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Analyse / Des guerres pour soutenir la puissance dollar?


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Les Etats-Unis déclenchent-ils des conflits armés pour maintenir la suprématie du dollar dans l’économie mondiale? C’est ce que soutient notamment la journaliste Myret Zaki dans mon entretien avec elle sur ANTITHESE. Explications.



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La fin du dollar en tant que monnaie de référence dans l’économie mondiale fait débat depuis de nombreuses années. La monnaie des Etats-Unis reste encore largement dominante dans la sphère financière. Elle règne ainsi en maître absolu dans le gigantesque marché des transactions de devises, étant la monnaie de contrepartie dans 88% des transactions, selon la Banque des règlements internationaux. 

Son poids dans l’économie réelle (les échanges internationaux), cependant, diminue progressivement. Le Brésil et la Chine ont décidé d'effectuer leurs échanges commerciaux en yuan. De son côté, l'Inde paie ses importations de pétrole russe en dirhams des Emirats arabes unis. Les pays membres du BRICS+ ambitionnent de promouvoir les transactions commerciales dans une devise commune nouvellement établie. Le géant français Total Energies a aussi réalisé sa première transaction de gaz naturel en yuan en mars 2023. Autant d’indices qui indiquent la fin progressive du dollar en tant que monnaie de référence dans les échanges commerciaux, selon Myret Zaki. La journaliste considère cela comme «une normalisation historique»: «Ce rééquilibrage prendra du temps, car les Etats-Unis utiliseront leur puissance militaire, indiscutablement supérieure, pour maintenir le plus longtemps possible la suprématie du dollar, qui sera donc conservé comme monnaie de référence de manière artificielle (c’est déjà le cas depuis plusieurs années), grâce à la planche à billets.» 

Les guerres récentes seraient-elles donc liées, de près ou de loin, au maintien de la primauté du dollar, qui a permis jusqu’ici aux États-Unis de soutenir un important déficit commercial et leur a donné une grande latitude pour mener les politiques domestiques et internationales de leur choix? Il est intéressant de considérer les guerres d’Irak (2003), de Lybie (2009) et d’Ukraine (2022) sous cet angle, même si les explications sont toujours multifactorielles. 

Au début des années 2000, Saddam Hussein a annoncé son souhait de vendre les hydrocarbures et le gaz de son pays en euro. Il était le premier à soulever la question de la légitimité du pétrodollar. En 2003, les Etats-Unis ont envahi l’Irak. La coïncidence est troublante. Des politologues comme William Clark, de la Johns Hopkins University, y ont vu l'une des motivations de la guerre. En 2009, cette explication a été qualifiée de «conspirationniste» par la très officielle revue américaine Foreign Policy. Reste que le dollar a immédiatement été restauré comme monnaie de transaction du pétrole suite au changement de régime en Irak.

En Lybie, Mouammar Kadhafi avait proposé à tout le continent africain de créer une union monétaire panafricaine indépendante du dollar américain et du franc CFA. D’aucuns considèrent le soutien des Etats-Unis à l’invasion française de 2009 comme une réponse au projet monétaire de Kadhafi. Selon un courriel adressé par Sidney Blumenthal à Hillary Clinton, l’intervention de Nicolas Sarkozy en Libye aurait été en partie motivée par cette décision du dictateur africain.

Quid de la guerre en Ukraine? Il n’est un secret pour personne que la Russie, puissance énergétique de premier plan, mène le mouvement en faveur d’une dédollarisation des échanges commerciaux. Le gouvernement russe s’est ainsi progressivement débarrassé des bons du Trésor américain qu'il détenait. Dans ses transactions avec la Chine, de grandes quantités de produits énergétiques sont payées en yuan chinois et en rouble russe. Il ne s’agit pas de la cause unique derrière le conflit ukrainien, mais c’est sans doute l’un des facteurs de tensions entre les protagonistes. L’hebdomadaire britannique The Economist a d’ailleurs reconnu que l’issue de la guerre en Ukraine déterminera l’avenir de la suprématie occidentale (i.e. américaine) dans le monde. Or, cette suprématie repose très largement sur la puissance du dollar en tant que monnaie de référence. 


L'entretien complet

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

5 Commentaires

@willoft 05.04.2024 | 03h21

«l'Europe n'a pas les moyens de gagner cette guerre, les US non plus»


@Zag-Zig 05.04.2024 | 08h29

«Cher Monsieur Bernard,
Merci pour votre article qui m'a donné envie de cliquer sur le lien menant à l'entretien avec Myret Zaki. En effet, celui-ci est captivant jusqu'à ce qui aurait dû être la carte blanche, la fatigue de l'invitée et du journaliste étant compréhensible, vu le, intensité de ce qui avait précédé
La critique des médias de Madame Zaki ne tient à mon goût pas suffisamment compte de la pulsion de guerre qui nous pousse à apporter notre pierre à l'édifice de la victoire de notre camp et qui, selon moi, ne peut être apaisée en montrant crument les violences de la guerre; voir ces violences est différent de les vivre et l'image n'est pas la réalité. Sinon, nous serions encore marqués par l'abomination de ce qu'on vécu les soldats qui ont participé l'année dernière à la bataille de Bakmout. Les tourments des guerres longues ont déjà été racontés pour l'Europe occidentale par l'Illiade et l'Odyssée, ainsi que par la tragédie des Atrides. Touche d'humour. Durant la guerre froide, pour ostraciser les personnes critiques, on les traitait de subversives et on leur disait f'aller voir à Moscou si c'était mieux.
Bonne continuation dans votre travail.»


@Christophe Mottiez 05.04.2024 | 08h58

«article très intéressant qui contient cependant une erreur: la france (et quelques autres pays occidentaux) est intervenue militairement en libye en 2011, mais n'a pas envahi le pays.»


@simone 06.04.2024 | 19h03

«Il me semble que la guerre en Ukraine est déjà perdue et qu'il est irresponsable de laisser les morts s'accumuler de part et d'autre. Mais je doute qu'une paix - ou même un cessez-le feu - soit possible avant les élections américaines. C'est tragique.»


@stef 28.04.2024 | 15h27

«Merci pour cette analyse très pertinente »


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