Actuel / La «Coloniale» doit enfin accepter de quitter l’Afrique
Des hauts gradés de l'armée française arrivant au Centre de lutte contre le terrorisme tenu par l'Armée française à Jacqueville (près d'Abidjan), en 2023. © Catherine Morand
C’est la fin d’une époque. Depuis la période coloniale, des troupes françaises sont stationnées en Afrique. Mais aujourd’hui, ces «armées d’occupation», comme certains les qualifient, ne passent plus auprès d’une opinion publique et d’une jeunesse qui aspirent à s’affranchir d’une tutelle d’un autre temps. Et réduire cette aspiration à la seule propagande anti-occidentale diffusée par la Russie est réducteur.
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Mais l’ex et futur président des Etats-Unis pourra-t-il se permettre de regarder de loin ses homologues russe et chinois faire main basse sur un continent qui regorge de minerais stratégiques?', 'subtitle_edition' => 'Lors de son premier mandat, Donald Trump n’a pas mis les pieds en Afrique, contrairement à ses prédécesseurs qui y avaient multiplié les visites officielles. Mais l’ex et futur président des Etats-Unis pourra-t-il se permettre de regarder de loin ses homologues russe et chinois faire main basse sur un continent qui regorge de minerais stratégiques?', 'content' => '<p>Donald Trump ne porte guère d’intérêt à l’Afrique: c'est un fait avéré, tout comme l'est sa profonde méconnaissance des pays de ce continent, qu’il avait globalement qualifiés de «<em>shitholes countries</em>» – un qualificatif qui a durablement marqué les esprits. 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Un des points sur lesquels Donald Trump est particulièrement attendu est celui de la prolongation de l’AGOA, l’African Growth and Opportunity Act, qui permet à des pays «amis», respectant certains critères, d’exporter leurs produits vers les Etats-Unis sans payer de taxes. Or, lors de son premier mandat, il avait déclaré que le programme ne serait pas renouvelé à son expiration en 2025. Une perspective qui inquiète plusieurs pays, parmi lesquels l’Afrique du Sud, l’un des plus grands exportateurs vers les Etats-Unis dans le cadre de l’AGOA.</p> <h3>Quelles conséquences du retour de Trump?</h3> <p>L’Afrique du Sud fait en tout cas partie des pays africains qui voient avec appréhension un retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Son président Cyril Ramaphosa est en effet mal vu de certains ténors du Parti républicain pour avoir déposé une plainte contre l’Etat d’Israël auprès de la Cour internationale de justice. 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Lors du XIXème Sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Paris et Villers-Cotterêts au début de ce mois d’octobre, la richesse de cette langue, parlée sur cinq continents, a été mise en valeur dans le cadre d’un Festival de la Francophonie intitulé «Refaire le Monde». La Gaîté Lyrique à Paris a ainsi abrité des événements culturels, littéraires, auxquels des artistes, des auteurs et des autrices issus de pays francophones ont pu valoriser et partager leurs imaginaires.</p> <p>Mais à côté de ces richesses culturelles partagées, le profil des chefs d’Etat qui la composent est moins séduisant. A y regarder de plus près, le tableau est même sinistre: la plupart des chefs d’Etat d’Afrique francophone – où se trouvent 85% des locuteurs de français – sont en effet des présidents à vie ou issus de coups d’Etat militaires ou constitutionnels après avoir «tripatouillé» la Constitution pour permettre un nombre indéfini de mandats présidentiels. 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Ce n’est donc pas le «bilan démocratique» qui primerait pour savoir si un pays est fréquentable, mais bien plutôt des considérations géopolitiques. C’est ainsi qu’en Côte d’Ivoire, pays fidèle à l’Occident dans un environnement régional qui lui est de plus en plus hostile, son Président n’a guère de souci à se faire s’il souhaite briguer un 4ème mandat en 2025 - même si cela serait contraire à la Constitution. Il y a fort à parier que, dans le contexte actuel, ni la France, ni l’Union européenne, ni les Etats-Unis ne lui en tiendraient rigueur.</p> <p>Le sentiment du «deux poids deux mesures» ressenti par de nombreux pays s’est encore renforcé depuis l’invasion de l’Ukraine et la riposte totalement disproportionnée d’Israël dans la bande de Gaza. Pourquoi un traitement aussi différencié de la part de la «communauté internationale» à l’égard de la Russie et à l’égard d’Israël, qui piétine le droit international en toute impunité? 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«Camouflet» ou sens de l’Histoire?
Après l’annonce, le 29 novembre dernier, par le Tchad et le Sénégal de leur volonté de mettre un terme à la présence sur leur sol de militaires français – à la suite du Mali, du Burkina Faso et du Niger – la Côte d’Ivoire et le Gabon demeurent les derniers, avec Djibouti, à ne pas remettre en question, pour l’instant, cette présence. Les médias de l’Hexagone ont aussitôt parlé de «camouflet», d’«humiliation» pour la France, d’un «nouveau revers» pour la politique africaine d’Emmanuel Macron. Oubliant peut-être un peu vite qu’il s’agit avant tout du sens de l’Histoire et que des troupes françaises stationnées en permanence sur le continent africain relèvent davantage d’un anachronisme datant de la période coloniale plutôt que d’une situation immuable qu’il s’agirait de préserver à tout prix.
Une nouvelle génération de chefs d’Etat, chacun à sa manière, demeure en tout cas soucieuse de poser des actes symboliques visant à recouvrer la souveraineté de leur pays et à redéfinir leurs relations avec l’ex puissance coloniale, comme l’expriment régulièrement leurs concitoyens. L’échec attribué aux troupes françaises de l’opération Barkhane dans leur lutte contre les djihadistes au Mali a par ailleurs battu en brèche la confiance qu’avaient leurs prédécesseurs dans les compétences et le savoir-faire militaire français, poussant les nouveaux dirigeants à se tourner résolument vers d’autres partenaires pour combattre l’insécurité qui gangrène leur pays.
Macron a tenté de reprendre la main, en vain
Lors de ses déplacements sur le continent africain, Emmanuel Macron avait senti que le vent tournait, que la France perdait du terrain, et avait essayé de reprendre la main. En proposant par exemple de réduire le nombre de militaires stationnés dans les pays demeurés «amis». Afin de préparer cette réduction, il avait dernièrement dépêché auprès des présidents africains concernés l’ancien Secrétaire d’Etat à la coopération du président Nicolas Sarkozy, Jean-François Bockel, qui, visiblement, n’y a vu que du feu. Dans son rapport remis le 25 novembre à la présidence, il affirme qu’il n’y a pas de «demande de départ» des troupes françaises de la part des chefs d’Etat ivoirien, gabonais et tchadien, le Sénégal ayant refusé de le recevoir à la veille d’élections.
Si la décision du Sénégal était relativement attendue, tant ses nouveaux dirigeants avaient, lors de la campagne présidentielle déjà, annoncé vouloir redéfinir leurs relations avec la France, celle du Tchad, en revanche, a sidéré les autorités françaises. Paris s’était en effet montré pleine d’égards et de compréhension à l’égard de son président Mahamat Idriss Deby, arrivé au pouvoir en piétinant la Constitution de son pays après la mort de son père. Emmanuel Macron s’était d’ailleurs personnellement déplacé à N’Djamena pour l’adouber, suscitant ainsi de nombreuses critiques. Début octobre à Paris, il lui avait prodigué moultes attentions en l’accueillant au Sommet de la Francophonie.
C’est que le Tchad, depuis l’époque coloniale, était une pièce maîtresse de la présence militaire de la France en Afrique. Des générations d’officiers français s’y sont succédées depuis l’indépendance en 1960. C’est du Tchad que partirent de nombreuses opérations extérieures, mais aussi intérieures: les troupes françaises sont intervenues à plusieurs reprises pour prêter main forte au pouvoir en place. Un millier de soldats y sont toujours stationnés.
A quoi sert l’armée française en Afrique?
Avec tout de même cette question: mais que font donc les militaires français en Afrique, y compris dans des pays où les intérêts de la France sont peu importants? Paris met en avant son rôle d’entraînement, de formation des armées nationales, de partage d’informations pour, entre autres, lutter contre le «terrorisme». Les entreprises françaises, et plus largement européennes, comptant sur eux pour les protéger en cas de troubles, voire d’exfiltrer leurs ressortissants si nécessaire.
Mais les beaux jours de l’armée française en Afrique semblent résolument appartenir au passé. Celle-ci n’y a plus sa place. Et tôt ou tard, les derniers bastions de la «Coloniale» (surnom donné aux troupes coloniales), en Côte d’Ivoire et au Gabon, sans compter Djibouti qui a un statut à part, partiront de manière inéluctable. Leurs responsables politiques parviendront-ils à l’organiser ou y seront-ils contraints par la volonté populaire? Quant à la France, est-elle prête à opérer de profonds changements dans ses relations avec ses ex-colonies, sans forcément les rayer de sa liste de «pays amis» si elles cherchent à diversifier leur coopération, y compris avec la Russie? L’histoire le dira.
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Ce n’est donc pas le «bilan démocratique» qui primerait pour savoir si un pays est fréquentable, mais bien plutôt des considérations géopolitiques. C’est ainsi qu’en Côte d’Ivoire, pays fidèle à l’Occident dans un environnement régional qui lui est de plus en plus hostile, son Président n’a guère de souci à se faire s’il souhaite briguer un 4ème mandat en 2025 - même si cela serait contraire à la Constitution. Il y a fort à parier que, dans le contexte actuel, ni la France, ni l’Union européenne, ni les Etats-Unis ne lui en tiendraient rigueur.</p> <p>Le sentiment du «deux poids deux mesures» ressenti par de nombreux pays s’est encore renforcé depuis l’invasion de l’Ukraine et la riposte totalement disproportionnée d’Israël dans la bande de Gaza. Pourquoi un traitement aussi différencié de la part de la «communauté internationale» à l’égard de la Russie et à l’égard d’Israël, qui piétine le droit international en toute impunité? 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@Alain Schaeffer 06.12.2024 | 08h46
«Habitant le Sénégal, dans ce que je peux voir ici, c'est une simple conséquence de la décolonisation qui aurait donc dû intervenir dans les années 60. Comme le rappelait le président sénégalais récemment, serait-il envisageable de voir des troupes d’États africains sur sol français.
Encourageons, soutenons, louons même maintenant la France dans son entreprise de vérité sur le massacre de Thiaroye il y 80 ans comme le demandent 130 parlementaires français (la hiérarchie militaire a ordonné le tirs sur des soldats provenant des colonies africaines demandant leur solde) . C'est à la France à se pencher en premier lieu sur le passé colonial et son rapport actuel avec l'Afrique.»
@Christophe Mottiez 06.12.2024 | 14h58
«si les militaires français en afrique sont une entité postcoloniale, les (para-) militaires russes sont une entité néocoloniale encore moins justifiée de par les exactions qu'ils commettent.»
@MV 06.12.2024 | 21h57
«L'inflation rhétorique et la croisade démocratique à tendance fondamentaliste de l'Occident a fini par stresser les Africains.»
@willoft 06.12.2024 | 23h26
«Le dernier camouflet anti-colonial français est sans doute von der leyenski
allant signer l'accord avec l'UE à Montevideo et bien sûr ça est hors lois européennes.
La France est devenue riche, mais elle périra de ses ex-colonies, même si elle manipule les pions en Guadeloupe, etc. »