Actuel / Tridel, douze ans de promesses schizophrènes
Il y a douze ans, l’usine d’incinération de déchets, Tridel, basée à La Sallaz était mise en service. Avec beaucoup de promesses et un certain nombre d’interrogations. © BPLT / 2018
Il y a douze ans, l’usine d’incinération de déchets, Tridel, était mise en service. Avec beaucoup de promesses et un certain nombre d’interrogations. Comment justifier la capacité d’incinération de ce mastodonte au centre de Lausanne? Pour quelles raisons a-t-on dû importer des déchets de l’étranger? Pourquoi 70 passages de véhicules quotidiens sont-ils encore générés par l’activité de l’usine, malgré le tunnel ferroviaire? Pour comprendre les enjeux, Diana-Alice Ramsauer est partie visiter l’imposant four de la Sallaz.
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Je vous invite volontiers à rester prostré quelques instants devant ma bibliothèque pour observer l’étendue de mon inutilité. On pourra même boire ensemble un verre de vin inutilement bon, en tenant des théories inutilement longues. Mais pour que le futile ait du sens, il faut encore qu’il soit bien réalisé. Et chers artificiers, on peut parfois se demander dans quelle direction vous avez projeté votre conscience professionnelle.</p> <p>Justement, à votre tour messieurs-dames les professionnels de la pyrotechnie. Oui, vous vous plaignez d’une baisse drastique des commandes pour cette fête nationale. Les principaux feux ont été annulés un peu partout. Votre chiffre d’affaires a chuté d’environ 80% en Suisse cette année. Ayons s’il vous plaît une seconde réflexive: au plus profond du confinement, un certain nombre d’activités professionnelles ou de loisir avaient été citées comme irremplaçables, bénéfiques à notre société, souhaitables même. Faites la liste. 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Certains postulent alors un changement radical de philosophie, mais ceux qui l’emportent sont les «environnementalistes». Pour eux, les déchets doivent être vus comme une chose à organiser, à gérer, à «manager». Ainsi, au lieu de créer une «écologisation de l’économie», c’est-à-dire remettre en cause la conception et la production du déchet, les autorités appliquent une stratégie de «mise en économie de l’environnement» que l’on peut résumer par «la bonne gestion des déchets et aussi celle qui est rentable». Et c’est là que le citoyen responsable (et culpabilisé) entre en scène.</p><h3>Le déchet ou le cheval de Troie du «waste managment» </h3><p>«Pour le valeureux soldat de l’armée verte, pour l’écocitoyen, il reste possible, moralement acceptable, d’acheter une bouteille d’eau minérale, car si elle est bien jetée, elle sera recyclée.» Cette réflexion a été intégrée par bon nombre de gens dans nos sociétés occidentales. 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Toujours à sa façon, en tentant d’intéresser la catégorie qui semble le moins se préoccuper de ces thèmes grâce à des formats nouveaux, dynamiques, courts. Les vidéos «speech» (une prise de parole de quelques minutes face caméra de personnalités politiques ou non <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bWvcmQVQEQA">ici par exemple de Jean Ziegler</a>) voient le jour. L’arrivée de la nouvelle star du journalisme Hugo Clément achève la transformation. 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La «verticale» helvète, créée en juillet 2017 démarre gentiment: «On peut compter environ à 3 millions d’utilisateurs non uniques en une année», annonce le trentenaire qui s’est formé à la RTS. Ce jour-là, les trois derniers articles publiés parlaient de l’ouverture de la Migros à la vente de sextoys, de l’utilisation du cannabis dans des EMS et d’un jeu dissimulé dans l’application des CFF. On est plus du côté de «infotainment» que de l’info pure.</p><p><em>Konbini</em> Suisse va-t-il aussi s’intéresser aux grands thèmes politiques 2019? «Certainement, répond Antoine Multone, mais il s’agit de trouver des angles qui touchent les jeunes.» Pour les élections fédérales, la petite rédaction veveysane compte se concentrer sur la pauvreté, le climat et les questions de genre, de sexualité et plus généralement des minorités. 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Mais il très peu fréquenté, car l’essentiel se passe ailleurs: la majorité de ses consommateurs et consommatrices sont sur les réseaux sociaux, le média joue à fond le jeu des plateformes qui utilisent les algorithmes. </p><p>Antoine Multone ne ménage pas ses critiques face aux réseaux sociaux. Non, il ne soutient pas les logiques de ce monde-là. Mais en même temps, il s’y résigne: si c’est la seule manière de parler à sa génération, il veut bien appréhender cette collaboration «tout au plus comme une contrainte» et non comme une perte de liberté. <em><strong><br></strong></em></p><blockquote><p><em><strong>«L’humain est paresseux, </strong></em>analyse-t-il, un peu fataliste.<em><strong> Il aime qu’on lui montre ce qu’il veut voir. Oui, c’est parfois frustrant. Mais dans tous les cas, on ne peut pas le forcer à porter de l’attention sur ce qui ne l’intéresse pas. Ce qu’il nous reste à faire, c’est diversifier les plateformes. 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Un blason à redorer
Les responsables de l’usine d’incinération Tridel ont récemment pris la décision d’arrêter toute importation de déchets venus de l’étranger – car oui, jusqu’à cette année, des ordures principalement ménagères venaient des pays voisins et particulièrement de l’Italie du Nord (6% en 2017). Selon Jean-Philippe Petitpierre, administrateur délégué de Tridel et guide, cette importation était «pratique». Elle permettait en effet d’apporter de l’énergie supplémentaire pour l’usine: un pouvoir calorifique nécessaire pour lancer la machine au début de sa mise en marche, alors que la région de Nyon n’était pas encore reliée à Lausanne (un périmètre qui a rejoint Tridel en 2013). «Une manière de combler un manque en attendant», commente-t-il.
Il aura fallu pourtant cinq ans après l’arrivée de la région de Nyon pour que cette importation provisoire cesse. «Nous avons pris cette décision pour l’image de marque: comme nous n’avons effectivement plus besoin aujourd’hui de ces déchets, il est plus judicieux d’arrêter. Si nous avions continué, cela aurait supposé que l’usine était surdimensionnée, alors que ce n’est pas le cas.» On notera pourtant que Tridel pourra si besoin à nouveau importer des déchets d’ici cinq ans, décision ensuite renégociable tous les deux ans par le Conseil d’administration.
L'intérieur de l'usine de Tridel. © BPLT / 2018
Nos poubelles chauffent moins que prévu
Si aujourd’hui, il n’y a plus besoin de faire venir de la matière incinérable de l’étranger, c’est que, selon l’administrateur délégué de Tridel – qui se dit «intéressé par la problématique des déchets», mais «pas écolo» – «l’usine tourne à son potentiel le plus optimal.» A en juger les prévisions pourtant données lors des présentations du projet, Tridel devait se charger de 140'000 tonnes alors qu’elle accueille actuellement plus de 180'000 tonnes.
«Tridel dépend du pouvoir calorifique de ces déchets. Ainsi, l’usine Tridel avec une puissance de ses fours de 80 MW, peut absorber entre 140'000 tonnes/an (avec un pouvoir calorifique des déchets de 14,5 MJ/kg tel que prévu dans les plans de dimensionnement à la construction de l’usine), et 180'000 tonnes de déchets (avec PCI des déchets à 12,5 MJ/kg comme aujourd’hui)» (selon la réponse de la municipalité à l’interpellation de M. Xavier Company et consorts déposé le 14 novembre 2017).
En clair, les spécialistes du projet prévoyaient que nos déchets allaient mieux chauffer. La variation est tout de même de 30% environ, une marge d’erreur importante qu’explique Jean-Philippe Petitpierre par la différence du contenu de nos poubelles: il y a par exemple trop de biodéchets (composés en grande partie d’eau). D’autres facteurs pourraient également être cause de cette différence, mais ils ne seront pas évoqués lors de l’entretien, M. Petitpierre n’ayant pas les données en tête.
Passons maintenant à la promesse de transporter au moins 60% des déchets par train. Les tout derniers chiffres donnés par l’administrateur délégué de Tridel montrent que 45% des 180'000 tonnes environ ont en moyenne emprunté la voie ferroviaire en 2018. La différence entre l’objectif et la réalité, Jean-Philippe Petitpierre l’explique majoritairement par des travaux de maintenance du tunnel entre Sébeillon et Tridel et qui ont eu lieu entre 2017 et 2018. Il ajoute par ailleurs que sur la fin de cette année, les chiffres se rapprochent des 50%. Il ne peut pourtant pas assurer que «l’objectif des 60%» sera atteint en 2019.
Des wagons de bennes Tridel attendent sur les rails entre les quartiers de Malley et Sébeillon. © BPLT / 2018
Aujourd’hui, environ 70 mouvements journaliers de véhicules sont générés sur les routes pour acheminer les déchets vers l’usine malgré le tunnel construit notamment pour éviter ces nuisances. Cela remet en cause le choix (historique) d’avoir posté Tridel au milieu d’un quartier d’habitations. La fumée s’échappant de la cheminée est un autre facteur qui pose questions au niveau écologique.
Des visées schizophréniques
Les réponses de l’administrateur délégué de Tridel sont claires et maîtrisées. La communication est optimale. «Le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas», écrivait le vice-président du conseil d’administration de Tridel dans le rapport de gestion 2017. Un parti pris un peu schizophrène s’il en est. Comment l’usine pourrait-elle fonctionner si les déchets devaient, à long terme, devenir insignifiants? Recommencerait-on à importer des sacs poubelles venus de l’Italie ou d’ailleurs?
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Je vous invite volontiers à rester prostré quelques instants devant ma bibliothèque pour observer l’étendue de mon inutilité. On pourra même boire ensemble un verre de vin inutilement bon, en tenant des théories inutilement longues. Mais pour que le futile ait du sens, il faut encore qu’il soit bien réalisé. Et chers artificiers, on peut parfois se demander dans quelle direction vous avez projeté votre conscience professionnelle.</p> <p>Justement, à votre tour messieurs-dames les professionnels de la pyrotechnie. Oui, vous vous plaignez d’une baisse drastique des commandes pour cette fête nationale. Les principaux feux ont été annulés un peu partout. Votre chiffre d’affaires a chuté d’environ 80% en Suisse cette année. Ayons s’il vous plaît une seconde réflexive: au plus profond du confinement, un certain nombre d’activités professionnelles ou de loisir avaient été citées comme irremplaçables, bénéfiques à notre société, souhaitables même. Faites la liste. 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Certains postulent alors un changement radical de philosophie, mais ceux qui l’emportent sont les «environnementalistes». Pour eux, les déchets doivent être vus comme une chose à organiser, à gérer, à «manager». Ainsi, au lieu de créer une «écologisation de l’économie», c’est-à-dire remettre en cause la conception et la production du déchet, les autorités appliquent une stratégie de «mise en économie de l’environnement» que l’on peut résumer par «la bonne gestion des déchets et aussi celle qui est rentable». Et c’est là que le citoyen responsable (et culpabilisé) entre en scène.</p><h3>Le déchet ou le cheval de Troie du «waste managment» </h3><p>«Pour le valeureux soldat de l’armée verte, pour l’écocitoyen, il reste possible, moralement acceptable, d’acheter une bouteille d’eau minérale, car si elle est bien jetée, elle sera recyclée.» Cette réflexion a été intégrée par bon nombre de gens dans nos sociétés occidentales. Ainsi, «sous couvert d’un argumentaire orienté vers la protection de l’environnement, bien jeter est devenu un moyen pour pouvoir continuer à (mieux) consommer.» </p><p>Illustration du propos. Le groupe Coca-Cola s’est par exemple engagé à un monde sans déchets d’ici 2030. Pourtant, selon les découvertes de<em> Cash investigation </em>en 2018, dans la pratique, seul 7% du plastique contenu dans les bouteilles en PET provient du recyclage. Trier est donc un geste louable, mais il permet surtout à la marque de continuer à vendre ses produits sous couvert de bonne conscience. </p><p>Deuxième exemple: les campagnes de ramassages d’ordure sur les bords de lacs ou de mer, dans les montagnes, dans les forêts. Bon nombre d’entre elles ont été instiguées à la base par des consortiums liés aux industries de boissons ou d’emballages à usage unique, comme Keep Amercia Beautiful, fondé en 1953. La logique derrière? 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Toujours à sa façon, en tentant d’intéresser la catégorie qui semble le moins se préoccuper de ces thèmes grâce à des formats nouveaux, dynamiques, courts. Les vidéos «speech» (une prise de parole de quelques minutes face caméra de personnalités politiques ou non <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bWvcmQVQEQA">ici par exemple de Jean Ziegler</a>) voient le jour. L’arrivée de la nouvelle star du journalisme Hugo Clément achève la transformation. 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La «verticale» helvète, créée en juillet 2017 démarre gentiment: «On peut compter environ à 3 millions d’utilisateurs non uniques en une année», annonce le trentenaire qui s’est formé à la RTS. Ce jour-là, les trois derniers articles publiés parlaient de l’ouverture de la Migros à la vente de sextoys, de l’utilisation du cannabis dans des EMS et d’un jeu dissimulé dans l’application des CFF. On est plus du côté de «infotainment» que de l’info pure.</p><p><em>Konbini</em> Suisse va-t-il aussi s’intéresser aux grands thèmes politiques 2019? «Certainement, répond Antoine Multone, mais il s’agit de trouver des angles qui touchent les jeunes.» Pour les élections fédérales, la petite rédaction veveysane compte se concentrer sur la pauvreté, le climat et les questions de genre, de sexualité et plus généralement des minorités. 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En bon français: de la publicité et du publireportage sous forme numérique. Le mélange de contenu rédactionnel et publicitaire, une pratique qui fait bondir les consœurs et confrères soucieux d’éthique, mais qui se répand depuis quelques années jusque dans les titres les plus prestigieux. </p><p>Dans le cas précis de <em>Konbini</em>, il est certain que les revenus publicitaires sont liés au fort trafic que génèrent les publications du média. Plus il y aura de personnes touchées par le contenu éditorial, mais également par la mise en valeur de certaines marques – et le bât blesse lorsqu’il n’y a pas une différenciation claire des deux – plus les entreprises seront intéressées à investir dans du contenu <em>brandé</em>. </p><p>La question est donc primordiale: le rapport d’interdépendance entre le média, son canal de diffusion (majoritairement les réseaux sociaux) et les marques permet-il réellement de faire du «vrai journalisme», comme le déclarait Hugo Clément en 2017? 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2 Commentaires
@Mariacallas123 25.12.2018 | 20h47
«Quelle candeur! Admirable! Su j’étais l’administrateur de Tridel, j’engagerais la journaliste comme porte parole....elle sait bien ne pas poser les bonnes questions.....
Bon pour la déchetterie...»
@Lagom 28.12.2018 | 16h31
«@mariacallas123. L'occasion est belle pour connaître les bonnes questions, de votre part si possible. Merci d'avance, »