Actuel / La «Tyrannie du Bien», et comment s’en sortir
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Le journaliste Guy Mettan, contributeur régulier de «Bon Pour La Tête», publie un nouveau livre dans lequel il dénonce la «Tyrannie du Bien» qui gangrène, selon lui, nos sociétés occidentales. L’ouvrage prend la forme d’un «Dictionnaire de la pensée (in)correcte», s’inspirant du «Dictionnaire des idées reçues» de Flaubert. Son but: permettre aux individus de retrouver «la clé des mots qui servent à exprimer librement notre pensée et à comprendre le réel tel qu’il est et non tel qu’il nous apparaît».
En 1991, au sortir de la guerre froide, l’essayiste et écrivain français Philippe Muray dénonçait la survenue de ce qu’il a appelé «l’Empire du Bien1»: dictature du prêt-à-penser et de la bienveillance dans laquelle «l’hygiène niaise dégouline partout», luttant contre les irrégularités inquiétantes, les exceptions et les bizarreries de la pensée considérée comme dissidente. Plus de trente ans après la parution de l’ouvrage de Muray, «l’Empire du bien s’est mué en tyrannie. La fête est devenue un cauchemar», constate Guy Mettan.
Ainsi, dégager du CO2, refuser l’écriture inclusive et le langage épicène, respirer sans masque et se méfier des vaccins et de la bienveillance de l’industrie pharmaceutique, douter de l’Union européenne et des guerres «justes» lancées ou attisées par les Etats-Unis et l’OTAN, mettre en perspective la diabolisation médiatique et politique qui sévit contre la Russie, se méfier de l’innovation et du «solutionnisme technologique», du capitalisme «vert» et de l’éco-féminisme, dénoncer les dérives idéologiques contraires à l’humanisme du mouvement «Woke» (lire la série d’articles consacrés à ce mouvement sur BPLT)… en un mot, incarner ce «Mal» revient à s’exposer à l’opprobre public, à la vindicte des gardiens du Bien. C’est, en somme, endosser le statut que revêtaient les sorcières, brûlées vives en raison de leurs pratiques ataviques contredisant le rationalisme scientifique alors en gestation au début de la Renaissance. «Les hérétiques sont aussitôt stigmatisés, vilipendés, traînés dans la boue et, pour les moins chanceux, déférés devant les tribunaux numériques en vue d’un châtiment qui ne peut qu’être exemplaire». Guy Mettan en sait quelque chose, lui qui n’hésite pas à aller à contre-courant comme les lecteurs de BPLT ont pu le constater à diverses reprises.
Mensonges sémantiques
La «Tyrannie du Bien» est rendue possible par l’inversion du sens des mots, monnaie courante aujourd’hui. Ainsi, les milliardaires russes sont des «oligarques», tandis que leurs homologues occidentaux sont des «patrons d’industrie», des «entrepreneurs à succès» voire, à l’image de Bill Gates, des «bienfaiteurs pour l’humanité». Les rebelles aux régimes considérés comme des dictatures par l’Occident sont de valeureux «combattants pour la liberté». Ils sont, en revanche, des terroristes sanguinaires s’ils appartiennent au camp d’en face. L’indignation est ainsi à géométrie variable. Elle sert à manipuler les masses quant aux objectifs profonds de nos «démocraties», qui n’ont d’ailleurs souvent (nouveau mensonge sémantique) pas grand-chose de démocratique2.
Cette «softlangue», que Guy Mettan appelle «la langue du Bien», infuse tous les domaines de la vie. Inventée et diffusée par des agences de relations publiques, elle sévit particulièrement fortement dans la sphère économique et en politique étrangère. Elle sert d’un côté à vendre des produits et services en manipulant l’inconscient et les émotions des consommateurs (publicité). De l’autre, elle permet de justifier, grâce à ses nombreux relais dans les médias, les guerres et atrocités commises au nom des Droits de l’Homme, de la démocratie et de l’Etat de droit.
Démocratie et propagande
Le nouveau livre de Guy Mettan a le mérite de rappeler, à la suite du chercheur français David Colon, que la «propagande est fille de la démocratie3». En démocratie, les individus sont censés agir librement, sans contrainte ni violence. Pour les manipuler, il faut donc agir subrepticement, en leur donnant l’impression que les décisions qu’ils prennent viennent d’eux. En 1928, Edward Bernays, double neveu de Freud et pionnier des relations publiques, écrivait ainsi: «La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays». Il ajoute: «De nos jours la propagande intervient nécessairement dans tout ce qui a un peu d’importance sur le plan social, que ce soit dans le domaine de la politique ou de la finance, de l’industrie, de l’agriculture, de la charité ou de l’enseignement. La propagande est l’organe exécutif du gouvernement invisible4.»
La fabrique médiatique du consentement
La propagande et la désinformation sont traditionnellement diffusées à travers les médias de masse. Les rouages de cette «fabrique du consentement» en démocratie ont été très bien décrits à la fin des années 1980 par le célèbre linguiste du MIT Noam Chomsky5, ainsi que par le sociologue français Pierre Bourdieu. Les médias de «grand chemin» (pour ne pas dire mainstream) détiennent en effet «le monopole de l’information légitime». Ils sont la proie d’intérêts puissants cherchant à les contrôler, les transformant de fait en source majeure de désorientation des esprits.
«Alors que la plupart d'entre nous sont opposés à la tyrannie politique et à la dictature, c'est extraordinaire à quel point nous acceptons l'autorité et la tyrannie de ceux qui déforment nos esprits et qui faussent notre mode de vie», soulignait Krishnamurti il y a près de 60 ans6. Aujourd’hui, prendre conscience des rouages et mécanismes de la propagande en se réappropriant le sens des mots est la première étape vers une libération intérieure. Développer un véritable esprit critique est un viatique. Sortir des sentiers battus par les discours dominants est une nécessité. Le dernier livre de Guy Mettan peut y contribuer.
1Philippe Muray, L’Empire du bien. Il est urgent de le saboter, Les Belles Lettres, 1991, 141 p.
2Francis Dupuis-Déri, Démocratie, histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France, Lux, 2019, 337 p.
3David Colon, Propagande, la manipulation de masse dans le monde contemporain, Belin, 2019, 430 p.
4Edward Bernays, Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie, La Découverte, (1928) 2007, 141 p.
5Noam Chomsky et Edward Herman, Fabriquer un consentement, la gestion politique des médias de masse, Investig’action, 2018, 743 p.
6Jiddu Krishnamurti, Se libérer du connu, Stock, 1969, 125 p.
«La tyrannie du Bien, Dictionnaire de la pensée (in)correcte», Guy Mettan, Editions des Syrtes, 247 pages.
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C'est ce qu'explique Freddie Sayers, fondateur du média britannique UnHerd dans <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ILEMV0xKGh4">une vidéo publiée le 16 avril</a>.</p> <p>Sous couvert de lutter contre la «désinformation», des entités comme le <a href="https://www.disinformationindex.org/">Global Disinformation Index (GDI)</a> traquent les «récits contradictoires» («<a href="https://www.disinformationindex.org/research/2019-4-1-adversarial-narratives-a-new-model-for-disinformation/"><em>adverserial narratives</em>»</a>), c’est-à-dire remettant en question les positions officielles sur des sujets comme les droits <a href="https://www.disinformationindex.org/disinfo-ads/2022-08-02-why-is-anti-lgbtq-disinformation-being-funded-by-advertising/">LGBTQI+</a>, le <a href="https://www.disinformationindex.org/disinfo-ads/2023-02-08-ad-tech-brands-and-climate-change-denial-disinformation/">changement climatique</a>, le <a href="https://www.disinformationindex.org/disinfo-ads/2020-3-1-ad-funded-covid-19-disinformation-money-brands-and-tech/">Covid-19</a> ou la <a href="https://www.disinformationindex.org/research/2023-07-05-russian-invasion-of-ukraine-narrative-report-germany/">guerre en Ukraine</a>.</p> <p>GDI est une entreprise enregistrée au Royaume-Uni. Fondée en 2018, elle a pour but de perturber le modèle économique des médias propageant de la «désinformation» en ligne, en les privant de financement (concrètement: en avertissant les agences de publicité que ces médias ont une image dangereuse, et qu'il est donc préférable de ne pas signer de contrats publicitaires avec eux). </p> <p>GDI utilise une IA pour scanner le web et dénicher les publications douteuses selon ses critères. L'organisation a été fondée par Clare Melford et Daniel Rogers. Un rapide coup d’œil à leur biographie révèle quels sont les intérêts derrière GDI et les autres outils de suppression des «récits contradictoires». </p> <p>Clare Melford, selon <a href="https://www.weforum.org/people/clare-melford/">sa bio du WEF</a>, «a dirigé la transition du Conseil européen pour les relations internationales (European Council on Foreign Relations), qui faisait partie de la Fondation Open Society de George Soros, vers un statut indépendant». Daniel Rogers a, avant de co-fonder GDI, lancé Terbium Labs (revendue depuis à Deloitte), une startup spécialisée dans la sécurité de l'information et le renseignement sur le dark web. Il a aussi travaillé au sein de <a href="https://en.unesco.org/inclusivepolicylab/user/7798">la «communauté du renseignement américain»</a>. </p> <p>De fait, GDI est ou a été financé par la Fondation Open Society de Soros, le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth (Grande-Bretagne), l'Union européenne, le ministère des Affaires étrangères allemand et Disinfo Cloud (une entité créée par le Département d’Etat américain). En 2022, GDI a publié <a href="https://www.disinformationindex.org/research/2022-10-21-brief-disinformation-risk-in-the-united-states-online-media-market-october-2022/">un rapport</a> sur les médias en ligne aux Etats-Unis. 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Des titres comme le <em>Daily Wire</em> ont <a href="https://www.reuters.com/legal/government/texas-claims-us-state-department-funds-tech-that-censors-conservative-news-2023-12-06/">porté plainte</a> contre le Département d'Etat pour violation de la liberté d'expression garantie par le 1er amendement de la Constitution américaine. </p> <p>GDI n'est que la pointe de l'iceberg d'une myriade d'organisations fondées à partir de 2016, dans le contexte de l'élection de Trump et du Brexit (avec intensification durant la période Covid-19) pour lutter contre la diffusion d'avis et d'opinions jugés «dangereux», car mettant en doute les positions des gouvernements occidentaux et de leurs réseaux d'intérêts corporatistes.<br /><br />Ce n'est que le début d'une guerre cognitive visant à contrôler le cerveau des gens, en particulier sur les réseaux sociaux. Des armées de trolls, recrutés par des organisations comme GDI, viendront manipuler les opinions. 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De son côté, l'Inde paie ses importations de pétrole russe en dirhams des Emirats arabes unis. Les pays membres du BRICS+ ambitionnent de promouvoir les transactions commerciales dans une devise commune nouvellement établie. Le géant français Total Energies a aussi réalisé <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/totalenergies-livre-a-la-chine-du-gnl-paye-en-yuans-une-premiere-957227.html">sa première transaction</a> de gaz naturel en yuan en mars 2023. Autant d’indices qui indiquent la fin progressive du dollar en tant que monnaie de référence dans les échanges commerciaux, selon Myret Zaki. La journaliste considère cela comme «une normalisation historique»: «Ce rééquilibrage prendra du temps, car les Etats-Unis utiliseront leur puissance militaire, indiscutablement supérieure, pour maintenir le plus longtemps possible la suprématie du dollar, qui sera donc conservé comme monnaie de référence de manière artificielle (c’est déjà le cas depuis plusieurs années), grâce à la planche à billets.» </p> <p>Les guerres récentes seraient-elles donc liées, de près ou de loin, au maintien de la primauté du dollar, qui a permis jusqu’ici aux États-Unis de soutenir un important déficit commercial et leur a donné une grande latitude pour mener les politiques domestiques et internationales de leur choix? Il est intéressant de considérer les guerres d’Irak (2003), de Lybie (2009) et d’Ukraine (2022) <a href="https://eclaireur.substack.com/p/la-guerre-en-ukraine-cest-la-guerre">sous cet angle</a>, même si les explications sont toujours multifactorielles. </p> <p>Au début des années 2000, Saddam Hussein a annoncé son souhait de vendre les hydrocarbures et le gaz de son pays en euro. Il était le premier à soulever la question de la légitimité du pétrodollar. En 2003, les Etats-Unis ont envahi l’Irak. La coïncidence est troublante. Des politologues comme William Clark, de la Johns Hopkins University, <a href="https://www.letemps.ch/economie/scenario-catastrophe-americain-petrole-se-payait-euros">y ont vu</a> l'une des motivations de la guerre. En 2009, cette explication a été qualifiée <a href="https://foreignpolicy.com/2009/10/07/debunking-the-dumping-the-dollar-conspiracy/">de «conspirationniste»</a> par la très officielle revue américaine <i>Foreign Policy</i>. Reste que le dollar a immédiatement été restauré comme monnaie de transaction du pétrole suite au changement de régime en Irak.</p> <p>En Lybie, Mouammar Kadhafi avait proposé à tout le continent africain de créer une union monétaire panafricaine indépendante du dollar américain et du franc CFA. D’aucuns considèrent le soutien des Etats-Unis à l’invasion française de 2009 comme une réponse au projet monétaire de Kadhafi. Selon un courriel adressé par Sidney Blumenthal à Hillary Clinton, l’intervention de Nicolas Sarkozy en Libye aurait été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2016/01/11/l-etrange-memo-americain-sur-la-tresorerie-de-kadhafi_4844960_3210.html">en partie motivée</a> par cette décision du dictateur africain.</p> <p><em>Quid</em> de la guerre en Ukraine? Il n’est un secret pour personne que la Russie, puissance énergétique de premier plan, mène le mouvement en faveur d’une dédollarisation des échanges commerciaux. Le gouvernement russe s’est ainsi progressivement <a href="https://photo.capital.fr/vladimir-poutine-se-debarrasse-de-la-dette-americaine-au-profit-de-l-or-voici-pourquoi-31029#alors-que-les-tensions-geopolitiques-font-rage-la-russie-tire-un-trait-sur-la-dette-americaine-535289">débarrassé</a> des bons du Trésor américain qu'il détenait. Dans ses transactions avec la Chine, de grandes quantités de produits énergétiques sont payées en yuan chinois et en rouble russe. Il ne s’agit pas de la cause unique derrière le conflit ukrainien, mais c’est sans doute l’un des facteurs de tensions entre les protagonistes. L’hebdomadaire britannique <i>The Economist</i> a d’ailleurs <a href="https://www.economist.com/briefing/2023/02/18/ukraines-fate-will-determine-the-wests-authority-in-the-world">reconnu</a> que l’issue de la guerre en Ukraine déterminera l’avenir de la suprématie occidentale (<em>i.e.</em> américaine) dans le monde. 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Dans son livre à succès, <em>Principes élémentaires de propagande de guerre: utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède</em> (Labor, 2001), elle synthétise les 10 techniques presque toujours utilisées pour manipuler l’opinion publique. Détaillons quelques-unes de ces techniques.</p> <h3>Le camp adverse est seul responsable de la guerre</h3> <p>Dans chaque guerre, les gouvernements présentent le voisin ou adversaire comme le responsable du conflit, comme l’agresseur. L’objectif est de légitimer devant l’opinion publique l’entrée en guerre, en utilisant l’argument de la riposte à une agression. Pourtant, il est rare qu’on sache clairement, au moment où une guerre éclate, qui est le véritable agresseur. Lors de la guerre du Kosovo (1998-1999), l’OTAN assure par exemple réagir à une campagne de «purification ethnique» des Serbes contre les Albanais. 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Ce qui est spécifique à la propagande de guerre, c’est de faire croire que seul l’ennemi est coutumier du fait, tandis que notre armée est au service de la population et aimée d’elle. Ainsi, en Europe occidentale, il est courant de présenter les soldats américains comme nos sauveurs du nazisme. En 2003, l’historien J. Robert Lilly <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/la-face-cach%25C3%25A9e-des-gis-9782228930833">évalue</a> pourtant à 17’000 le nombre de viols commis par les GIs sur des femmes britanniques, françaises et allemandes lors de la Seconde Guerre mondiale. </p> <p>Des atrocités commises à l’encontre d’enfants sont souvent mises en scène, voire inventées de toutes pièces, pour servir la propagande. C’est l’exemple des bébés belges aux mains coupées par les soldats allemands lors de la Première Guerre mondiale, ou des couveuses dans la maternité de Koweït City avant la première guerre d’Irak en 1990. Mais aussi, très récemment, l’affaire des 40 bébés décapités et pendus suite à l’attaque de combattant du Hamas le 7 octobre en Israël, finalement non confirmée. Le 19 octobre, le quotidien <em>Haaretz</em> <a href="https://www.haaretz.com/haaretz-explains/2023-10-19/ty-article-magazine/israels-dead-the-names-of-those-killed-in-hamas-massacres-and-the-israel-hamas-war/0000018b-325c-d450-a3af-7b5cf0210000">publie</a> les noms des victimes de l'attaque du 7 octobre dont les identités ont été confirmées, mais sur les 541 victimes dont l'âge est indiqué, ne figure aucun bébé. </p> <h3>Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause</h3> <p>La propagande comme toute forme de publicité repose sur l’émotion et sa manipulation. Dans cet effort de manipulation, les artistes et intellectuels sont mobilisés et mis à contribution pour diffuser les bobards de guerre de manière convaincante. La Première Guerre mondiale fut un moment fondateur de cette pratique, un grand nombre d’intellectuels prenant fait et cause pour leur nation. Pour citer le pacifiste français Romain Rolland: «Les universités formaient un ministère de l’intelligence domestiquée». Aux Etats- Unis, durant la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste Frank Capra participa notamment à l’effort de guerre en produisant des films de propagande. Walt Disney également, contre rémunération. Un véritable effort de guerre culturelle fut entrepris durant la guerre froide, du côté américain comme Soviétique. Heureusement, des intellectuels s’opposent toujours à la guerre. En 2003, 14'000 universitaires, intellectuels et écrivains américains signèrent une pétition d’opposition à la guerre contre l’Irak. Récemment, il semble qu’un moins grand nombre d’intellectuels se disent publiquement en faveur de la paix. 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Lors de la guerre froide, il était courant d’être accusé de «communiste» en cas de remise en question de la position américaine, en particulier aux Etats-Unis. 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Le pays abrite aussi la base militaire de Camp Bondsteel, l’un des points d’ancrage les plus importants de l’OTAN en Europe. Les Etats-Unis sont aujourd’hui, avec certains pays de l’Union européenne, les principaux soutiens et bailleurs de fonds du Kosovo, dont les structures étatiques souffrent d’une corruption «omniprésente», <a href="https://www.eda.admin.ch/deza/fr/home/pays/kosovo.html/content/dezaprojects/SDC/fr/2012/7F08427/phase2">de l’avis</a> de la Confédération helvétique.</p> <p>En arrivant dans Pristina depuis l’aéroport, je passe devant un bâtiment imposant et flambant neuf: l’ambassade américaine, où siègerait aussi une antenne de la CIA. Quelques centaines de mètres plus loin, le nouveau bâtiment municipal de la ville, visiblement construit au rabais, fait pâle figure en comparaison. Un pan de son mur s’est d’ailleurs récemment écroulé, blessant un habitant. Bill Clinton et George W. Bush disposent respectivement d’un boulevard et d’une rue à leur nom, tandis qu’un buste de Madeleine Albright trône à deux pas de la Banque centrale. Le nom de Tony Blair, grand artisan de l’intervention occidentale lors de la guerre du Kosovo, occupe également une bonne place dans la ville. Les locaux avec qui j’ai discuté – tous très accueillants – reconnaissent volontiers que leur pays est sous la dépendance des puissances occidentales. Mais ils soulignent unanimement préférer cela au despotisme de Belgrade.</p> <h3>Un îlot d'occidentalisation</h3> <p>Si l’existence juridique du Kosovo est fragile, le pays se développe rapidement. A Pristina, vitrine du pays, la présence occidentale s’accompagne d’une modernisation rapide qui ne s’embarrasse pas d’écologie, et dont l’islam local (peu intégriste) s’accommode parfaitement. Hôtels de luxe et immeubles de logements sortent de terre à un rythme soutenu chaque année. De nombreux restaurants proposent une nourriture de grande qualité, au niveau des standards suisses ou français. Tout est fait pour stimuler la consommation, à commencer par l’énorme Mall de la ville, le plus grand des Balkans (plus de 200 commerces), inauguré en 2023. Je note aussi avec étonnement l’absence de journaux imprimés, la presse écrite n’étant accessible qu’en ligne. Ainsi que l’absence de boîtes aux lettres dans les immeubles – il faut régler ses factures via internet et se faire livrer en poste restante.</p> <p>Cette effervescence cache cependant plusieurs problèmes, bien visibles sur place: une forte pollution de l’air due aux rejets de l’usine de charbon située à quelques kilomètres de la ville, des rues jonchées d’ordures, un plan d’aménagement peu cohérent et surtout l’absence ressentie de vie culturelle (reflet, là aussi, de notre modernité). Le musée national – le seul de la ville – est désert et peu entretenu: on y entre comme dans un moulin et les collections intéressent visiblement peu les locaux. La Bibliothèque nationale, datant de l’époque yougoslave, semble encagée dans un grillage de fer. Son architecture, des plus originales, tranche cependant agréablement avec les immeubles alentour. Il y a aussi plusieurs mosquées et une cathédrale très récente et surtout bien vide. Au détour d’une discussion dans un café, un Kosovar détenteur d’un doctorat en sciences politiques me glisse que la ville a été choisie comme capitale justement en raison de son peu d’histoire récente, afin de ne pas froisser les six communautés ethniques du pays. C’est cependant dans ce lieu que parut en 1685 le <i>Cuneus Profetarum</i> (le «Groupe des Prophètes»), premier ouvrage en albanais rédigé par Pjetër Bogdani. 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La cathédrale est depuis protégée par la police du Kosovo.</p> <p>Des troupes de l’OTAN protègent aussi le très beau monastère orthodoxe de Dečani, situé dans le nord du pays, région où vivent quelque 120’000 Serbes. J’ai pu me rendre en voiture dans ce haut lieu de la mémoire nationale serbe, inscrit à l’UNESCO. Dans le magasin du monastère, il est toujours possible de payer en dinars, même si les transactions commerciales dans cette monnaie sont interdites par le gouvernement kosovar depuis le 1<sup>er</sup> février 2024. Les mesures punitives ont été repoussées de peur d’attiser les tensions communautaires. En pratique, de nombreux habitants de ces régions du nord travaillent ou ont travaillé pour des institutions serbes, avec des salaires ou retraites payés en dinars. Belgrade, qui n’a jamais reconnu l’indépendance du Kosovo, y soutient la communauté serbe via des emplois ou des aides financières. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@mleine 29.04.2022 | 08h14
«Bonjour,
Une mini-question à propos des "médias de «grand chemin» (pour ne pas dire mainstream)", l'expression est de vous ou de Bourdieux?
Résister à l'anglomanie est aussi une manière de sortir des "sentiers battus"...
Merci!»
@willoft 04.05.2022 | 02h41
«Bon, le monde est sauvé, Twitter est racheté par un génie.
Le monde est aussi par le WEF qui interdit tout russe, y compris leur caviar.
Le caviar servi sera du... kazak, turkmène, iranien, non!
Comme le WEF tente de démontrer son éthique verte, on aurait encore pu les croire s'ils renonçaient à ce produit toxique qu'est devenu ce pauvre esturgeon caspien, mais bofwef...!»
@freinet 04.05.2022 | 06h56
«Merci vous m’avez mis l’eau à la bouche.»
@markefrem 05.05.2022 | 13h07
«Bien compris ! Devons-nous choisir entre la duplicité américaine et la brutale mauvaise fois russe ?
Je n'hésite pas longtemps !»