Média indocile – nouvelle formule

A vif


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Dans son édition du 9 janvier 2024, l’hebdomadaire «Coopération», tiré à plus de 600'000 exemplaires, s’est fendu d’un article au sujet de l’éducation aux médias. Le journal a donné la parole à Christine Pompeï, responsable de cette thématique à la RTS. Ses réponses sont symptomatiques de l’esprit de cloisonnement qui règne dans les médias traditionnels lorsqu’il s’agit d’aborder les nouveaux canaux d’information.



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Ainsi, sous couvert de lutter contre les «Fake News», Mme Pompeï révèle surtout que son travail consiste à encourager les jeunes à s’intéresser aux moyens d’information classiques, dont fait partie son employeur, la RTS. Elle y défend sa chapelle tout en répétant l’antienne devenue doxa: les réseaux sociaux sont des pourvoyeurs de fausses informations, tandis que les médias traditionnels sont les garants de la vérité. C’est même écrit noir sur blanc dans l’interview de Coopération: «La télé, la radio, et la presse écrite donnent des infos qui sont vraies». 

Pour les familiers de l’histoire des médias, une telle affirmation laisse songeur, tant la propension des grands médias à diffuser de fausses informations est bien documentée1. Au début du XXème siècle, par exemple, la concentration de la presse dite «de qualité» dans les mains de quelques propriétaires proches des pouvoirs (comme Lord Northcliffe en Grande-Bretagne) a permis le déclenchement d’une propagande outrancière en 1914 pour convaincre les peuples des bienfaits d’une guerre «patriotique2». Depuis, chaque conflit armé est le terreau d’une telle propagande, les médias s’alignant presque systématiquement sur les positions de leur Etat d’appartenance.

En 2023, les grands médias redoutent de perdre le contrôle de l’information au profit des réseaux sociaux et des médias dits «alternatifs». Ils qualifient souvent ces derniers de «complotistes» et de propagateur de Fake News dans un élan collectif destiné à ne pas perdre la face. Dans le même temps, les médias traditionnels subissent de plein fouet un assèchement continu de la manne publicitaire au profit des géants du numérique. Ces derniers sont leur ennemi déclaré, accusés d’être responsables avec leur technologie d’épidémie de «fausses nouvelles». Mais ils sont aussi parfois leurs alliés dans la chasse aux contenus sortant de la ligne officielle. Le meilleur exemple de cette alliance d’intérêts est la Trusted New Initiative, un partenariat entre les grands organes de presse et les géants du numérique lancé au moment du Covid pour lutter contre la «désinformation» en ligne3.

Les enjeux de l’information sont donc bien plus complexes que ce que laisse entendre Christine Pompeï. Bien sûr, il y a beaucoup de sources fallacieuses en ligne. Se repérer dans la jungle de l'information requiert un véritable travail de recherche, que beaucoup (y compris certains journalistes) ne font pas. Mais il est clair aussi que certaines sources sur YouTube ou Spotify (des podcast) sont extrêmement qualitatives. Voire mieux informées et moins manipulées que les médias traditionnels. Malgré la censure qui y règne parfois, les plateformes numériques regorgent d’opportunités de s’informer différemment, grâce à des formats qui ne pourraient simplement pas être reproduits dans les médias historiques. La grande diversité de contenus et de sources d’information actuellement disponibles sur le web est donc bénéfique, mais c’est aussi un challenge. Impossible, désormais, de se fier à un seul média pour connaître ce qu’il se passe au coin de la rue et dans le monde. Chacun doit s’éduquer à développer un sens critique pour choisir et trier les informations pertinentes ou non. S’informer demande un effort conscient, et l’abandon de l’idée que les médias historiques sont plus fiables que les nouveaux médias numériques.


1Lire à ce sujet: Le Monde Diplomatique, Manière de voir, «Fake news, une fausse épidémie?», Août-septembre 2020.

2Lire à ce sujet Andrew James Anthony Morris, The Scaremongers: the Advocacy of War and Rearmament, 1896-1914, Routledge and Kegan Paul, 1984; et J. Lee Thompson, Politicians, the Press, and Propaganda: Lord Northcliffe and the Great War, 1914-1919, OH: Kent State University Press, 2000

3Les partenaires de l’initiative TNI sont les suivants: la BBC, Facebook, Google/YouTube, Twitter, Microsoft, l’AFP, Reuters, l’Union européenne de radio-télévision (UER), le Financial Times, The Wall Street Journal, The Hindu, CBC/Radio-Canada, First Draft et le Reuters Institute for the Study of Journalism.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

6 Commentaires

@Philemon 12.01.2024 | 11h04

«La liberté de penser n'est pas gratuite, elle demande un effort. Et de la pluralité dans les opinions entendues. C'est pour cette raison que je ne soutiens et ne lis pas uniquement Bon Pour La Tête. Ce que nous vivons avec la qualité de l'information actuelle possède une vertu : nous rappeler que nous ne pouvons pas nous reposer uniquement sur des journalistes pour nous assurer une information objective et impartiale. Même M. Pilet peut être victime d'un biais. Cela demande de l'attention et c'est cette même attention que cherche à nous ôter la société de divertissement dans laquelle sont sommes tombés. Cependant, la roue tourne, et je ne désespère pas d'un retour à une exigence qualitative de la part des lectrices et des lecteurs de tous bords. Bonne année et meilleurs vœux à toute l'équipe!»


@AlbertD576 12.01.2024 | 13h37

«Merci d'avoir relevé cette information dans votre article. L'article dans Cooperation m'a choqué et je ne vois pas pourquoi je devrais financer indirectement ce type de média lors des mes achats à la Coop..

De plus, la RST devrait commencer par balayer devant sa porte car elle a été épinglée pour manquement à la diversité des opinions, notamment avant des votations. Quand aux "fake news", on pourrait faire un florilège des infos qui ont été écrites sur RTS et qui n'ont jamais fait l'objet de rectificatif. Sans compter les sujets qui ne sont jamais traités et représentent une autre forme de censure.

Bref, la RTS , qui est partie prenante, est mal placée pour éduquer nos gamins et leur dire qui sont les bons et les mauvais médias.»


@simone 16.01.2024 | 09h03

«Vous avez raison, mais vérifier des sources prend un temps considérable que le quidam n'a pas. Le rêve serait que les journalistes des médias "officiels" énoncent chaque fois la liste des vérifications qu'ils ont faites sur le sujet dont ils traitent.»


@Maryvon 17.01.2024 | 13h48

«Merci pour ces lignes et j'adhère totalement aux propos de "Simone". Du reste, je constate que les journalistes de la RTS ne mentionnent que très peu les difficultés que rencontrent nos voisins allemands. Pourquoi donc ?»


@Alain K 17.01.2024 | 18h25

«Merci pour cet article. Je pense qu'il décrit une triste réalité qui, je l'espère comme les autres commentaires, changera.
Merci pour tout le travail de Bon Pour La Tête »


@GeorgesJ 10.02.2024 | 06h15

«Merci pour cet article. Lorsque je vois une unanimité dans les medias subventionnés (par le peuple ou par les milliardaires) qui s'attaque à la personne, je me dis que cette personne doit déranger et j'écoute ce qu'elle dit. C'est souvent très instructif et je constate souvent que le JugeMent. Les exemples sont nombreux dans le monde et aussi en Suisse, pays où "y'en a point comme nous". Si Mme Pompeï affirme "la télé, la radio et a presse écrite donnent des informations qui sont vraies", c'est peut-être qu'elle en est convaincue ? Alors qu'elle dise la vérité sur la propagande et les pressions exercées sur les citoyens durant la période C-19, par la télé, la radio et la presse écrite, au profit de qui et en violation du devoir d'un médecin d'obtenir un consentement libre et éclairé de leurs patients, de notre constitution et des droit de l'homme ! Avec le temps, la vérité fini toujours par percer le voile de la propagande et de nombreux narratifs unanimes un jour finissent par se faire rectifier (sauf lorsqu'un media propagandiste doit admettre ses erreurs et manquements... c'est tellement rare qu'ils le fassent... et lorsqu'ils le font si discrètement, c'est souvent suite à une plainte). Se baser sur des faits avérés (si cela est encore possible ?), citer ses sources, mentionner les conflits d’intérêts, prendre en compte des avis différents d'une façon objective et sans s'attaquer à la personne reste un métier... c'est ce que j'attends d'un média ! Thèses, antithèses et synthèses. Bravo et merci aux journalistes qui le font contre vents et marées. Merci»