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Actuel / Assez de rustines: la santé, parlons-en vraiment!


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Le Parlement a mis quatorze ans pour revoir la répartition des coûts des soins entre Cantons et caisses maladie (EFAS), et ainsi corriger une énième fois la Loi sur l’assurance maladie (LAMal). Les syndicats ont lancé un référendum pour contrer cette réforme. En juin, le peuple devra se prononcer sur deux initiatives pour mettre un frein aux coûts de la santé, et pour alléger les primes des assurances maladie. Malheureusement, quoi qu’il sorte des urnes, rien de fondamental ne va changer. Pour avoir une idée de ce qu’il serait plus utile de faire, nous avons parlé avec la Professeure Stéfanie Monod, depuis longtemps engagée auprès des patients et dans les administrations pour faire mieux marcher le système.



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Boas Erez: On a l’impression de toucher aux limites du cadre fixé en 1994 avec la LAMal. Dans votre dernier livre1 vous dites que les réformes proposées depuis cette date sont des «sparadraps sur une jambe en bois». Ce n’est pas très académique!

Stéfanie Monod2: En effet, mais j’ai senti le besoin de laisser sortir ma frustration. Cela fait des années que je me bats auprès des patients et dans les administrations pour répondre aux besoins des individus, et pour faire mieux marcher le système, et je suis arrivée à la conviction qu’il faut revoir les bases de notre système de santé. Sans une nouvelle vision, le reste est marginal. Or, il n’y a pas de lieux pour mener un débat de fond. Le Parlement discute dans le cadre de la LAMal, et les partenaires tarifaires discutent de … tarifs. Ainsi, EFAS aura un grand coût pour son implémentation et accouchera d’une souris, et la révision des tarifs qui se profile avec le Tardoc ne nous sortira pas du financement à l’acte. Ce genre de réformes complexifient le système, et réduisent encore sa lisibilité!

Comment changer les bases du système de santé de manière consensuelle?

Pour commencer il faut être prêts à rompre avec ce que Alain Berset avait appelé le cartel du silence, et dire par exemple que notre système ne s’occupe pas de santé, mais plutôt de soins; puis souligner que le système est faussement démocratique; et qu’il faudrait revenir à une Médecine avec un M majuscule, une Médecine humaniste qui ne soit pas uniquement centrée sur la technologie et sur la prestation. Ce serait déjà un bon début!

Reprenons, si vous le voulez-bien, ces différents points.

Notre système est centré sur les soins aux malades et la réparation de la santé, mais pas sur la production de la santé. Notre santé est pourtant déterminée par bien d’autres facteurs que les traitements médicaux et les médicaments, et on oublie trop souvent l’importance des déterminants sociaux et environnementaux. Cela s’est vu avec la gestion du Covid-19. En fait notre société produit des malades d’un côté et on rame pour les guérir de l’autre. Pour certains, ce marché des soins rapporte beaucoup et la maladie contribue au PIB. Mais c’est mal apprécier la situation, car une société ne fonctionne plus si sa population est malade.

Actuellement, notre système d’assurance sociale se concentre, non plus sur le financement de soins, mais sur celui de prestations qui figurent dans un catalogue, et ceux qui détiennent les clés du catalogue n’ont pas intérêt à le faire évoluer ou accueillir d’autres prestataires dans le jeu. Le système est donc figé et le rôle de l’Etat malheureusement peu clair. La Confédération n’a pas de compétence générale en matière de santé, et n'est tentée d’intervenir que quand les autres acteurs ne s’entendent pas. Les Cantons, qui devraient en principe être souverains pour la gestion de leur système de santé, sont dans des rôles multiples: ils sont propriétaires d’hôpitaux, planificateurs, financeurs, et subventionneurs de primes, tout ceci dans un cadre LAMal fédéral auquel il ne peuvent déroger. Cette fausse souveraineté ne leur permet pas d’avoir le recul nécessaire pour défendre une vision cohérente et réellement modeler leur système de santé.


«On ne peut pas uniquement prôner la responsabilité des individus et la liberté économique, comme c’est le cas actuellement.»


Ainsi, notre système est faussement démocratique. La machine tourne, mais le système est bloqué et sans réels contrôles démocratiques. Plus de 50 milliards issus de nos poches, sans compter les contributions étatiques via nos impôts, circulent chaque année dans le système sans arbitrages sur l’allocation des ressources! S’il s’agissait de nos impôts les parlements en débattraient. 

Laissons en suspens la question du retour à une médecine humaniste. Comment pourrions-nous procéder afin de corriger ces défauts?

C’est à la fois simple et compliqué. Il faudrait intervenir à plusieurs niveaux. Il faudrait inscrire dans la Constitution que la santé est une tâche publique et que l’Etat fédéral a une responsabilité en matière de santé. On ne peut pas uniquement prôner la responsabilité des individus et la liberté économique, comme c’est le cas actuellement. Seulement l’Etat peut espérer contrôler la teneur en sucre ou l’excès de  graisses dans notre alimentation, de même que veiller sur la consommation de tabac et autres nuisibles pour la santé.

La Confédération et les Cantons devraient aussi repenser la coordination de leurs actions, sans arriver pour autant à un pur fédéralisme d’exécution. La Confédération pourrait s’occuper de la planification hospitalière, des soins très spécialisés, de la convergence des systèmes d’information, ainsi que de la gestion des risques environnementaux comme la pollution. Les Cantons garderaient la main sur la prévention, l’accès aux soins, les soins de longue durée, et les dispositifs communautaires autour des médecins de famille.

Dans mon livre je propose la tenue d’états généraux de la santé. Il faudrait que le Département fédéral de l’intérieur et la Conférence des directeurs de santé définissent ensemble une vision santé et une stratégie de réponse aux enjeux actuels du système de santé. L’initiative du Centre qui sera en votation le 9 juin propose bien que les Cantons et la Confédération discutent des coûts du système, mais sans dire la direction vers laquelle on veut aller. Il faudrait aussi plus de participation citoyenne. Pas de simples assemblées citoyennes hors-sol. Il faut éviter un exercice alibi et organiser un large débat, impulsé par les médias et les associations de consommateurs et de patients, qu’il faudrait financer. En parallèle, il faudrait créer une instance indépendante qui puisse disposer de toutes les données nécessaires pour informer le politique dans ses décisions. Pour terminer, il faudrait que les acteurs-clés du système et les parlementaires s’engagent à être force de proposition, et à être liés par une charte d’engagement. Nous devrions aussi changer notre imaginaire, en sortant par exemple de la toute-puissance de l’hôpital.

Qu’entendez-vous par toute-puissance de l’hôpital?

D’après mon expérience, pour la population et pour les administrations il y a l’hôpital et puis le reste. On le voit dans les batailles menées par les communes pour garder les hôpitaux sur leurs territoires. Ceci explique en partie le fait qu’il y a encore trop d’hospitalisations en Suisse. L’hôpital est important, mais ça devrait se jouer davantage dans la communauté, avec les soins à domicile, les EMS, la médecine de premier recours. Il nous manque des institutions communautaires interprofessionnelles. Lorsque j’ai été à la Direction de la santé vaudoise nous avons essayé de voir comment éviter le recours à l’hôpital pour assurer une meilleure qualité des soins, et pour éviter l’engorgement des urgences. Nous avons par exemple conçu des plateformes de coordination des soins, et des organisations régionales, mais nous n’avons pas eu le temps politique d’aller jusqu’au bout de ces réformes.


«Réaliser un nouveau cadre pour la santé n'est pas étatiser»


Je perçois dans vos propos une fibre étatiste.

Je lance un appel au politique. Ce serait un vœu pieux de penser que sans une vision politique claire les acteurs-clés seraient capables de repenser le fonctionnement global du système, de réarticuler les besoins de promotion de santé et de soins, de réajuster les structures tarifaires au profit des généralistes et des soins infirmiers, et de revaloriser la Médecine humaniste. Surtout que cela va comporter la re-discussion de certains privilèges historiques. Réaliser un nouveau cadre légal pour la santé n’est pas étatiser. Mais la loi ne peut pas tout. Mon activité de médecin m’a enseigné la solidarité, le respect de l’humain, et la compassion. Il faut déconstruire le pouvoir médical tel qu’il s’est érigé et le ramener vers plus d’humilité. Il y a actuellement une perte de sens chez les professionnels. Les médecins et les soignants en général sont écartelés entre des contraintes administratives et le besoin de temps pour les soins. C’est criant en particulier dans les hôpitaux qui sont devenus des industries pénétrées par tout un vocabulaire économique. Il faudrait repenser l’éducation des soignants en soulignant la communauté de destin entre professionnels de santé et patient, pour que cette vision humaniste se réalise.

Quelles seront les prochaines étapes pour vous?

D’ici peu sortira un rapport de Unisanté réalisé sous mandat de l’Académie des sciences médicales, qui élabore les idées de réformes légales que j’ai exposées. Ce sera un travail scientifique. Puis en juin est attendue une prise de position plus offensive de l’Académie elle-même, qui contiendra notre rapport en annexe. Nous, experts, aurons alors fait notre part du travail. La population devrait revendiquer une prise de position de l’Etat démocratique: elle est attendue. Les politiques ont besoin d’un engagement citoyen. L’avenir de la santé et des soins est dans la communauté.


1Crise du système de santé: Cantons et Confédération, il est encore temps! Kraft, n°2, Georg Editeur, 2023.

2Stéfanie Monod est Professeure titulaire à l’Université de Lausanne-Unisanté, où elle co-dirige, comme médecin cheffe, le Département épidémiologie et système de santé. Elle a travaillé une vingtaine d’années au CHUV, en gériatrie et au développement des soins des personnes âgées dans la communauté. De 2014 à 2021 elle a été Directrice générale de la santé du Canton de Vaud. 

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

4 Commentaires

@Latombe 08.03.2024 | 14h56

«Vos affirmations ont des vertus quasi révolutionnaires, je vous suis pleinement, la société suisse doit changer de paradigme : au lieu de se ruiner en soins, investir dans la santé publique et sociale.
Mais quelles forces politiques en auront le courage?
Espérons que les débats sur l'initiative du centre (limiter les dépenses) et sur celle du PS (limiter les coûts pour les contribuables), aussi peu efficaces l'une que l'autre, déboucheront sur une prise de conscience générale: la santé n'est pas une marchandise, mais un bien commun.»


@stef 23.03.2024 | 16h40

«Il faut prioriser les actions !

1) aider urgement les assurés à parvenir à payer leurs primes sans les appauvrir. Cela signifie un OUI à l'imtiative du PS. Et cela permettra de gagner du temps pour le point 2)
2) aller vers une caisse-unique qui permettrait à l'Etat de reprendre la main
3) comme le déclare la Dre Monod: "La Confédération pourrait s’occuper de la planification hospitalière, des soins très spécialisés, de la convergence des systèmes d’information, ainsi que de la gestion des risques environnementaux comme la pollution. Les Cantons garderaient la main sur la prévention, l’accès aux soins, les soins de longue durée, et les dispositifs communautaires autour des médecins de famille."»


@Philippe37 01.05.2024 | 20h18

«Je ne paie plus mes primes. Peut-être d’autres pourraient faire pareil.
Martine Keller»


@Pibeck 05.05.2024 | 13h27

«Pourquoi ne pas reconnaître qu’il faut procéder à une refonte d’un système helvétique ingérable à force de rustines, de compromis entre chèvres et choux…. Inspirons-nous du Danemark où semblent satisfaits assurés, médecins et hopitaux, avec un coût moindre pour un aussi bon état de santé de la population.»


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