A vif / Au-delà de la binarité des sexes et autres visions du réel
Si la remise en cause de la binarité est controversée, le documentaire «Ni d’Eve ni d’Adam» va au-delà de l’identité féminine ou masculine et redirige le débat
sur le respect d’une identité vécue et parfois non choisie. © Vision du réel
Les personnes intersexes sont à l’honneur du film de Floriane Devigne présenté en première à Vision du réel à Nyon. Les hermaphrodites, comme on les appelait à l’époque représentent entre 1 et 2% des naissances dans le monde. Même statistique que les roux, précise le film. En immersion avec les préoccupations de Déborah, Audrey, M. et quelques autres – surtout des femmes, il faut bien l’avouer – ce documentaire franco-suisse pose la question du genre, sans binarité.
On entre dans une chambre d’hôtel. Puis dans une autre. Une troisième. Une quatrième. Et puis c’est ici: la chambre où les parents de M. lui on dit – ou avoué – qu’elle était intersexe. M., commence alors à raconter son histoire au travers de mails échangés avec Déborah, étudiante à l’université de Lausanne et elle-même intersexe. La narration de ce film se fait entre ces deux personnes dont on a décidé qu’elles seraient des femmes à leur naissance, en dépit des «tissus testiculaires» ou autres «gonades» présentes dans leur organisme de bébé.
Au travers des récits, on approche les thèmes de l’identité, de la sexualité, de la honte, du chagrin et des choix, au-delà des questions physiologiques. Des préoccupations qui semblent dépasser celles purement «intersexe», puisque les catégories de genre, de non genre, de troisième genre, de genre autre, etc. entrent peu à peu dans le débat public et politique. Si la remise en cause de la binarité est controversée, le documentaire «Ni d’Eve ni d’Adam. Une histoire instersexe» va au-delà de l’identité féminine ou masculine – qu’est-ce que cela veut dire d’ailleurs? – et redirige le débat sur le respect d’une identité vécue et parfois non choisie.
L’une des narratrices ne trouve d’ailleurs pas toujours ses mots pour définir ses sentiments. Elle avoue parfois au milieu d’une phrase: «C’est difficile à expliquer.» Elle admet un mélange entre une envie de revendiquer un genre, tout en évoquant la non-importance totale de ces questions. On se demande donc: parler de genre, n’est-ce pas une manière de fixer les catégories? Le film ne donne pas de réponses figées: il sert davantage d’outil pour casser les tabous et préfère montrer la diversité de l’intersexuation: on peut être «femme», «homme», «d’abord intersexe» ou «intersexe aussi», bien le vivre ou ne pas être en accord avec son corps.
L'inquiétude ne justifie pas la chirurgie
La difficulté de vivre cette identité «hors-norme» est d’ailleurs passablement liée au traitement médical de l’intersexuation. Le film interroge: de quel droit les médecins choisissent-ils le sexe d’un bébé, uniquement sur des critères physiologiques? Comment osent-il parfois effacer, au travers de discours, le chromosome Y chez les femmes pour qu’elles soient totalement intégrables à la société? Et s’il était plus respectueux d’attendre la majorité d’une personne avant de faire un quelconque choix sur sa sexualité? «On n’opère pas un enfant simplement parce que les parents sont inquiets», revendique l’un médecin du film. L’inquiétude ne justifie pas la chirurgie. Un homme intersexe s’offusque: choisir le sexe d'un enfant, c’est une sorte de viol. Les pratiques médicales semblent avoir partiellement changé; le film n’en parle pourtant que très peu.
Une scène est néanmoins particulièrement bouleversante: Déborah explique à sa sœur Sereina 16 ans ce que signifie être intersexe. Elle détaille tout spécifiquement ses aller-retours à l’hôpital pendant la préadolescence et l’adolescence. Des rendez-vous pour vérifier qu’elle peut avoir des rapports sexuels normaux avec un homme. En un mot, qu’elle peut être pénétrée. Les «vérifications» se font sous narcose totale, à intervalle régulier, tous les 3 mois à 6 mois environ. La vie émotionnelle ne semble pas être la priorité.
Ce film est militant certes, mais il n’est jamais caricatural. Le propos n’est pas normatif ni moralisant. Il est simplement convaincant et ouvre tout un pan sur les réflexions de genre, les stéréotypes ou les jugements douteux qui ont encore cours dans notre société: ceux d’être «normal».
On a aussi vu
Owning the weather
Et si on avait prise sur la météo? C’est la question que pose Owning the weather, un film documentaire qui a maintenant presque dix ans et qui reste pourtant d’actualité. Le propos, critique vis-à-vis de notre société qui pense pouvoir contrôler à bon escient le climat pour éviter les catastrophes naturelles – tragédies souvent déjà provoquées par l’humain par ailleurs – propose une rafale d’interviews, d’arguments et de contre arguments.
La bande annonce de Owning the weather
Si la construction du documentaire est parfois épuisante par son empilement d’informations, quelques phrases peuvent néanmoins être mises en lumière pour démêler les réflexions que l’on est poussé à avoir: le changement climatique est une question de société et non un problème de technologie. La solution doit-elle donc se poser au niveau de l’humain, ou de la bio-ingénierie? Et si l’humain trouvait vraiment le moyen de prendre le contrôle de ce que nous avions toujours considéré comme étant du «fait naturel», qui serait derrière les manettes de ce nouveau pouvoir? Pas de réponse préétablie, le spectateur est seul à devoir se positionner.
La séparation des traces
Francis Reusser propose dans son nouveau film une sorte d’autobiographie; presque une «autofiction» affranchie des codes traditionnels. Mêlant des plans d’archives documentaires à celle de ses films de fiction, le cinéaste vaudois lie son histoire personnelle au moyen d’une narration construite avec son fils. «Construite» est d’ailleurs un grand mot pour celui qui revendique le fait de tourner un film avant de l’écrire.
Francis Reusser (à droite) et son fils Jean Reusser. © BPLT
Engagé, critique et sans romantisme, le récit tient en haleine et représente une subtile entrée en matière dans un pan d’histoire humaine – particulièrement pour les quelques spectateurs de moins de 30 ans présents dans la salle hier soir à qui il manquait peut-être des sous-titres explicatifs. Volontairement libellée par Francis Reusser comme un essai, La séparation des traces floute complètement les frontières entre la réalité et la fiction, les faisant cohabiter pour raconter une part de ce que le cinéaste a bien voulu dévoiler de lui.
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Les «vérifications» se font sous narcose totale, à intervalle régulier, tous les 3 mois à 6 mois environ. La vie émotionnelle ne semble pas être la priorité. </p><p>Ce film est militant certes, mais il n’est jamais caricatural. Le propos n’est pas normatif ni moralisant. Il est simplement convaincant et ouvre tout un pan sur les réflexions de genre, les stéréotypes ou les jugements douteux qui ont encore cours dans notre société: ceux d’être «normal». </p><p></p><hr><p></p><h2>On a aussi vu </h2><h3>Owning the weather </h3><p> Et si on avait prise sur la météo? C’est la question que pose <em>Owning the weather</em>, un film documentaire qui a maintenant presque dix ans et qui reste pourtant d’actualité. 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Lors d’un voyage en Sibérie, j’avais naïvement demandé à ma logeuse pourquoi les Russes continuaient de voter pour Poutine. Elle m’avait simplement répondu: «Sinon qui?».</p> <p>Si Alexeï Navalny et son parti Russie du futur n’a jamais semblé être une alternative appétissante pour les habitantes et habitants de ce pays – qui ne se réduit pas aux deux villes Moscou et Saint-Pétersbourg – l’opposant numéro 1 (du moins vu comme tel depuis l’Occident), aura pourtant apporté une solution à cette femme dès 2018. A la question «Qui»? Navalny répond simplement: tous sauf Russie unie. 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Chaque électrice et chaque électeur a ainsi toutes les clefs en main pour centraliser son opposition sur la personne la plus «utile» dans sa circonscription.</p> <h3>Une augmentation du résultat des candidatures du «vote intelligent» en 2020</h3> <p>En 2020, cette stratégie a fonctionné. Il ne s’agit pas d’une révolution, mais les chercheurs estiment une augmentation des résultats pour les candidates et candidats du vote intelligent à près de 5%. Ce qui peut faire une différence, sachant que le système électoral courant est celui de la majorité relative; dans certaines régions, un parti obtenant 30%, 20% voire seulement 15% peut déjà peser dans le jeu électoral si les autres partis sont divisés. 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Je vous invite volontiers à rester prostré quelques instants devant ma bibliothèque pour observer l’étendue de mon inutilité. On pourra même boire ensemble un verre de vin inutilement bon, en tenant des théories inutilement longues. Mais pour que le futile ait du sens, il faut encore qu’il soit bien réalisé. Et chers artificiers, on peut parfois se demander dans quelle direction vous avez projeté votre conscience professionnelle.</p> <p>Justement, à votre tour messieurs-dames les professionnels de la pyrotechnie. Oui, vous vous plaignez d’une baisse drastique des commandes pour cette fête nationale. Les principaux feux ont été annulés un peu partout. Votre chiffre d’affaires a chuté d’environ 80% en Suisse cette année. Ayons s’il vous plaît une seconde réflexive: au plus profond du confinement, un certain nombre d’activités professionnelles ou de loisir avaient été citées comme irremplaçables, bénéfiques à notre société, souhaitables même. Faites la liste. 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Certains postulent alors un changement radical de philosophie, mais ceux qui l’emportent sont les «environnementalistes». Pour eux, les déchets doivent être vus comme une chose à organiser, à gérer, à «manager». Ainsi, au lieu de créer une «écologisation de l’économie», c’est-à-dire remettre en cause la conception et la production du déchet, les autorités appliquent une stratégie de «mise en économie de l’environnement» que l’on peut résumer par «la bonne gestion des déchets et aussi celle qui est rentable». Et c’est là que le citoyen responsable (et culpabilisé) entre en scène.</p><h3>Le déchet ou le cheval de Troie du «waste managment» </h3><p>«Pour le valeureux soldat de l’armée verte, pour l’écocitoyen, il reste possible, moralement acceptable, d’acheter une bouteille d’eau minérale, car si elle est bien jetée, elle sera recyclée.» Cette réflexion a été intégrée par bon nombre de gens dans nos sociétés occidentales. 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La «verticale» helvète, créée en juillet 2017 démarre gentiment: «On peut compter environ à 3 millions d’utilisateurs non uniques en une année», annonce le trentenaire qui s’est formé à la RTS. Ce jour-là, les trois derniers articles publiés parlaient de l’ouverture de la Migros à la vente de sextoys, de l’utilisation du cannabis dans des EMS et d’un jeu dissimulé dans l’application des CFF. On est plus du côté de «infotainment» que de l’info pure.</p><p><em>Konbini</em> Suisse va-t-il aussi s’intéresser aux grands thèmes politiques 2019? «Certainement, répond Antoine Multone, mais il s’agit de trouver des angles qui touchent les jeunes.» Pour les élections fédérales, la petite rédaction veveysane compte se concentrer sur la pauvreté, le climat et les questions de genre, de sexualité et plus généralement des minorités. 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