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La transition énergétique passe par l’ex-colonie belge que Bruxelles courtise en multipliant les gestes symboliques.



Transition énergétique oblige, la demande en minérais stratégiques destinés à fabriquer les batteries rechargeables des voitures électriques connaît un boom spectaculaire qui va aller croissant. Car pour fabriquer des batteries, des éoliennes, des véhicules électriques, il faut du lithium, du cobalt, du cuivre, du manganèse, du tungstène, autant de minerais dont un pays d’Afrique centrale, la République démocratique du Congo (RDC), est abondamment pourvu. Premier producteur mondial de cobalt, quatrième de cuivre, ce pays abrite également les plus grandes réserves de lithium de roche dure, un minerai indispensable à la fabrication de véhicules électriques. 

Après la décision prise ce mercredi 29 juin par les Etats membres de l’Union européenne de renoncer aux véhicules à essence et à diesel d’ici 2035, pour n’autoriser à la vente que les seuls véhicules électriques, les pressions et les appétits vont encore s’aiguiser davantage autour du secteur minier congolais. Lequel, depuis plusieurs années, s’est mué en un véritable far-west, avec pillage et bradage en règle des richesses du sous-sol du pays par les entreprises occidentales et chinoises qui les exploitent, et l’aimable complicité de responsables politiques congolais. Sans oublier les pays voisins, tels le Rwanda et l’Ouganda, qui mènent depuis une vingtaine d’années une guerre sans fin dans l’est du pays, où ils se servent en or, coltan, bois précieux, au prix de souffrances sans fin pour les populations.

C’est dans ce contexte tendu mais prometteur en termes d’opportunités d’affaires que Philippe, roi des Belges depuis 2013, a effectué du 7 au 13 juin son premier voyage officiel en République démocratique du Congo. Dans le but de relancer la «coopération» entre les deux pays et tenter d’aplanir les tensions liées à leurs quelque 65 ans de passé colonial commun, qui ont ressurgi dans la foulée du mouvement «Black Lives Matter». Le roi des Belges s’est toutefois refusé à présenter des excuses comme l’espéraient certains Congolais, se contentant d’exprimer à nouveau ses «plus profonds regrets» pour les horreurs commises durant les six décennies de présence belge au Congo. Des atrocités incarnées par le retour à Kinshasa de la dent du leader indépendantiste Patrice Lumumba, déposée le 30 juin dans un mausolée à sa mémoire. Un scénario particulièrement macabre, puisque cette dent, conservée en Belgique par la fille du fonctionnaire belge qui l’avait assassiné, est tout ce qui reste de Patrice Lumumba, dont le corps fut découpé en morceaux et dissout dans de l’acide.  

Les actes symboliques posés par la Belgique durant ce mois de juin visent certes à contribuer à revisiter un passé que l’ex-puissance coloniale peine à regarder en face. Mais ils participent également de la volonté de Bruxelles de se maintenir dans la course, à l’heure où le sous-sol de la RDC suscite plus que jamais d’énormes convoitises. Les réserves identifiées de quelque 132 millions de tonnes de lithium, situées dans la région de Manono, devraient commencer à être exploitées l’année prochaine par une compagnie australienne, AVZ Minerals, qui en détient le permis d’exploitation. 

En novembre de l’année dernière, Kinshasa avait abrité un forum économique, le «DRC - Africa Business Forum», au cours duquel les autorités avaient évoqué des réserves de 400 millions de tonnes de lithium et 25 millions de tonnes de cobalt, faisant selon elles de leur pays «la solution dans la transition écologique et énergétique». A cette occasion, elles avaient insisté sur leur volonté de transformer le lithium sur place, pour y fabriquer des batteries de véhicules électriques. Et bénéficier ainsi, davantage qu’en exportant ce minerai brut, des formidables retombées économiques qui s’annoncent grâce à la généralisation de la voiture électrique. 

Actuellement, c’est la Chine qui est en pole position pour la fabrication de ces fameuses batteries. D’autres projets de construction d’usines de batteries au lithium sont prévus en Europe et en Amérique du Nord. La RDC risque donc de rencontrer des difficultés pour mobiliser les capitaux dont elle aurait besoin pour construire ses propres usines. L’avenir dira si les nouvelles opportunités qui s’annoncent permettront à ce pays d’en tirer quelque profit. Ou si la loi de la jungle et le désordre qui prévalent dans le secteur minier continueront à condamner les Congolais à y travailler dans des conditions infra-humaines, proches de l’esclavage, pour des salaires de misère. Des conditions qui, en somme, n’ont pas grand chose à envier au sort des travailleurs forcés du caoutchouc du temps du roi des Belges Léopold II.  

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