Actuel / Les grandes universités américaines privilégient les étudiants les plus riches
Bâtiments de la faculté de droit de l'université Yale (Connecticut). © Nick Allen - CC BY-SA 3.0
La Cour Suprême des Etats Unis a décrété fin juin dernier que la discrimination positive basée sur la couleur de la peau, pratiquée dans les universités, est contraire à la Constitution. Beaucoup pensent que ceci permettra un recrutement plus juste. Une étude parue fin juillet démontre cependant que les enfants des familles les plus aisées du pays ont largement plus de chances d'entrer dans les grandes universités privées. Ce qui contribue de manière déterminante au maintien des plus riches à des postes clé, perpétuant ainsi leurs privilèges à travers les générations.
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Ces événements ont des répercussions au niveau planétaire, où ils sont lus comme étant la manifestation d’un affrontement entre un Nord qui a fait son temps, et un Sud dit Global, qui revendique une plus grande place. Nous en parlons avec le politologue Gilles Kepel, qui a récemment publié «Holocaustes – Israël, Gaza et la Guerre contre l’Occident».', 'subtitle_edition' => 'Les événements du 7 octobre et ses conséquences ont des répercussions au niveau planétaire, où ils sont lus comme étant la manifestation d’un affrontement entre un Nord qui a fait son temps, et un Sud dit Global, qui revendique une plus grande place. Nous en parlons avec le politologue Gilles Kepel, qui a récemment publié «Holocaustes – Israël, Gaza et la Guerre contre l’Occident».', 'content' => '<p><strong>Boas Erez</strong>: <strong>Vous soulignez l’ampleur des conséquences dans le monde entier du massacre du 7 octobre. 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Le jour précédent recourrait le cinquantième anniversaire du début de la Guerre du Kippour. Surtout, la cruauté des actes perpétrés à cette occasion rappelle les razzia des tribus habitant la Péninsule arabe qui, en tuant et en violant, attaquaient les tribus adverses et repartaient en emportant les enfants. L’attaque du 7 octobre fut nommée en arabe par ses initiateurs le «Déluge d’al-Aqsa», qui invoque celui, envoyé par Allah, qui noya tous les mécréants. La référence au déluge souligne le caractère virtuose du massacre. En 628, Mahomet a lui-même mené une razzia contre les Juifs vivant dans l’oasis de Khaïbar, pendant laquelle les hommes furent torturés, passés au fil de l’épée, les femmes capturées et réparties dans les harems des vainqueurs, les enfants réduits en esclavage.</p> <p><strong>Comment s’expliquer qu’une telle opération ait pu réussir?</strong></p> <p>Le Premier ministre israélien Netanyahou est otage d’une minorité, qui occupe seulement 14 sièges sur 120 à la Knesset, mais qui a la capacité de dicter son agenda. Au centre de ce programme figure l’accélération de la colonisation en Cisjordanie. Ceci s’est traduit en une stratégie qui a amené à renforcer le Hamas afin d’affaiblir l’Autorité palestinienne. Ce faisant, Netanyahou a largement sous-estimé Sinwar, qu’il avait lui-même libéré en 2011 dans le cadre d’un échange de 1'027 prisonniers palestiniens contre le caporal Gilad Shalit. Jusqu’aux Printemps arabes, le Hamas était proche de la ligne des Frères musulmans, et suivait une stratégie que l’un pourrait dire gestionnaire: il vitupérait Israël, mais avait instauré un <i>modus vivendi</i> qui semblait s’accommoder de la situation. Ceci faisait le jeu d’Israël. Après 2011, le Hamas se radicalise et s’éloigne des Frères, en se rapprochant de l’Iran, grâce à l’unique voyage à l’étranger de Sinwar. Netanyahou continue de croire que «chien qui aboie, ne mord pas», et fait en sorte que chaque semaine passent par l’aéroport Ben Gurion 40 millions de dollars en cash, provenant du Qatar à destination de Gaza. Une partie de ces sommes servira à construire les tunnels dont maintenant tout le monde est au courant. L’aveuglement du gouvernement israélien a été absolument remarquable. En octobre 2023, le mandataire Sinwar a pris l’ascendant sur ses mandants iraniens, et a marqué un énorme coup symbolique, qui ne fait pas forcément les intérêts de l’Iran, ni peut-être même pas des Palestiniens, en tout cas à court-terme. On peut penser que les services de renseignement israéliens avaient idée de ce qui allait venir, mais ils n’ont pas été entendus par Netanyahou.</p> <p><strong>Vu que la razzia du Hamas a été menée en grande autonomie et que la riposte d’Israël n’avait pas été planifiée, n’est-il pas étonnant que ces actions aient été inscrites dans un affrontement Nord-Sud?</strong></p> <p>La razzia du 7 octobre a mis à mal un des fondements de la création de l’Etat d’Israël. Elle a remis en question le «plus jamais ça» référé aux exterminations subies par les Juifs à travers les âges. Or, la création de l’Etat juif et le déplacement de la population palestinienne sont une des conséquences de l’organisation du monde voulu par les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale. La Guerre contre l’Occident est menée par les pays de ce qui est appelé Sud Global sur le front des valeurs morales. Il s’agit essentiellement des pays BRICS+: Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Egypte, Emirats arabes unis, Ethiopie et Iran. D’après eux, la Shoah ne serait pas le pire qui soit arrivé: la colonisation est bien pire. De plus, la Shoah serait un «truc entre Blancs», qui a eu lieu il y a longtemps, et dont certains doutent même qu’elle ait eu lieu. Voilà le genre de position qui est soutenu par les leaders <i></i>de ces pays, et qui demandent maintenant aux colonisateurs de payer pour leurs méfaits. Je ne mets pas en doute la gravité de l’Apartheid, ni la posture morale d’un Mandela, mais je m’interroge sur le bien-fondé de telles revendications faites au nom de populations qui pour la plupart vivent sous des régimes autoritaires, et dont une grande partie n’a qu’une aspiration, à savoir émigrer vers le Nord tant vilipendé, qui semble donc encore fournir un espoir. C’est pourquoi je souligne l’inanité du clivage entre le Sud Global et le Nord occidental. Au nom de la morale on occulte la question démocratique, faisant ainsi le jeu de personnages comme Netanyahou ou Trump. Dans mon livre j’appelle l’Europe à mettre en avant ses valeurs démocratiques et sa capacité intégratrice, mais je constate avec dépit que l’idéologie et le clientélisme prennent de plus en plus de place, en se substituant à la recherche de la connaissance.</p> <hr /> <h4> <sup>1</sup>Dans sa longue carrière académique, le Professeur Gilles Kepel a formé des milliers d’étudiants à Sciences Po Paris, auprès de l’Ecole Normale Supérieure, et aux Etats-Unis aux universités Columbia et de New York. Il est l’auteur de nombreux ouvrages traduits dans une vingtaine de langues, où il élabore des éléments de pensée précieux pour analyser les enjeux d’événements qui ont secoué notre monde.</h4> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1714565128_9782259319621ori.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="319" /></p> <h4>«Holocaustes. 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Vu que les paysans dépendent de manière importante de paiements directs, certains les considèrent comme des sortes de fonctionnaires à leur service. Ainsi, si ces citadins pensent qu’il faut faire place au loup dans les montagnes au loin, les paysans n’ont qu’à s’exécuter. D’autres considèrent les paysans comme des paysagistes, ou pensent qu’ils sont carrément inutiles vu que la Suisse aurait les moyens d’acheter à l’étranger ce dont sa population a besoin. Ceux qui ne les connaissent pas peuvent avoir été surpris ou dérangés par les manifestations que les paysans ont organisées depuis le début de l’année.</p> <p>Lorsqu’ils ont commencé à manifester ils ont simplement retourné des panneaux à l’entrée de villages, pour dire que le monde marche sur la tête. Plus tard ils se sont réunis autour de feux avec leurs tracteurs, et ont explicité leur appel, leur SOS. Au dire des organisateurs les manifestations avaient pour objectif de rompre l’isolement, demander une plus grande reconnaissance, et rassembler afin de souder une profession traditionnellement morcelée, ainsi qu’établir un dialogue avec la population. Il s’est donc agi d’un appel pour attirer l’attention sur une situation ressentie comme difficile. Ce n’était pas une plainte, ni une demande de moyens. Cet appel quelque peu vague laisse transparaître un malaise profond, que les revendications plus précises, transmises au Conseil fédéral et à quatre détaillants, ne capturent pas complètement, même si elles ont été soutenues par 65'000 signatures récoltées en seulement 15 jours. L’appel demande une réflexion d’ensemble pour une refonte du système. Outre la reconnaissance pour le travail et les efforts accomplis, notamment pour l’environnement, les revendications portent sur les revenus, et dénoncent le poids du travail administratif. </p> <h3>Le système agroalimentaire suisse</h3> <p>De fait, même si les paysans ne représentent qu’environ 3% de la population active (soit environ 200'000 personnes), pour répondre à leurs inquiétudes il faut considérer le système agroalimentaire dans son ensemble. Le système suisse n’est pas très différent des autres systèmes agroalimentaires, par exemple européens. Dans ces systèmes aussi l’agriculture est très contrôlée par une réglementation serrée et des paiements nécessaires pour assurer la viabilité de la plupart des exploitations. Partout, le besoin d’avoir une approche de plus en plus soutenable en matière d'environnement est source de tensions. Malgré leur adhésion aux principes du libre marché, les pays exercent des contrôles aux douanes et pratiquent par exemple des tarifs préférentiels pour le gasoil agricole. Une caractéristique importante de notre système est le droit foncier rural, qui a jusqu’ici contribué à éviter une trop grande concentration des exploitations agricoles et à faire en sorte que les propriétaires des terres agricoles soient les agriculteurs eux-mêmes.</p> <p>On peut dire que le système suisse fonctionne convenablement, tout en exerçant une grande pression sur les paysans. Le système est efficace: la production agricole indigène couvre près de la moitié de le demande intérieure. Ceci est remarquable dans la mesure où la population suisse n’est pas obligée de consommer des produits nationaux, qui sont souvent plus chers que les produits étrangers. Rappelons que même avec le Plan Wahlen lancé pendant la Deuxième Guerre mondiale le taux d’auto-ravitaillement n’a pas dépassé 60%. De plus, le système est efficient: depuis les années 1960, la productivité du travail agricole a beaucoup augmenté et même davantage que dans d’autres secteurs de l’économie. Ainsi par exemple de nos jours dans une ferme certifiée bio la traite d’une centaine de vaches ne nécessite presqu’aucune intervention humaine, vu qu’elle peut être assurée par un robot. </p> <p>Il y a pourtant un revers à cette <i>success story</i>. Le taux de suicides est plus élevé dans le monde agricole, la solitude y est plus répandue, et les conditions de travail y sont très contraignantes. C’est un monde soumis à de nombreuses tensions. La réglementation changeante, les nombreux contrôles, les relations difficiles avec la grande distribution ajoutent de la pression à un travail déjà largement dépendant des conditions météorologiques et des aléas liés au vivant. Les difficultés ne sont pas les mêmes pour tout le monde, mais le système doit davantage ménager tous ses acteurs de base.</p> <h3>Demi-mesures et contre-feux</h3> <p>La politique et les organisations agricoles ont bien sûr réagi afin d’éviter une escalade des manifestations. Il fallait que les paysans se rangent. Le président de l’Union suisse des paysans s’est inquiété pour l’image des agriculteurs. Une conseillère d’Etat a donc promis de réduire d’un tiers la charge administrative pour les paysans de son canton. Dans un autre canton des aides pour les vignerons ont été décidées. Au niveau fédéral des gestes ont été faits pour les producteurs de lait, et le Conseiller fédéral Parmelin a reçu les paysans en colère. Par ailleurs, le secteur agricole a été préservé dans le cadre du récent accord de libre-échange signé avec l’Inde, et malgré que cela aille à l’encontre des engagements pris pour le réduire les émissions de CO<sub>2</sub>, le prix du gasoil agricole n’a pas été augmenté. 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Le rapport se veut rassurant, et indique une évolution positive des revenus au cours de ces dernières années, bien qu’il y ait des situations très disparates. De manière analogue il y a eu ceux qui ont souligné que les paysans se sont rendus à leur rencontres nocturnes avec des tracteurs dernier cri, sous-entendant par là que les moyens ne doivent donc pas leur manquer…</p> <h3>Comment répondre à l'appel?</h3> <p>Il ne suffit pas de simplement essayer de préserver l’actuel en l’ajustant quelque peu. Il faut affronter les questions de fond. Les agriculteurs déplorent une perte de sens et de respect. Il se sentent incompris, bien que – comme cela a été rappelé lors des manifestations – derrière ce que nous avons dans notre assiette il y a toujours un paysan. La multiplication des initiatives populaires de ces dernières années – pour une eau potable propre, contre les pesticides de synthèse, sur l’élevage intensif, pour la biodiversité, etc. – pousse la population à mettre en question les pratiques paysannes, et à méconnaître les efforts fournis pour améliorer les conditions d’élevage, la qualité des produits, et la préservation de l’environnement. La consommation de produits transformés change les produits agricoles en matières premières. Vu qu’il suffit d’ajouter de l’eau à des flocons pour obtenir une purée de pommes de terre, où est le lait? Les habitudes alimentaires imposent des règles et standards toujours plus stricts, de la taille des côtes de bœuf à la forme des pommes. </p> <p>Il faudrait donc agir sur deux fronts. L’un est celui promu au niveau planétaire par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à savoir prendre en compte les coûts cachés de notre système agroalimentaire. 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Or, il n’y a pas de lieux pour mener un débat de fond. Le Parlement discute dans le cadre de la LAMal, et les partenaires tarifaires discutent de … tarifs. Ainsi, EFAS aura un grand coût pour son implémentation et accouchera d’une souris, et la révision des tarifs qui se profile avec le Tardoc ne nous sortira pas du financement à l’acte. Ce genre de réformes complexifient le système, et réduisent encore sa lisibilité!</p> <p><strong>Comment changer les bases du système de santé de manière consensuelle?</strong></p> <p>Pour commencer il faut être prêts à rompre avec ce que Alain Berset avait appelé le cartel du silence, et dire par exemple que notre système ne s’occupe pas de santé, mais plutôt de soins; puis souligner que le système est faussement démocratique; et qu’il faudrait revenir à une Médecine avec un M majuscule, une Médecine humaniste qui ne soit pas uniquement centrée sur la technologie et sur la prestation. 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Il faudrait inscrire dans la Constitution que la santé est une tâche publique et que l’Etat fédéral a une responsabilité en matière de santé. On ne peut pas uniquement prôner la responsabilité des individus et la liberté économique, comme c’est le cas actuellement. Seulement l’Etat peut espérer contrôler la teneur en sucre ou l’excès de graisses dans notre alimentation, de même que veiller sur la consommation de tabac et autres nuisibles pour la santé.</p> <p>La Confédération et les Cantons devraient aussi repenser la coordination de leurs actions, sans arriver pour autant à un pur fédéralisme d’exécution. La Confédération pourrait s’occuper de la planification hospitalière, des soins très spécialisés, de la convergence des systèmes d’information, ainsi que de la gestion des risques environnementaux comme la pollution. 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En parallèle, il faudrait créer une instance indépendante qui puisse disposer de toutes les données nécessaires pour informer le politique dans ses décisions. Pour terminer, il faudrait que les acteurs-clés du système et les parlementaires s’engagent à être force de proposition, et à être liés par une charte d’engagement. Nous devrions aussi changer notre imaginaire, en sortant par exemple de la toute-puissance de l’hôpital.</p> <p><strong>Qu’entendez-vous par toute-puissance de l’hôpital?</strong></p> <p>D’après mon expérience, pour la population et pour les administrations il y a l’hôpital et puis le reste. On le voit dans les batailles menées par les communes pour garder les hôpitaux sur leurs territoires. Ceci explique en partie le fait qu’il y a encore trop d’hospitalisations en Suisse. L’hôpital est important, mais ça devrait se jouer davantage dans la communauté, avec les soins à domicile, les EMS, la médecine de premier recours. Il nous manque des institutions communautaires interprofessionnelles. Lorsque j’ai été à la Direction de la santé vaudoise nous avons essayé de voir comment éviter le recours à l’hôpital pour assurer une meilleure qualité des soins, et pour éviter l’engorgement des urgences. Nous avons par exemple conçu des plateformes de coordination des soins, et des organisations régionales, mais nous n’avons pas eu le temps politique d’aller jusqu’au bout de ces réformes.</p> <hr /> <h3 style="text-align: center;"><em>«Réaliser un nouveau cadre pour la santé n'est pas étatiser»</em></h3> <hr /> <p><strong>Je perçois dans vos propos une fibre étatiste.</strong></p> <p>Je lance un appel au politique. Ce serait un vœu pieux de penser que sans une vision politique claire les acteurs-clés seraient capables de repenser le fonctionnement global du système, de réarticuler les besoins de promotion de santé et de soins, de réajuster les structures tarifaires au profit des généralistes et des soins infirmiers, et de revaloriser la Médecine humaniste. Surtout que cela va comporter la re-discussion de certains privilèges historiques. Réaliser un nouveau cadre légal pour la santé n’est pas étatiser. Mais la loi ne peut pas tout. Mon activité de médecin m’a enseigné la solidarité, le respect de l’humain, et la compassion. Il faut déconstruire le pouvoir médical tel qu’il s’est érigé et le ramener vers plus d’humilité. Il y a actuellement une perte de sens chez les professionnels. Les médecins et les soignants en général sont écartelés entre des contraintes administratives et le besoin de temps pour les soins. 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Les économistes Chetty, Deming et Friedman des universités Harvard et Brown viennent de publier une étude approfondie sur les pratiques de recrutement dans les universités américaines. Dans leur travail, les auteurs croisent les données concernant 2,4 millions d’étudiants admis pendant les années 2010-2015 dans des universités américaines privées ou publiques très sélectives. Ils ont analysé des informations provenant des déclarations d’impôt fédérales, les résultats des tests d’admission, ainsi que les comptes-rendus des commissions de sélection. Ils ont ainsi mis en évidence l’impact des pratiques de sélection des universités privées les plus prestigieuses, membres de l’«Ivy-Plus» (Harvard, Princeton, Yale, Columbia, Brown, Cornell, Dartmouth, UPenn, Stanford, MIT, Duke, Chicago). Ces douze universités sont parmi les meilleures au monde. Elles accueillent moins de 0,5% des étudiants du système universitaire américain, mais elles ont par exemple formé plus de 10% des CEO qui paraissent dans le classement Fortune 500, un quart des membres du Sénat américain, ainsi que trois-quarts des juges de la Cour Suprême des cinquante dernières années. Contrairement à des universités publiques renommées comme l’Université de Californie à Berkeley, les universités Ivy-Plus privilégient fortement les enfants des familles les plus aisées.
Les résultats de l'étude
Pour comprendre les résultats de l’étude il faut se souvenir que, contrairement à ce qui se passe en Suisse, aux Etats-Unis il ne suffit pas d’avoir complété les études secondaires pour pouvoir s’inscrire dans l’université de son choix. L’admission se fait suite à un processus de sélection, qui se base sur les résultats obtenus à des tests standardisés. Tous les ans plus d’un million et demi de jeunes passent un examen pour obtenir une évaluation ACT, et un nombre équivalent passe le test SAT. Les résultats de ces tests, plus la moyenne des notes obtenues pendant les études secondaires (GPA score) décrivent leur qualité académique.
L’étude montre qu’à qualité académique équivalente les enfants du 1% des familles les plus riches ont deux fois plus de chances d’entrer dans les universités «Ivy-Plus» que les enfants des familles de la classe moyenne. Pour figurer parmi les 1% les plus riches, une famille doit avoir plus de 611’000 dollars de revenus par an. La classe moyenne est composée de familles avec des revenus annuels entre 83'000 et 116'000 dollars. Les enfants des familles les plus riches ont – dans le système éducatif américain – plus de facilité à obtenir de bons résultats scolaires et plus de chance de réussir les tests, mais ce n’est pas de ça qu’il s’agit dans l’étude en question. En plus de ces avantages initiaux, le processus de sélection renforce la discrimination basée sur la richesse.
Trois pratiques de sélection
Il serait faux de penser que le universités Ivy-Plus privilégient tout simplement les étudiants les plus riches directement sur la base des revenus de leurs familles. Ce sont en fait trois pratiques de sélection fondées sur d’autres principes qui portent à la discrimination mise en évidence.
Les universités américaines, et surtout les universités privées, accordent une grande importance à leurs anciens et anciennes élèves, qui sont souvent aussi parmi leurs soutiens financiers les plus généreux. L’idée de base que la relation entre une institution et ses diplômés ne s’interrompe pas après la fin des études est appréciable. Cela contribue à faire lien. Les diplômées et diplômés aident par exemple à faire connaître les formations de leurs universités auprès des éventuels futurs étudiants, et leurs soutiens financiers servent souvent à financer des bourses pour des jeunes qui n’auraient pas les moyens de payer les coûts de scolarité exorbitants demandés. Il est donc assez naturel que beaucoup d’universités donnent une préférence aux enfants d’anciens élèves ou de donnateurs. Cette pratique s’appelle «legacy admission». Elle explique 46% des avantages dont bénéficient les 1% les plus riches.
Une autre pratique est celle qui consiste à privilégier les étudiants et étudiantes qui pourraient renforcer les équipes sportives des universités. Vu la popularité de sports comme le basketball ou le football américain, on a du mal à s’imaginer que des enfants de riches puissent tirer un avantage systématique du recrutement d’athlètes dans les équipes universitaires. De plus, les universités Ivy-Plus ne sont pas celles avec les équipes les plus fortes dans ces sports populaires. Le mystère se dissipe lorsqu’on prend en compte des sports comme l’escrime, le tennis, ou la rame. La priorité accordée au recrutement d’athlètes d’élite explique 24% des avantages dont bénéficient les enfants des plus riches.
La troisième pratique déterminante est celle d’accorder une importance aux qualités non-académiques. C’est à ce niveau que l’environnement fourni par les écoles secondaires fréquentées par les jeunes des familles les plus aisées joue un rôle. Ces écoles proposent davantage d’activités extra-scolaires, offrent un encadrement plus serré, et s’occupent d’accompagner leurs élèves dans le passage vers l’enseignement supérieur, par exemple en rédigeant des lettres de présentation personnalisées. Ce vernis non-académique dont bénéficient les dossiers du 1% les plus riches explique 30% de leur avantage sur les étudiantes et les étudiants avec un bas revenu.
Comment diminuer les inégalités
Plusieurs universités américaines avaient abandonné la discrimination positive avant qu’elle ne soit condamnée par la Cour Suprême, tout en mettant en place des dispositifs qui corrigent les inégalités liées à l’origine socioéconomique. Certaines ont par exemple établi des contacts plus étroits avec les établissements d’enseignement secondaire afin de faciliter l’accès aux enfants méritants de familles défavorisées.
Chetty et ses coauteurs ont aussi étudié comment les universités Ivy-Plus pourraient corriger le biais au recrutement favorable aux plus riches. Ils montrent que dans le cas invraisemblable où ces universités abandonneraient les trois pratiques décrites précédemment, chaque université accueillerait environ 144 étudiantes et étudiants de plus issus de familles qui gagnent moins de 240'000 dollars par an. Toutes choses égales par ailleurs, cette augmentation serait équivalente à la diminution due à la suppression de la politique de discrimination positive désormais interdite. Vu la difficulté à supprimer les pratiques incriminées, les auteurs de l’étude proposent une politique d’admission alternative basée sur la prise en compte statistique de la situation socioéconomique des étudiants et des étudiantes ayant une très bonne performance académique. Ils démontrent qu’une telle politique porterait à une diversité socioéconomique comparable à celle obtenue en supprimant les trois pratiques qui actuellement accentuent les inégalités. Les universités Ivy-Plus pourraient donc concrètement contribuer à diversifier les origines socioéconomiques des leaders dans la société américaine.
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Le jour précédent recourrait le cinquantième anniversaire du début de la Guerre du Kippour. Surtout, la cruauté des actes perpétrés à cette occasion rappelle les razzia des tribus habitant la Péninsule arabe qui, en tuant et en violant, attaquaient les tribus adverses et repartaient en emportant les enfants. L’attaque du 7 octobre fut nommée en arabe par ses initiateurs le «Déluge d’al-Aqsa», qui invoque celui, envoyé par Allah, qui noya tous les mécréants. La référence au déluge souligne le caractère virtuose du massacre. 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Jusqu’aux Printemps arabes, le Hamas était proche de la ligne des Frères musulmans, et suivait une stratégie que l’un pourrait dire gestionnaire: il vitupérait Israël, mais avait instauré un <i>modus vivendi</i> qui semblait s’accommoder de la situation. Ceci faisait le jeu d’Israël. Après 2011, le Hamas se radicalise et s’éloigne des Frères, en se rapprochant de l’Iran, grâce à l’unique voyage à l’étranger de Sinwar. Netanyahou continue de croire que «chien qui aboie, ne mord pas», et fait en sorte que chaque semaine passent par l’aéroport Ben Gurion 40 millions de dollars en cash, provenant du Qatar à destination de Gaza. Une partie de ces sommes servira à construire les tunnels dont maintenant tout le monde est au courant. L’aveuglement du gouvernement israélien a été absolument remarquable. 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Or, la création de l’Etat juif et le déplacement de la population palestinienne sont une des conséquences de l’organisation du monde voulu par les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale. La Guerre contre l’Occident est menée par les pays de ce qui est appelé Sud Global sur le front des valeurs morales. Il s’agit essentiellement des pays BRICS+: Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Egypte, Emirats arabes unis, Ethiopie et Iran. D’après eux, la Shoah ne serait pas le pire qui soit arrivé: la colonisation est bien pire. De plus, la Shoah serait un «truc entre Blancs», qui a eu lieu il y a longtemps, et dont certains doutent même qu’elle ait eu lieu. Voilà le genre de position qui est soutenu par les leaders <i></i>de ces pays, et qui demandent maintenant aux colonisateurs de payer pour leurs méfaits. Je ne mets pas en doute la gravité de l’Apartheid, ni la posture morale d’un Mandela, mais je m’interroge sur le bien-fondé de telles revendications faites au nom de populations qui pour la plupart vivent sous des régimes autoritaires, et dont une grande partie n’a qu’une aspiration, à savoir émigrer vers le Nord tant vilipendé, qui semble donc encore fournir un espoir. C’est pourquoi je souligne l’inanité du clivage entre le Sud Global et le Nord occidental. Au nom de la morale on occulte la question démocratique, faisant ainsi le jeu de personnages comme Netanyahou ou Trump. Dans mon livre j’appelle l’Europe à mettre en avant ses valeurs démocratiques et sa capacité intégratrice, mais je constate avec dépit que l’idéologie et le clientélisme prennent de plus en plus de place, en se substituant à la recherche de la connaissance.</p> <hr /> <h4> <sup>1</sup>Dans sa longue carrière académique, le Professeur Gilles Kepel a formé des milliers d’étudiants à Sciences Po Paris, auprès de l’Ecole Normale Supérieure, et aux Etats-Unis aux universités Columbia et de New York. Il est l’auteur de nombreux ouvrages traduits dans une vingtaine de langues, où il élabore des éléments de pensée précieux pour analyser les enjeux d’événements qui ont secoué notre monde.</h4> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1714565128_9782259319621ori.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="319" /></p> <h4>«Holocaustes. 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Vu que les paysans dépendent de manière importante de paiements directs, certains les considèrent comme des sortes de fonctionnaires à leur service. Ainsi, si ces citadins pensent qu’il faut faire place au loup dans les montagnes au loin, les paysans n’ont qu’à s’exécuter. D’autres considèrent les paysans comme des paysagistes, ou pensent qu’ils sont carrément inutiles vu que la Suisse aurait les moyens d’acheter à l’étranger ce dont sa population a besoin. Ceux qui ne les connaissent pas peuvent avoir été surpris ou dérangés par les manifestations que les paysans ont organisées depuis le début de l’année.</p> <p>Lorsqu’ils ont commencé à manifester ils ont simplement retourné des panneaux à l’entrée de villages, pour dire que le monde marche sur la tête. Plus tard ils se sont réunis autour de feux avec leurs tracteurs, et ont explicité leur appel, leur SOS. Au dire des organisateurs les manifestations avaient pour objectif de rompre l’isolement, demander une plus grande reconnaissance, et rassembler afin de souder une profession traditionnellement morcelée, ainsi qu’établir un dialogue avec la population. Il s’est donc agi d’un appel pour attirer l’attention sur une situation ressentie comme difficile. Ce n’était pas une plainte, ni une demande de moyens. Cet appel quelque peu vague laisse transparaître un malaise profond, que les revendications plus précises, transmises au Conseil fédéral et à quatre détaillants, ne capturent pas complètement, même si elles ont été soutenues par 65'000 signatures récoltées en seulement 15 jours. L’appel demande une réflexion d’ensemble pour une refonte du système. 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De plus, le système est efficient: depuis les années 1960, la productivité du travail agricole a beaucoup augmenté et même davantage que dans d’autres secteurs de l’économie. Ainsi par exemple de nos jours dans une ferme certifiée bio la traite d’une centaine de vaches ne nécessite presqu’aucune intervention humaine, vu qu’elle peut être assurée par un robot. </p> <p>Il y a pourtant un revers à cette <i>success story</i>. Le taux de suicides est plus élevé dans le monde agricole, la solitude y est plus répandue, et les conditions de travail y sont très contraignantes. C’est un monde soumis à de nombreuses tensions. La réglementation changeante, les nombreux contrôles, les relations difficiles avec la grande distribution ajoutent de la pression à un travail déjà largement dépendant des conditions météorologiques et des aléas liés au vivant. 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En parallèle, il faudrait créer une instance indépendante qui puisse disposer de toutes les données nécessaires pour informer le politique dans ses décisions. Pour terminer, il faudrait que les acteurs-clés du système et les parlementaires s’engagent à être force de proposition, et à être liés par une charte d’engagement. Nous devrions aussi changer notre imaginaire, en sortant par exemple de la toute-puissance de l’hôpital.</p> <p><strong>Qu’entendez-vous par toute-puissance de l’hôpital?</strong></p> <p>D’après mon expérience, pour la population et pour les administrations il y a l’hôpital et puis le reste. On le voit dans les batailles menées par les communes pour garder les hôpitaux sur leurs territoires. Ceci explique en partie le fait qu’il y a encore trop d’hospitalisations en Suisse. L’hôpital est important, mais ça devrait se jouer davantage dans la communauté, avec les soins à domicile, les EMS, la médecine de premier recours. 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