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Culture / Pour en finir avec les étoiles

Norbert Creutz

23 septembre 2019

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Geste ambitieux qui accouche d'un film étrangement morne, «Ad Astra» laisse perplexe quant à l'avenir de la science-fiction cinématographique. À dessein, apparemment, mais sans la puissance d'expression qui en ferait le grand film «définitif» auquel aspirait sans doute son auteur.



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C'est bien connu, il n'est pas de genre plus décevant que le cinéma de science-fiction, toujours chargé d'attentes déraisonnables eu égard aux limites d'imagination ou de réalisation dont font le plus souvent preuve les cinéastes. Dernière désillusion en date, cet Ad Astra (autrement dit «vers les étoiles») de James Gray, qui partait pourtant avec l'atout d'être un vrai film d'auteur tandis que ses producteurs tentent de le vendre comme un simple film de genre avec Brad Pitt.

Alors oui, il y a bien une star hollywoodienne pour porter le film, mais comme éteinte faute d'action. Et un cinéaste doué, très conscient de tout ce qui l'a précédé, et qui pourtant peine à tutoyer les meilleurs. Du coup, on ne décolle jamais vraiment! Fâcheux pour un film censé quitter très tôt notre planète pour mettre le cap sur Neptune et «des révélations mettant en cause la nature même de l’existence humaine et notre place dans l’univers» (dixit le résumé officiel).

Pourquoi Neptune, au fait? Probablement parce que les autres planètes ont déjà toutes été visitées, du moins par le cinéma. Mais peut-être aussi faute d'avoir osé Uranus... Mais revenons d'abord à nos moutons. Dans un futur pas trop lointain, alors qu'il est occupé à une réparation sur une station orbitale, l'astronaute Roy McBride (Pitt) réchappe de peu à une mystérieuse «décharge» venue de l'espace. Il apprend bientôt qu'elle avait pour origine Neptune et qu'elle pourrait être liée à une mission Lima, partie 30 ans plus tôt sous la direction de son père Clifford en quête d'une forme de vie intelligente extra-terrestre. Une fuite d'anti-matière utilisée pour propulser le vaisseau spatial pourrait à présent provoquer une réaction en chaîne menaçant notre univers...

Cap sur les anneaux de Neptune

Inutile de chercher à comprendre la science censée sous-tendre la fiction – le film défie allègrement toute plausibilité. Toujours est-il que Roy se trouve recruté pour aller lancer un message à son père (contre toute attente encore en vie) depuis une base sur Mars. Personnage apparemment dénué d'affects, complètement dédié à son métier, Roy se soumet régulièrement à des tests psychologiques automatisés pour rassurer ses employeurs de «SpaceCom» et lui-même qu'il est bien en mesure d'assurer sa mission. A partir de là, le scénario s'écrit presque de lui-même: il s'agira de retrouver son «héros» de père, de l'affronter et d'en revenir humainement grandi.


L'aventure a beau passer par la Lune et Mars, rien ne se passe réellement avant cet affrontement programmé aux confins du système solaire, sur les anneaux de Neptune. Un vieux mentor qui s'était jadis brouillé avec Clifford a tôt fait d'abandonner la partie, victime d'épuisement; une Lune colonisée où l'on a reproduit la vie terrestre n'est qu'une suite de déceptions; Mars se réduit à des boxes souterrains autour d'un studio émetteur et la rencontre avec la directrice de la base (Ruth Negga) à une affaire d'enfants inconsolés. Quant à l'action, soit un affrontement avec des pilleurs sur la Lune, la visite d'une station spatiale abandonnée et un embarquement clandestin pour la mission ultime (raisonner ou éliminer Clifford), c'est à peine si elles réveillent Roy et le spectateur de la torpeur qui gagne.

Le principal problème du film est son absence d'interactions réelles. Fuyant tout contact, le plus souvent confronté à des ordinateurs et à des voix enregistrées, Roy rumine seul (en voix off) et se souvient de la femme (Liv Tyler) qu'il n'a pas su retenir. Du coup, l'existence de tous les autres se trouve réduite à un strict minimum. Tout ceci qui est clairement voulu. Mais c'est aussi le monde physique dans son entier qui en pâtit: les corps sont comme inexistants, les exploits techniques qui rendent possible la vie et les déplacements dans l'espace ne comptent plus, les rares scènes à suspense se déroulent comme déconnectées de toute réalité tangible. Et c'est là que James Gray perd son pari.

Les limites du néoclassicisme

Une autre particularité des films de science-fiction, c'est qu'ils semblent convoquer au passage tous leurs prédécesseurs. C'est ainsi qu'à la vision d'Ad Astra défile derrière nos yeux tout ce qui a compté depuis 2001, l'Odyssée de l'espace, en particulier Solaris (Tarkovski, puis Soderbergh), Contact (Zemeckis), Interstellar (Nolan) et Arrival (Villeneuve), mais aussi des films moins ouvertement philosophiques tels que Alien, Outland, Total Recall, Mission to Mars, Moon, Oblivion, Gravity, First Man ou Space Cowboys. C'est à ce dernier que Gray emprunte d'ailleurs explicitement Tommy Lee Jones dans le rôle du père naufragé (volontaire) de l'espace et Donald Sutherland dans celui de son ex-collègue, «traître» quant à lui chargé d'humanité.

Las! Tous ces souvenirs ne donnent pas l'impression d'un véritable pas en avant. Trop psychologique pour être un grand film mental mais aussi trop théorique pour garder une solide assise concrète, Ad Astra s'effiloche déjà bien avant d'avoir atteint le but du voyage. De sorte que quand résonne le «je me soumets» (à la vie terrestre, à l'amour, à l'abandon du surmoi paternel) finalement prononcé par Brad Pitt, on se dit juste que c'était la conclusion inévitable. Si, conceptuellement, le projet se tient et ne manque pas de grandeur (en finir une fois pour toutes avec la SF de papa, avec les rêves de lendemains et d'ailleurs qui chantent!), sa réalisation sécrète surtout un vague ennui.

Et c'est là que se confirment les limites de James Gray – dont on avait tant admiré le classicisme revivifié dans The Yards et Two Lovers – déjà entrevues dans son film d'époque/d'exploration The Lost City of Z.

Néoclassique dans l'âme, il livre un beau film trop lisse et sérieux, nimbé de musiques convenues (Max Richter et Lorne Balfe), là où il aurait sans doute fallu une postmodernité plus aventureuse, voire réflexive, à défaut de viser un nouveau prototype. Pour finir, à vouloir mettre un point final au genre (le vieux «The End» ne ressurgit pas par hasard tout au bout du générique), Ad Astra se conclut de manière univoque, sans plus de mystère. Mais justement, c'est oublier que sans une part de mystère, il n'est pas de chef-d'oeuvre qui tienne...


La bande-annonce du film

Ad Astra, de James Gray (Etats-Unis 2019), avec Brad Pitt, Tommy Lee Jones, Donald Sutherland, Ruth Negga, Loren Dean, Liv Tyler. 2H02

 

 

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