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Rare suite hollywoodienne à dépasser la logique du tiroir-caisse, «S.O.S. Fantômes – L'héritage» («Ghostbusters – Afterlife») de Jason Reitman est un plaisir de tous les instants. Le fils du réalisateur original s'y approprie la franchise avec aplomb, en centrant son scénario de transmission sur la figure du grand disparu, Harold Ramis.



Et si c'était devenu ça, la plus grande rareté du cinéma d'aujourd'hui: le «blockbuster» intelligent et vraiment rassembleur? Dans un genre toujours plus dispendieux, accaparé par les cyniques et les sous-doués, Ghostbusters - Afterlife fait figure d'exception. On y allait sans grand espoir, faute d'avoir été à l'époque un grand fan de de l'original signé Ivan Reitman (S.O.S. Fantômes, 1984), sans parler de sa piètre suite (1989) ni d'une récente tentative de reboot féminisé par Paul Feig (2016). Seule inconnue, le degré d'investissement de Jason Reitman, fils d'Ivan mais cinéaste au talent supérieur (Juno, Up in the Air, Tully, etc.), jusqu'ici spécialiste de la comédie dramatique mi-sociale mi-psychologique. Tentative désespérée de s'imposer enfin au plus haut niveau à Hollywood ou plutôt geste sincère de filiation? D'avoir clairement fait le second choix pourrait bien valoir à Jason Reitman cette position tant enviée, non sans avoir créé une jolie surprise au passage.

Au concept de départ – une comédie fantastique à base d'humour potache et d'effets spéciaux dernier cri –, il a en effet su ajouter au moins deux niveaux: le sérieux et la réflexivité. Et ce n'est pas que le résultat manquerait dès lors de drôlerie ou de spectaculaire. Au contraire, Reitman junior a parfaitement rempli son cahier des charges de ce côté-là. Mais il a surtout senti qu'il pourrait sensiblement l'améliorer avec un peu de retenue, de goût et de profondeur, sans oublier d'offrir une porte d'entrée identificatoire à toute une nouvelle génération. D'où un plaisir de tous les instants, qui ne disparaît même pas lorsque l'action débridée et les effets spéciaux viennent occuper l'avant-plan.

Ambiances et temporalités travaillées

Tout commence plus tranquillement, dans un ambiance plus Nomadland que Ghostbusters. Callie, une mère célibataire dans la dèche (la merveilleuse Carrie Coon, de The Nest) avec deux enfants adolescents, Trevor et Phoebe (les étonnants Finn Wolfhard et McKenna Grace, au diapason), se voit forcée de quitter leur logement pour retourner s'installer dans la vieille maison qu'elle a héritée de son père, dans un trou perdu en Oklahoma. Ils s'adaptent tant bien que mal à leur nouvel environnment avant que Phoebe ne découvre un atelier/laboratoire caché abritant un étrange matériel ayant appartenu à son défunt grand-père, Egon Spengler. Et si ce dernier avait été autre chose qu'un fermier misanthrope? Et si cet ex-scientifique était venu s'installer là par sens du devoir plutôt qu'après avoir baissé les bras?

Le nom de Spengler ravivera des souvenirs chez les fans tandis que les autres s'installeront confortablement durant ces 50 premières minutes sans autre fantôme à l'horizon que quelques discrets phénomènes surnaturels de maison hantée classique. On s'interroge plus sur l'étrange malédiction familiale qui pousse la mère dans les bras d'hommes obsessionnels, tandis que sa fille semble développer un lien privilégié avec ce grand-père qu'elle n'a pas connu. Et on accueille avec intérêt des nouveaux venus locaux, que ce soit Grooberson, le professeur d'école flemmard de Phoebe (qui laisse sa classe devant de vieilles VHS!), le petit surdoué Podcast (qui chronique sa vie sur les réseaux sociaux) ou la jeune Lucky, dont s'éprend Trevor. Que ces derniers soient respectivement Sino-et Afro-Américains apporte une touche de modernité dans cette ambiance de Midwest assoupi, comme resté croché dans le XXème siècle.

L'hommage d'un gamin hanté

Bien sûr, l'entité qui menaçait la Terre en lâchant toutes sortes d'ectoplasmes dans le film original ne va pas tarder à faire sa réapparition depuis la montagne voisine et sa mine abandonnée. Mais les premières manifestations de fantômes rigolos s'avèrent soigneusement mesurées, jusqu'aux marshmallows qui interagissent avec l'excellent Paul Rudd (dans un clin d'oeil à son superhéros miniature d'Ant-Man). Surtout, après avoir fort bien installé son atmosphère rurale avec une «touche Amblin» (les productions Spielgerg de l'époque), Reitman ne laisse pas la bride sur le cou de ses spécialistes d'effets en tous genres, comme dernièrement Chloé Zhao dans Les Eternels. Il privilégie un look vintage, un montage elliptique et un design d'ensemble cohérent pour ne jamais perdre de vue l'essentiel: à savoir que ceci est véritablement un film d'héritier, hanté par ses souvenirs d'enfance sur les plateaux paternels ainsi que par un vrai disparu, son «tonton» Harold Ramis (plus tard l'auteur du cultissime Groundhog Day / Un Jour sans fin, décédé en 2014). Lorsque les autres anciens Ghostbusters arrivent à la rescousse, ce sera ainsi au nom de ce dernier et non sans que le scénario ait inventé des raisons parfaitement vraisemblables à leur séparation.

Du coup, on n'est pas loin de penser que Jason Reitman a surpassé ici J.J. Abrams et son Super 8, hommage spielbergien unanimement apprécié de 2011. En mêlant hier et aujourd'hui, réalisme social et psychologique, humour adolescent et plus sophistiqué, grand spectacle et métaphore (le cinéma comme intrument à conjurer la mort), il a réussi une sorte de cocktail idéal, capable de parler à tous les publics, d'ordinaire de plus en plus renvoyés à leur «cinéma de niches» sur mesure. Une partition parfaitement maîtrisée qui n'exclut pas de réelles trouvailles de mise en scène et même des beautés inattendues, sans oublier un coda avec la dernière star manquante de l'original plus un teaser qui récompensera les fans restés jusqu'à la dernière seconde du générique. Pour une fois, on est vraiment curieux de ce que pourrait amener cette suite éventuelle!


S.O.S. Fantômes: l'héritage (Ghostbusters - Afterlife), de Jason Reitman (Etats-Unis, 2021), avec Carrie Coon, Paul Rudd, Finn Wolfhard, McKenna Grace, Logan Kim, Celeste O'Connor Annie Potts, Harold Ramis. 2h04.

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