Média indocile – nouvelle formule
Boas Erez
Boas Erez
Boas Erez est né aux Grisons, a passé quelques années à Berne, avant de déménager au Tessin, et de terminer ses études à Genève. Il a passé toute sa vie professionnelle dans l’université, un peu aux Etats-Unis, puis presqu’un quart de siècle à Bordeaux. Mathématicien de formation, il s’intéresse à la psychanalyse. Revenu en Suisse il y a six ans comme recteur de l’Università della Svizzera italiana, il a œuvré pour que son institution s’ouvre davantage sur la communauté qui la porte. Actuellement, il est attentif aux dynamiques de développement de la digitalisation.
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Analyse / L’UNRWA et la livre de chair
Beaucoup a été écrit ces derniers mois sur l’UNRWA. Le récent «rapport Colonna» commandité par l’ONU à la suite des allégations d'Israël à l’encontre de cette organisation n’a pas mis en évidence de dysfonctionnement notable en son sein. Cela n’a pourtant pas suffit à convaincre nos parlementaires et notre gouvernement de lui confirmer le plein soutien suisse. Que faut-il encore?
Boas Erez
B Article réservé aux abonnés
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Les jours qui ont suivi l’incursion sur le territoire israélien on pouvait encore penser qu’elle s’inscrivait dans un dessein partagé par exemple avec l’Iran. La suite a montré que cela n’a pas été le cas. Cette action commando a été décidée en autonomie par Yahya Sinwar, chef du Hamas dans la bande de Gaza. En l’appelant une razzia, je veux souligner son caractère symbolique, qui peut à lui seul la justifier. Comme le 11 septembre, le 7 octobre a montré de manière éclatante que l’ennemi a un défaut dans sa cuirasse. De plus, il ne faut pas négliger comment le choix de la date et du type d’action peuvent être lus par les Palestiniens. Les djihadistes sont des numérologues. Le samedi 7 octobre 2023, Israël fêtait Sim’hat Torah. Le jour précédent recourrait le cinquantième anniversaire du début de la Guerre du Kippour. Surtout, la cruauté des actes perpétrés à cette occasion rappelle les razzia des tribus habitant la Péninsule arabe qui, en tuant et en violant, attaquaient les tribus adverses et repartaient en emportant les enfants. L’attaque du 7 octobre fut nommée en arabe par ses initiateurs le «Déluge d’al-Aqsa», qui invoque celui, envoyé par Allah, qui noya tous les mécréants. La référence au déluge souligne le caractère virtuose du massacre. En 628, Mahomet a lui-même mené une razzia contre les Juifs vivant dans l’oasis de Khaïbar, pendant laquelle les hommes furent torturés, passés au fil de l’épée, les femmes capturées et réparties dans les harems des vainqueurs, les enfants réduits en esclavage.</p> <p><strong>Comment s’expliquer qu’une telle opération ait pu réussir?</strong></p> <p>Le Premier ministre israélien Netanyahou est otage d’une minorité, qui occupe seulement 14 sièges sur 120 à la Knesset, mais qui a la capacité de dicter son agenda. Au centre de ce programme figure l’accélération de la colonisation en Cisjordanie. Ceci s’est traduit en une stratégie qui a amené à renforcer le Hamas afin d’affaiblir l’Autorité palestinienne. Ce faisant, Netanyahou a largement sous-estimé Sinwar, qu’il avait lui-même libéré en 2011 dans le cadre d’un échange de 1'027 prisonniers palestiniens contre le caporal Gilad Shalit. Jusqu’aux Printemps arabes, le Hamas était proche de la ligne des Frères musulmans, et suivait une stratégie que l’un pourrait dire gestionnaire: il vitupérait Israël, mais avait instauré un <i>modus vivendi</i> qui semblait s’accommoder de la situation. Ceci faisait le jeu d’Israël. Après 2011, le Hamas se radicalise et s’éloigne des Frères, en se rapprochant de l’Iran, grâce à l’unique voyage à l’étranger de Sinwar. 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Analyse / Le 7 octobre et l’inanité du conflit Nord-Sud
Les événements du 7 octobre et ses conséquences ont des répercussions au niveau planétaire, où ils sont lus comme étant la manifestation d’un affrontement entre un Nord qui a fait son temps, et un Sud dit Global, qui revendique une plus grande place. Nous en parlons avec le politologue Gilles Kepel, qui a récemment publié «Holocaustes – Israël, Gaza et la Guerre contre l’Occident».
Boas Erez
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Ceux qui ne les connaissent pas peuvent avoir été surpris ou dérangés par les manifestations que les paysans ont organisées depuis le début de l’année.</p> <p>Lorsqu’ils ont commencé à manifester ils ont simplement retourné des panneaux à l’entrée de villages, pour dire que le monde marche sur la tête. Plus tard ils se sont réunis autour de feux avec leurs tracteurs, et ont explicité leur appel, leur SOS. Au dire des organisateurs les manifestations avaient pour objectif de rompre l’isolement, demander une plus grande reconnaissance, et rassembler afin de souder une profession traditionnellement morcelée, ainsi qu’établir un dialogue avec la population. Il s’est donc agi d’un appel pour attirer l’attention sur une situation ressentie comme difficile. Ce n’était pas une plainte, ni une demande de moyens. Cet appel quelque peu vague laisse transparaître un malaise profond, que les revendications plus précises, transmises au Conseil fédéral et à quatre détaillants, ne capturent pas complètement, même si elles ont été soutenues par 65'000 signatures récoltées en seulement 15 jours. L’appel demande une réflexion d’ensemble pour une refonte du système. Outre la reconnaissance pour le travail et les efforts accomplis, notamment pour l’environnement, les revendications portent sur les revenus, et dénoncent le poids du travail administratif. </p> <h3>Le système agroalimentaire suisse</h3> <p>De fait, même si les paysans ne représentent qu’environ 3% de la population active (soit environ 200'000 personnes), pour répondre à leurs inquiétudes il faut considérer le système agroalimentaire dans son ensemble. Le système suisse n’est pas très différent des autres systèmes agroalimentaires, par exemple européens. 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(Ces manœuvres ont été plus explicites au niveau de l’Union européenne.) Parmi les contre-feux on peut compter la publication d’un rapport du Conseil fédéral sur le revenu des familles paysannes, qui fait suite à une commande du Parlement datant de 2021. Le rapport se veut rassurant, et indique une évolution positive des revenus au cours de ces dernières années, bien qu’il y ait des situations très disparates. De manière analogue il y a eu ceux qui ont souligné que les paysans se sont rendus à leur rencontres nocturnes avec des tracteurs dernier cri, sous-entendant par là que les moyens ne doivent donc pas leur manquer…</p> <h3>Comment répondre à l'appel?</h3> <p>Il ne suffit pas de simplement essayer de préserver l’actuel en l’ajustant quelque peu. Il faut affronter les questions de fond. Les agriculteurs déplorent une perte de sens et de respect. 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Ceux qui ne les connaissent pas peuvent avoir été surpris ou dérangés par les manifestations que les paysans ont organisées depuis le début de l’année.</p> <p>Lorsqu’ils ont commencé à manifester ils ont simplement retourné des panneaux à l’entrée de villages, pour dire que le monde marche sur la tête. Plus tard ils se sont réunis autour de feux avec leurs tracteurs, et ont explicité leur appel, leur SOS. Au dire des organisateurs les manifestations avaient pour objectif de rompre l’isolement, demander une plus grande reconnaissance, et rassembler afin de souder une profession traditionnellement morcelée, ainsi qu’établir un dialogue avec la population. Il s’est donc agi d’un appel pour attirer l’attention sur une situation ressentie comme difficile. Ce n’était pas une plainte, ni une demande de moyens. Cet appel quelque peu vague laisse transparaître un malaise profond, que les revendications plus précises, transmises au Conseil fédéral et à quatre détaillants, ne capturent pas complètement, même si elles ont été soutenues par 65'000 signatures récoltées en seulement 15 jours. L’appel demande une réflexion d’ensemble pour une refonte du système. Outre la reconnaissance pour le travail et les efforts accomplis, notamment pour l’environnement, les revendications portent sur les revenus, et dénoncent le poids du travail administratif. </p> <h3>Le système agroalimentaire suisse</h3> <p>De fait, même si les paysans ne représentent qu’environ 3% de la population active (soit environ 200'000 personnes), pour répondre à leurs inquiétudes il faut considérer le système agroalimentaire dans son ensemble. Le système suisse n’est pas très différent des autres systèmes agroalimentaires, par exemple européens. Dans ces systèmes aussi l’agriculture est très contrôlée par une réglementation serrée et des paiements nécessaires pour assurer la viabilité de la plupart des exploitations. Partout, le besoin d’avoir une approche de plus en plus soutenable en matière d'environnement est source de tensions. Malgré leur adhésion aux principes du libre marché, les pays exercent des contrôles aux douanes et pratiquent par exemple des tarifs préférentiels pour le gasoil agricole. Une caractéristique importante de notre système est le droit foncier rural, qui a jusqu’ici contribué à éviter une trop grande concentration des exploitations agricoles et à faire en sorte que les propriétaires des terres agricoles soient les agriculteurs eux-mêmes.</p> <p>On peut dire que le système suisse fonctionne convenablement, tout en exerçant une grande pression sur les paysans. Le système est efficace: la production agricole indigène couvre près de la moitié de le demande intérieure. Ceci est remarquable dans la mesure où la population suisse n’est pas obligée de consommer des produits nationaux, qui sont souvent plus chers que les produits étrangers. Rappelons que même avec le Plan Wahlen lancé pendant la Deuxième Guerre mondiale le taux d’auto-ravitaillement n’a pas dépassé 60%. De plus, le système est efficient: depuis les années 1960, la productivité du travail agricole a beaucoup augmenté et même davantage que dans d’autres secteurs de l’économie. Ainsi par exemple de nos jours dans une ferme certifiée bio la traite d’une centaine de vaches ne nécessite presqu’aucune intervention humaine, vu qu’elle peut être assurée par un robot. </p> <p>Il y a pourtant un revers à cette <i>success story</i>. Le taux de suicides est plus élevé dans le monde agricole, la solitude y est plus répandue, et les conditions de travail y sont très contraignantes. C’est un monde soumis à de nombreuses tensions. La réglementation changeante, les nombreux contrôles, les relations difficiles avec la grande distribution ajoutent de la pression à un travail déjà largement dépendant des conditions météorologiques et des aléas liés au vivant. Les difficultés ne sont pas les mêmes pour tout le monde, mais le système doit davantage ménager tous ses acteurs de base.</p> <h3>Demi-mesures et contre-feux</h3> <p>La politique et les organisations agricoles ont bien sûr réagi afin d’éviter une escalade des manifestations. Il fallait que les paysans se rangent. Le président de l’Union suisse des paysans s’est inquiété pour l’image des agriculteurs. Une conseillère d’Etat a donc promis de réduire d’un tiers la charge administrative pour les paysans de son canton. Dans un autre canton des aides pour les vignerons ont été décidées. Au niveau fédéral des gestes ont été faits pour les producteurs de lait, et le Conseiller fédéral Parmelin a reçu les paysans en colère. Par ailleurs, le secteur agricole a été préservé dans le cadre du récent accord de libre-échange signé avec l’Inde, et malgré que cela aille à l’encontre des engagements pris pour le réduire les émissions de CO<sub>2</sub>, le prix du gasoil agricole n’a pas été augmenté. Rien ne semble pourtant avoir bougé sur le front des marges de la grande distribution, qui restent très importantes et peu transparentes. En somme, le système actuel n’a pas été remis en question, en tout cas pas avec l’intérêt des paysans en tête. Il y a plutôt eu des tentatives de récupération politique de la grogne, et l’allumage de quelques contre-feux. Ainsi, les agrariens ont joué sur l’ambiguïté de leur appellation, et certains libéraux en ont profité pour proposer de libéraliser davantage la production agricole. Certains ont joué les paysans contre les écologistes, laissant croire que les déboires des premiers sont causés par des exigences exagérées des seconds. (Ces manœuvres ont été plus explicites au niveau de l’Union européenne.) Parmi les contre-feux on peut compter la publication d’un rapport du Conseil fédéral sur le revenu des familles paysannes, qui fait suite à une commande du Parlement datant de 2021. Le rapport se veut rassurant, et indique une évolution positive des revenus au cours de ces dernières années, bien qu’il y ait des situations très disparates. De manière analogue il y a eu ceux qui ont souligné que les paysans se sont rendus à leur rencontres nocturnes avec des tracteurs dernier cri, sous-entendant par là que les moyens ne doivent donc pas leur manquer…</p> <h3>Comment répondre à l'appel?</h3> <p>Il ne suffit pas de simplement essayer de préserver l’actuel en l’ajustant quelque peu. Il faut affronter les questions de fond. Les agriculteurs déplorent une perte de sens et de respect. Il se sentent incompris, bien que – comme cela a été rappelé lors des manifestations – derrière ce que nous avons dans notre assiette il y a toujours un paysan. La multiplication des initiatives populaires de ces dernières années – pour une eau potable propre, contre les pesticides de synthèse, sur l’élevage intensif, pour la biodiversité, etc. – pousse la population à mettre en question les pratiques paysannes, et à méconnaître les efforts fournis pour améliorer les conditions d’élevage, la qualité des produits, et la préservation de l’environnement. La consommation de produits transformés change les produits agricoles en matières premières. Vu qu’il suffit d’ajouter de l’eau à des flocons pour obtenir une purée de pommes de terre, où est le lait? Les habitudes alimentaires imposent des règles et standards toujours plus stricts, de la taille des côtes de bœuf à la forme des pommes. </p> <p>Il faudrait donc agir sur deux fronts. L’un est celui promu au niveau planétaire par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à savoir prendre en compte les coûts cachés de notre système agroalimentaire. Ceci permettrait en particulier de justifier clairement la nécessité de tenir compte de l’impact environnemental de l’agriculture. L’autre est celui du clivage ville-campagne, qui dans notre pays, où trois-quarts de la population vit dans des agglomérations urbaines, est particulièrement marqué. 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Analyse / L'appel des paysans suisses
Voilà, on ne les entend presque plus, les paysans. L’agitation semble finie. Est-ce parce que leurs revendications ont été entendues? Non, ce sont juste les contre-feux et les demi-mesures des appareils politiques et syndicaux qui ont montré leurs effets et ont réussi à calmer la grogne.
Boas Erez
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Ce n’est pas très académique!</strong></p> <p><strong>Stéfanie Monod<sup>2</sup></strong>: En effet, mais j’ai senti le besoin de laisser sortir ma frustration. Cela fait des années que je me bats auprès des patients et dans les administrations pour répondre aux besoins des individus, et pour faire mieux marcher le système, et je suis arrivée à la conviction qu’il faut revoir les bases de notre système de santé. Sans une nouvelle vision, le reste est marginal. Or, il n’y a pas de lieux pour mener un débat de fond. Le Parlement discute dans le cadre de la LAMal, et les partenaires tarifaires discutent de … tarifs. Ainsi, EFAS aura un grand coût pour son implémentation et accouchera d’une souris, et la révision des tarifs qui se profile avec le Tardoc ne nous sortira pas du financement à l’acte. Ce genre de réformes complexifient le système, et réduisent encore sa lisibilité!</p> <p><strong>Comment changer les bases du système de santé de manière consensuelle?</strong></p> <p>Pour commencer il faut être prêts à rompre avec ce que Alain Berset avait appelé le cartel du silence, et dire par exemple que notre système ne s’occupe pas de santé, mais plutôt de soins; puis souligner que le système est faussement démocratique; et qu’il faudrait revenir à une Médecine avec un M majuscule, une Médecine humaniste qui ne soit pas uniquement centrée sur la technologie et sur la prestation. Ce serait déjà un bon début!</p> <p><strong>Reprenons, si vous le voulez-bien, ces différents points.</strong></p> <p>Notre système est centré sur les soins aux malades et la réparation de la santé, mais pas sur la production de la santé. Notre santé est pourtant déterminée par bien d’autres facteurs que les traitements médicaux et les médicaments, et on oublie trop souvent l’importance des déterminants sociaux et environnementaux. Cela s’est vu avec la gestion du Covid-19. En fait notre société produit des malades d’un côté et on rame pour les guérir de l’autre. Pour certains, ce marché des soins rapporte beaucoup et la maladie contribue au PIB. Mais c’est mal apprécier la situation, car une société ne fonctionne plus si sa population est malade.</p> <p>Actuellement, notre système d’assurance sociale se concentre, non plus sur le financement de soins, mais sur celui de prestations qui figurent dans un catalogue, et ceux qui détiennent les clés du catalogue n’ont pas intérêt à le faire évoluer ou accueillir d’autres prestataires dans le jeu. Le système est donc figé et le rôle de l’Etat malheureusement peu clair. La Confédération n’a pas de compétence générale en matière de santé, et n'est tentée d’intervenir que quand les autres acteurs ne s’entendent pas. Les Cantons, qui devraient en principe être souverains pour la gestion de leur système de santé, sont dans des rôles multiples: ils sont propriétaires d’hôpitaux, planificateurs, financeurs, et subventionneurs de primes, tout ceci dans un cadre LAMal fédéral auquel il ne peuvent déroger. Cette fausse souveraineté ne leur permet pas d’avoir le recul nécessaire pour défendre une vision cohérente et réellement modeler leur système de santé.</p> <hr /> <h3 style="text-align: center;"><em>«On ne peut pas uniquement prôner la responsabilité des individus et la liberté économique, comme c’est le cas actuellement.»</em></h3> <hr /> <p>Ainsi, notre système est faussement démocratique. La machine tourne, mais le système est bloqué et sans réels contrôles démocratiques. Plus de 50 milliards issus de nos poches, sans compter les contributions étatiques via nos impôts, circulent chaque année dans le système sans arbitrages sur l’allocation des ressources! S’il s’agissait de nos impôts les parlements en débattraient. </p> <p><strong>Laissons en suspens la question du retour à une médecine humaniste. Comment pourrions-nous procéder afin de corriger ces défauts?</strong></p> <p>C’est à la fois simple et compliqué. Il faudrait intervenir à plusieurs niveaux. Il faudrait inscrire dans la Constitution que la santé est une tâche publique et que l’Etat fédéral a une responsabilité en matière de santé. On ne peut pas uniquement prôner la responsabilité des individus et la liberté économique, comme c’est le cas actuellement. Seulement l’Etat peut espérer contrôler la teneur en sucre ou l’excès de graisses dans notre alimentation, de même que veiller sur la consommation de tabac et autres nuisibles pour la santé.</p> <p>La Confédération et les Cantons devraient aussi repenser la coordination de leurs actions, sans arriver pour autant à un pur fédéralisme d’exécution. La Confédération pourrait s’occuper de la planification hospitalière, des soins très spécialisés, de la convergence des systèmes d’information, ainsi que de la gestion des risques environnementaux comme la pollution. Les Cantons garderaient la main sur la prévention, l’accès aux soins, les soins de longue durée, et les dispositifs communautaires autour des médecins de famille.</p> <p>Dans mon livre je propose la tenue d’états généraux de la santé. Il faudrait que le Département fédéral de l’intérieur et la Conférence des directeurs de santé définissent ensemble une vision santé et une stratégie de réponse aux enjeux actuels du système de santé. L’initiative du Centre qui sera en votation le 9 juin propose bien que les Cantons et la Confédération discutent des coûts du système, mais sans dire la direction vers laquelle on veut aller. Il faudrait aussi plus de participation citoyenne. Pas de simples assemblées citoyennes hors-sol. Il faut éviter un exercice alibi et organiser un large débat, impulsé par les médias et les associations de consommateurs et de patients, qu’il faudrait financer. En parallèle, il faudrait créer une instance indépendante qui puisse disposer de toutes les données nécessaires pour informer le politique dans ses décisions. Pour terminer, il faudrait que les acteurs-clés du système et les parlementaires s’engagent à être force de proposition, et à être liés par une charte d’engagement. Nous devrions aussi changer notre imaginaire, en sortant par exemple de la toute-puissance de l’hôpital.</p> <p><strong>Qu’entendez-vous par toute-puissance de l’hôpital?</strong></p> <p>D’après mon expérience, pour la population et pour les administrations il y a l’hôpital et puis le reste. On le voit dans les batailles menées par les communes pour garder les hôpitaux sur leurs territoires. Ceci explique en partie le fait qu’il y a encore trop d’hospitalisations en Suisse. L’hôpital est important, mais ça devrait se jouer davantage dans la communauté, avec les soins à domicile, les EMS, la médecine de premier recours. Il nous manque des institutions communautaires interprofessionnelles. Lorsque j’ai été à la Direction de la santé vaudoise nous avons essayé de voir comment éviter le recours à l’hôpital pour assurer une meilleure qualité des soins, et pour éviter l’engorgement des urgences. Nous avons par exemple conçu des plateformes de coordination des soins, et des organisations régionales, mais nous n’avons pas eu le temps politique d’aller jusqu’au bout de ces réformes.</p> <hr /> <h3 style="text-align: center;"><em>«Réaliser un nouveau cadre pour la santé n'est pas étatiser»</em></h3> <hr /> <p><strong>Je perçois dans vos propos une fibre étatiste.</strong></p> <p>Je lance un appel au politique. Ce serait un vœu pieux de penser que sans une vision politique claire les acteurs-clés seraient capables de repenser le fonctionnement global du système, de réarticuler les besoins de promotion de santé et de soins, de réajuster les structures tarifaires au profit des généralistes et des soins infirmiers, et de revaloriser la Médecine humaniste. Surtout que cela va comporter la re-discussion de certains privilèges historiques. Réaliser un nouveau cadre légal pour la santé n’est pas étatiser. Mais la loi ne peut pas tout. Mon activité de médecin m’a enseigné la solidarité, le respect de l’humain, et la compassion. Il faut déconstruire le pouvoir médical tel qu’il s’est érigé et le ramener vers plus d’humilité. Il y a actuellement une perte de sens chez les professionnels. Les médecins et les soignants en général sont écartelés entre des contraintes administratives et le besoin de temps pour les soins. C’est criant en particulier dans les hôpitaux qui sont devenus des industries pénétrées par tout un vocabulaire économique. Il faudrait repenser l’éducation des soignants en soulignant la communauté de destin entre professionnels de santé et patient, pour que cette vision humaniste se réalise.</p> <p><strong>Quelles seront les prochaines étapes pour vous?</strong></p> <p>D’ici peu sortira un rapport de Unisanté réalisé sous mandat de l’Académie des sciences médicales, qui élabore les idées de réformes légales que j’ai exposées. Ce sera un travail scientifique. Puis en juin est attendue une prise de position plus offensive de l’Académie elle-même, qui contiendra notre rapport en annexe. Nous, experts, aurons alors fait notre part du travail. La population devrait revendiquer une prise de position de l’Etat démocratique: elle est attendue. Les politiques ont besoin d’un engagement citoyen. L’avenir de la santé et des soins est dans la communauté.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup><i>Crise du système de santé: Cantons et Confédération, il est encore temps!</i> Kraft, n°2, Georg Editeur, 2023.</h4> <h4><sup>2</sup>Stéfanie Monod est Professeure titulaire à l’Université de Lausanne-Unisanté, où elle co-dirige, comme médecin cheffe, le Département épidémiologie et système de santé. Elle a travaillé une vingtaine d’années au CHUV, en gériatrie et au développement des soins des personnes âgées dans la communauté. 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Ce genre de réformes complexifient le système, et réduisent encore sa lisibilité!</p> <p><strong>Comment changer les bases du système de santé de manière consensuelle?</strong></p> <p>Pour commencer il faut être prêts à rompre avec ce que Alain Berset avait appelé le cartel du silence, et dire par exemple que notre système ne s’occupe pas de santé, mais plutôt de soins; puis souligner que le système est faussement démocratique; et qu’il faudrait revenir à une Médecine avec un M majuscule, une Médecine humaniste qui ne soit pas uniquement centrée sur la technologie et sur la prestation. Ce serait déjà un bon début!</p> <p><strong>Reprenons, si vous le voulez-bien, ces différents points.</strong></p> <p>Notre système est centré sur les soins aux malades et la réparation de la santé, mais pas sur la production de la santé. Notre santé est pourtant déterminée par bien d’autres facteurs que les traitements médicaux et les médicaments, et on oublie trop souvent l’importance des déterminants sociaux et environnementaux. Cela s’est vu avec la gestion du Covid-19. En fait notre société produit des malades d’un côté et on rame pour les guérir de l’autre. Pour certains, ce marché des soins rapporte beaucoup et la maladie contribue au PIB. Mais c’est mal apprécier la situation, car une société ne fonctionne plus si sa population est malade.</p> <p>Actuellement, notre système d’assurance sociale se concentre, non plus sur le financement de soins, mais sur celui de prestations qui figurent dans un catalogue, et ceux qui détiennent les clés du catalogue n’ont pas intérêt à le faire évoluer ou accueillir d’autres prestataires dans le jeu. Le système est donc figé et le rôle de l’Etat malheureusement peu clair. La Confédération n’a pas de compétence générale en matière de santé, et n'est tentée d’intervenir que quand les autres acteurs ne s’entendent pas. Les Cantons, qui devraient en principe être souverains pour la gestion de leur système de santé, sont dans des rôles multiples: ils sont propriétaires d’hôpitaux, planificateurs, financeurs, et subventionneurs de primes, tout ceci dans un cadre LAMal fédéral auquel il ne peuvent déroger. Cette fausse souveraineté ne leur permet pas d’avoir le recul nécessaire pour défendre une vision cohérente et réellement modeler leur système de santé.</p> <hr /> <h3 style="text-align: center;"><em>«On ne peut pas uniquement prôner la responsabilité des individus et la liberté économique, comme c’est le cas actuellement.»</em></h3> <hr /> <p>Ainsi, notre système est faussement démocratique. La machine tourne, mais le système est bloqué et sans réels contrôles démocratiques. Plus de 50 milliards issus de nos poches, sans compter les contributions étatiques via nos impôts, circulent chaque année dans le système sans arbitrages sur l’allocation des ressources! S’il s’agissait de nos impôts les parlements en débattraient. </p> <p><strong>Laissons en suspens la question du retour à une médecine humaniste. Comment pourrions-nous procéder afin de corriger ces défauts?</strong></p> <p>C’est à la fois simple et compliqué. Il faudrait intervenir à plusieurs niveaux. Il faudrait inscrire dans la Constitution que la santé est une tâche publique et que l’Etat fédéral a une responsabilité en matière de santé. On ne peut pas uniquement prôner la responsabilité des individus et la liberté économique, comme c’est le cas actuellement. Seulement l’Etat peut espérer contrôler la teneur en sucre ou l’excès de graisses dans notre alimentation, de même que veiller sur la consommation de tabac et autres nuisibles pour la santé.</p> <p>La Confédération et les Cantons devraient aussi repenser la coordination de leurs actions, sans arriver pour autant à un pur fédéralisme d’exécution. La Confédération pourrait s’occuper de la planification hospitalière, des soins très spécialisés, de la convergence des systèmes d’information, ainsi que de la gestion des risques environnementaux comme la pollution. Les Cantons garderaient la main sur la prévention, l’accès aux soins, les soins de longue durée, et les dispositifs communautaires autour des médecins de famille.</p> <p>Dans mon livre je propose la tenue d’états généraux de la santé. Il faudrait que le Département fédéral de l’intérieur et la Conférence des directeurs de santé définissent ensemble une vision santé et une stratégie de réponse aux enjeux actuels du système de santé. L’initiative du Centre qui sera en votation le 9 juin propose bien que les Cantons et la Confédération discutent des coûts du système, mais sans dire la direction vers laquelle on veut aller. Il faudrait aussi plus de participation citoyenne. Pas de simples assemblées citoyennes hors-sol. Il faut éviter un exercice alibi et organiser un large débat, impulsé par les médias et les associations de consommateurs et de patients, qu’il faudrait financer. En parallèle, il faudrait créer une instance indépendante qui puisse disposer de toutes les données nécessaires pour informer le politique dans ses décisions. Pour terminer, il faudrait que les acteurs-clés du système et les parlementaires s’engagent à être force de proposition, et à être liés par une charte d’engagement. Nous devrions aussi changer notre imaginaire, en sortant par exemple de la toute-puissance de l’hôpital.</p> <p><strong>Qu’entendez-vous par toute-puissance de l’hôpital?</strong></p> <p>D’après mon expérience, pour la population et pour les administrations il y a l’hôpital et puis le reste. On le voit dans les batailles menées par les communes pour garder les hôpitaux sur leurs territoires. Ceci explique en partie le fait qu’il y a encore trop d’hospitalisations en Suisse. L’hôpital est important, mais ça devrait se jouer davantage dans la communauté, avec les soins à domicile, les EMS, la médecine de premier recours. Il nous manque des institutions communautaires interprofessionnelles. Lorsque j’ai été à la Direction de la santé vaudoise nous avons essayé de voir comment éviter le recours à l’hôpital pour assurer une meilleure qualité des soins, et pour éviter l’engorgement des urgences. Nous avons par exemple conçu des plateformes de coordination des soins, et des organisations régionales, mais nous n’avons pas eu le temps politique d’aller jusqu’au bout de ces réformes.</p> <hr /> <h3 style="text-align: center;"><em>«Réaliser un nouveau cadre pour la santé n'est pas étatiser»</em></h3> <hr /> <p><strong>Je perçois dans vos propos une fibre étatiste.</strong></p> <p>Je lance un appel au politique. Ce serait un vœu pieux de penser que sans une vision politique claire les acteurs-clés seraient capables de repenser le fonctionnement global du système, de réarticuler les besoins de promotion de santé et de soins, de réajuster les structures tarifaires au profit des généralistes et des soins infirmiers, et de revaloriser la Médecine humaniste. Surtout que cela va comporter la re-discussion de certains privilèges historiques. Réaliser un nouveau cadre légal pour la santé n’est pas étatiser. Mais la loi ne peut pas tout. Mon activité de médecin m’a enseigné la solidarité, le respect de l’humain, et la compassion. Il faut déconstruire le pouvoir médical tel qu’il s’est érigé et le ramener vers plus d’humilité. Il y a actuellement une perte de sens chez les professionnels. Les médecins et les soignants en général sont écartelés entre des contraintes administratives et le besoin de temps pour les soins. C’est criant en particulier dans les hôpitaux qui sont devenus des industries pénétrées par tout un vocabulaire économique. Il faudrait repenser l’éducation des soignants en soulignant la communauté de destin entre professionnels de santé et patient, pour que cette vision humaniste se réalise.</p> <p><strong>Quelles seront les prochaines étapes pour vous?</strong></p> <p>D’ici peu sortira un rapport de Unisanté réalisé sous mandat de l’Académie des sciences médicales, qui élabore les idées de réformes légales que j’ai exposées. Ce sera un travail scientifique. Puis en juin est attendue une prise de position plus offensive de l’Académie elle-même, qui contiendra notre rapport en annexe. Nous, experts, aurons alors fait notre part du travail. La population devrait revendiquer une prise de position de l’Etat démocratique: elle est attendue. Les politiques ont besoin d’un engagement citoyen. L’avenir de la santé et des soins est dans la communauté.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup><i>Crise du système de santé: Cantons et Confédération, il est encore temps!</i> Kraft, n°2, Georg Editeur, 2023.</h4> <h4><sup>2</sup>Stéfanie Monod est Professeure titulaire à l’Université de Lausanne-Unisanté, où elle co-dirige, comme médecin cheffe, le Département épidémiologie et système de santé. Elle a travaillé une vingtaine d’années au CHUV, en gériatrie et au développement des soins des personnes âgées dans la communauté. 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Actuel / Assez de rustines: la santé, parlons-en vraiment!
En juin, le peuple devra se prononcer sur deux initiatives pour mettre un frein aux coûts de la santé, et alléger les primes des assurances maladie. Malheureusement, quoi qu’il sorte des urnes, rien de fondamental ne va changer. Pour avoir une idée de ce qu’il serait plus utile de faire, nous nous sommes entretenus avec la professeure Stéfanie Monod, depuis longtemps engagée auprès des patients et dans les administrations pour faire mieux marcher le système.
Boas Erez
B Article réservé aux abonnés
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On le voit, cette déferlante d’articles sur AVS13 loin d’avoir un objectif (seulement) pédagogique vise aussi à convaincre le lecteur de l’imminence d’une tragédie.</p> <h3>Une argumentation douteuse</h3> <p>Le 12 janvier une petite colonne dans la rubrique «Suisse» rapporte une conversation entre quatre seniors, réellement entendue dans la première classe d’un train. L’échange s’ouvre avec une première dame qui se félicite de son achat d’un abonnement général de première classe, qu’elle a utilisé la veille pour faire l’aller-retour dans la journée au sud des Alpes pour déjeuner. Puis, une deuxième dame raconte qu’avec son mari, ils vont partir au Cap pour jouer au golf, et qu’ils étaient heureux d’avoir eux aussi un abonnement général de première classe, ce qui leur permet de ne pas devoir acheter de billets pour se rendre à l’aéroport. Ensuite, il est question de leurs voyages à Las Vegas et au Texas, et finalement de celui d’une amie qui, avec ses six sœurs, toutes octogénaires, part pour Strasbourg. Ce projet surprend le mari de la première dame, vu que l’amie ne peut compter que sur une rente AVS. Sa femme profite de cette remarque pour inviter ses trois compagnons de voyage à soutenir AVS13. Fin de cette scénette, dont le message semble être que l’objectif de AVS13 est de permettre aux riches seniors de voyager.</p> <p>On dirait que la <em>NZZ</em> a fait sien l’adage que la fin justifie les moyens. <b></b>(Notons, en passant, que celui qui raconte l’histoire voyageait aussi en première classe.) La pluie d’articles se poursuit avec deux fois la dénonciation du «mythe des retraités pauvres», mais aussi la mise au jour de «l’inconfortable secret de l’AVS», à savoir que l’on touche plus que ce que l’on verse, tout en se persuadant de l’avoir entièrement mérité. De surcroît, AVS13 serait carrément une remise en question du modèle de la réussite de la Suisse. C’est sûr, est-il dit, AVS13 va obliger à augmenter l’âge de la retraite. Ce n’est que du rafistolage, et le financement de l’AVS doit préoccuper. Un rédacteur lance un appel au parti des Vert.e.s, qui est invité à enfin abandonner son hypocrisie, et à se préoccuper de la durabilité de ce financement comme il se soucie du climat. Vu que par ailleurs il est question du frein à l’endettement, on propose un tel mécanisme pour l’AVS.</p> <p>Dans l’analyse économique, on avoue qu’il est difficile de déterminer la pauvreté des retraités, ce qui n’empêche pas d’intituler un article «Les pauvres vont mieux après la retraite». Suit un autre titre choc: «L’AVS est en feu et nous y versons de l’huile». On continue avec des témoignages d’experts. Le trésorier en chef de l’AVS exprime son inquiétude que AVS13 ne passe. 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Aux Etats-Unis il est courant que lors d’élections les rédactions s’expriment ouvertement en faveur de tel ou tel candidat, mais celles-ci le font dans un espace séparé de celui consacré à l’information.</p> <p>La <em>NZZ</em> occupe une place à part dans le panorama médiatique suisse, on sait qu’elle est proche du parti libéral, mais il est difficile de comprendre pourquoi elle a ressenti le besoin de prendre ainsi parti. Les opposants à AVS13 ont les moyens de se faire entendre autrement, et contrairement à ce que l’on veut faire croire, AVS13 n’est pas soutenue que par les partis de gauche. En effet, de nombreux adhérents à des organisations qui s’y opposent, comme l’UDC ou l’Union suisse des paysans, voteront pour AVS13. La <em>NZZ</em> se sent le devoir d’affirmer une identité idéologique. Nous l’avons mis en évidence au sujet de AVS13, d’autres ont observé dans ses pages une dérive philo-atlantiste. 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A vif / AVS13: la «NZZ» a perdu toute retenue
Le 3 mars on vote sur l’initiative de l’Union syndicale suisse (USS) qui propose d’introduire une treizième rente AVS (AVS13). Les quotidiens donnent justement beaucoup de place à la discussion sur cet enjeu de taille. La «Neue Zürcher Zeitung» (NZZ) va plus loin et prend position. Depuis trois mois, sans relâche le quotidien donne la parole à ceux qui pensent qu’un «oui» à AVS13 serait une tragédie. Pire, il soutient directement cette position, ce qui est à la fois inutile et éthiquement discutable.
Boas Erez
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Il y a un échange entre les personnages principaux qui traite très précisément la question (voir Saison 3, ép. 1, min. 38). La compagne de Jesse meurt d’une overdose. Le père de la fille est dévasté et prend congé de son poste de contrôleur aérien. Il n’est pas complètement rétabli lorsqu’il y revient, et on le voit en difficulté lorsqu’il essaie de suivre ce qui se passe sur son écran radar. Deux avions de ligne se percutent dans le ciel au-dessus d’Albuquerque. Jesse pense être responsable de la mort de sa compagne, et donc que l’accident est aussi de sa faute. Son associé, Walt le chimiste à la tête froide, essaie de le convaincre du contraire. Parmi ses arguments il y a le fait que le radar d’un des avions ne marchait pas correctement, et que tout le système fonctionnait avec une technologie datant des années 1960. Pour ces raisons, conclut-il, il faut s’en prendre au gouvernement. 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Il y a un échange entre les personnages principaux qui traite très précisément la question (voir Saison 3, ép. 1, min. 38). La compagne de Jesse meurt d’une overdose. Le père de la fille est dévasté et prend congé de son poste de contrôleur aérien. Il n’est pas complètement rétabli lorsqu’il y revient, et on le voit en difficulté lorsqu’il essaie de suivre ce qui se passe sur son écran radar. Deux avions de ligne se percutent dans le ciel au-dessus d’Albuquerque. Jesse pense être responsable de la mort de sa compagne, et donc que l’accident est aussi de sa faute. Son associé, Walt le chimiste à la tête froide, essaie de le convaincre du contraire. Parmi ses arguments il y a le fait que le radar d’un des avions ne marchait pas correctement, et que tout le système fonctionnait avec une technologie datant des années 1960. Pour ces raisons, conclut-il, il faut s’en prendre au gouvernement. On peut aussi se demander s’il était raisonnable que le contrôleur retrouve si vite son poste.</p> <h3>L'accident du Susten</h3> <p>Le contrôleur aérien inculpé pour l’accident du F/A-18 au Susten était en pleine possession de ses moyens, mais il a néanmoins commis une erreur: il a communiqué une mauvaise information au pilote. Il s’est tout de suite rendu compte de son erreur, mais la rapidité des opérations ne lui a pas permis de la rectifier auprès du pilote. Comme dans <i>Breaking bad</i> le cas n’est pourtant pas simple, et les dysfonctionnements ont été multiples. Ainsi, le matériel sur lequel le contrôleur travaillait en 2016 à l’aéroport militaire de Meiringen datait de la fin des années 1960, et ne pouvait donc lui fournir qu’une aide relative. Ensuite, le pilote a eu besoin d’une information du contrôleur parce qu’il n’a pas réussi à se connecter avec son radar de bord à l’avion du <i>leader</i> qu’il était censé suivre. Les chasseurs volent le plus souvent en duo pour effectuer leurs missions, et quand les conditions de visibilité sont bonnes le deuxième avion suit le <i>leader</i> à vue, sinon il utilise son radar de bord. Or, le contact radar entre les deux avions n’a pas pu s’établir parce que le <i>leader</i> a choisi une trajectoire de montée radicale, que le radar du Hornet de notre pilote ne pouvait suivre, car il a un champ de visibilité (trop) limité. La mauvaise information transmise concernait la hauteur de vol. Le contrôleur a indiqué 100 (correspondant à 3'000 mètres), vingt secondes après avoir d’abord communiqué 190, car le contact radar avec le <i>leader</i> n’était toujours pas établi. Il faut noter que dans ce cas il n’y avait pas que les montagnes de 3'500 mètres à éviter, mais aussi l’avion du <i>leader</i>. Enfin, l’accident n’a pas pu être évité malgré le fait que le contrôleur se soit rendu compte de son erreur après quelques secondes, car entretemps il avait passé le contrôle à ses collègues de Dübendorf, et ne pouvait donc plus communiquer directement avec l’avion.</p> <h3>Culture équitable</h3> <p>Il apparaît de ce bref résumé des faits que l’accident du Susten est survenu suite à des erreurs honnêtes, commises par inadvertance, et que les faiblesses des appareillages techniques ont aussi contribué à l’issue fatale. Un argumentaire analogue à celui de Walt dans <i>Breaking bad </i>aurait donc pu être développé, mais c’est la voie punitive qui a été choisie. Rappelons que la procédure pénale prévoit la possibilité de ne pas poursuivre un homicide par négligence. Ce fut par exemple le cas d’une mère qui avait causé la mort de sa petite fille en la laissant dans sa voiture sous le soleil. Pourquoi donc poursuivre le contrôleur? Ce n’est pas sa punition qui permettra d’éviter des erreurs analogues dans le futur. Les acteurs de terrain le reconnaissent, et depuis une vingtaine d’années dans le domaine de l’aviation on admet la faillibilité humaine et le caractère illusoire de la performance parfaite. Cette approche s’oppose à une culture pour laquelle la sanction est la seule manière de dissuader les comportements induisant des erreurs. Bien sûr, cette nouvelle culture ne tolère pas les négligences évidentes, les comportements irresponsables, téméraires, ou destructifs. Il s’agit plutôt de mettre les gens en confiance pour qu’ils rapportent les dysfonctionnements de manière à améliorer la sécurité des opérations.</p> <p>Ce juste milieu porte le nom de culture équitable (<i>just culture</i> en anglais). </p> <h3>Des pratiques qui créent des tensions</h3> <p>Il y a une tension entre la culture équitable et le droit pénal. Celle-ci s’est exprimée lorsqu’en 2019 le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d’un contrôleur aérien, suite à un incident qui n’avait pas eu de conséquences graves. Cette décision a porté les contrôleurs aériens et les pilotes suisses à exprimer leurs craintes que de tels verdicts risquent de compromettre le déploiement de la culture équitable. Le conseiller national Gregor Rutz a alors proposé une adaptation du droit pénal par la voie d’une initiative parlementaire. Ses collègues parlementaires ne l’ont pas suivi et ont préféré laisser au Conseil fédéral le soin de voir comment rendre le droit compatible avec un déploiement de la culture équitable. Dans l’attente de la proposition du Conseil fédéral, la tension demeure.</p> <h3>Un verdict en demi-teinte</h3> <p>Le tribunal militaire a donc inculpé le contrôleur aérien de Meiringen d’homicide involontaire. 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Analyse / Un F/A-18 s’écrase, à qui la faute?
Le 26 août 2016 il y a eu mort d’homme. Un jeune pilote de l’armée s’écrase avec son F/A-18 C Hornet contre la paroi ouest du Hinter Tierberg dans la région du Susten, à peine 11 mètres sous la ligne de crête. La visibilité était très mauvaise. Début 2024, la justice militaire condamne un contrôleur du ciel pour homicide involontaire et perturbation involontaire de la circulation publique. Est-ce que chercher un coupable était la seule manière de procéder?
Boas Erez
B Article réservé aux abonnés
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L’idée est d’autant plus intéressante qu’elle est défendue par quelqu’un qui a écrit un livre, que lui-même a défini comme une lettre d’amour, intitulé <i>Pourquoi l’Europe dominera le XXIème siècle.</i> Il est important d’en mesurer la portée.</p> <p>Ce n’est pas difficile. Les liens créés par la finance font que ses crises se répandent au niveau global, de même que les virus comme le Covid-19 profitent de nos déplacements. Les sanctions économiques ne peuvent fonctionner que parce qu’il y a des échanges commerciaux. Internet rend possible les cyberattaques et la polarisation des opinions à travers les réseaux sociaux. Faut-il rappeler que le nom «Ukraine» signifie quelque chose comme «près du bord»? Le thème est général: pensons au relations ville-campagne qui engendrent des tensions sur les questions écologiques, ou aux relations intergénérationnelles qui donnent actuellement lieu à des débats sur l’assurance vieillesse. Mais restons au niveau des Etats.</p> <h3>Désamorcer les liens</h3> <p>L’existence de frontières ne suffit pas pour que l’on vive en paix, il faut que de part et d’autre on soit d’accord sur leur rôle de barrière, ceci pour désamorcer le potentiel nuisible des liens. Pour bien saisir la nature des liens entre Etats, il est important de s’en faire une idée conforme à la réalité, car les territoires, les peuples, et les compétences des Etats ont beaucoup évolué depuis l’apparition de cette forme d’organisation politique.</p> <p>Pour commencer, les limites territoriales des Etats ne sont pas naturelles, elles sont toujours le résultat d’accords. La Suisse par exemple comporte de multiples enclaves aux niveaux communal et cantonal, et même deux enclaves internationales: une allemande et une italienne. Ensuite, il est très rare qu’un peuple puise tout entier ses racines dans son territoire, il est plus courant qu’il soit lié par une Constitution, et qu’il ait subi un métissage plus ou moins prononcé. De surcroît, les Etats ont dû céder une part de leur souveraineté: en interne ils doivent composer avec de nombreux contrepouvoirs, comme les partis et les syndicats, et en externe ils ont dû abdiquer l’exercice de certaines de leurs fonctions à des organismes supranationaux comme les Nations Unies, dont ils doivent respecter la Charte. La Suisse fait partie de l’espace Schengen, au sein duquel on devrait suspendre les contrôles aux frontières, et elle participe aux accords de Dublin en matière d’asile.</p> <p>Les Etats doivent aussi cohabiter avec d’autres protagonistes de la scène mondiale qui ne sont pas régis par des constitutions ou des gouvernements: parmi les 100 organismes les plus grands au monde seulement la moitié sont des Etats et l’autre moitié sont des entreprises multinationales; on compte un peu moins de 300 organisations inter-gouvernementales, et plus de 8'000 organisations non gouvernementales à vocation internationale. Que l’on pense à l’importance de certaines agences de l’ONU, ou à celle du FMI, de l’OMS, du GIEC, du CICR, de Amnesty International, du WWF, ou de Greenpeace.</p> <p>Cette évolution des Etats et de leur interdépendance est générale et s’insère dans le mouvement de la globalisation. On ne peut l’arrêter, et elle doit être accompagnée par une juste considération des risques qu’elle entraine. Chaque ouverture doit être pondérée attentivement. D’ailleurs les Etats se contrôlent mutuellement à travers des accords. Ainsi, l’Afrique du sud peut trainer Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ), et le Tribunal pénal fédéral peut actuellement juger un ex-ministre gambien accusé de crimes contre l’humanité. De son côté la Gambie a accusé le Myanmar du génocide des Rohingyia devant la CJI, et le Conseil fédéral est appelé à condamner comme génocide culturel le programme «Kinder der Landstrasse» qui entre 1926 et 1972 a comporté l’enlèvement par Pro Juventute de centaines d’enfants à leurs parents nomades jenisch et sinti.</p> <h3>Des limites claires et rassurantes</h3> <p>Bien que chaque partie sera liée par l’accord à trouver avec l’UE, celui-ci n’aura pas un caractère aussi symétrique que les conventions qui ont porté à la création de la CJI. Raison de plus pour être vigilants. Le nouveau mandat de négociation avec l’UE tient bien compte des objections soulevées lors des discussions sur l’accord-cadre abandonné en 2021. Il entraine néanmoins forcément une cession de pouvoir dans certains domaines. Pour juger de l’opportunité d’aller de l’avant, il faut donc d’une part expliquer notre intérêt à nous lier davantage, et d’autre part évaluer correctement l’impact des changements prévisibles. Considérons deux exemples. L’un issu du monde de l’éducation et l’autre du domaine législatif. Dans les deux cas rappelons d’où nous partons pour bien saisir les conséquences.</p> <h3>Deux exemples</h3> <p>La Suisse participe avec une cinquantaine d’autres Etats au processus de rapprochement de leurs systèmes d’enseignement supérieur appelé processus de Bologne, qui dépasse donc largement le cadre de l’UE. Celle-ci n’a d’ailleurs pas de compétence en matière d’enseignement supérieur, mais en accord avec le principe de subsidiarité la Commission européenne peut proposer des programmes afin de soutenir ses membres dans leurs efforts de rapprochement. C’est ce qu’elle fait avec le programme de mobilité et de coopération Erasmus+, qui concerne de fait tous les niveaux d’enseignement. Tout en n’étant pas membre de l’UE, la Suisse a pu participer à ce programme, mais a décidé d’en sortir avant même la votation de 2014, parce qu’elle a jugé la participation trop onéreuse. Elle ne pourra choisir de revenir sur sa décision que si un accord institutionnel d’ensemble est trouvé. La participation à ce programme justifierait à elle seule un accord! La mobilité et la coopération des jeunes est la meilleure garantie pour qu’une éventuelle utilisation conflictuelle de l’accord ait des conséquences trop néfastes. Elles serviront à désamorcer les nouveaux liens établis.</p> <p>Passons au domaine législatif. La Suisse est partie au statut de la CIJ, et comme indiqué elle participe à la Cour pénale internationale. De plus, notre droit est hautement euro-compatible. En particulier, avec l’adhésion aux accords de Schengen et de Dublin nous pratiquons déjà la reprise dynamique du droit de l’UE dans plusieurs domaines. De plus, une étude récente de l’Université de Zurich a établi que ce ne sont pas les initiatives populaires ou même le Parlement qui donnent le rythme sur le plan législatif, mais plutôt l’administration. Ainsi, avec la reprise dynamique du droit, le rôle du Parlement et des lobbies ne changerait que de manière relative en matière législative. De plus, il ne faut pas oublier que les droits de l’Homme, le droit de vote des femmes, et la prise en compte des besoins des personnes handicapées ont tous d’abord été plaidés à l’international avant de trouver un écho en Suisse.</p> <h3>Se concentrer sur les besoins de ses proches</h3> <p>L’UE a des dimensions qui nous dépassent. Certains la considèrent comme une résurgence impériale issue de l’entente entre des nations qui furent des puissances coloniales, d’autres comme un immense marché, d’autres encore y voient le seul espoir de préserver la paix sur le continent, et un moyen de défendre les valeurs occidentales de liberté, et de respect des droits. Ne pas affronter le défi de la participation à la construction européenne serait une régression, pire qu’une attitude conservatrice, de toutes façons impossible à tenir.</p> <p>Cela dit, chaque concession entraînée par les accords à venir devrait être expliquée et le consentement du plus grand nombre recherché. Si la population aura l’impression que des intérêts mal compris passent devant ses besoins, elle s’opposera aux ouvertures proposées. Il faut anticiper les inquiétudes et leur répondre, en évitant de créer des clivages. Peut-être qu’à terme il faudrait envisager la nomination d’une figure semblable à celle du défenseur de la souveraineté nationale introduite par Orbán en Hongrie. </p> <p>En conclusion, si nous reconnaissions l’Etat suisse comme agrégation de beaucoup de fonctions avec peu de pouvoir effectif, dans lequel nous étions convaincus que se réalise un compromis durable entre l’exigence libérale de la limitation de son pouvoir et celle socialiste ou solidariste de la montée en puissance des interventions correctives des inégalités et des exclusions, alors peut-être nous serions mieux disposés à nous ouvrir davantage à l’Europe. </p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'l-europe-et-l-ambiguite-des-liens', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 74, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 12725, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }
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L’idée est d’autant plus intéressante qu’elle est défendue par quelqu’un qui a écrit un livre, que lui-même a défini comme une lettre d’amour, intitulé <i>Pourquoi l’Europe dominera le XXIème siècle.</i> Il est important d’en mesurer la portée.</p> <p>Ce n’est pas difficile. Les liens créés par la finance font que ses crises se répandent au niveau global, de même que les virus comme le Covid-19 profitent de nos déplacements. Les sanctions économiques ne peuvent fonctionner que parce qu’il y a des échanges commerciaux. Internet rend possible les cyberattaques et la polarisation des opinions à travers les réseaux sociaux. Faut-il rappeler que le nom «Ukraine» signifie quelque chose comme «près du bord»? Le thème est général: pensons au relations ville-campagne qui engendrent des tensions sur les questions écologiques, ou aux relations intergénérationnelles qui donnent actuellement lieu à des débats sur l’assurance vieillesse. Mais restons au niveau des Etats.</p> <h3>Désamorcer les liens</h3> <p>L’existence de frontières ne suffit pas pour que l’on vive en paix, il faut que de part et d’autre on soit d’accord sur leur rôle de barrière, ceci pour désamorcer le potentiel nuisible des liens. Pour bien saisir la nature des liens entre Etats, il est important de s’en faire une idée conforme à la réalité, car les territoires, les peuples, et les compétences des Etats ont beaucoup évolué depuis l’apparition de cette forme d’organisation politique.</p> <p>Pour commencer, les limites territoriales des Etats ne sont pas naturelles, elles sont toujours le résultat d’accords. La Suisse par exemple comporte de multiples enclaves aux niveaux communal et cantonal, et même deux enclaves internationales: une allemande et une italienne. Ensuite, il est très rare qu’un peuple puise tout entier ses racines dans son territoire, il est plus courant qu’il soit lié par une Constitution, et qu’il ait subi un métissage plus ou moins prononcé. De surcroît, les Etats ont dû céder une part de leur souveraineté: en interne ils doivent composer avec de nombreux contrepouvoirs, comme les partis et les syndicats, et en externe ils ont dû abdiquer l’exercice de certaines de leurs fonctions à des organismes supranationaux comme les Nations Unies, dont ils doivent respecter la Charte. La Suisse fait partie de l’espace Schengen, au sein duquel on devrait suspendre les contrôles aux frontières, et elle participe aux accords de Dublin en matière d’asile.</p> <p>Les Etats doivent aussi cohabiter avec d’autres protagonistes de la scène mondiale qui ne sont pas régis par des constitutions ou des gouvernements: parmi les 100 organismes les plus grands au monde seulement la moitié sont des Etats et l’autre moitié sont des entreprises multinationales; on compte un peu moins de 300 organisations inter-gouvernementales, et plus de 8'000 organisations non gouvernementales à vocation internationale. Que l’on pense à l’importance de certaines agences de l’ONU, ou à celle du FMI, de l’OMS, du GIEC, du CICR, de Amnesty International, du WWF, ou de Greenpeace.</p> <p>Cette évolution des Etats et de leur interdépendance est générale et s’insère dans le mouvement de la globalisation. On ne peut l’arrêter, et elle doit être accompagnée par une juste considération des risques qu’elle entraine. Chaque ouverture doit être pondérée attentivement. D’ailleurs les Etats se contrôlent mutuellement à travers des accords. Ainsi, l’Afrique du sud peut trainer Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ), et le Tribunal pénal fédéral peut actuellement juger un ex-ministre gambien accusé de crimes contre l’humanité. De son côté la Gambie a accusé le Myanmar du génocide des Rohingyia devant la CJI, et le Conseil fédéral est appelé à condamner comme génocide culturel le programme «Kinder der Landstrasse» qui entre 1926 et 1972 a comporté l’enlèvement par Pro Juventute de centaines d’enfants à leurs parents nomades jenisch et sinti.</p> <h3>Des limites claires et rassurantes</h3> <p>Bien que chaque partie sera liée par l’accord à trouver avec l’UE, celui-ci n’aura pas un caractère aussi symétrique que les conventions qui ont porté à la création de la CJI. Raison de plus pour être vigilants. Le nouveau mandat de négociation avec l’UE tient bien compte des objections soulevées lors des discussions sur l’accord-cadre abandonné en 2021. Il entraine néanmoins forcément une cession de pouvoir dans certains domaines. Pour juger de l’opportunité d’aller de l’avant, il faut donc d’une part expliquer notre intérêt à nous lier davantage, et d’autre part évaluer correctement l’impact des changements prévisibles. Considérons deux exemples. L’un issu du monde de l’éducation et l’autre du domaine législatif. Dans les deux cas rappelons d’où nous partons pour bien saisir les conséquences.</p> <h3>Deux exemples</h3> <p>La Suisse participe avec une cinquantaine d’autres Etats au processus de rapprochement de leurs systèmes d’enseignement supérieur appelé processus de Bologne, qui dépasse donc largement le cadre de l’UE. Celle-ci n’a d’ailleurs pas de compétence en matière d’enseignement supérieur, mais en accord avec le principe de subsidiarité la Commission européenne peut proposer des programmes afin de soutenir ses membres dans leurs efforts de rapprochement. C’est ce qu’elle fait avec le programme de mobilité et de coopération Erasmus+, qui concerne de fait tous les niveaux d’enseignement. Tout en n’étant pas membre de l’UE, la Suisse a pu participer à ce programme, mais a décidé d’en sortir avant même la votation de 2014, parce qu’elle a jugé la participation trop onéreuse. Elle ne pourra choisir de revenir sur sa décision que si un accord institutionnel d’ensemble est trouvé. La participation à ce programme justifierait à elle seule un accord! La mobilité et la coopération des jeunes est la meilleure garantie pour qu’une éventuelle utilisation conflictuelle de l’accord ait des conséquences trop néfastes. Elles serviront à désamorcer les nouveaux liens établis.</p> <p>Passons au domaine législatif. La Suisse est partie au statut de la CIJ, et comme indiqué elle participe à la Cour pénale internationale. De plus, notre droit est hautement euro-compatible. En particulier, avec l’adhésion aux accords de Schengen et de Dublin nous pratiquons déjà la reprise dynamique du droit de l’UE dans plusieurs domaines. De plus, une étude récente de l’Université de Zurich a établi que ce ne sont pas les initiatives populaires ou même le Parlement qui donnent le rythme sur le plan législatif, mais plutôt l’administration. Ainsi, avec la reprise dynamique du droit, le rôle du Parlement et des lobbies ne changerait que de manière relative en matière législative. De plus, il ne faut pas oublier que les droits de l’Homme, le droit de vote des femmes, et la prise en compte des besoins des personnes handicapées ont tous d’abord été plaidés à l’international avant de trouver un écho en Suisse.</p> <h3>Se concentrer sur les besoins de ses proches</h3> <p>L’UE a des dimensions qui nous dépassent. Certains la considèrent comme une résurgence impériale issue de l’entente entre des nations qui furent des puissances coloniales, d’autres comme un immense marché, d’autres encore y voient le seul espoir de préserver la paix sur le continent, et un moyen de défendre les valeurs occidentales de liberté, et de respect des droits. Ne pas affronter le défi de la participation à la construction européenne serait une régression, pire qu’une attitude conservatrice, de toutes façons impossible à tenir.</p> <p>Cela dit, chaque concession entraînée par les accords à venir devrait être expliquée et le consentement du plus grand nombre recherché. Si la population aura l’impression que des intérêts mal compris passent devant ses besoins, elle s’opposera aux ouvertures proposées. Il faut anticiper les inquiétudes et leur répondre, en évitant de créer des clivages. Peut-être qu’à terme il faudrait envisager la nomination d’une figure semblable à celle du défenseur de la souveraineté nationale introduite par Orbán en Hongrie. </p> <p>En conclusion, si nous reconnaissions l’Etat suisse comme agrégation de beaucoup de fonctions avec peu de pouvoir effectif, dans lequel nous étions convaincus que se réalise un compromis durable entre l’exigence libérale de la limitation de son pouvoir et celle socialiste ou solidariste de la montée en puissance des interventions correctives des inégalités et des exclusions, alors peut-être nous serions mieux disposés à nous ouvrir davantage à l’Europe. </p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'l-europe-et-l-ambiguite-des-liens', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 74, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 12725, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Analyse / L’Europe et l’ambiguïté des liens
Nous, Suisses, partageons beaucoup de choses avec nos voisins européens, et l’Union européenne est le premier partenaire commercial de notre pays. Ceci ne suffit pas à définir les relations entre la Suisse et l’UE. Il faut un accord institutionnel pour que ces relations soient stables et durables.
Boas Erez
B Article réservé aux abonnés
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Actuel / Soins intégrés dans l’Arc jurassien
Une expérimentation intéressante a démarré au début de cette année dans l’Arc jurassien. Le réseaux d’hôpitaux privés Swiss medical network (SMN), l’assurance Visana, et le Canton de Berne viennent de poser les fondations d’un système de soins intégrés, qui pourrait donner une réponse à différents problèmes de notre système de santé.
Boas Erez
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