Chronique / God save the Queen et Jean-Luc Godard
La reine Elizabeth II et le réalisateur suisse Jean Luc Godard © Capture d'écran Youtube
La plume qui caresse ou qui pique sans tabou, c’est celle d’Isabelle Falconnier, qui s’intéresse à tout ce qui vous intéresse. La vie, l’amour, la mort, les people, le menu de ce soir.
Pendant que les politiques font de la logistique, les Dieux descendent de leur Olympe. Dimanche, c’est Elisabeth II d’Angleterre, 93 ans, qui s’est adressée à la télévision aux Britanniques et aux citoyens du Commonwealth depuis son château de Windsor. Mardi, c’est Jean-Luc Godard, 89 ans, qui parlait au monde depuis sa ville de Rolle, via le téléphone portable de l’ECAL et Instagram.
Deux événements qui semblent distants mais qui ont tout en commun, à tel point que je soupçonne une connivence à très haut niveau. Leur rareté, d’abord: le cinéaste vaudois – qui se préfère français – ne fait jamais d’apparition publique ou pose des lapins à répétitions, que ce soit à Cannes ou à la Chaux-de-Fonds. The Queen, en 68 ans de règne, n’avait livré que quatre interventions télévisées de cet acabit. Leur concomitance: à deux jours l’un de l’autre, c’est moins qu’il n’en a fallu au Christ pour ressusciter. Leur retentissement, ensuite: ces deux apparitions ont été suivies dans le monde entier, faisant les gros titres des médias malgré le babil incessant des people et autres semi-célébrités confinées de St-Germain-des-Prés à Hollywood.
C’est que Sa Majesté et JLG sont beaucoup plus que des people: ce sont des mythes, des légendes vivantes, des icônes à qui tout un peuple hétéroclite - bien au-delà des simples sujets de sa Majesté ou des cinéphiles - voue un véritable culte.
Elisabeth II comme Godard ont ainsi été écoutés religieusement – c’est-à-dire que ce qu’ils disaient n’avait dans le fond aucune importance, et qu’une messe en latin aurait eu le même effet. D’ailleurs, ni l’un ni l’autre n’a réellement marqué par le fonds de son discours. Emouvants certes, empathiques et rassembleurs, les mots de la Reine appartiennent au vocabulaire officiel convenu: «autodiscipline», «camaraderie», «victoire». Quant à l’aimable babil décousu de Godard, préférant téter son cigare plutôt que de terminer ses phrases ou rendre son élocution intelligible, il a surtout donné l’envie de se précipiter sur les dernières interviews de Michel Serres.
Mais les véritables preuves qu’ils sont de mèche se nichent dans les détails: il a suffi que l’un et l’autre cite qui une chanteuse, qui un philosophe, pour que l’on se précipite sur la chanson «We'll meet again» de Vera Lynn, à laquelle Elisabeth II a fait allusion, et l’ouvrage Recherches sur la nature et les fonctions du langage de Brice Parain, cité par Godard comme l’ayant poussé à arrêter de parler durant un an à l’adolescence. Or, l’ouvrage de Parain est paru en 1943 chez Gallimard. Et la comédie musicale We'll Meet Again, dans laquelle Vera Lynn avait le premier rôle, a été lancée en… 1943!
Cerise sur le gâteau: si la Reine portait une robe – et sa broche – verte, le pull en V qui tenait chaud à Jean-Luc Godard était d’un égal, et surprenant, vert. Vous pensez couleur de l’espoir et de la chance? Que nenni: c’est clair, tout comme les Martiens, ces petits hommes verts qui intriguent les terriens depuis la nuit des temps, Godard et la Reine d’Angleterre ont tenu à nous rappeler l’insigne honneur qu’ils nous ont fait cette semaine en descendant se mêler à nous. Joyeuses Pâques!
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Le parlement vaudois vient ainsi d’accepter par une large majorité un postulat proposé par les Verts visant à encourager l’installation de toilettes unisexes, estimées plus inclusives pour les personnes intersexes et transgenres, tout autant que pour les accompagnants de handicapés, dans les lieux publics tels que les cafés et restaurants.</p> <p>Au moment donc de dire adieu aux WC genrés, je suis prise d’une irrésistible nostalgie préventive pour les toilettes des filles. Et je supplie les décideurs ès toilettes de ne pas oublier les aspects non utilitaires de ces endroits ou souvent, la petite ou la grosse commission sont la dernière des préoccupations. Dans ma vie, aux toilettes: je me suis changée, je me suis maquillée, j’ai brossé mes dents, j’ai pleuré de chagrin, j’ai vomi, j’ai révisé, j’ai sorti ma feuille de triche, j’ai tenu des conseils de guerre avec des amies, j’ai débriefé au téléphone des rancarts en cours, j’ai consolé d’autres amies, j’ai fumé en cachette, j’ai quémandé des tampons hygiéniques, j’ai embrassé des garçons qui ne devaient pas être là, j’ai attendu que le temps passe, je me suis cachée.</p> <h3>«Laissez-nous ces lieux dénués de testostérone, de pipis sur la lunette, de drague hétéro lourde»</h3> <p>Des toilettes de filles, pour une fille, c’est un lieu où, imperceptiblement, inconsciemment, on se relâche, on baisse la garde, un pseudo-gynécée intermédiaire entre l’intimité et le monde extérieur. Bienvenue à touxtes celles et ceux qui se sentent femmes, se pensent femmes, se considèrent femmes, mais de grâce, laissez-nous ces lieux dénués de testostérone, de pipis sur la lunette, de drague hétéro lourde, de regards en coin. Laissez-nous des endroits entre-deux où être entre nous pour parler des Autres, laissez-nous ce salon où l’on cause, où l’on «papote» − terme que jamais les mâles hétéros cisgenres n’utilisent les concernant.</p> <p>Certes, les toilettes unisexes ouvrent des perspectives ludiques et sympathiques de gais batifolages entre hétéros cisgenres, ce qu’on ne pouvait pas faire du temps où un garçon pénétrant dans les toilettes des filles se faisait virer manu militari. Mais les toilettes unisexes vont forcément aussi donner quelques idées aux mâles tripoteurs ravis de cette promiscuité facilement gagnée. C’est ainsi. Je ne sais pas si les hommes hétéros se réjouissent ou non des toilettes unisexes. Je m’en fiche. Je prêche pour ma paroisse. 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Il faudrait lui dire merci parce que grâce à lui et à son journal, <em>La Liberté</em>, on peut savoir ce que pense Paul Clément de Fribourg et tous les autres Paul Clément du monde.</p> <p>Je suis abonnée à plusieurs lettres d’information qui ne reflètent pas ma vision du monde. Je lis des publications émanant de milieux dont je ne partage pas les opinions. Je lis des livres qui ne me plaisent pas mais dont je sais qu’ils plaisent à d’autres, à beaucoup d’autres. Je lis les lettres de lecteurs et lectrices des journaux d’ici et d’ailleurs parce qu’elles me donnent l’occasion de savoir ce que pensent non seulement les journalistes mais également leur lectorat, mes semblables, mes frères.</p> <h3>Savoir comment pense son voisin</h3> <p>Je considère que connaître l’Autre est la base de toute vie en société. 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Sans le vouloir, tout fiérot de sa prose printanière guillerette et coquine, les sens en émoi après quelques rayons de soleil, héritier d’une culture de lubricité machiste la plupart du temps inoffensive mais très agaçante, Paul Clément s’est retrouvé exposé d’une manière qu’il n’imaginait pas. Que sa lettre de lecteur mérite ou pas le torrent de haine qu’elle suscite depuis sa publication lundi dans <em>La Liberté</em>, elle nous donne l’occasion d’exprimer à notre tour ce que nous pensons des gambettes des «nymphettes». Savoir ce que pense Paul Clément est utile. Cela nous apprend à réagir, à dire à nos filles de se méfier, et surtout nous permet de réaffirmer ce à quoi nous croyons. Encourageons la liberté de toutes les expressions, même celles qui nous déplaisent, pour mieux affuter les nôtres! Et, peut-être, si possible, convaincre.</p> <p>Car que voulons-nous? Voulons-nous couper le caquet à tous les Paul Clément du monde? Ne pas les entendre? Ou leur faire changer d’avis? 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Lagom 10.04.2020 | 11h07
«La rareté des interventions affûte & aiguise le Charisme. 1940 - 2020, à 80 ans de distance, la même personne du même endroit s'adresse à son peuple, c'est magnifique! Personnalité exceptionnelle. Godard, presque oublié, est redevenu d'une importance relative grâce à vos lignes. Comparaison n'est pas raison. Très bon article, votre plume ne déçoit jamais.»