comme qualité première, la bonté, et comme principal défaut, son côté tyrannique. Trois semaines plus tard, lors d’une longue promenade, dans une rue éloignée de New York, soudain Breton lui fait une scène: il n’a pas choisi d’être un tyran, il y était obligé, il a des responsabilités, une lourde charge.
Double mouvement
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Et Duits raconte aussi son accablement quand il s’est aperçu que Breton, bien loin de pratiquer l’écriture automatique, s’adonnait, comme n’importe quel scribouilleur, à un usage intensif et quasi infini de la rature et de la réécriture.
Il a lui fallu des années pour lui pardonner cette infâme supercherie, dit-il.
Le 24 janvier 1944, lors d’une de ses visites, Breton lui reproche d’être devenu insincère, d’être un parasite qui prétend se justifier par de petits poèmes. Duits bredouille quelque chose et sort.
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Retour en France: six ans de fâcherie
En 1947, Charles Duits retrouve Breton à Paris, place Blanche et dans son atelier, rue Fontaine. Mais maintenant branché Georges Bataille, Duits a adopté une attitude sarcastique. En fait, il souffre de ne plus être le Dauphin et de ce que de nouveaux venus occupent la place qui fut la sienne. Six années passent. En 1953, ayant publié un roman qui plait à Breton, ils se revoient, et d’emblée Breton traite ses nouveaux amis les plus chers d’eunuques et de charlatans.
Ils se fâchent à nouveau.
Les derniers jours
Le 25 mai 1964, Duits rencontre Agnès, qui deviendra sa femme et qui l’épanouira enfin. Il a écrit sa lettre à Breton le 2 septembre 1942, Agnès est née à Nîmes le 3 septembre 1942. Les deux rencontres fondamentales de sa vie se touchent et il lui parle sans cesse de Breton. En 1965, à linsu de son époux et n’y tenant plus, Agnès va sonner chez le vieux rimeur. Le contact est renoué. Charles, pleinement ému de le revoir, peut ainsi constater que tout vieillard que celui-ci est devenu, il garde une aura intacte. Et lors d’une discussion entre eux, alors qu’il reproche à Breton d’avoir perdu énormément de temps à rédiger des préfaces plutôt que ses propres livres, il s’entend répondre par le vieux maitre: je suis paresseux. La vie est donc supérieure à l’art!
La mort de Breton
Peu de temps après, le 28 septembre 1966, le journal du matin annonçant sa mort, Duits a peur de découvrir en lui qu’il détestait Breton et que sa disparition va enfin le délivrer d’un poids trop grand. Mais c’est l’inverse qui se produit, ce qu’il ressent est une profonde et sincère réconciliation posthume.
En 1968, quand il relit son André Breton a-t-il dit passe, il lui semble que la façon dont il écrivait n’a plus aucun rapport avec la façon dont on parle aujourd’hui. Mai 68 a libéré les adolescents qui peuvent à présent affirmer ouvertement la liberté sexuelle, la haine du travail, la passion de l’absolu, l’amour de l’aventure, de la paresse, du danger, de l’excès.
Le 5 avril 1969, à Nice, bienveillant miracle, nous dit-il, au détour d’une rue, à même un long mur, il découvre un graffiti géant: BRETON EST VIVANT.
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Il n’aura jamais la nationalité française et se sentira toujours décalé par rapport au monde qui l’entoure. De plus, enfant, issu d’un milieu bourgeois, se retrouvant dans une école communale, il ressent un fort sentiment de ne pas y être à sa place.</p> <p>Face à l’avance éclair de l’armée allemande en 1940, sa mère étant américaine, la famille fuit aux Etats-Unis. Une fois arrivé là-bas, de tous côtés, on lui conseille d’oublier la France. Mais lui, ne s’adaptant pas du tout, nanti d’un accent, d’une coiffure et d’une allure qui trahissent son statut d’étranger, se retrouvant dans un collège de riches garçons américains agressifs, vulgaires et lourds, plus âgés et plus sportifs et qui le briment, cherche à ne pas oublier le français. Il se met à apprendre par cœur des pièces de Corneille et de Racine. </p> <p>Un «panneau d’acier transparent», dit-il, l’isole des joies les plus simples et des groupes hilares qui le montrent du doigt. 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Il est inscrit au fichier des délinquants sexuels, condamné à trois ans de suivi socio-judiciaire et à indemniser ses victimes de 2'000 euros chacune.</p> <p>Ceci admis, on peut signaler que dans cette nouvelle pratique du voyeurisme ultra-équipée, deux éléments, la compulsion et l’impunité, ont résisté au changement, et que la plupart des articles sur le sujet parlent du voyeur mais toujours pas des femmes victimes et du traumatisme qu’elles peuvent avoir vécu . Cela continue à être vu par la presse comme des faits divers aguicheurs, ragots croustillants et autres étrangetés malséantes.</p> <h3>Nouveau terrain de chasse</h3> <p>Après les toilettes, la rue et les transports publics, un nouveau continent a été découvert par nos amis compulsifs: les Airbnb, créés en 2008.</p> <p>En 2017 en Floride, un couple ayant loué un logement découvre une caméra dissimulée dans le détecteur de fumée de la chambre à coucher. En janvier 2018, à Cran-Gevrier dans la banlieue d’Annecy, sept amis qui ont loué l’appartement d’un informaticien de 45 ans découvrent une caméra cachée dans un radio-réveil placé dans la salle de bains face à la douche et un autre de ces engins au-dessus du lit. En 2019, en Irlande, c’est une caméra cachée qui enregistre et diffuse en direct ce qui se passe dans le logement. Et en Seine-et-Marne, deux mille vidéos sont trouvées dans le téléphone portable du loueur. Il ne les a pas diffusées et il fera donc l’objet d’un simple rappel à la loi. En septembre 2021, à Tourcoing, un loueur a placé une caméra dans la salle de bains de l’appartement et les policiers découvrent dans son téléphone des dizaines de femmes nues filmées à leur insu. En décembre 2022, à Rouen, la locataire emporte avec elle le réveil et la multiprise qui une fois démontés dévoileront des images d’elle sous la douche et de ses amis aux toilettes. Au Canada, en 2023, un cas de voyeurisme 2.0 est rapporté tous les dix jours, trois fois plus qu’en 2017. En France, où on ne recense pas ce phénomène, on a quand même 857 infractions constatées en 2017.</p> <p>Interrogée à ce sujet, la plateforme Airbnb relativise le problème et déclare que sur un milliard d’arrivées de voyageurs enregistrées sur son site, ce genre d’incident est «incroyablement rare».</p> <p>Une histoire qu’on s’obstine à ne pas vouloir voir et encore moins punir. Clémentine Thiebault, l’autrice de <i>Voyeur!</i> dit avoir eu des moments de doute, de découragement et d’envie de juger. L’impression de fouiller dans une poubelle. Mais un élément a fini par émerger: les voyeurs sont des hommes, leurs victimes sont des femmes. Il s’agit d’une affaire de domination et on peut poser comme hypothèse que seules les femmes pensent que le voyeurisme est un problème. Pour elles, il s’agit d’une violence sexuelle.</p> <h3>La loi en France</h3> <p>Depuis la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le voyeurisme est un délit passible d’un an de prison et de 15'000 euros d’amende. Peine qui passe à 2 ans d’emprisonnement et à 30'000 euros d’amende lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de son autorité, sur un mineur, une personne vulnérable, dans un transport public, ou/et lorsque les images sont transmises. </p> <p>Depuis août 2020, le fait de filmer, d’enregistrer et de transmettre des images est puni d’un an d’emprisonnement et 45'000 euros d’amende. 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En 1909, il expose des nus qui plaisent beaucoup et sont très rapidement vendus. Dans les années 1910, il réalise des dessins très travaillés, entre autres pour la revue <i>Sturm</i>. Traits secs et nerveux, densification des lignes, portraits expressionnistes d’hommes et de femmes, suites d’illustrations, passage à la lithographie, il expérimente à tout va. En 1911, il donne des cours dans une école privée et en 1912 et 1913, enseigne le nu au sein d’une institution qu’il a lui-même créée. 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Adolf Loos, en 1913, organise au Kunsthaus de Zurich une présentation d’une douzaine de ceux-ci, présentation ressentie par la plupart des indigènes helvètes comme un conte d’épouvante.</p> <p>Mais, événement entre tous historique, voici que Dada débarque et que la comédie de Kokoschka, <i>Le sphinx et l’homme de paille, </i>est jouée le 14 avril 1917 au Cabaret Voltaire à Zurich. Marcel Janco en signe les masques que portent les comédiens et la mise en scène, Tristan Tzara joue le rôle du perroquet, Emmy Hennings celui de l’infidèle Anima, Friedrich Glauser, la mort et Hugo Ball, Firdusi, l’époux trompé. Dans <i>La fuite hors du temps</i>, qu’il écrit et publie dix ans plus tard, Ball nous raconte le chaos qui règne ce soir-là sur la scène: «Malgré le prix d’entrée élevé, la Galerie était trop petite pour contenir tous les visiteurs. Dans une pièce du fond, Tzara était responsable de l’éclair et du tonnerre et, comme un perroquet, il devait répéter "Anima, douce Anima!". 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Oui, de porter une attention soutenue à ce qui nous environne, car si le dessin, comme il l’écrit, déplie le visible, cela ne peut être que pour le pénétrer plus intensément.</p> <h3>Les débuts</h3> <p>Le dessin est une activité solitaire, peinture des jours de pluie, enfermé dans une pièce et l’infini plaisir de n’avoir à faire que ça, ok, d’accord, mais c’est avec sa main dans le bac à sable que Philippe Comar a commencé à dessiner, ou avec un doigt sur des meubles couverts de poussière, sur des vitres embuées, dans de la farine, de la pâte à tarte, en piétinant la neige, en courant dans le sable. Il a dessiné dans le noir avec la pointe de sa langue dans le creux de sa main. En crachant sur les murs, en envoyant gicler des gouttes à la brosse à dent, à la craie sur les trottoirs, au canif sur les arbres. Il a dessiné sur ses mains avec un stylo à bille et comme Léonard de Vinci, il a aimé contempler sans penser à rien les tâches fortuites sur les murs, les traces de moisissure. Il a eu une période labyrinthes, dédales, passerelles, escaliers dérobés, tout un monde à la Piranèse. Il s’est essayé à l’anamorphose, aux dessins étirés, gonflés, dilatés. Pour lui, le dessin n’est jamais au service de quelque chose d’autre. Il est une fin en soi, un moment de grâce durant lequel on peut enfin s’abandonner à un afflux de sensations. Bien sûr, croyant observer, on ne fait qu’effleurer ce qu’on voit et c’est en cela que l’acte de dessiner est plus important que le dessin fini. Comme l’écrivait en 1971 le célèbre historien d’art John Berger, il s’agit de voir le voir. Et même en dessinant d’après nature, de trouver non pas ce que l’on voit mais ce que l’on sent.</p> <h3>Les fluides</h3> <p>Ces <i>Premiers traits</i>, indiqués dans le titre de ce nouvel opus, sont ceux que tracent, depuis l’enfance, tous les fluides qui s’écoulent du corps: salive, lait, larmes, urine. A l’école primaire, un jour, la maitresse le sermonne: il a couvert pendant des mois son bureau de centaines de petits dessins. Et pourquoi pas faire pipi sur les pupitres, s’exclame-t-elle. Toute la classe se gondole et en guise de punition, le petit Philippe est enfermé toute une longue et interminable journée dans les toilettes, et ceci sans manger ni boire et sans lumière. D’où que depuis ce jour-là, il associe l’acte d’uriner et le dessin. Et effectivement, tel Gargantua, du haut des tours de Notre-Dame, il adore dessiner ainsi sur le sable. 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Sujet à sa première érection spontanée, il apprend ce jour-là que le sale et le sexuel ont affaire ensemble et que la découverte de l’outil peut précéder la connaissance de sa fonction. D’un côté, le trait aigu qui cerne. De l’autre, la tâche qui bave. Deux bornes: idéalisme et réalisme. Rodin, dans ses dessins érotiques, associe d’ailleurs ces deux démarches.</p> <h3>Le dessin: une habitude</h3> <p>Notre artiste, cent pour cent sédentaire, habitant depuis cinquante ans la même maison, homme d’habitudes, retrouve ce trait de caractère dans l’acte même de dessiner: le désir de retenir à tout prix, de saisir ce qui fuit. Très tôt sensible au pouvoir du dessin et des mots, la frontière entre les deux n’étant pas aussi nette qu’il y paraît, pour lui les mots ne sont pas que des signes arbitraires. Leur graphie suggère des figures. 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Rien n’est moins certain, tant les choix individuels et les partis pris d’un artiste ne se dégagent que lentement des archétypes propres aux dessins d’enfant. Tout en tentant de saisir ce qui, dans ses premières expériences graphiques, a nourri sa pratique actuelle de dessinateur, Philippe Comar n’est guère porté à leur attribuer plus d’attention qu’ils n’en méritent. </p> <p>Pourtant, le XXème siècle a préféré cette naïveté à tous les savoirs. Lui, à l’inverse, défend la maitrise du dessin en tant que plaisir originel secondant phantasme jouissance et hédonisme. Il n’angélise rien, goûte à tout, nous raconte ses émois les plus anciens, scatologie et signes fortement sexués. Oui, décidément, dessiner, c’est voir et voir mieux.</p> <h3>Epitaphe</h3> <p>Très tôt, il a été obnubilé par la représentation des rayons lumineux. Fasciné donc par tout ce qui trace, que ce soit droit ou courbe, une ligne dans l’air, sans écran, ni feuille de papier: étoile filante, sillage d’avion, etc. Les traités de balistique en sont pleins. Un trait est un signe, une abstraction, les rayons de soleil, la ligne d’horizon en sont aussi mais dans la nature rien n’est parfait et tout a une dimension charnelle. Aux lignes droites qu’il observe dans le ciel s’ajoutent les cercles concentriques entourant le caillou qu’il vient de jeter dans l’eau. Et la courbe que trace en l’air, écrit-il, le jet mictionnel et qui se retrouve chez les peintres Lorenzo Lotto, Jean Cousin, Titien, Rubens, Rembrandt, Guido Remi et tant d’autres encore. Et les coquillages, les vignes, les crosses de fougère. Mais de toutes les lignes, celles qui l’ont le plus fasciné sont les herbes. 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Ouvrage d’une grande invention offrant des dessins de jardins, de trous dans ces jardins, d’hommes nus ou habillés, de visages d’hommes en pleurs, de vases, photographiés ou dessinés, dus aux deux artistes ou chinés sur des marchés. Tout cela, dans d’infinies nuances d’une couleur dominante, le vert, couleur du règne végétal et couleur de l’espoir.', 'subtitle_edition' => '«Le Jardin des Candidats» de Dominique Goblet et Kai Pfeiffer est un livre grand format où se croisent bande dessinée et art contemporain, céramiques, sculptures, ready-mades, aquarelles et strips narratifs, dans une totale liberté de ton. Ouvrage d’une grande invention offrant des dessins de jardins, de trous dans ces jardins, d’hommes nus ou habillés, de visages d’hommes en pleurs, de vases, photographiés ou dessinés, dus aux deux artistes ou chinés sur des marchés.', 'content' => '<h3>L'exposition</h3> <p>Le Cartoonmuseum de Bâle, logé dans un bâtiment signé par les architectes Herzog & de Meuron, propose, jusqu’au 26 mai prochain, une exposition rétrospective de Dominique Goblet, née à Bruxelles en 1967 et devenue une artiste internationalement reconnue après la publication d’un récit autobiographique <i>Pretending is Lying</i> (2007) racontant sa relation avec ses deux parents, alcooliques notoires, récit qui lui vaudra à Angoulême le prix Töpffer.</p> <p>L'exposition, elle, s'ouvre sur <i>Ostende</i>, son dernier roman graphique paru en 2021 chez FRMK, qui interroge son rapport de quinquagénaire au corps et au temps. Les salles suivantes retracent l'ensemble de son parcours artistique, des carnets y côtoyant des planches dessinées et de grands formats peints, mêlant fantasmes et plongées dans l'intime. Dans les dernières salles, partant d’annonces de sites de rencontre, Dominique Goblet et Kai Pfeiffer, les deux auteurs du <i>Jardin des candidats</i>, imbriquent leurs dessins, décloisonnent les disciplines et incluent dans leur scénographie installations et fresques murales.</p> <p>Par ailleurs, dans une vidéo qui figure sur le site du musée, on peut entrapercevoir Dominique Goblet pleine de vie et d’énergie pétillante bloquant un tram à Bâle pour laisser passer la fanfare invitée en l’honneur de son show.</p> <h3>Le livre</h3> <p><i>Le</i> <i>Jardin des Candidats</i> est totalement convaincant et on ne peut qu’en vanter l’indéniable réussite plastique. Toutes les expérimentations formelles y sont au service d'une écriture et tout y est rendu comme étant nécessaire et parfait.</p> <p>En ouverture, un paon déclare dans une bulle: «cherche relation suivie pour moments câlins dans le jardin». <i>Aléa jacta es</i>, les dés sont jetés, toutes les citations sont issues de véritables textes de profils sur des sites de rencontre, apprend-t-on ensuite. Il y a ainsi de la végétation et une voix, celle de la Mère, figure mythique de l’adoration. Elle est «La Grande Absence». Elle possède un amas de livres détrempés et une piscine inachevée. Elle est l’Unique Divin Problème et quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’elle en a besoin. Les candidats repérés sur internet sont rassemblés dans le parc parmi des buissons, des vases, des paons, des trous et un barbecue. Ils y errent, ils y besognent, jardinent ou se délassent. 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Quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’Elle en a besoin.</p> <p>Des hommes en manque comme s’il en pleuvait, se soumettent avec docilité à tous ses caprices, elle leur demande de creuser, ils creusent. Des hommes avec des cheveux frisés, des cheveux raides, chauves, des casquettes, des lunettes, des cravates, des hommes nus, des hommes en pierre, en terre, assis, couchés, debout, enlacés entre eux, sur un banc, en tablier devant un barbecue, des paons, une centaine de candidats corvéables à merci. 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/></p> <h4>«Le Jardin des Candidats», Dominique Goblet et Kai Pfeiffer, Editions FRMK, 256 pages.</h4> <h4>Le livre accompagne la <a href="https://cartoonmuseum.ch/ausstellungen/dominique-goblet" target="_blank" rel="noopener">rétrospective Dominique Goblet</a> au Cartoonmuseum à Bâle qui a lieu du 2 mars au 26 mai.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'dominique-goblet-un-livre-envoutant-et-une-exposition-a-bale', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 94, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2107, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 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