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Culture / Un passionnant portrait du fondateur du surréalisme


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On fête cette année à grand bruit le centenaire du «Manifeste du surréalisme» et dans ce cadre rien ne pouvait être plus pertinent que le remarquable et si lucide opuscule dont nous allons ici vous parler, «André Breton a-t-il dit passe» de Charles Duits.



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Il s’agit du récit de la rencontre à New York en septembre 1942 entre deux poètes exilés – l’un à 17 ans et l’autre 45 – et de l’amitié qui s’ensuivit. 

Un récit rédigé dans un style tendu, passionné, tour à tour sombre ou lumineux et remarquablement dissonant. Un pur éblouissement. Ainsi André Breton a-t-il dit passe de Charles Duits, achevé aux lendemains de mai 68, et si heureusement réédité aujourd’hui aux Editions Maurice Nadeau, avec une belle préface d’Annie Le Brun, nous offre un éclairage décisif et incomparable de la figure d’André Breton.

Portrait mais aussi autoportrait

Né en France, en 1925, d’une mère américaine et d’un père juif hollandais, Charles Duits à la maison parle anglais, et à l’école, français. Il n’aura jamais la nationalité française et se sentira toujours décalé par rapport au monde qui l’entoure. De plus, enfant, issu d’un milieu bourgeois, se retrouvant dans une école communale, il ressent un fort sentiment de ne pas y être à sa place.

Face à l’avance éclair de l’armée allemande en 1940, sa mère étant américaine, la famille fuit aux Etats-Unis. Une fois arrivé là-bas, de tous côtés, on lui conseille d’oublier la France. Mais lui, ne s’adaptant pas du tout, nanti d’un accent, d’une coiffure et d’une allure qui trahissent son statut d’étranger, se retrouvant dans un collège de riches garçons américains agressifs, vulgaires et lourds, plus âgés et plus sportifs et qui le briment, cherche à ne pas oublier le français. Il se met à apprendre par cœur des pièces de Corneille et de Racine. 

Un «panneau d’acier transparent», dit-il, l’isole des joies les plus simples et des groupes hilares qui le montrent du doigt. Il rejette son milieu mais le puritanisme l’habite toujours. Il n’a pas encore 17 ans, disciple de Sade, il pense sa révolte mais ne la vit pas. Il s’imagine n’être pas normal, se croit damné. Il a horreur de ses désirs et honte de son visage, de sa couleur, de ses cheveux, de son nom. Dans sa chambre, sous sa couverture, il sanglote. Il n’est que rage, masturbation, solitude et lectures intensives.

Il arpente New York à pied et connaît toutes les libraires de la ville dans lesquelles on trouve des livres français. Et c’est ainsi que la révélation a lieu: en juin 1942, il découvre VVV, la revue des surréalistes exilés aux USA, et précisément le numéro contenant les Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non d'André Breton. Derechef, Duits rédige une lettre au ton ironique qu’il envoie à Breton, lui confiant qu’il est l’un de ses disciples et poète.

La rencontre

Breton lui répond et l’invite à venir le voir. Et nous, lecteurs, sommes là avec lui revivant cette rencontre du jeune homme de 17 ans avec un André Breton de 45 ans; de Charles Duits à la fois irrésistiblement attiré par l’incontestable génie de Breton et d’emblée rebuté par ses mœurs, ses manies, son caractère.

Breton refuse d’apprendre l’anglais et se trouve dans une situation précaire. Ce sont deux solitudes qui se rencontrent, dit Annie Le Brun. Breton paraît beaucoup plus âgé que ses 45 ans, las, amer, seul. La rencontre sera néanmoins magnétique car tous les deux, et Duits aveuglément, ont la même confiance en la poésie. La situation les obligeant à jouer un rôle, les premiers mots qu’ils échangent ne sont que paroles conventionnelles, banalités. Heureusement, Matta débarque et allège l’ambiance, introduit de la gaité.

Pour Breton vivre est une affaire sublime et pour cette raison même, douloureuse, angoissante, tragique. Il est d’ailleurs, Matta est d’ici, aime exister, trouve cela drôle, curieux et passionnant, il prend du plaisir à respirer, à marcher, à dormir, à explorer ce monde.

L'incident

Une semaine plus tard, lors d’une réunion de groupe, apercevant une femme qu’il trouve désirable, Duits s’en approche, veut la complimenter mais, à son insu, des mots sortent de sa bouche et lui déclarent qu’elle est belle comme un pot de chambre. Duits s’enfuit. Le lendemain, invité à déjeuner par Breton, il revient et reconnaît avoir proféré la phrase en question. Breton ne lui fait aucun reproche mais il ne voit dans ce geste rien de surréaliste; il lui demande d’aller s’excuser auprès de la jeune femme. Peu importe les motivations de son geste, il ne doit pas déshonorer le surréalisme.

Portrait

Duits va aussi être infiniment déçu en découvrant que l’homosexualité répugne à Breton. L’exaltation de tous les vices n’est donc pas le moteur du surréalisme? Lui, Charles, qui a été captivé par le mouvement grâce au Grand Masturbateur de Dalí, lui qui a grandi dans un monde où il était interdit d’avoir des émotions, de les montrer, dans une famille où on ne se touchait jamais et dans laquelle la sexualité n’existait pas, en fréquentant Breton, s’imaginait qu’il allait devoir insulter un policier et gifler un militaire, cracher sur tous les drapeaux et porter le scandale dans la rue. Mais pas du tout! Loin de l’encourager aux excès, Breton le modère, arguant de leur situation précaire, de leur statut d’étrangers, de leur peu de force physique.

Portrait magistral

On ne peut pas bavarder avec André Breton, avoir des rapports normaux, faciles, plaisanter, échanger des propos futiles, nous apprend-il. Il lui faut un climat dramatique. Possédant une mâchoire difforme, un corps assez pesant, sans grâce, mal habillé, ne doutant jamais, aimant par-dessus tout de grands mots tels que liberté, amour, justice, honneur, émotif, arrogant, perpétuel indigné, amateur d’expressions violentes, mais néanmoins, et c’est ce qui importe, misant sur ce qui commence, qui va arriver, ayant confiance en la simplicité et l’innocence, recevant les jeunes d’égal à égal.

Tyrannie

Embarqué dans un de ces jeux que Breton pratiquait fréquemment, dire la qualité et le défaut numéro un des présents, Duits proteste en faisant remarquer qu’il ne connaît personne. A quoi Breton lui répond: cela sera d’autant mieux. S’exécutant donc, il finit son tour laborieux face à Breton en lui attribuant comme qualité première, la bonté, et comme principal défaut, son côté tyrannique. Trois semaines plus tard, lors d’une longue promenade, dans une rue éloignée de New York, soudain Breton lui fait une scène: il n’a pas choisi d’être un tyran, il y était obligé, il a des responsabilités, une lourde charge.

Double mouvement

Oui, nous confie Charles Duits, comme l’aimant qui, par l’une de ses faces attire, et par l’autre repousse, Breton captive et accable. C’est un Pape, un être magnétique sculpté dans un bloc de radium qui tel un charbon ardent éclaire sans bruler.

Et Duits raconte aussi son accablement quand il s’est aperçu que Breton, bien loin de pratiquer l’écriture automatique, s’adonnait, comme n’importe quel scribouilleur, à un usage intensif et quasi infini de la rature et de la réécriture.

Il a lui fallu des années pour lui pardonner cette infâme supercherie, dit-il.

Le 24 janvier 1944, lors d’une de ses visites, Breton lui reproche d’être devenu insincère, d’être un parasite qui prétend se justifier par de petits poèmes. Duits bredouille quelque chose et sort.

Matta lui répétera une phrase dite par Breton et qui le blessera encore bien plus que le reproche susdit: «ce môme je pourrais le casser aussi facilement que je l’ai fait».

Retour en France: six ans de fâcherie

En 1947, Charles Duits retrouve Breton à Paris, place Blanche et dans son atelier, rue Fontaine. Mais maintenant branché Georges Bataille, Duits a adopté une attitude sarcastique. En fait, il souffre de ne plus être le Dauphin et de ce que de nouveaux venus occupent la place qui fut la sienne. Six années passent. En 1953, ayant publié un roman qui plait à Breton, ils se revoient, et d’emblée Breton traite ses nouveaux amis les plus chers d’eunuques et de charlatans. 

Ils se fâchent à nouveau.

Les derniers jours

Le 25 mai 1964, Duits rencontre Agnès, qui deviendra sa femme et qui l’épanouira enfin. Il a écrit sa lettre à Breton le 2 septembre 1942, Agnès est née à Nîmes le 3 septembre 1942. Les deux rencontres fondamentales de sa vie se touchent et il lui parle sans cesse de Breton. En 1965, à linsu de son époux et n’y tenant plus, Agnès va sonner chez le vieux rimeur. Le contact est renoué. Charles, pleinement ému de le revoir, peut ainsi constater que tout vieillard que celui-ci est devenu, il garde une aura intacte. Et lors d’une discussion entre eux, alors qu’il reproche à Breton d’avoir perdu énormément de temps à rédiger des préfaces plutôt que ses propres livres, il s’entend répondre par le vieux maitre: je suis paresseux. La vie est donc supérieure à l’art!

La mort de Breton

Peu de temps après, le 28 septembre 1966, le journal du matin annonçant sa mort, Duits a peur de découvrir en lui qu’il détestait Breton et que sa disparition va enfin le délivrer d’un poids trop grand.  Mais c’est l’inverse qui se produit, ce qu’il ressent est une profonde et sincère réconciliation posthume.

En 1968, quand il relit son André Breton a-t-il dit passe, il lui semble que la façon dont il écrivait n’a plus aucun rapport avec la façon dont on parle aujourd’hui. Mai 68 a libéré les adolescents qui peuvent à présent affirmer ouvertement la liberté sexuelle, la haine du travail, la passion de l’absolu, l’amour de l’aventure, de la paresse, du danger, de l’excès.

Le 5 avril 1969, à Nice, bienveillant miracle, nous dit-il, au détour d’une rue, à même un long mur, il découvre un graffiti géant: BRETON EST VIVANT.


«André Breton a-t-il dit passe», Charles Duits, Editions Maurice Nadeau-Lettres Nouvelles, 260 pages.

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