Culture / L’art contemporain a besoin du pétrole!
«L’art contemporain. Une infographie», Béatrice Joyeux-Prunel et Guillemette Crozet, CNRS Editions, 110 pages.
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Les darbystes ne sont pas prisonniers de leur communauté nous apprend l’auteur qui sait de quoi il parle puisqu’il en fut. Ils peuvent dire <em>Je</em>, faire entendre une idée ou signifier un désaccord. Le retour de Jean Prod’hom sur le darbysme confronte les pratiques et le caractère de son fondateur John Nelson Darby à la fantasque personnalité d’un pasteur de l'Eglise évangélique vaudoise, Alexis Muston. L’un, sombre prêcheur dogmatique, dit la loi, s’occupe de pouvoir, représente l’ordre; l’autre, en quête de grâce, vagabonde et fuit tout cela en bondissant de sentier en chemin. Pour Darby, les croyants ne peuvent ni ne doivent s'organiser en Eglise et les pasteurs doivent renoncer à leurs titres, il n’est nul besoin d'une organisation pour se réunir entre chrétiens, nul besoin de l'ordination, chaque croyant est prêtre mais ce moment anarchiste se métamorphose en machine à exclure et ne sera plus que débats et affrontements autour du pouvoir. Alexis Muston, Vaudois des vallées piémontaises, vit l’exil comme quelqu’un qui se sent partout chez lui sans être nulle part chez soi. Nous avons donc là deux destinées qui s’opposent. La première, pour préserver la pureté de sa communauté religieuse, la fantasme en forteresse. La seconde, fuyant tout enfermement, mène une vie tout en éloge des détours, de la marche, des sentiers à l’écarts. La remise à zéro de Darby pour bâtir une nouvelle communauté d’appelés ayant conduit à la guerre de tous contre tous, l'auteur opte pour le jardin sans clôture de Muston. Ok. 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Plus de famille, ou alors des parents absents, pas d'argent, peu d'amour et là, ils boivent, rient, jouent, traînent, s’engueulent, rêvent, s’aiment. En 1956, un photographe néerlandais Ed van der Elsken publie un album, <i>Love on the left bank</i> sur ce lieu et sur cette jeunesse insolente et rebelle qui cherche à échapper à la société et à toutes ses fausses valeurs.</p> <p>Les <em>moineaux</em> volent, couchent les uns avec les autres, font la manche, vivent d’arnaques, montent de temps en temps un scandale, un projet, genre brailler en chaire à Notre-Dame de Paris déguisé en Dominicain ou projeter de détruire la tour Eiffel à coup d’explosifs. 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Arrivée là-bas, elle refuse de raconter sa vie en huit dessins et son souvenir le plus triste en cinq lignes, de participer à quoique ce soit qui pourrait permettre de l’observer et incite en toutes occasions ses compagnes à la révolte contre l’autorité. Les bonnes sœurs veulent qu’elle s’en aille.</p> <p>La dame du service social, Mlle Grivel, décrit Kaki comme charmante de caractère, très indépendante, n’écoutant personne. Et ses voisins et amis comme une fille légère, intelligente, amorale, indifférente à ce qu’on peut penser de sa conduite mais désintéressée, généreuse et prête à tout partager. Elle fréquente plusieurs bandes, couche facilement, sans en tirer aucune ressource, et n’envisage aucunement de travailler. Parle avec beaucoup d’affection de sa grand-mère, de sa sœur et de son frère. N’est ni grossière, ni vulgaire et garde le sens de l’honnêteté.</p> <h3>Kaki après son incarcération</h3> <p>Le 26 juin 1950, à 16 ans, Kaki est donc incarcérée à Fresnes jusqu’au 4 août 1950, jour où, en attendant le jugement, elle est remise à sa grand-mère.</p> <p>Vali dit que cette incarcération l’a transformée, rendue plus dure et incontrôlable. Elle est enceinte et personne ne saura jamais de qui. </p> <p>Le 6 février 1951, elle est relaxée. </p> <p>Depuis son arrestation, 15 mois auparavant, elle n’a connu que l’incarcération, la fuite, la traque puis la surveillance étroite, n’a vécu que sous tension et tout cela pour un petit bracelet en or qu’on lui a donné. </p> <p>Le 6 février 1952, un an après sa sortie de Fresnes et 7 mois après la naissance de sa fille, à 18 ans, Kaki entre chez Dior en tant que mannequin temporaire. Elle en part fin février. Elle y est donc restée moins d’un mois! </p> <p>Le 2 janvier 1953, une ordonnance de contrainte est émise à son encontre. 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Ses parents étant juifs, communistes et résistants, il a vécu de 6 à 11 ans loin d’eux. </p> <p>En 1952, il va rendre visite à Debord à l’hôtel où celui-ci habite et le futur situationniste lui ouvre sa porte vêtu d’une robe de chambre bordeaux. Une robe de chambre! La honte…</p> <h3>Centre d’observation et de rééducation de Chevilly-Larue</h3> <p>Institution centrale dans notre histoire tenue par de sinistres religieuses qui, à leur arrivée, vérifient la virginité des filles en leur enfonçant, de dos, un doigt dans le vagin. Si les filles protestent, elles leur tapent le front sur le bord d’un lavabo.</p> <p>Les premiers jours, Sarah Abouaf y vomit souvent parce qu’elle n’a pas l’habitude de manger à heures régulières et en quantité normale. Ses dessins sont précis. «Quand les Allemands ont emmené maman» est le titre de l’un d’eux. Un autre représente une petite pièce sans fenêtre avec comme légende «A Chevilly, je pleure». Elle y passera cinq mois. Ensuite, elle sera envoyée dans un «home» à Strasbourg.</p> <p>Le 28 mars 1952, Louis Papaï, ivre, estimant que le ménage est mal fait, bat sa fille. Elle a seize ans. Elle s’enfuit. Le 7 avril, elle se fait embarquer par la maréchaussée et se retrouve aussi à Chevilly.</p> <p>Sarah et Eliane ne font aucune faute quand elles écrivent. Que l’une veuille devenir photographe et l’autre chirurgienne sidère les bonnes sœurs. Le psychiatre, en revanche, s'inquiète des périodes d'excitations sexuelles prémenstruelles d'Eliane. Ce qui est signe de bonne santé pour les garçons, pour les filles est péché. Eliane a de fréquents fous rires. Selon le thérapeute, ils proviennent du choc qu’elle a subi à 14 ans, quand elle a dû s’occuper toute seule de la toilette mortuaire de sa mère. 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Donc tout un chacun coïte dès 16-17 ans et s’en cache. C’est <i>hchouma</i> (la honte) et on risque la <i>hogra</i> (l’exclusion). Le garçon qui ne doit jamais avoir peur, ne jamais pleurer, être romantique ou mielleux, vit en général sa première expérience sexuelle avec une prostituée. Ensuite, pour se marier, il doit prouver sa capacité financière. S’il croise les jambes, traîne avec les filles, rit de façon aiguë, porte des habits colorés et n’est pas agressif, on le traitera de <i>bnita</i> (fillette), de <em>3niba</em> (petit raisin), de <em>loubya</em> (petit haricot) et d’<i>attaï</i> (qui se donne). Et de la jeune femme qui a perdu sa virginité, qualifiée de perforée, pourrie et puante, on dit <em><i>17em moujoud</i></em>, y a de la viande à profusion, ou <em><i>Iguezzar mechdou</i></em>, la boucherie est fermée. Un iman tangérois, en 2012, a émis une fatwa autorisant les femmes à se masturber avec des objets pour éviter les relations extra maritales. 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Les <i>cheikhat</i> couvertes de bijoux et tatouées de la tête aux pieds le chantent, en fumant et en buvant en public, méprisées des uns, adulées des autres, et pour tous, incarnant la liberté. </p> <h3>Pour relativiser: rapide coup d'œil sur les cathos</h3> <p>Une épître du Nouveau Testament dit: Je veux que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l’homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef du Christ.</p> <p>Au XIIIème siècle, l’un des commandement de Thomas d’Aquin est: «Le père doit être aimé plus que la mère, parce qu’il est le principe géniteur actif, tandis que la mère est passive.»</p> <p>Dans l’épitre aux Corinthiens, Paul dit: «Tout homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore son chef.»</p> <p>Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef: c'est comme si elle était rasée. Car si une femme n'est pas voilée, qu'elle se coupe aussi les cheveux. 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En Inde, au Pakistan, en Afghanistan, en Malaisie et en Indonésie, les personnes transgenres sont reconnues et acceptées alors qu’en Turquie 1'933 personnes trans ont été assassinées entre 2008 et 2015.</p> <h3>L'orientalisme</h3> <p>Ingres et Nerval, même combat. 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Dorénavant, toute évaluation vivante du réel doit englober des données comme l’espace-temps, la transformabilité permanente des choses, la fluidité et la ductilité des phénomènes naturels, le caractère corpusculaire et ondulatoire de la matière énergie.</p> <p>C’est Clay qui trouve l’appellation <i>Pénétrable</i> pour l’œuvre de 400 m<sup>2</sup> accrochée entre les deux ailes du Palais de Chaillot: une pluie faite de milliers de fils de nylon suspendus provoquant, d’après lui, ivresse et joie chez le spectateur.</p> <p>La peinture est finie, dit-il, et cette intuition, on pouvait déjà la pressentir dans les formes rongées de Rembrandt, vaporeuses de Watteau, noyées de Turner. Dès 1960, Allan Kaprow a proposé l’abandon de l’idée de permanence et l’utilisation de matériaux de la vie de tous les jours.</p> <p>Chaque individu, passif et actif, doit devenir partie intégrante de l’œuvre, spectateur et acteur. Nous savons que l’art aujourd’hui se situe dans un nouveau dialogue avec le réel – que le vrai rapport n’est plus à l’intérieur de l’œuvre, mais entre l’œuvre et la vie, écrit-il.</p> <p>Hans Haacke, formellement inventif et conceptuellement gênant pour les institutions culturelles capitalistes, correspond au type d’artiste qu’il soutient. Ses œuvres dérangeantes, manipulables et anonymes, vont défaire l’institution. A la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence, par exemple, il construit un spectacle dénonçant l’aspect commercial de cette fondation.</p> <h3>Triomphe de l’art bourgeois</h3> <p>En 1968, considérant intolérable la confiscation de la créativité à des fins d’embellissement d’une société obscène, Jean Clay se déclare être pour l’artiste offensif, pour le mouvement, la participation du public, le <i>Pénétrable</i>, le happening et l’art conceptuel et contre l’art activité inoffensive, marginale et décorative. 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La répétition du signe de Daniel Buren, par exemple, étant la même que celle d’un chevron qui représente une marque automobile, le logotype d’un produit-marchandise.</p> <p>A présent, on passe de l’artiste marginal à l’artiste vedette, excentrique et sublime (Warhol) ou légendaire (Pollock mort) et le système impose partout ses trois conditions: l’artiste doit réduire sa recherche à la production d’objets commercialisables, la valeur d’échange de son travail doit l’emporter sur sa valeur d’usage et il doit constamment réaffirmer la pureté de ses intentions et de son travail.</p> <h3>Esthétisation de l’aliénation </h3> <p>Oui, cette société du chloroforme se satisfait d’un art constat, d’un art de la non-intervention qui reflète et favorise la réification collective et dans laquel l’importance supposée de l’artiste est inversement proportionnelle à l’originalité de son acte. Max Baxter urine dans la neige. Bruce Nauman demande à un conservateur de musée de faire des bonds. Robert Barry diffuse dans des parcs des gaz invisibles. Edward Ruscha présente des photos d’anciennes petites amies. On Kawara envoie chaque jour une carte postale spécifiant l’heure à laquelle il s’est levé. Ambitions minuscules dans lesquelles la société bourgeoise se découvre avec ravissement telle qu’elle se rêve: immuable et universelle. </p> <p>Le commerce de détail liquide le cinétisme en de multiples gadgets qui simulent le mouvement pour ne pas avoir à le vivre. Vasarely inspire papiers peints et bottines de femmes. Au rayon emballage, personne n’a poussé plus avant que lui l’esthétisation de l’inhumanité de la vie urbaine.</p> <h3>Les années <i>Macula</i></h3> <p>Créée en 1976 et devenue une maison d’édition en 1979, <i>Macula</i> nait dans une époque surexcitante intellectuellement, nous dit Jean Clay. 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Les papiers peints de Vuillard, sa dilution de la figure, non pas dans la lumière, mais dans la texture, la tâche, la touche, ses personnages rongés, mités, abolis dans la tavelure qui les cerne, l’épaisseur, le feuilletage, l’interpénétration des couches, l’interférence des strates, les grattages.</p> <p>Monet, le précurseur, qui n’a atteint son public que dans les années 1950, avec une génération de peintres américains qui reconnaît être en dette envers lui et ses <i>Nymphéa</i>s, dix-neuf panneaux de continuum spatiotemporel, de tissu sans couture, d’espace sans charnière.</p> <p>Cette mise en crise est aussi le résultat du travail de Malevitch, de ses deux achromes accrochés horizontalement au plafond ou de Piet Mondrian, qui pointe l’ambivalence et l’incertitude restées inaperçues dans les formes classiques des arts, de Van Doesburg qui retournait les peintures face au mur afin de les utiliser simplement comme éléments de division de l’espace, des <i>Texturologies</i> de Dubuffet, sans centre ni cible.</p> <h3>Les purs: Robert Ryman & Martin Barré</h3> <p>Ryman gagne sa vie en étant gardien de musée. La première fois que notre auteur va dans son atelier, il passe devant un tableau blanc sans comprendre qu’il vient de passer devant une œuvre! Dans <i>Macula</i>, il lui consacre un époustouflant entretien de 37 pages.</p> <p>Ryman, sa force, est d’interroger méthodiquement tout: le statut de la signature, l’éclairage de la galerie, la géométrie du boulon porteur, la persistance du pinceau à se soutenir égal tout au long du recouvrement systématique d’une surface, les variations discrètes de deux ou trois modules de brosse, le changement de pigment, huile puis émail, la subreptice réduction ou suppression d’un élément dans une série.</p> <p>Martin Barré, lui, se demande: Qu’en est-il du fond comme limite? Et envisage chaque tableau à la fois en lui-même et comme un élément en relation avec les autres œuvres de la série auquel il appartient. Il mène un travail précis, où s’élaborent des articulations choisies entre couleurs et réserves, premiers et arrières plans, espace pictural et hors-champ, transparence et bordure. </p> <h3>Edouard Manet, le précurseur</h3> <p>C’est à Manet que Clay fait remonter le repérage des éléments centraux de l’esthétique moderne et de la mise en crise de la peinture tout entière. Il est le premier peintre à ressentir comme dissociable tous les constituants matériels du tableau tels que surface, limite, couleur, texture, geste, – et à les traiter comme un jeu de variables. Moire des tissus, satin, taffetas, creps – paravents, tapisseries, papiers peints. Puisant chez les peintres anciens tels Titien ou Goya, mélangeant et synthétisant Carrache et Rubens, empruntant à l’art japonais, s’inspirant de la photographie, il subvertit les notions de continuité linéaire, de progrès, d’origine. Il n’a pas de style et il les a tous. Chacune de ses œuvres est contredite par la suivante. 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Responsable de la chaire des Humanités numériques à l’Université de Genève, Béatrice Joyeux-Prunel travaille sur de nombreuses données et a ici choisi de parler d’art contemporain uniquement sous forme de graphiques, de traduire des myriades de faits hétéroclites en des visuels ludiques et plaisants. L’objectif étant de faire connaître, au-delà de son élitisme consubstantiel, l’art contemporain à un large public. Elle nous apprend donc qu’il y a 63% de femmes dans les écoles d’art mais seulement 13% d’œuvres de femmes dans les collections publiques; que Richard Orlinski est l’artiste français vivant le plus vendu au monde; que moins de 5% des œuvres des musées occidentaux sont africaines; que Rabbit de Jeff Koons s’est vendu à plus de 90 millions de dollars; que Sans-titre est aujourd’hui la manière la plus fréquente d’intituler une œuvre d’art; qu’il existe une trentaine d’artothèques en France où l’on peut emprunter des œuvres quelques mois sans les acheter; que sans pétrole il n’y aurait probablement pas d’art contemporain car non seulement les grandes entreprises pétrolières financent beaucoup les musées mais le plastique est omniprésent dans les solvants, les vernis, les liants, les polyvinyles, mousses, silicones ainsi que dans les ordinateurs, sans oublier que les multiples biennales dépendent de voyages en avion. Dans ce livre, l’art contemporain est quantifié, comparé, classé, exposé et rythmé, ce qui donne à penser, à évaluer, à juger, à soupeser et à rêver.
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Les darbystes ne sont pas prisonniers de leur communauté nous apprend l’auteur qui sait de quoi il parle puisqu’il en fut. Ils peuvent dire <em>Je</em>, faire entendre une idée ou signifier un désaccord. Le retour de Jean Prod’hom sur le darbysme confronte les pratiques et le caractère de son fondateur John Nelson Darby à la fantasque personnalité d’un pasteur de l'Eglise évangélique vaudoise, Alexis Muston. L’un, sombre prêcheur dogmatique, dit la loi, s’occupe de pouvoir, représente l’ordre; l’autre, en quête de grâce, vagabonde et fuit tout cela en bondissant de sentier en chemin. Pour Darby, les croyants ne peuvent ni ne doivent s'organiser en Eglise et les pasteurs doivent renoncer à leurs titres, il n’est nul besoin d'une organisation pour se réunir entre chrétiens, nul besoin de l'ordination, chaque croyant est prêtre mais ce moment anarchiste se métamorphose en machine à exclure et ne sera plus que débats et affrontements autour du pouvoir. 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Du coup, il rencontre de nombreux artistes tel Marcel Duchamp ou Andy Warhol et écrit le premier article en français sur le minimalisme américain.</p> <h3>Les années<i> Robho</i> </h3> <p>Avec le performeur Julien Blaine, en 1966, il fonde la revue <i>Robho</i>, périodique qui tout en relayant des pratiques artistiques n’en dénonce pas moins les excès de la société du spectacle. </p> <p>Dans les écrits qu’il consacre à l’art optique, l’art du mouvement, l’art-événement et l’art-environnement, il utilise un vocabulaire étendu de la description et fait preuve d’une observation minutieuse et aiguë. </p> <p>Il se montre grand défenseur de Jesús Rafael Soto, le destructeur méthodique de toute forme stable, de toute forme figée. Dorénavant, toute évaluation vivante du réel doit englober des données comme l’espace-temps, la transformabilité permanente des choses, la fluidité et la ductilité des phénomènes naturels, le caractère corpusculaire et ondulatoire de la matière énergie.</p> <p>C’est Clay qui trouve l’appellation <i>Pénétrable</i> pour l’œuvre de 400 m<sup>2</sup> accrochée entre les deux ailes du Palais de Chaillot: une pluie faite de milliers de fils de nylon suspendus provoquant, d’après lui, ivresse et joie chez le spectateur.</p> <p>La peinture est finie, dit-il, et cette intuition, on pouvait déjà la pressentir dans les formes rongées de Rembrandt, vaporeuses de Watteau, noyées de Turner. Dès 1960, Allan Kaprow a proposé l’abandon de l’idée de permanence et l’utilisation de matériaux de la vie de tous les jours.</p> <p>Chaque individu, passif et actif, doit devenir partie intégrante de l’œuvre, spectateur et acteur. Nous savons que l’art aujourd’hui se situe dans un nouveau dialogue avec le réel – que le vrai rapport n’est plus à l’intérieur de l’œuvre, mais entre l’œuvre et la vie, écrit-il.</p> <p>Hans Haacke, formellement inventif et conceptuellement gênant pour les institutions culturelles capitalistes, correspond au type d’artiste qu’il soutient. Ses œuvres dérangeantes, manipulables et anonymes, vont défaire l’institution. A la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence, par exemple, il construit un spectacle dénonçant l’aspect commercial de cette fondation.</p> <h3>Triomphe de l’art bourgeois</h3> <p>En 1968, considérant intolérable la confiscation de la créativité à des fins d’embellissement d’une société obscène, Jean Clay se déclare être pour l’artiste offensif, pour le mouvement, la participation du public, le <i>Pénétrable</i>, le happening et l’art conceptuel et contre l’art activité inoffensive, marginale et décorative. Il soutient toutes les entreprises fondées sur l’absence de limites, toutes les initiatives dont en commençant, on ne connaît pas le terme.</p> <p>Mais dès 1971, il constate que la culture, devenue chaque jour davantage l’ingrédient indispensable à toute opération d’intoxication commerciale ou politique, contribue à la crétinisation générale des consciences et à l’abrutissement des masses par les intellectuels qui apportent une aura de spiritualité à la marchandise et à ce qui l’emballe. 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Robert Barry diffuse dans des parcs des gaz invisibles. Edward Ruscha présente des photos d’anciennes petites amies. On Kawara envoie chaque jour une carte postale spécifiant l’heure à laquelle il s’est levé. Ambitions minuscules dans lesquelles la société bourgeoise se découvre avec ravissement telle qu’elle se rêve: immuable et universelle. </p> <p>Le commerce de détail liquide le cinétisme en de multiples gadgets qui simulent le mouvement pour ne pas avoir à le vivre. Vasarely inspire papiers peints et bottines de femmes. Au rayon emballage, personne n’a poussé plus avant que lui l’esthétisation de l’inhumanité de la vie urbaine.</p> <h3>Les années <i>Macula</i></h3> <p>Créée en 1976 et devenue une maison d’édition en 1979, <i>Macula</i> nait dans une époque surexcitante intellectuellement, nous dit Jean Clay. Walter Benjamin enfin traduit, lecture de Roland Barthes, fréquentation du séminaire d’Hubert Damisch, où s’articule une parole euphorisante, rencontre de Christian Bonnefoi, découverte de Robert Ryman.</p> <p>Les années révolutionnaires sont révolues. Personne ne croit plus que l’art peut changer le monde. Plus un mot sur la politique, rien que formes, matériaux, techniques et virtuosité jubilatoire dans l’analyse des œuvres.</p> <h3>L’art comme interrogation</h3> <p>La modernité, pour Jean Clay, de Cézanne à Ryman, en passant par Pontormo, est l’art de transposer dans la peinture les propriétés du dessin.</p> <p>Et partant de là, toute une histoire revient: Seurat et ses tableaux à la matière homogène, sans commencement, ni fin. Les papiers peints de Vuillard, sa dilution de la figure, non pas dans la lumière, mais dans la texture, la tâche, la touche, ses personnages rongés, mités, abolis dans la tavelure qui les cerne, l’épaisseur, le feuilletage, l’interpénétration des couches, l’interférence des strates, les grattages.</p> <p>Monet, le précurseur, qui n’a atteint son public que dans les années 1950, avec une génération de peintres américains qui reconnaît être en dette envers lui et ses <i>Nymphéa</i>s, dix-neuf panneaux de continuum spatiotemporel, de tissu sans couture, d’espace sans charnière.</p> <p>Cette mise en crise est aussi le résultat du travail de Malevitch, de ses deux achromes accrochés horizontalement au plafond ou de Piet Mondrian, qui pointe l’ambivalence et l’incertitude restées inaperçues dans les formes classiques des arts, de Van Doesburg qui retournait les peintures face au mur afin de les utiliser simplement comme éléments de division de l’espace, des <i>Texturologies</i> de Dubuffet, sans centre ni cible.</p> <h3>Les purs: Robert Ryman & Martin Barré</h3> <p>Ryman gagne sa vie en étant gardien de musée. 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Il mène un travail précis, où s’élaborent des articulations choisies entre couleurs et réserves, premiers et arrières plans, espace pictural et hors-champ, transparence et bordure. </p> <h3>Edouard Manet, le précurseur</h3> <p>C’est à Manet que Clay fait remonter le repérage des éléments centraux de l’esthétique moderne et de la mise en crise de la peinture tout entière. Il est le premier peintre à ressentir comme dissociable tous les constituants matériels du tableau tels que surface, limite, couleur, texture, geste, – et à les traiter comme un jeu de variables. Moire des tissus, satin, taffetas, creps – paravents, tapisseries, papiers peints. Puisant chez les peintres anciens tels Titien ou Goya, mélangeant et synthétisant Carrache et Rubens, empruntant à l’art japonais, s’inspirant de la photographie, il subvertit les notions de continuité linéaire, de progrès, d’origine. Il n’a pas de style et il les a tous. Chacune de ses œuvres est contredite par la suivante. 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