Actuel / Aux origines de la «vassalisation» européenne
© Holger.Ellgaard - Schifffahrtsmuseum in Kiel
Annie Lacroix-Riz, dans son livre «Les origines du plan Marshall, le mythe de "l’aide" américaine», analyse la dépendance économique et politique de l'Europe envers les Etats-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. L’historienne explore comment l’aide américaine a façonné les relations transatlantiques et l’influence des Etats-Unis sur l’Europe, notamment à travers les accords Blum-Byrnes et le plan Marshall.
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Il est intéressant de considérer les guerres d’Irak (2003), de Lybie (2009) et d’Ukraine (2022) <a href="https://eclaireur.substack.com/p/la-guerre-en-ukraine-cest-la-guerre">sous cet angle</a>, même si les explications sont toujours multifactorielles. </p> <p>Au début des années 2000, Saddam Hussein a annoncé son souhait de vendre les hydrocarbures et le gaz de son pays en euro. Il était le premier à soulever la question de la légitimité du pétrodollar. En 2003, les Etats-Unis ont envahi l’Irak. La coïncidence est troublante. Des politologues comme William Clark, de la Johns Hopkins University, <a href="https://www.letemps.ch/economie/scenario-catastrophe-americain-petrole-se-payait-euros">y ont vu</a> l'une des motivations de la guerre. En 2009, cette explication a été qualifiée <a href="https://foreignpolicy.com/2009/10/07/debunking-the-dumping-the-dollar-conspiracy/">de «conspirationniste»</a> par la très officielle revue américaine <i>Foreign Policy</i>. Reste que le dollar a immédiatement été restauré comme monnaie de transaction du pétrole suite au changement de régime en Irak.</p> <p>En Lybie, Mouammar Kadhafi avait proposé à tout le continent africain de créer une union monétaire panafricaine indépendante du dollar américain et du franc CFA. D’aucuns considèrent le soutien des Etats-Unis à l’invasion française de 2009 comme une réponse au projet monétaire de Kadhafi. Selon un courriel adressé par Sidney Blumenthal à Hillary Clinton, l’intervention de Nicolas Sarkozy en Libye aurait été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2016/01/11/l-etrange-memo-americain-sur-la-tresorerie-de-kadhafi_4844960_3210.html">en partie motivée</a> par cette décision du dictateur africain.</p> <p><em>Quid</em> de la guerre en Ukraine? Il n’est un secret pour personne que la Russie, puissance énergétique de premier plan, mène le mouvement en faveur d’une dédollarisation des échanges commerciaux. Le gouvernement russe s’est ainsi progressivement <a href="https://photo.capital.fr/vladimir-poutine-se-debarrasse-de-la-dette-americaine-au-profit-de-l-or-voici-pourquoi-31029#alors-que-les-tensions-geopolitiques-font-rage-la-russie-tire-un-trait-sur-la-dette-americaine-535289">débarrassé</a> des bons du Trésor américain qu'il détenait. Dans ses transactions avec la Chine, de grandes quantités de produits énergétiques sont payées en yuan chinois et en rouble russe. Il ne s’agit pas de la cause unique derrière le conflit ukrainien, mais c’est sans doute l’un des facteurs de tensions entre les protagonistes. L’hebdomadaire britannique <i>The Economist</i> a d’ailleurs <a href="https://www.economist.com/briefing/2023/02/18/ukraines-fate-will-determine-the-wests-authority-in-the-world">reconnu</a> que l’issue de la guerre en Ukraine déterminera l’avenir de la suprématie occidentale (<em>i.e.</em> américaine) dans le monde. Or, cette suprématie repose très largement sur la puissance du dollar en tant que monnaie de référence. </p> <hr /> <h4><a href="https://youtu.be/GAkZsaBJ8fE" target="_blank" rel="noopener">L'entretien complet</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'des-guerres-pour-soutenir-la-puissance-dollar', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 58, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 12715, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4810, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'La propagande de guerre, des principes bien rodés depuis un siècle', 'subtitle' => 'Dans toutes les guerres modernes, d’énormes moyens de communication sont déployés par les gouvernements pour convaincre leurs populations du bien-fondé de leur engagement belliqueux. 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On peut considérer que tout l'art de César à cet égard a été de parvenir à un équilibre subtil en présentant les choses à son avantage sans perdre sa crédibilité par des manipulations excessives de la réalité.</p> <p>La propagande moderne, cependant, est née lors de la Première Guerre mondiale. Des services dédiés ont alors inventé la plupart des techniques utilisées aujourd’hui. Edward Bernays, le père des relations publiques, a travaillé dans l’un de ces services: la «Commission Creel». Cette dernière a été créée le 14 avril 1917 (après l'entrée en guerre des USA le 6 avril) par le président Wilson pour mettre sur pied un arsenal mental, une machinerie destinée à retourner l'opinion publique américaine et à accompagner l'effort de guerre, faisant de la propagande durant la Première Guerre mondiale les prémices d'une «science». Les techniques modernes de communication et le développement des nouvelles technologies n’ont fait que rendre cette propagande plus efficace et raffinée. 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Dans son livre à succès, <em>Principes élémentaires de propagande de guerre: utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède</em> (Labor, 2001), elle synthétise les 10 techniques presque toujours utilisées pour manipuler l’opinion publique. Détaillons quelques-unes de ces techniques.</p> <h3>Le camp adverse est seul responsable de la guerre</h3> <p>Dans chaque guerre, les gouvernements présentent le voisin ou adversaire comme le responsable du conflit, comme l’agresseur. L’objectif est de légitimer devant l’opinion publique l’entrée en guerre, en utilisant l’argument de la riposte à une agression. Pourtant, il est rare qu’on sache clairement, au moment où une guerre éclate, qui est le véritable agresseur. Lors de la guerre du Kosovo (1998-1999), l’OTAN assure par exemple réagir à une campagne de «purification ethnique» des Serbes contre les Albanais. Avec le recul du temps, de nombreux rapports de l’OSCE ont montré qu’il n’existait pas, avant le 24 mars 1999 et le déclenchement des bombardements de l’OTAN, de campagnes systématiques de violences contre la population albanaise. Selon Machiavel (1469-1527): «Ce n’est pas celui qui prend les armes le premier qui est coupable de la guerre, mais celui qui lui a donné un motif pour qu’il prenne les armes». (<em>Istorie fiorentine</em>, libro settimo, cap. XVI)</p> <h3>C'est une cause noble que nous défendons</h3> <p>La guerre a généralement deux motifs principaux: la volonté de domination géopolitique et l’appât du gain (motivation économique). Mais ces mobiles sont inavouables à l’opinion publique, qui est plus encline à la paix qu’à la guerre (tous peuples confondus). Ainsi, les guerres modernes ne sont possibles qu’avec le consentement des populations, qui sont manipulées à cette fin. 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Ce qui est spécifique à la propagande de guerre, c’est de faire croire que seul l’ennemi est coutumier du fait, tandis que notre armée est au service de la population et aimée d’elle. Ainsi, en Europe occidentale, il est courant de présenter les soldats américains comme nos sauveurs du nazisme. En 2003, l’historien J. Robert Lilly <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/la-face-cach%25C3%25A9e-des-gis-9782228930833">évalue</a> pourtant à 17’000 le nombre de viols commis par les GIs sur des femmes britanniques, françaises et allemandes lors de la Seconde Guerre mondiale. </p> <p>Des atrocités commises à l’encontre d’enfants sont souvent mises en scène, voire inventées de toutes pièces, pour servir la propagande. C’est l’exemple des bébés belges aux mains coupées par les soldats allemands lors de la Première Guerre mondiale, ou des couveuses dans la maternité de Koweït City avant la première guerre d’Irak en 1990. Mais aussi, très récemment, l’affaire des 40 bébés décapités et pendus suite à l’attaque de combattant du Hamas le 7 octobre en Israël, finalement non confirmée. Le 19 octobre, le quotidien <em>Haaretz</em> <a href="https://www.haaretz.com/haaretz-explains/2023-10-19/ty-article-magazine/israels-dead-the-names-of-those-killed-in-hamas-massacres-and-the-israel-hamas-war/0000018b-325c-d450-a3af-7b5cf0210000">publie</a> les noms des victimes de l'attaque du 7 octobre dont les identités ont été confirmées, mais sur les 541 victimes dont l'âge est indiqué, ne figure aucun bébé. </p> <h3>Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause</h3> <p>La propagande comme toute forme de publicité repose sur l’émotion et sa manipulation. Dans cet effort de manipulation, les artistes et intellectuels sont mobilisés et mis à contribution pour diffuser les bobards de guerre de manière convaincante. La Première Guerre mondiale fut un moment fondateur de cette pratique, un grand nombre d’intellectuels prenant fait et cause pour leur nation. Pour citer le pacifiste français Romain Rolland: «Les universités formaient un ministère de l’intelligence domestiquée». Aux Etats- Unis, durant la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste Frank Capra participa notamment à l’effort de guerre en produisant des films de propagande. Walt Disney également, contre rémunération. Un véritable effort de guerre culturelle fut entrepris durant la guerre froide, du côté américain comme Soviétique. Heureusement, des intellectuels s’opposent toujours à la guerre. En 2003, 14'000 universitaires, intellectuels et écrivains américains signèrent une pétition d’opposition à la guerre contre l’Irak. Récemment, il semble qu’un moins grand nombre d’intellectuels se disent publiquement en faveur de la paix. 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Lors de la guerre froide, il était courant d’être accusé de «communiste» en cas de remise en question de la position américaine, en particulier aux Etats-Unis. 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Le pays abrite aussi la base militaire de Camp Bondsteel, l’un des points d’ancrage les plus importants de l’OTAN en Europe. Les Etats-Unis sont aujourd’hui, avec certains pays de l’Union européenne, les principaux soutiens et bailleurs de fonds du Kosovo, dont les structures étatiques souffrent d’une corruption «omniprésente», <a href="https://www.eda.admin.ch/deza/fr/home/pays/kosovo.html/content/dezaprojects/SDC/fr/2012/7F08427/phase2">de l’avis</a> de la Confédération helvétique.</p> <p>En arrivant dans Pristina depuis l’aéroport, je passe devant un bâtiment imposant et flambant neuf: l’ambassade américaine, où siègerait aussi une antenne de la CIA. Quelques centaines de mètres plus loin, le nouveau bâtiment municipal de la ville, visiblement construit au rabais, fait pâle figure en comparaison. Un pan de son mur s’est d’ailleurs récemment écroulé, blessant un habitant. Bill Clinton et George W. Bush disposent respectivement d’un boulevard et d’une rue à leur nom, tandis qu’un buste de Madeleine Albright trône à deux pas de la Banque centrale. Le nom de Tony Blair, grand artisan de l’intervention occidentale lors de la guerre du Kosovo, occupe également une bonne place dans la ville. Les locaux avec qui j’ai discuté – tous très accueillants – reconnaissent volontiers que leur pays est sous la dépendance des puissances occidentales. Mais ils soulignent unanimement préférer cela au despotisme de Belgrade.</p> <h3>Un îlot d'occidentalisation</h3> <p>Si l’existence juridique du Kosovo est fragile, le pays se développe rapidement. A Pristina, vitrine du pays, la présence occidentale s’accompagne d’une modernisation rapide qui ne s’embarrasse pas d’écologie, et dont l’islam local (peu intégriste) s’accommode parfaitement. Hôtels de luxe et immeubles de logements sortent de terre à un rythme soutenu chaque année. 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Le musée national – le seul de la ville – est désert et peu entretenu: on y entre comme dans un moulin et les collections intéressent visiblement peu les locaux. La Bibliothèque nationale, datant de l’époque yougoslave, semble encagée dans un grillage de fer. Son architecture, des plus originales, tranche cependant agréablement avec les immeubles alentour. Il y a aussi plusieurs mosquées et une cathédrale très récente et surtout bien vide. Au détour d’une discussion dans un café, un Kosovar détenteur d’un doctorat en sciences politiques me glisse que la ville a été choisie comme capitale justement en raison de son peu d’histoire récente, afin de ne pas froisser les six communautés ethniques du pays. C’est cependant dans ce lieu que parut en 1685 le <i>Cuneus Profetarum</i> (le «Groupe des Prophètes»), premier ouvrage en albanais rédigé par Pjetër Bogdani. 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Entre 1998 et 1999, la guerre opposant l'Armée de libération du Kosovo (l’UÇK, soutenue par l’OTAN) et la Serbie a engendré de nombreuses pertes civiles. Le Fonds pour le droit humanitaire (FHP), une organisation non gouvernementale basée à Belgrade, a établi une liste de 13’472 victimes (dont 9'260 Albanais et 2'488 Serbes). Pour l'ONG Human Rights Watch, les frappes de l'OTAN <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2000/02/07/human-rights-watch-publie-le-bilan-des-victimes-civiles-dans-la-guerre-du-kosovo">ont tué</a> environ 500 civils. Après l’intervention de l’OTAN, la population serbe a souvent été réprimée. A Prizren, ville importante sous l’ère ottomane, elle a été chassée à la suite de pogroms en 2004. Cette expulsion s'est accompagnée de l'incendie des églises orthodoxes de la ville ainsi que de la résidence de l'évêque. 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Ces deux dernières années, la question des liens politiques, économiques et idéologiques entre l’Europe et les Etats-Unis a refait surface dans le débat public. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’alignement de l’Union européenne sur la stratégie américaine est apparu irrationnel à beaucoup, tant elle semble contredire les intérêts les plus élémentaires des Etats européens, par exemple en matière d’approvisionnement énergétique. Comment expliquer ce que plusieurs observateurs ont qualifié de «vassalisation» à Washington? Dans son dernier livre, intitulé Les origines du plan Marshall, le mythe de «l’aide» américaine, l’historienne française Annie Lacroix-Riz détricote le fil d’une sujétion économique qui remonte, selon elle, à la défaite de la Wehrmacht à Stalingrad en 1941.
Une libéralisation intéressée
Grâce à un gros de travail de recherches dans les archives françaises et américaines, l’historienne (marxiste assumée) retrace avec force détails (la lecture du livre est ardue) l’extension de la zone d’influence américaine en Europe occidentale et son accession à l’hégémonie mondiale. Dès 1941, l’aide financière et matérielle des Etats-Unis à des pays européens embourbés dans une nouvelle guerre mondiale s’accompagna en effet de clauses commerciales contraignantes pour ces derniers. Elles assurèrent aux Etats-Unis un accès «égal» aux matières premières auparavant sous contrôle colonial; accès habilement déguisé en «libéralisation du commerce mondial». Dans le cas de la France, l’année 1946 occupe une place de choix. Les accords Blum-Byrnes du 28 mai, prédécesseurs directs des accords Marshall de 1947, engagèrent le pays dans «une dépendance de type colonial», écrit Lacroix-Riz. Exemple marquant: l’octroi de réparation aux Américains pour les dommages infligés à leurs propriétés en France par leurs propres bombardements… sans parler des accords sur le cinéma, ouvrant les écrans français aux productions de Hollywood.
Le vent tourne
Dans son livre, Annie Lacroix-Riz montre aussi la façon dont les élites françaises du gouvernement de Vichy, sentant le vent tourner après Stalingrad, préparèrent leur retournement au profit de la Pax Americana, ce qui permit à un grand nombre de «collabos» en col blanc de se recycler dès 1944-45 dans les réseaux de pouvoir transatlantiques. En juillet 1941, trois semaines seulement après l’opération Barbarossa, le général Paul-André Doyen fut catégorique: «Nous ne devons surtout pas perdre de vue que l’Amérique reste le grand arbitre d’aujourd’hui et de demain et qu’il est pour nous d’un intérêt vital de ne pas nous aliéner ses sympathies. […] Quoi qu’il arrive, le monde devra, dans les prochaines décades, se soumettre à la volonté des Etats-Unis».
Restaurer l'économie allemande
L’historienne illustre aussi la volonté forte des administrations Roosevelt puis Truman de favoriser la reconstruction de l’Allemagne vaincue, au détriment des revendications de la France, de l’Italie ou de la Russie qui souhaitaient, comme en 1918, des réparations au titre de la guerre. La position américaine permit effectivement de relever une Allemagne détruite et d’américaniser en profondeur son économie, pour le plus grand profit de certains intérêts financiers locaux et étrangers. L’Allemagne (occidentale d’abord, puis réunifiée) devint alors la tête de pont d’une Europe transformée, pour reprendre l’expression de Zbigniev Brzezinski (Le grand échiquier), en «protectorat américain».
La réalité des sources
Le livre d’Annie Lacroix-Riz n’a pas eu beaucoup d’écho (en bien ou en mal) dans la grande presse. Bien que présentant des thèses controversées, il est pourtant une contribution majeure à l’histoire contemporaine de l’Europe. Sa lecture permet de mieux comprendre les positions actuelles de l’Union européenne face aux grands chamboulements de notre temps. Anticipant les critiques, l’historienne réfute une présentation «à charge» (c’est-à-dire anti-américaine) des archives, «en aucun cas sélectionnées dans ce but», assure-t-elle en conclusion. «Il existe un abîme entre, d’une part, les "informations" de la grande presse détenue par le capital financier, les communiqués officiels ou les témoignages des (ex-)ministres et ambassadeurs aux colloques des Sciences Po, et, d’autre part, les faits établis par les sources originales».
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Il est intéressant de considérer les guerres d’Irak (2003), de Lybie (2009) et d’Ukraine (2022) <a href="https://eclaireur.substack.com/p/la-guerre-en-ukraine-cest-la-guerre">sous cet angle</a>, même si les explications sont toujours multifactorielles. </p> <p>Au début des années 2000, Saddam Hussein a annoncé son souhait de vendre les hydrocarbures et le gaz de son pays en euro. Il était le premier à soulever la question de la légitimité du pétrodollar. En 2003, les Etats-Unis ont envahi l’Irak. La coïncidence est troublante. Des politologues comme William Clark, de la Johns Hopkins University, <a href="https://www.letemps.ch/economie/scenario-catastrophe-americain-petrole-se-payait-euros">y ont vu</a> l'une des motivations de la guerre. En 2009, cette explication a été qualifiée <a href="https://foreignpolicy.com/2009/10/07/debunking-the-dumping-the-dollar-conspiracy/">de «conspirationniste»</a> par la très officielle revue américaine <i>Foreign Policy</i>. 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Je me suis entretenu récemment sur ANTITHÈSE avec l’historienne belge Anne Morelli, qui a recensé dix principes élémentaires de propagande toujours utilisés par les gouvernements.', 'subtitle_edition' => 'Dans toutes les guerres modernes, d’énormes moyens de communication sont déployés par les gouvernements pour convaincre leurs populations du bien-fondé de leur engagement belliqueux. Je me suis entretenu récemment sur ANTITHÈSE avec l’historienne belge Anne Morelli, qui a recensé dix principes élémentaires de propagande toujours utilisés par les gouvernements.', 'content' => '<p>Bien sûr, la propagande a toujours existé. Dans l’Antiquité, les empereurs romains n’hésitaient pas à l’employer au sujet des guerres avec les peuples «barbares» d’Europe. Dans ses <em>Commentaires sur la guerre des Gaules</em>, par exemple, Jules César enjolive ou minimise certains faits à son avantage. 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Elle est élaborée par des officines opaques ou de grands groupes de RP, tels Hill & Knowlton, qui a orchestré <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/rendez-vous-avec-x/le-mensonge-des-couveuses-koweitiennes-7779337">l’affaire des couveuses koweïtiennes</a> en 1990.</p> <p>Les grandes lignes de cette science ont été identifiées dès la fin de la guerre de 1914-1918 par un Britannique et militant pacifique, fils du secrétaire particulier de la reine Victoria: Arthur Ponsonby (1871-1946). En 1929, il publie un <a href="https://www.amazon.com/Falsehood-War-Time-Containing-Assortment/dp/1162798653">ouvrage de référence</a> peu connu: <em>Falsehood in Wartime</em>, dans lequel il identifie certains principes clés de la propagande employée à son époque. Au début des années 2000, l’historienne Anne Morelli a poursuivi et étendu ce travail. Dans son livre à succès, <em>Principes élémentaires de propagande de guerre: utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède</em> (Labor, 2001), elle synthétise les 10 techniques presque toujours utilisées pour manipuler l’opinion publique. Détaillons quelques-unes de ces techniques.</p> <h3>Le camp adverse est seul responsable de la guerre</h3> <p>Dans chaque guerre, les gouvernements présentent le voisin ou adversaire comme le responsable du conflit, comme l’agresseur. L’objectif est de légitimer devant l’opinion publique l’entrée en guerre, en utilisant l’argument de la riposte à une agression. Pourtant, il est rare qu’on sache clairement, au moment où une guerre éclate, qui est le véritable agresseur. Lors de la guerre du Kosovo (1998-1999), l’OTAN assure par exemple réagir à une campagne de «purification ethnique» des Serbes contre les Albanais. Avec le recul du temps, de nombreux rapports de l’OSCE ont montré qu’il n’existait pas, avant le 24 mars 1999 et le déclenchement des bombardements de l’OTAN, de campagnes systématiques de violences contre la population albanaise. Selon Machiavel (1469-1527): «Ce n’est pas celui qui prend les armes le premier qui est coupable de la guerre, mais celui qui lui a donné un motif pour qu’il prenne les armes». (<em>Istorie fiorentine</em>, libro settimo, cap. XVI)</p> <h3>C'est une cause noble que nous défendons</h3> <p>La guerre a généralement deux motifs principaux: la volonté de domination géopolitique et l’appât du gain (motivation économique). Mais ces mobiles sont inavouables à l’opinion publique, qui est plus encline à la paix qu’à la guerre (tous peuples confondus). Ainsi, les guerres modernes ne sont possibles qu’avec le consentement des populations, qui sont manipulées à cette fin. Pour obtenir ce consentement, il faut imprimer à la guerre un motif honorable, dissimuler ses véritables raisons d’être sous des principes nobles (aider le peuple ukrainien envahi par l’agresseur russe, par exemple, ou exporter les principes de la démocratie). </p> <p>De l’aveu même de Woodrow Wilson, président des Etats-Unis: «la semence de la guerre dans le monde moderne, c’est la rivalité industrielle et commerciale» (1919). Exemple relativement récent: les bombardements contre la Yougoslavie, en détruisant l’économie socialiste du pays, ont fait place nette aux multinationales qui rêvaient depuis longtemps de s’y installer et d’y faire de bonnes affaires.</p> <h3>L'ennemi commet sciemment des atrocités</h3> <p>Les récits des atrocités commises par l’ennemi constituent un élément essentiel de la propagande de guerre. Pillages, vols, viols, incendies sont monnaie courante lors d’une guerre dans chacun des camps en conflit. Ce qui est spécifique à la propagande de guerre, c’est de faire croire que seul l’ennemi est coutumier du fait, tandis que notre armée est au service de la population et aimée d’elle. Ainsi, en Europe occidentale, il est courant de présenter les soldats américains comme nos sauveurs du nazisme. En 2003, l’historien J. Robert Lilly <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/la-face-cach%25C3%25A9e-des-gis-9782228930833">évalue</a> pourtant à 17’000 le nombre de viols commis par les GIs sur des femmes britanniques, françaises et allemandes lors de la Seconde Guerre mondiale. </p> <p>Des atrocités commises à l’encontre d’enfants sont souvent mises en scène, voire inventées de toutes pièces, pour servir la propagande. C’est l’exemple des bébés belges aux mains coupées par les soldats allemands lors de la Première Guerre mondiale, ou des couveuses dans la maternité de Koweït City avant la première guerre d’Irak en 1990. Mais aussi, très récemment, l’affaire des 40 bébés décapités et pendus suite à l’attaque de combattant du Hamas le 7 octobre en Israël, finalement non confirmée. Le 19 octobre, le quotidien <em>Haaretz</em> <a href="https://www.haaretz.com/haaretz-explains/2023-10-19/ty-article-magazine/israels-dead-the-names-of-those-killed-in-hamas-massacres-and-the-israel-hamas-war/0000018b-325c-d450-a3af-7b5cf0210000">publie</a> les noms des victimes de l'attaque du 7 octobre dont les identités ont été confirmées, mais sur les 541 victimes dont l'âge est indiqué, ne figure aucun bébé. </p> <h3>Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause</h3> <p>La propagande comme toute forme de publicité repose sur l’émotion et sa manipulation. Dans cet effort de manipulation, les artistes et intellectuels sont mobilisés et mis à contribution pour diffuser les bobards de guerre de manière convaincante. La Première Guerre mondiale fut un moment fondateur de cette pratique, un grand nombre d’intellectuels prenant fait et cause pour leur nation. Pour citer le pacifiste français Romain Rolland: «Les universités formaient un ministère de l’intelligence domestiquée». Aux Etats- Unis, durant la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste Frank Capra participa notamment à l’effort de guerre en produisant des films de propagande. Walt Disney également, contre rémunération. Un véritable effort de guerre culturelle fut entrepris durant la guerre froide, du côté américain comme Soviétique. Heureusement, des intellectuels s’opposent toujours à la guerre. En 2003, 14'000 universitaires, intellectuels et écrivains américains signèrent une pétition d’opposition à la guerre contre l’Irak. Récemment, il semble qu’un moins grand nombre d’intellectuels se disent publiquement en faveur de la paix. Selon Anne Morelli, ils ne sont pas moins nombreux, mais sont lassés de l’inefficacité des actions en faveur de la paix, comme d’ailleurs tous les mouvements populaires pacifistes.</p> <h3>Ceux qui mettent en doute la propagande sont des traitres</h3> <p>Mentionnons encore ce dernier principe, d’une actualité brûlante: au moment d’une guerre, la mise en doute des narratifs officiels est immédiatement considérée comme un manque de patriotisme. Les intellectuels ou personnalités osant le pas de côtés sont rapidement ostracisés et vilipendés dans les grands médias, avec des conséquences parfois importantes sur leur réputation. En 1914-18, pour avoir contredit les accusations d’atrocités portées contre les Allemands, un couple d’instituteurs français du nom de Mayoux fut <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Mayoux">condamné</a> à deux ans de prison et révoqué! Lors de la guerre froide, il était courant d’être accusé de «communiste» en cas de remise en question de la position américaine, en particulier aux Etats-Unis. Actuellement, ce sont les termes «complotiste», «antisémite» ou «pro-russe» qui sont utilisés comme anathèmes.</p> <hr /> <h4><a href="https://www.youtube.com/watch?v=JYYCMemYo4w" target="_blank" rel="noopener">Voir l'entretien complet</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'la-propagande-de-guerre-des-principes-bien-rodes-depuis-un-siecle', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 337, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 12715, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4772, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Le Kosovo, un bout d’Occident sous perfusion', 'subtitle' => 'Entre modernité et tensions communautaires, le Kosovo, qui a fêté le 17 février dernier les 16 ans de son indépendance, vit dans une incertitude diplomatique permanente. 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Le pays abrite aussi la base militaire de Camp Bondsteel, l’un des points d’ancrage les plus importants de l’OTAN en Europe. Les Etats-Unis sont aujourd’hui, avec certains pays de l’Union européenne, les principaux soutiens et bailleurs de fonds du Kosovo, dont les structures étatiques souffrent d’une corruption «omniprésente», <a href="https://www.eda.admin.ch/deza/fr/home/pays/kosovo.html/content/dezaprojects/SDC/fr/2012/7F08427/phase2">de l’avis</a> de la Confédération helvétique.</p> <p>En arrivant dans Pristina depuis l’aéroport, je passe devant un bâtiment imposant et flambant neuf: l’ambassade américaine, où siègerait aussi une antenne de la CIA. Quelques centaines de mètres plus loin, le nouveau bâtiment municipal de la ville, visiblement construit au rabais, fait pâle figure en comparaison. Un pan de son mur s’est d’ailleurs récemment écroulé, blessant un habitant. Bill Clinton et George W. Bush disposent respectivement d’un boulevard et d’une rue à leur nom, tandis qu’un buste de Madeleine Albright trône à deux pas de la Banque centrale. Le nom de Tony Blair, grand artisan de l’intervention occidentale lors de la guerre du Kosovo, occupe également une bonne place dans la ville. Les locaux avec qui j’ai discuté – tous très accueillants – reconnaissent volontiers que leur pays est sous la dépendance des puissances occidentales. Mais ils soulignent unanimement préférer cela au despotisme de Belgrade.</p> <h3>Un îlot d'occidentalisation</h3> <p>Si l’existence juridique du Kosovo est fragile, le pays se développe rapidement. A Pristina, vitrine du pays, la présence occidentale s’accompagne d’une modernisation rapide qui ne s’embarrasse pas d’écologie, et dont l’islam local (peu intégriste) s’accommode parfaitement. Hôtels de luxe et immeubles de logements sortent de terre à un rythme soutenu chaque année. De nombreux restaurants proposent une nourriture de grande qualité, au niveau des standards suisses ou français. Tout est fait pour stimuler la consommation, à commencer par l’énorme Mall de la ville, le plus grand des Balkans (plus de 200 commerces), inauguré en 2023. Je note aussi avec étonnement l’absence de journaux imprimés, la presse écrite n’étant accessible qu’en ligne. Ainsi que l’absence de boîtes aux lettres dans les immeubles – il faut régler ses factures via internet et se faire livrer en poste restante.</p> <p>Cette effervescence cache cependant plusieurs problèmes, bien visibles sur place: une forte pollution de l’air due aux rejets de l’usine de charbon située à quelques kilomètres de la ville, des rues jonchées d’ordures, un plan d’aménagement peu cohérent et surtout l’absence ressentie de vie culturelle (reflet, là aussi, de notre modernité). Le musée national – le seul de la ville – est désert et peu entretenu: on y entre comme dans un moulin et les collections intéressent visiblement peu les locaux. La Bibliothèque nationale, datant de l’époque yougoslave, semble encagée dans un grillage de fer. Son architecture, des plus originales, tranche cependant agréablement avec les immeubles alentour. Il y a aussi plusieurs mosquées et une cathédrale très récente et surtout bien vide. Au détour d’une discussion dans un café, un Kosovar détenteur d’un doctorat en sciences politiques me glisse que la ville a été choisie comme capitale justement en raison de son peu d’histoire récente, afin de ne pas froisser les six communautés ethniques du pays. C’est cependant dans ce lieu que parut en 1685 le <i>Cuneus Profetarum</i> (le «Groupe des Prophètes»), premier ouvrage en albanais rédigé par Pjetër Bogdani. A une vingtaine de kilomètres du centre-ville s’est également déroulée, en 1389, la bataille de Kosovo Polje, qui a inauguré la domination ottomane dans les Balkans. Elle figure en bonne place dans l’histoire des peuples de la région, en particulier des Serbes.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1708598066_e382d105fab4c6dethreema20240221143932694.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Le monastère orthodoxe de Dečani. © M.B.</em></h4> <h3>Des tensions communautaires</h3> <p>L’autre grand thème du pays, souvent mentionné jusque dans nos journaux, est la rivalité profonde entre la population albanaise et la minorité serbe. Le Kosovo, peuplé en majorité d'Albanais, fut longtemps rattaché à la Serbie. La région occupe une place centrale dans l’histoire de ces deux peuples, qui s’écharpent donc à son sujet. Entre 1998 et 1999, la guerre opposant l'Armée de libération du Kosovo (l’UÇK, soutenue par l’OTAN) et la Serbie a engendré de nombreuses pertes civiles. Le Fonds pour le droit humanitaire (FHP), une organisation non gouvernementale basée à Belgrade, a établi une liste de 13’472 victimes (dont 9'260 Albanais et 2'488 Serbes). Pour l'ONG Human Rights Watch, les frappes de l'OTAN <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2000/02/07/human-rights-watch-publie-le-bilan-des-victimes-civiles-dans-la-guerre-du-kosovo">ont tué</a> environ 500 civils. Après l’intervention de l’OTAN, la population serbe a souvent été réprimée. A Prizren, ville importante sous l’ère ottomane, elle a été chassée à la suite de pogroms en 2004. Cette expulsion s'est accompagnée de l'incendie des églises orthodoxes de la ville ainsi que de la résidence de l'évêque. La cathédrale est depuis protégée par la police du Kosovo.</p> <p>Des troupes de l’OTAN protègent aussi le très beau monastère orthodoxe de Dečani, situé dans le nord du pays, région où vivent quelque 120’000 Serbes. J’ai pu me rendre en voiture dans ce haut lieu de la mémoire nationale serbe, inscrit à l’UNESCO. Dans le magasin du monastère, il est toujours possible de payer en dinars, même si les transactions commerciales dans cette monnaie sont interdites par le gouvernement kosovar depuis le 1<sup>er</sup> février 2024. Les mesures punitives ont été repoussées de peur d’attiser les tensions communautaires. En pratique, de nombreux habitants de ces régions du nord travaillent ou ont travaillé pour des institutions serbes, avec des salaires ou retraites payés en dinars. Belgrade, qui n’a jamais reconnu l’indépendance du Kosovo, y soutient la communauté serbe via des emplois ou des aides financières. Le budget de la Serbie prévoit chaque année environ 120 millions d’euros pour le Kosovo. </p> <h3>Un avenir incertain</h3> <p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2024, les Kosovars peuvent aussi voyager sans visa dans l’espace Schengen. Cette mesure, saluée par beaucoup d’observateurs, est une réelle avancée dans la reconnaissance du Kosovo. Mais beaucoup craignent aussi un exode de la population et une pénurie locale de main-d’œuvre. Mon ami, qui vit à Pristina depuis quelques années, observe déjà une diminution visible de la circulation dans la capitale, qu’il met en lien avec cette mesure. Aujourd’hui, bien malin qui pourrait dire de quoi sera fait l’avenir du pays, dont l’existence dépend toujours du bon vouloir de l’Occident (comprendre essentiellement les Etats-Unis). Les 1,9 million d'habitants, à 90% albanophones et musulmans, vivent dans une incertitude diplomatique permanente. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@simone 30.12.2023 | 09h00
«Merci de faire découvrir cet ouvrage dont j'ignorais l'existence et qui semble malheureusement très proche de la réalité, vérifiée à l'occasion de la guerre en Ukraine, même si son auteur est marxiste.»
@GFTH68 30.01.2024 | 16h59
«Je pense que l'historienne a tort de se présenter comme étant marxiste. Qu'est-ce que cela apporte? Rien. Par-contre, cela peut dissuader certains lecteurs curieux d'acheter son livre. Ils vont imaginer qu'elle est partiale dans son analyse des faits. Dommage!»