Actuel / Wokisme et transhumanisme, deux idéologies qui avancent main dans la main
© David Matos via Unsplash
De prime abord, les liens unissant le wokisme (mouvance radicale luttant contre les discriminations raciales, de genre ou LGBTQI+) et le transhumanisme (mouvement visant à dépasser la condition humaine grâce aux technologies) sont loin de sauter aux yeux. Ces deux idéologies modernes convergent cependant dans leur volonté de se débarrasser du corps humain biologique, trop limitant et surtout mortel.
Le wokisme est la nouvelle tendance à la mode au sein de la gauche occidentale. Des auteurs comme Jean-François Braunstein1 n’hésitent pas à considérer cette mouvance comme une religion, avec ses croyances et ses dogmes. Au cœur de ceux-ci se trouve la théorie du genre, qui récuse l’importance biologique des sexes. Selon les tenants de cette théorie, l’identité de genre (être un homme, une femme, etc.) ne dépend aucunement du sexe biologique. Elle n’est qu’un construit social fluide. Dans cette logique «transgenre», puisqu’une femme biologique peut choisir le genre «homme», les hommes peuvent tomber enceintes et enfanter. L’étape suivante est d’espérer, chirurgie aidant, pouvoir changer de sexe biologique, même s’il n’existe pour l’heure que des bases scientifiques contestées sur ces transformations médicales aux nombreux effets indésirables.
Le corps, cette «viande» méprisable
L’idéal transgenre repose en fait sur un dualisme corps-esprit exacerbé. Pour ses défenseurs, nous ne serions que de simples consciences, totalement indépendantes de la réalité matérielle de nos corps, de simples supports dont il est possible de disposer à l’envi. Il n’y a plus de socle commun de vérité. Seule compte l’affirmation de soi, subjective et libérée des identités traditionnelles. La théorie du genre est souvent comparée au gnosticisme, ce courant chrétien du IIème siècle AD taxé d’hérétisme, qui considérait le corps et le monde matériel comme le mal dont il faut se libérer. A la différence que les gnostiques ne niaient pas l’existence des différences biologiques. Ils considéraient simplement le monde matériel comme l’œuvre du malin et cherchaient donc à s’en libérer afin de retrouver leur essence spirituelle.
C’est à ce croisement que la théorie du genre rejoint l’idéal transhumaniste. On retrouve en effet dans la mouvance transhumaniste un mépris identique du corps périssable, régulièrement qualifié de «viande». Seule compte la conscience, qu’il devrait être possible de télécharger dans un ordinateur ou sur le cloud. C’est ce que cherche notamment à développer la start-up Netcome aux Etats-Unis. A l’image de Ray Kurzweil, qui travaille pour Google, un grand nombre de transhumanistes espèrent ainsi s’émanciper de la limite humaine ultime: la mort. C’est ce que défend aussi en France le médecin et entrepreneur Laurent Alexandre, qui assure que les développements de la «technomédecine» déboucheront sur «la mort de la mort». Cette confiance dans les possibilités de la science médicale à transformer les corps est partagée par le wokisme. «Le dépassement du biologique, la relance technicienne des fondements de la vie comme l’obsession scientiste pour la manipulation du vivant constituent les traits marquants d’un mouvement intellectuel convergent avec les intérêts économiques et politiques néolibéraux dominants», soulignait Jacques Testart dans la revue Zilsel en 2017.
Des consommateurs déracinés
Le wokisme comme le transhumanisme sont en effet congruents avec le rêve d’une mondialisation économique poussée à son extrême, faisant fi des identités nationales et de naissance. L’humanité comme le genre doivent être fluides et soumis aux lois d’un grand marché international de consommateurs déracinés. C’est sans doute l’une des raisons du soutien des gouvernements occidentaux (France et Etats-Unis en tête) à ces idéologies – au wokisme en particulier. Ce n’est pas un hasard non plus si elles sont promues par les grandes industries culturelles américaines (dont Disney) et les GAFAMs.
Un récent rapport du Think Tank libéral Fondapol nous apprend que fin 2018, Twitter a modifié sa politique en matière de «conduite haineuse» afin de pouvoir bannir définitivement de sa plateforme ceux qui «mégenrent», autrement dit se trompent dans le genre d’une personne, et ceux qui «deadname» quelqu’un, c’est-à-dire ceux qui appellent un utilisateur en des termes reliés à son ancien genre. Le réseau aurait également banni des comptes de militantes féministes qui déclaraient: «Les hommes ne sont pas des femmes» («Men aren’t women»). Peut-être que le rachat de l’oiseau bleu par Elon Musk, ouvertement contre le wokisme, inversera cette tendance sur Twitter. Affaire à suivre.
Se libérer de la «forme»
L’entrepreneur Martine Rothblatt incarne à elle seule la convergence entre wokisme et transhumanisme. Transgenre depuis 1994, Rothblatt est à la tête de l’entreprise de biotechnologie United Therapeutics, spécialisée dans le développement de nouvelles technologies permettant de fabriquer des organes et de prolonger la vie des patients atteints de maladies pulmonaires. En 2018, elle était la PDG la mieux payée des Etats-Unis. Elle est aussi à l’origine de Terasem, un mouvement néo-religieux et transhumaniste basé en Floride. Le transhumanisme possède en effet une mystique, qui envisage l’expérience virtuelle permise par l’internet comme une sorte d’accès à une réalité supérieure d’ordre divine. Ce n’est sans doute pas un hasard si certains hippies des années 1970, fervents consommateurs de substances psychédéliques, sont devenus des technophiles convaincus, adeptes des mondes virtuels numériques. C’est le cas de Stewart Brand, ami de Steve Jobs et inventeur du terme «personal computer» ou de Timothy Leary, à la fois militant de l’usage des psychédéliques, «pape du LSD» et pionnier théoricien de la cyberculture.
Dans un livre publié en 2011, Martine Rothblatt écrit que le mouvement transgenre est la première étape d’une nouvelle révolution: celle de la liberté «de forme», comprendre le monde physique et ses apparences. Selon elle, la technologie sera le moyen d’y parvenir. «Notre corps disparaîtra, mais il n’y a aucune raison logique à ce qu’il en soit de même de notre personnalité que l’on pourra conserver sous forme digitale. Et, dans un futur proche, des programmes aussi faciles et accessibles qu’iTunes par exemple permettront de faire revivre une personne d’une autre façon», affirme Rothblatt. Dans son optique, le mouvement transgenre, dont elle est l’une des figures de proue, prépare les mentalités à cette révolution.
Une spiritualité débarrassée du matérialisme?
La volonté de dépasser les limites de la condition humaine terrestre n’est pas nouvelle. Elle était déjà présente, on l’a vu, chez les gnostiques. Elle est plus généralement au cœur des mouvements spiritualistes qui cherchent à sortir des carcans, par ailleurs bien réels, du matérialisme scientifique. Pour eux, les humains disposent d’une identité spirituelle non réductible au corps physique. Mais une différence fondamentale existe entre la plupart de ces courants et le transhumanisme: ils ne misent pas sur la technique, dernier avatar du matérialisme, pour accéder à une transcendance. Leur ambition est aussi d’«augmenter» l’homme, en quelque sorte, mais seulement spirituellement, grâce à un travail intérieur; non à l’aide d’implants bioniques ou de nanotechnologies. Dans cette optique, le corps humain n’est pas mauvais en soi. S’il fonctionne sainement, il est l’instrument dont nous avons besoin pour accéder aux réalités spirituelles (à travers la méditation, etc.).
Pour ces mouvements, l’immortalité terrestre dont rêvent les transhumanistes repose au contraire sur de dangereux sables mouvants (ceux du matérialisme réductionniste, du relativisme et du nihilisme). Sur une illusion qui ne fera qu’empirer l’aliénation des êtres humains et la destruction de la planète. Ainsi, selon le philosophe Jean-Marc Ferry: «Cet esprit [transhumaniste] détermine un regard froid et distancié sur le monde, regard de mort qui conditionne l’être humain pour l’indifférence, s’empare de sa nature intérieure propre, afin de la rendre aussi disponible aux manipulations que l’est la nature extérieure, privant l’humanité de l’imagination nécessaire à une projection d’alternatives crédibles au régime civilisationnel ainsi constitué2.»
1Jean-François Braunstein, La religion woke, Grasset, 2022.
2Jean-Marc Ferry, Qu’est-ce que le réel? Le Bord de l’Eau, 2019, p. 113.
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C’est sans doute l’une des raisons du soutien des gouvernements occidentaux (France et Etats-Unis en tête) à ces idéologies – au wokisme en particulier. Ce n’est pas un hasard non plus si elles sont promues par les grandes industries culturelles américaines (dont Disney) et les GAFAMs.</p> <p>Un récent <a href="https://www.fondapol.org/etude/lideologie-woke-2-face-au-wokisme/">rapport</a> du Think Tank libéral Fondapol nous apprend que fin 2018, Twitter a modifié sa politique en matière de «conduite haineuse» afin de pouvoir bannir définitivement de sa plateforme ceux qui «mégenrent», autrement dit se trompent dans le genre d’une personne, et ceux qui «<em>deadname</em>» quelqu’un, c’est-à-dire ceux qui appellent un utilisateur en des termes reliés à son ancien genre. Le réseau aurait également <a href="https://www.bbc.com/news/uk-44288431">banni</a> des comptes de militantes féministes qui déclaraient: «Les hommes ne sont pas des femmes» («<em>Men aren’t women</em>»). 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Le transhumanisme possède en effet une mystique, qui envisage l’expérience virtuelle permise par l’internet comme une sorte d’accès à une réalité supérieure d’ordre divine. Ce n’est sans doute pas un hasard si certains hippies des années 1970, fervents consommateurs de substances psychédéliques, sont devenus des technophiles convaincus, adeptes des mondes virtuels numériques. C’est le cas de Stewart Brand, ami de Steve Jobs et <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/stewart-brand-le-hippie-technophile-qui-se-prenait-pour-dieu">inventeur du terme</a> «<em>personal compute</em>r» ou de Timothy Leary, à la fois militant de l’usage des psychédéliques, «pape du LSD» et <a href="https://www.organism.earth/library/document/from-psychedelics-to-cybernetics">pionnier théoricien</a> de la cyberculture.</p> <p>Dans un livre publié en 2011, Martine Rothblatt écrit que le mouvement transgenre est la première étape d’une nouvelle révolution: celle de la liberté «de forme», comprendre le monde physique et ses apparences. Selon elle, la technologie sera le moyen d’y parvenir. «Notre corps disparaîtra, mais il n’y a aucune raison logique à ce qu’il en soit de même de notre personnalité que l’on pourra conserver sous forme digitale. 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Mais une différence fondamentale existe entre la plupart de ces courants et le transhumanisme: ils ne misent pas sur la technique, dernier avatar du matérialisme, pour accéder à une transcendance. Leur ambition est aussi d’«augmenter» l’homme, en quelque sorte, mais seulement <i>spirituellement</i>, grâce à un travail intérieur; non à l’aide d’implants bioniques ou de nanotechnologies. Dans cette optique, le corps humain n’est pas mauvais en soi. S’il fonctionne sainement, il est l’instrument dont nous avons besoin pour accéder aux réalités spirituelles (à travers la méditation, etc.).</p> <p>Pour ces mouvements, l’immortalité terrestre dont rêvent les transhumanistes repose au contraire sur de dangereux sables mouvants (ceux du matérialisme réductionniste, du relativisme et du nihilisme). Sur une illusion qui ne fera qu’empirer l’aliénation des êtres humains et la destruction de la planète. Ainsi, selon le philosophe Jean-Marc Ferry: «Cet esprit [transhumaniste] détermine un regard froid et distancié sur le monde, regard de mort qui conditionne l’être humain pour l’indifférence, s’empare de sa nature intérieure propre, afin de la rendre aussi disponible aux manipulations que l’est la nature extérieure, privant l’humanité de l’imagination nécessaire à une projection d’alternatives crédibles au régime civilisationnel ainsi constitué<strong><sup>2</sup></strong>.»</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>Jean-François Braunstein, <i>La religion woke</i>, Grasset, 2022. </h4> <h4><sup> 2</sup>Jean-Marc Ferry, <em>Qu’est-ce que le réel?</em> Le Bord de l’Eau, 2019, p. 113. </h4>', 'content_edition' => 'Le wokisme est la nouvelle tendance à la mode au sein de la gauche occidentale. Des auteurs comme Jean-François Braunstein n’hésitent pas à considérer cette mouvance comme une religion, avec ses croyances et ses dogmes. 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Peut-être que le rachat de l’oiseau bleu par Elon Musk, <a href="https://www.valeursactuelles.com/societe/video-un-virus-de-lesprit-elon-musk-fustige-lideologie-woke-quil-accuse-detre-source-de-divisions">ouvertement contre</a> le wokisme, inversera cette tendance sur Twitter. Affaire à suivre.</p> <h3>Se libérer de la «forme»</h3> <p>L’entrepreneur Martine Rothblatt incarne à elle seule la convergence entre wokisme et transhumanisme. Transgenre depuis 1994, Rothblatt est à la tête de l’entreprise de biotechnologie United Therapeutics, spécialisée dans le développement de nouvelles technologies permettant de fabriquer des organes et de prolonger la vie des patients atteints de maladies pulmonaires. En 2018, elle était la PDG la mieux payée des Etats-Unis. Elle est aussi à l’origine de Terasem, <a href="https://terasemcentral.org/">un mouvement néo-religieux et transhumaniste</a> basé en Floride. 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C’est le cas de Stewart Brand, ami de Steve Jobs et <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/stewart-brand-le-hippie-technophile-qui-se-prenait-pour-dieu">inventeur du terme</a> «<em>personal compute</em>r» ou de Timothy Leary, à la fois militant de l’usage des psychédéliques, «pape du LSD» et <a href="https://www.organism.earth/library/document/from-psychedelics-to-cybernetics">pionnier théoricien</a> de la cyberculture.</p> <p>Dans un livre publié en 2011, Martine Rothblatt écrit que le mouvement transgenre est la première étape d’une nouvelle révolution: celle de la liberté «de forme», comprendre le monde physique et ses apparences. Selon elle, la technologie sera le moyen d’y parvenir. «Notre corps disparaîtra, mais il n’y a aucune raison logique à ce qu’il en soit de même de notre personnalité que l’on pourra conserver sous forme digitale. Et, dans un futur proche, des programmes aussi faciles et accessibles qu’iTunes par exemple permettront de faire revivre une personne d’une autre façon», <a href="https://www.parismatch.com/Actu/Environnement/Martine-Rothblatt-transgenre-et-transhumaniste-648558">affirme</a> Rothblatt. Dans son optique, le mouvement transgenre, dont elle est l’une des figures de proue, prépare les mentalités à cette révolution.</p> <h3>Une spiritualité débarrassée du matérialisme?</h3> <p>La volonté de dépasser les limites de la condition humaine terrestre n’est pas nouvelle. Elle était déjà présente, on l’a vu, chez les gnostiques. Elle est plus généralement au cœur des mouvements spiritualistes qui cherchent à sortir des carcans, par ailleurs <a href="https://inexplore.inrees.com/articles/Manifeste-science-Beauregard">bien réels</a>, du matérialisme scientifique. Pour eux, les humains disposent d’une identité spirituelle non réductible au corps physique. Mais une différence fondamentale existe entre la plupart de ces courants et le transhumanisme: ils ne misent pas sur la technique, dernier avatar du matérialisme, pour accéder à une transcendance. Leur ambition est aussi d’«augmenter» l’homme, en quelque sorte, mais seulement <i>spirituellement</i>, grâce à un travail intérieur; non à l’aide d’implants bioniques ou de nanotechnologies. Dans cette optique, le corps humain n’est pas mauvais en soi. S’il fonctionne sainement, il est l’instrument dont nous avons besoin pour accéder aux réalités spirituelles (à travers la méditation, etc.).</p> <p>Pour ces mouvements, l’immortalité terrestre dont rêvent les transhumanistes repose au contraire sur de dangereux sables mouvants (ceux du matérialisme réductionniste, du relativisme et du nihilisme). Sur une illusion qui ne fera qu’empirer l’aliénation des êtres humains et la destruction de la planète. Ainsi, selon le philosophe Jean-Marc Ferry: «Cet esprit [transhumaniste] détermine un regard froid et distancié sur le monde, regard de mort qui conditionne l’être humain pour l’indifférence, s’empare de sa nature intérieure propre, afin de la rendre aussi disponible aux manipulations que l’est la nature extérieure, privant l’humanité de l’imagination nécessaire à une projection d’alternatives crédibles au régime civilisationnel ainsi constitué<strong><sup>2</sup></strong>.»</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>Jean-François Braunstein, <i>La religion woke</i>, Grasset, 2022. </h4> <h4><sup> 2</sup>Jean-Marc Ferry, <em>Qu’est-ce que le réel?</em> Le Bord de l’Eau, 2019, p. 113. </h4>', 'content_edition' => 'Le wokisme est la nouvelle tendance à la mode au sein de la gauche occidentale. Des auteurs comme Jean-François Braunstein n’hésitent pas à considérer cette mouvance comme une religion, avec ses croyances et ses dogmes. Au cœur de ceux-ci se trouve la théorie du genre, qui récuse l’importance biologique des sexes. Selon les tenants de cette théorie, l’identité de genre (être un homme, une femme, etc.) ne dépend aucunement du sexe biologique. Elle n’est qu’un construit social fluide. Dans cette logique «transgenre», puisqu’une femme biologique peut choisir le genre «homme», les hommes peuvent tomber enceintes et enfanter. L’étape suivante est d’espérer, chirurgie aidant, pouvoir changer de sexe biologique, même s’il n’existe pour l’heure que des bases scientifiques contestées sur ces transformations médicales aux nombreux effets indésirables. L’idéal transgenre repose en fait sur un dualisme corps-esprit exacerbé. Pour ses défenseurs, nous ne serions que de simples consciences, totalement indépendantes de la réalité matérielle de nos corps, de simples supports dont il est possible de disposer à l’envi. Il n’y a plus de socle commun de vérité. Seule compte l’affirmation de soi, subjective et libérée des identités traditionnelles. La théorie du genre est souvent comparée au gnosticisme, ce courant chrétien du IIème siècle AD taxé d’hérétisme, qui considérait le corps et le monde matériel comme le mal dont il faut se libérer. 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La hausse subséquente des prix de l’énergie a plombé l’économie germanique, qui a basculé dans le rouge en 2023.</p> <p>Malgré ce contexte de crise, Berlin se refuse toujours à rouvrir les vannes du Nord Stream, dont une partie des tubes est encore en état de fonctionner. C’est d’autant plus énigmatique que la nation allemande s’était transformée, depuis sa réunification, en véritable «société-machine» dédiée à la production. En outre, l’Allemagne a massivement soutenu l’effort de guerre ukrainien, débloquant près de 18 milliards d’euros d’aide militaire entre le 24 février 2022 et le 24 janvier 2024. Seuls les Etats-Unis ont fait mieux (voir graphique ci-dessous), mais toujours <a href="https://www.sipri.org/sites/default/files/2023-03/at_press_release_fre.pdf">au bénéfice </a>de leur industrie de l’armement.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1716829848_capturedcran2024052719.08.13.png" class="img-responsive img-fluid center " width="550" height="540" /></p> <h3>L'explication psychologique</h3> <p>Est-il possible de trouver une explication rationnelle au comportement du gouvernement allemand, en dépit de l’imbécillité apparente de ses décisions stratégiques? Deux pistes offrent des perspectives de réflexion intéressantes. La première, évoquée par Emmanuel Todd dans son dernier livre (<em>La défaite de l’Occident</em>, Gallimard, 2023) est d’ordre psychologique.</p> <p>Le peuple allemand entretiendrait une mauvaise conscience historique due à ses responsabilités durant la Deuxième Guerre mondiale. Sorte de traumatisme national, qui infuse les soubassements de la psyché collective. «Assoiffée d’expiation, l’Allemagne aspire à être désormais du côté du bien: l’évidence de l’agression russe – le Mal en marche, si l’on ne réfléchit pas – facilite une telle posture. Comment ne pas être solidaire avec la petite Ukraine?» (p. 179)</p> <h3>L'axiome migratoire</h3> <p>La seconde explication est de nature démographique. L’Allemagne, comme beaucoup d’autres pays européens (en particulier à l’Est du continent), dispose d’un taux de fécondité extrêmement bas (1,5 enfant par femme en 2021). Trop bas pour que sa population se renouvelle. Elle joue donc sa survie en tant que nation. Seule l’immigration peut actuellement compenser ce déclin. De fait, comme le rappelle là encore Emmanuel Todd dans <em>Où en sommes-nous? 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Parmi les ressortissants européens en Allemagne, les Ukrainiens sont les plus nombreux (1'164'200 en 2022, selon les statistiques du Budesamt). A noter que c’était déjà le cas avant le déclenchement de la guerre avec la Russie.</p> <p>Selon Emmanuel Todd, cet «axiome migratoire» explique sans doute «l’activisme de la République fédérale dans les affaires ukrainiennes, dont la logique est tout à fait indépendante des rêves géopolitiques américains, à la Brzezinski, antirusses et planétaires». De fait, la pression occidentale sur l’Ukraine, loin de stabiliser le pays (contrairement à ce qui est promis) le transforme en <em>pool</em> de main-d’œuvre. Ainsi: «La désintégration de l’Ukraine pourrait assurer à l’Allemagne un approvisionnement abondant en main-d’œuvre et en immigrés. 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Cet afflux massif a engendré une forte augmentation de la population allemande totale, <a href="https://www.aa.com.tr/fr/monde/les-ukrainiens-sont-%C3%A0-lorigine-dune-forte-augmentation-de-la-population-en-allemagne/2927194">la plus importante</a> depuis la réunification de l'Allemagne de l'Est et de l'Allemagne de l'Ouest en 1990.</p> <h3>Déstabilisation interne</h3> <p>La politique jusqu’au-boutiste de «soutien» (il faudrait plutôt écrire «accompagnement vers la désintégration») allemand à l’Ukraine pourrait sembler paradoxale, tant elle pénalise l’industrie allemande, qui subit de plein fouet la hausse des prix de l’énergie engendrée par la rupture des approvisionnements russes. Mais l’industrie allemande est historiquement résiliente. Il est donc envisageable que Berlin, pesant les intérêts économiques à long terme de son économie, ait accepté de sacrifier provisoirement son secteur industriel (qu’elle sait résilient) pour favoriser ses intérêts démographiques, qui obéissent à d’autres rythmes. En outre, l’immigration pèse aussi tendanciellement à la baisse sur les salaires, ce qui est susceptible de profiter aux entreprises.</p> <p>Terminons ce court essai par l’analyse globale d’Emmanuel Todd concernant la politique migratoire allemande:</p> <blockquote> <p>«<em>La rationalité limitée du système mercantiliste allemand, qui recherche inlassablement la puissance commerciale et monétaire, aggrave le problème jusqu’à le rendre insoluble. Toujours plus d’immigrés, telle est la logique du système, qui inclut en son cœur la vague conscience d’une ultime impossibilité. 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C'est ce qu'explique Freddie Sayers, fondateur du média britannique UnHerd dans <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ILEMV0xKGh4">une vidéo publiée le 16 avril</a>.</p> <p>Sous couvert de lutter contre la «désinformation», des entités comme le <a href="https://www.disinformationindex.org/">Global Disinformation Index (GDI)</a> traquent les «récits contradictoires» («<a href="https://www.disinformationindex.org/research/2019-4-1-adversarial-narratives-a-new-model-for-disinformation/"><em>adverserial narratives</em>»</a>), c’est-à-dire remettant en question les positions officielles sur des sujets comme les droits <a href="https://www.disinformationindex.org/disinfo-ads/2022-08-02-why-is-anti-lgbtq-disinformation-being-funded-by-advertising/">LGBTQI+</a>, le <a href="https://www.disinformationindex.org/disinfo-ads/2023-02-08-ad-tech-brands-and-climate-change-denial-disinformation/">changement climatique</a>, le <a href="https://www.disinformationindex.org/disinfo-ads/2020-3-1-ad-funded-covid-19-disinformation-money-brands-and-tech/">Covid-19</a> ou la <a href="https://www.disinformationindex.org/research/2023-07-05-russian-invasion-of-ukraine-narrative-report-germany/">guerre en Ukraine</a>.</p> <p>GDI est une entreprise enregistrée au Royaume-Uni. 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Il est intéressant de considérer les guerres d’Irak (2003), de Lybie (2009) et d’Ukraine (2022) <a href="https://eclaireur.substack.com/p/la-guerre-en-ukraine-cest-la-guerre">sous cet angle</a>, même si les explications sont toujours multifactorielles. </p> <p>Au début des années 2000, Saddam Hussein a annoncé son souhait de vendre les hydrocarbures et le gaz de son pays en euro. Il était le premier à soulever la question de la légitimité du pétrodollar. En 2003, les Etats-Unis ont envahi l’Irak. La coïncidence est troublante. Des politologues comme William Clark, de la Johns Hopkins University, <a href="https://www.letemps.ch/economie/scenario-catastrophe-americain-petrole-se-payait-euros">y ont vu</a> l'une des motivations de la guerre. En 2009, cette explication a été qualifiée <a href="https://foreignpolicy.com/2009/10/07/debunking-the-dumping-the-dollar-conspiracy/">de «conspirationniste»</a> par la très officielle revue américaine <i>Foreign Policy</i>. Reste que le dollar a immédiatement été restauré comme monnaie de transaction du pétrole suite au changement de régime en Irak.</p> <p>En Lybie, Mouammar Kadhafi avait proposé à tout le continent africain de créer une union monétaire panafricaine indépendante du dollar américain et du franc CFA. D’aucuns considèrent le soutien des Etats-Unis à l’invasion française de 2009 comme une réponse au projet monétaire de Kadhafi. Selon un courriel adressé par Sidney Blumenthal à Hillary Clinton, l’intervention de Nicolas Sarkozy en Libye aurait été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2016/01/11/l-etrange-memo-americain-sur-la-tresorerie-de-kadhafi_4844960_3210.html">en partie motivée</a> par cette décision du dictateur africain.</p> <p><em>Quid</em> de la guerre en Ukraine? Il n’est un secret pour personne que la Russie, puissance énergétique de premier plan, mène le mouvement en faveur d’une dédollarisation des échanges commerciaux. Le gouvernement russe s’est ainsi progressivement <a href="https://photo.capital.fr/vladimir-poutine-se-debarrasse-de-la-dette-americaine-au-profit-de-l-or-voici-pourquoi-31029#alors-que-les-tensions-geopolitiques-font-rage-la-russie-tire-un-trait-sur-la-dette-americaine-535289">débarrassé</a> des bons du Trésor américain qu'il détenait. Dans ses transactions avec la Chine, de grandes quantités de produits énergétiques sont payées en yuan chinois et en rouble russe. Il ne s’agit pas de la cause unique derrière le conflit ukrainien, mais c’est sans doute l’un des facteurs de tensions entre les protagonistes. L’hebdomadaire britannique <i>The Economist</i> a d’ailleurs <a href="https://www.economist.com/briefing/2023/02/18/ukraines-fate-will-determine-the-wests-authority-in-the-world">reconnu</a> que l’issue de la guerre en Ukraine déterminera l’avenir de la suprématie occidentale (<em>i.e.</em> américaine) dans le monde. Or, cette suprématie repose très largement sur la puissance du dollar en tant que monnaie de référence. </p> <hr /> <h4><a href="https://youtu.be/GAkZsaBJ8fE" target="_blank" rel="noopener">L'entretien complet</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'des-guerres-pour-soutenir-la-puissance-dollar', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 180, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 12715, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4810, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'La propagande de guerre, des principes bien rodés depuis un siècle', 'subtitle' => 'Dans toutes les guerres modernes, d’énormes moyens de communication sont déployés par les gouvernements pour convaincre leurs populations du bien-fondé de leur engagement belliqueux. 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Avec le recul du temps, de nombreux rapports de l’OSCE ont montré qu’il n’existait pas, avant le 24 mars 1999 et le déclenchement des bombardements de l’OTAN, de campagnes systématiques de violences contre la population albanaise. Selon Machiavel (1469-1527): «Ce n’est pas celui qui prend les armes le premier qui est coupable de la guerre, mais celui qui lui a donné un motif pour qu’il prenne les armes». (<em>Istorie fiorentine</em>, libro settimo, cap. XVI)</p> <h3>C'est une cause noble que nous défendons</h3> <p>La guerre a généralement deux motifs principaux: la volonté de domination géopolitique et l’appât du gain (motivation économique). Mais ces mobiles sont inavouables à l’opinion publique, qui est plus encline à la paix qu’à la guerre (tous peuples confondus). Ainsi, les guerres modernes ne sont possibles qu’avec le consentement des populations, qui sont manipulées à cette fin. 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Ce qui est spécifique à la propagande de guerre, c’est de faire croire que seul l’ennemi est coutumier du fait, tandis que notre armée est au service de la population et aimée d’elle. Ainsi, en Europe occidentale, il est courant de présenter les soldats américains comme nos sauveurs du nazisme. En 2003, l’historien J. Robert Lilly <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/la-face-cach%25C3%25A9e-des-gis-9782228930833">évalue</a> pourtant à 17’000 le nombre de viols commis par les GIs sur des femmes britanniques, françaises et allemandes lors de la Seconde Guerre mondiale. </p> <p>Des atrocités commises à l’encontre d’enfants sont souvent mises en scène, voire inventées de toutes pièces, pour servir la propagande. C’est l’exemple des bébés belges aux mains coupées par les soldats allemands lors de la Première Guerre mondiale, ou des couveuses dans la maternité de Koweït City avant la première guerre d’Irak en 1990. Mais aussi, très récemment, l’affaire des 40 bébés décapités et pendus suite à l’attaque de combattant du Hamas le 7 octobre en Israël, finalement non confirmée. Le 19 octobre, le quotidien <em>Haaretz</em> <a href="https://www.haaretz.com/haaretz-explains/2023-10-19/ty-article-magazine/israels-dead-the-names-of-those-killed-in-hamas-massacres-and-the-israel-hamas-war/0000018b-325c-d450-a3af-7b5cf0210000">publie</a> les noms des victimes de l'attaque du 7 octobre dont les identités ont été confirmées, mais sur les 541 victimes dont l'âge est indiqué, ne figure aucun bébé. </p> <h3>Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause</h3> <p>La propagande comme toute forme de publicité repose sur l’émotion et sa manipulation. Dans cet effort de manipulation, les artistes et intellectuels sont mobilisés et mis à contribution pour diffuser les bobards de guerre de manière convaincante. La Première Guerre mondiale fut un moment fondateur de cette pratique, un grand nombre d’intellectuels prenant fait et cause pour leur nation. Pour citer le pacifiste français Romain Rolland: «Les universités formaient un ministère de l’intelligence domestiquée». Aux Etats- Unis, durant la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste Frank Capra participa notamment à l’effort de guerre en produisant des films de propagande. Walt Disney également, contre rémunération. Un véritable effort de guerre culturelle fut entrepris durant la guerre froide, du côté américain comme Soviétique. Heureusement, des intellectuels s’opposent toujours à la guerre. En 2003, 14'000 universitaires, intellectuels et écrivains américains signèrent une pétition d’opposition à la guerre contre l’Irak. Récemment, il semble qu’un moins grand nombre d’intellectuels se disent publiquement en faveur de la paix. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@Jnc 11.11.2022 | 23h26
«Le wokisme et le transhumanisme ne seraient-ils pas tous deux une sorte de matérialisme désincarné? »
@Chan clear 12.11.2022 | 16h20
«La complexité de l’être humain merci pour votre article, je comprends mieux ces définitions même après avoir assisté à quelques conférences au CHUV à lausanne sur le transhumanisme, tout ce qui amène une sorte de dépendance à mes yeux nous éloigne de cette liberté si chèrie.»
@Apitoyou 14.11.2022 | 21h41
«Le transhumanisme ne me semble pas croyable, mais je serais vraiment intéressé à voir, entendre, discuter avec un esprit (re)matérialisé dans un disque dur ou dans un bocal magnétique/électrique/quantique.
Le wokisme qui part sur de justes contestations de discrimination humaine, pousse en réalité à déconstruire tout la société occidentale qui a bâti son économie sur les discriminations. Et qui continue (encore plus) au 21 ème siècle, mais d’une autre façon. J’ai de la difficulté à associer les deux idéologies wokisme et transhumanisme, elles n’ont pas les même fondements: l’une sur les discriminations de genre et de race, l’autre sur le fait que le cerveau est simplement un récepteur de l’esprit qui possède lui-même des propriétés intrinsèques; d’ailleurs elles ne sont pas portées par les mêmes individus.»
@stef 06.12.2022 | 07h33
«Corps et esprit ne font qu'un !
La preuve: observez la physionomie faciale de chaque individu »