Actuel / Le flicage des assurés, jusqu'où?
Détectives, filatures, enregistrements secrets, localisation par GPS et même peut-être des drones pour traquer ceux qui fraudent les assurances sociales; © Pixabay
Pour traquer les abus aux assurances sociales, la Suisse s'apprête à confier à des détectives privés des pouvoirs supérieurs sur certains points à ceux de la police quand elle pourchasse des criminels. Les protestations se multiplient. Un référendum a été lancé. Pour plus d'un spécialiste du droit, le parlement a perdu le sens des limites.
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En 2014 également, lors du scrutin sur l’immigration de masse, la tendance n’avait commencé à évoluer en faveur du oui que peu avant la votation.</p><p>Les partisans du rejet semblent désécurisés par la stratégie de campagne de l’UDC. Un style nettement plus modéré que d’ordinaire, des arguments plus techniques aussi. Avec, à la clé, une efficacité qui n’en semble pas moins redoutable. Dimanche prochain, tout le monde prévoit que le résultat sera serré.</p><h3>«Quand le peuple a parlé, il doit être obéi»<br></h3><p>Les défenseurs des droits de l’homme s’étaient préparés à en découdre avec une argumentation tranchée. Pour eux, le scrutin allait être un vote pour ou contre les droits fondamentaux. Las, l’UDC a largement évité le combat sur ce terrain. La Convention européenne des droits de l’homme? Nous ne la remettons pas en cause, assurent, la bouche en cœur toutes les voix du parti. Vrai ou faux, c’est évidemment une autre histoire, mais cela a permis à l’UDC de mener sa campagne pratiquement sur un seul front: celui de la démocratie directe et de la souveraineté populaire.</p><p>En Suisse, c’est le peuple qui décide et quand il a parlé, il doit être obéi: tel est en substance le message de l’UDC. Le peuple ne veut-il plus que l’on construise des minarets en Suisse? On n'en construira plus un seul, et les juges – au Tribunal fédéral ou à Strasbourg – ne doivent plus pouvoir passer outre et ordonner le contraire. Que répondre à cela? Qu’objecter à un discours qui prétend exercer le monopole de la défense de la démocratie directe? Laissera-t-on l’UDC prendre la souveraineté populaire en otage en s’en déclarant la seule vraie dépositaire?</p><h3>Quelle voie choisira la Suisse?<br></h3><p>Ces questions résument un enjeu essentiel de la votation: le 25 novembre marquera-t-il ou non une nouvelle rupture, et cette fois plus profonde que les précédentes, entre le peuple et les «élites», entre la démocratie directe et l'Etat de droit, entre le pouvoir des citoyens et celui des juges? La réponse qui y sera apportée dimanche aura un impact considérable. Elle indiquera la voie que la Suisse suivra ces prochaines années, plus ou moins proche de l'Europe, plus ou moins distante du chemin nationaliste et conservateur vers lequel tendent désormais, en Occident, des forces toujours plus actives dans des pays toujours plus nombreux.<br></p><p>Dans l’immédiat, un oui le 25 novembre aurait pour effet le plus probable de rouvrir le débat pourtant clos sur la compatibilité avec la Convention européenne des droits de l’homme de l’internement à vie, de l’interdiction des minarets, du renvoi des délinquants étrangers. La conformité avec l’accord sur la libre circulation des personnes de l’initiative contre l’immigration «de masse» devrait également être rediscutée, mais les Suisses risquent d’être de toute façon appelés à se prononcer spécifiquement sur le maintien ou non de cet accord, l’UDC ayant lancé une autre initiative à cet effet.</p><h3>Incertitude permanente<br></h3><p>Et après? A plus long terme, l’initiative «pour l’autodétermination» engendrera une incertitude permanente sur le sort des traités en question. L’UDC pourra revendiquer une adaptation de ces textes et, en cas de refus de nos partenaires – hypothèse la plus probable – une dénonciation. Mais par qui? Le Conseil fédéral? Le Parlement, voire le peuple? L’initiative laisse sans la moindre réponse ces questions pourtant essentielles. Il s’ensuivra immanquablement une confusion totale, sur le plan juridique aussi bien que politique. L’UDC aura alors le champ libre pour mener ce qui pourrait ressembler à une sorte de guerre de harcèlement dans laquelle la volonté populaire sera constamment opposée au refus de la «classe politique» de s’y plier.</p><p>C’est en cela qu’on peut dire qu’avec cette initiative, la souveraineté populaire risque d’être prise en otage par l’UDC. Le journaliste Yves Petignat a très justement observé dans l’une de ses récentes <a href="https://www.letemps.ch/opinions/initiative-juges-etrangers-peuple-contre-democratie">chroniques</a> du <em>Temps </em>que la question à laquelle les Suisses répondront le 25 novembre va bien au-delà de ses aspects constitutionnels et juridiques, par ailleurs difficiles à saisir et à expliquer: «C’est la nature même de notre démocratie qui est en question.» Et de conclure en soulignant la parenté entre l’initiative de l’UDC et cette démocratie «illibérale» qui monte dans plusieurs pays européens et aux Etats-Unis, brillamment analysée par l’universitaire américain Yascha Mounk dans son ouvrage «Le peuple contre la démocratie» (Editions de l'Observatoire, 2018) récemment publié en français et dont <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/le-peuple-contre-la-democratie-comprendre-le-populisme"><em xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml">Bon pour la tête</em></a><em></em> a rendu compte.</p><h3>Le peuple n'est pas un gros mot<br></h3><p>La question centrale à laquelle cherche à répondre Yascha Mounk n’est pas seulement de savoir de quoi se nourrit le populisme mais aussi comment le combattre. Et le brio de son analyse tient en particulier à la capacité du jeune intellectuel à penser contre son propre camp, celui des élites progressistes et cosmopolites. La lutte sera difficile, prévient-il, et il faudra la mener, en partie au moins, sur le terrain même que se sont choisi les populistes. Par exemple en cessant de leur abandonner l’idée de la nation et en réparant une économie déréglée par la mondialisation.</p><p>Si l’on cherchait à tirer les enseignements du livre de Mounk pour le combat contre l’initiative de l’UDC, on pourrait commencer par dire que le peuple n’est pas un gros mot, la souveraineté non plus, mais que le peuple est infiniment trop précieux pour être laissé aux populistes. Or c’est exactement ce qui risque d’arriver si d’aventure le oui devait l’emporter dimanche prochain.</p><p>Les milieux économiques et les partis de la droite classique ont eu raison de ne pas s’en tenir exclusivement à la défense des droits de l’homme et de chercher à contrer l’UDC sur le terrain même et au nom de la démocratie directe. A<em> Arena</em>, la grande émission de débat de la télévision alémanique, le PLR Philipp Müller a par exemple rappelé que le peuple a déjà et depuis longtemps le dernier mot sur toutes les questions importantes et que la seule et bonne manière d’arbitrer une contradiction entre un texte constitutionnel et un traité approuvé antérieurement est de poser loyalement et directement la question au peuple.</p><h3>La part de responsabilité du Conseil fédéral<br></h3><p>A partir de là, tous les problèmes évoqués souvent dans la confusion lors de cette campagne s’éclairent. Certes, le peuple a décidé qu’aucun minaret ne serait plus construit en Suisse. Il n’a toutefois pas donné son aval en même temps à une dénonciation de la Convention européenne des droits de l’homme pour le cas où, un jour, la Cour de Strasbourg devait juger cette interdiction inapplicable. Il faut donc admettre que la Convention et les décisions des juges européens continuent à lier la Suisse, et qu’elles continueront à le faire jusqu’à ce que le peuple soit consulté et approuve, le cas échéant, une dénonciation de ce texte.</p><p>Simples en apparence, ces principes supposent un changement en profondeur de la part du Conseil fédéral. Le gouvernement a trop souvent laissé dans le flou les conséquences de l’acceptation d’une initiative contraire à des engagements internationaux. S’agissant de l’initiative contre l’immigration de masse, il a même laissé entendre avant la votation que ce texte contraindrait la Suisse à dénoncer l’accord sur la libre circulation des personnes, avant de finir, trois ans plus tard, par soutenir l’exact contraire. Un tel revirement est délétère et contribue lourdement à entretenir le soupçon que le gouvernement et le Parlement ont cessé d’obéir au peuple.</p><p>Si l’initiative est rejetée dimanche, il ne faudrait surtout pas renoncer à instiller une forte dose de pédagogie démocratique afin que les citoyens soient désormais au clair sur les raisons pour lesquelles les autorités privilégient, exceptionnellement, un accord international sur le résultat d’une votation. 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L’Italie? «Ce que dit Salvini donne la chair de poule». </p><p>Dick Marty sait que tous les historiens et tous les politologues sont loin d’être d’accord avec cette thèse, mais il maintient que la situation actuelle rappelle les années 30. Parmi les explications, il voit tout à la fois la révolte des couches qui se sentent menacées par des catégories sociales encore plus défavorisées, l’évolution des technologies, et le fait que «les élites politiques n’ont pas été exemplaires.»</p><p>L’idéologie néolibérale, «qui n’a rien à voir avec le libéralisme», porte une lourde responsabilité dans les dérèglements actuels. C’est un «poison» et un jour ce modèle va se casser, est convaincu Dick Marty. Face à ces défis, l’Europe doit s’unir encore plus. Comment? En n’hésitant pas à créer une Europe à plusieurs vitesses. L’Europe s’est agrandie trop vite, son fonctionnement à 28 ou 27 ne permet plus d’avancer. «Il faut des locomotives», sinon il y a un risque de nivellement par le bas. 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A 13 ans, il adhère au parti social-démocrate allemand, le SPD, mais il en démissionne en 2015 par une retentissante lettre ouverte publiée dans <em>Die Zeit</em>, critiquant notamment l’attitude de son parti dans la crise grecque.</p><p>L’élection de Donald Trump en 2016 – qu’il a vivement combattue –, le renforce encore dans ses convictions: l’ère de la stabilité démocratique, où libertés individuelles, Etat de droit et suffrage universel semblaient devoir aller immuablement de pair, pourrait bien toucher à sa fin. Mais là où beaucoup croient avoir fait le tour de la question en alertant sur le retour possible d’un fascisme plus ou moins mal dissimulé, Yascha Mounk, lui, développe une pensée beaucoup moins attendue.</p><p>La montée du populisme, nous dit Mounk – et ce constat est troublant –, a quelque chose à voir avec l’hypertrophie de l’appareil administratif et judiciaire entraînée par le développement de l’Etat de droit dans les démocraties occidentales. 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Au contraire, c’est bien parce que le populisme a une légitimité démocratique que les lendemains qu’il annonce risquent d’être sinistres.</p><p>Tout l’intérêt de la pensée de Mounk est de récuser les analyses qui se contenteraient d’opposer à la démocratie anti-libérale ce qu’il appelle un libéralisme anti-démocratique, c’est-à-dire une forme d’organisation politique qui protégerait efficacement les droits des individus et des minorités et prendrait des décisions parfaitement raisonnables mais qui, par défiance, cesserait de croire au suffrage universel comme à la seule légitimité possible de tout gouvernement.</p><p>La position de Mounk le place à contre-courant d’un autre politologue, l’Allemand Jan-Werner Müller, pour qui les mouvements populistes sont d’inspiration antidémocratique par essence. <em><strong><br></strong></em></p><blockquote><p><em><strong>«Je crains, </strong></em>écrit Mounk<em><strong>, que le refus de reconnaître qu’il y a quelque chose de démocratique dans l’énergie qui les a propulsés au pouvoir ne nous empêche de comprendre la nature de leur force d’attraction et rende plus difficile de réfléchir de manière prudente et créative à la façon de les arrêter.»</strong></em></p></blockquote><p>Au chapitre des remèdes justement, Yascha Mounk accorde une grande place à ce qu’il appelle «réparer l’économie». Car à lui seul, le fait que le citoyen de 2018 ait moins de pouvoir que celui de 1958 ne suffit pas à expliquer le populisme. Les «Trente Glorieuses» avaient fait reculer les inégalités. La mondialisation les a accentuées à nouveau. Les générations d’après-guerre ont vécu avec la conviction que la vie serait plus facile pour celles qui suivraient. Cet optimisme a disparu, note Mounk. Les études qu’il cite montrent que neuf Américains sur dix nés en 1940 gagnaient à trente ans plus que leurs parents au même âge. Cette proportion n’est plus que d’un sur deux pour les Américains nés en 1980. Les données disponibles suggèrent une évolution analogue en Europe. </p><p>Les développements consacrés aux effets de l’accroissement des inégalités sur la montée du populisme comptent parmi les pages les plus intéressantes de l’ouvrage. Il est de bon ton en effet de mettre en doute toute relation de cause à effet en ce domaine. Les succès tout récents de l’extrême droite dans la Suède prospère tordraient le cou à la thèse selon laquelle le populisme se nourrirait de la colère des «perdants de la mondialisation». Déjà, on avait pu montrer que les classes les plus favorisées avaient bel et bien voté Trump, et les plus fragilisées, Clinton. On pensait détenir la preuve que le récit médiatique associant pauvreté et succès du populisme tenait de la légende urbaine.</p><p>Pas si simple, avertit Mounk. Car entre les plus riches et les plus pauvres, il y a la classe moyenne. Et là, une étude attentive donne un autre éclairage. Les électeurs de Trump sont en moyenne moins diplômés que ceux de Clinton. Ils ont donc des raisons particulières de se sentir plus menacés que d’autres par la mondialisation et l’intelligence artificielle. Ils habitent aussi des régions aux indices de santé moins favorables, au taux de chômage plus élevé, à la mobilité sociale plus faible et où vivent davantage d’individus sans revenu. En 2016, les quinze Etats les moins menacés par l’automatisation ont voté Clinton. Vingt et un des vingt-deux Etats les plus menacés ont choisi son adversaire.</p><p>Le contrat implicite sur lequel les démocraties occidentales ont longtemps fonctionné, et qui consistait à promettre un accroissement constant de la prospérité et des retombées pour le plus grand nombre, est rompu. Il n’y a pas d’analyse du populisme qui tienne, nous dit Mounk, sans prendre en compte cette donnée et sans s’interroger sur ce qui pourrait aujourd’hui remplacer les promesses d’antan pour ressouder la société.</p><p>Cosmopolite revendiqué, Yascha Mounk ne croit toutefois pas que notre avenir soit supranational. Le fait national ne lui paraît pour l’heure guère dépassable. Son appréciation de l’intégration européenne est d’ailleurs souvent sévère. L’immense majorité des citoyens des démocraties occidentales, note-t-il, se sentent encore, et probablement pour longtemps encore, appartenir à un pays déterminé, dont l’histoire et les institutions ont façonné une identité particulière, non interchangeable. Penser qu’à l’heure de la mondialisation, les nations n’existent plus, ou qu’elles sont obsolètes, procède d’une fausse perception de la réalité, quoi qu’aient pu espérer les générations de l’après-guerre et en particulier les pères-fondateurs de l’intégration européenne.</p><p>Pour le meilleur ou pour le pire, la nation va donc perdurer. La grande question n’est donc pas celle de sa disparition, mais bien de savoir ce qu’on peut en faire. Mounk se démarque là avec une grande netteté d’un courant intellectuel sensible aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, qui refuse la nation précisément en raison de son héritage historique – colonialiste, impérialiste, raciste ou guerrier. Ce n’est pas parce que les idéaux des Lumières sur lesquels ont été bâties les démocratiques modernes n’ont pas été atteints ou ont été trahis qu’il faut les abandonner, dit l’auteur en substance. Le «patriotisme inclusif» légué par les révolutions américaine et française et sa promesse d’une émancipation de tous sans distinction d’origine, reste, pour Mounk, un idéal totalement actuel.</p><p>Les civilisations sont mortelles, les démocraties libérales le sont aussi. Le livre de Mounk nous invite à en prendre conscience. L’auteur se refuse cependant au défaitisme. Les moyens de combattre le populisme existent: les droits civiques, la mobilisation citoyenne doivent être utilisés avec une détermination sans faille pour barrer la route à des évolutions qui pourraient, sinon, sonner le glas de nos libertés. 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Détectives, filatures, enregistrements secrets, localisation par GPS et même peut-être des drones pour traquer ceux qui fraudent les assurances sociales: en donnant son aval, en mars, à des mesures de nature policière pour dépister les cas de fraude aux assurances sociales (invalidité, accident, etc.), le Parlement fédéral n’a pas lésiné sur les moyens.
Le vent favorable à la protection des données qui souffle sur tout le continent européen – le nouveau règlement de l’UE s’applique dès le 25 mai – a calé net devant les portes du palais fédéral. Etait-il nécessaire d’aller aussi loin? Etait-il raisonnable de recourir à des moyens d’investigation réservés d’habitude aux services de renseignement ou à la poursuite d'auteurs de lourdes infractions pénales – et en règle générale sous le contrôle d’un juge – pour atteindre un objectif certes en soi parfaitement légitime? Le doute grandit. Un référendum a été lancé – il a germé tout d’abord, il faut le souligner, hors des partis, les socialistes et les Verts ne montant dans le bateau que dans un deuxième temps.
Les mises en garde se multiplient
Alain Berset, qui pilote le dossier au Conseil fédéral, s’est voulu rassurant. Le projet, a-t-il dit à la tribune des chambres, reste compatible avec les principes de l’Etat de droit. Mais plusieurs spécialistes sont d’un autre avis. Les mises en garde se multiplient.
Le Conseil fédéral lui-même avait tout d’abord soutenu une version plus mesurée. Il n’avait pas voulu par exemple que les enquêteurs puissent utiliser des GPS pour suivre les déplacements des véhicules des fraudeurs présumés. Dans la pratique, une telle mesure n'est d'aucune utilité, avait expliqué le gouvernement.
Les chambres ne l’ont pas entendu et le projet du Conseil fédéral a été durci, notamment sous l’influence du lobbysme appuyé de la SUVA, accusera la conseillère nationale PS vaudoise Rebecca Ruiz. L’utilisation d’un GPS ou d'un drone pour localiser l'assuré fraudeur sera toutefois soumise à l’approbation préalable d’un juge. Les autres mesures – observation dans des lieux publics ou des lieux privés visibles de l’espace public, enregistrements audio ou vidéos, voire usage de drones – pourront être décrétées sur simple ordre d’un responsable au sein de l’assureur concerné.
Pourquoi l’aval d’un juge n’est-il pas nécessaire à chaque fois? Après tout, il s’agit d’une atteinte aux libertés individuelles, et celle-ci devrait, selon les grands principes, pouvoir être contrôlée par un juge. Les partisans de la loi ont trouvé la parade: dans une procédure pénale, relèvent-ils, certaines investigations peuvent être effectuées sans autorisation d’un juge.
Un argument fallacieux
C’est vrai, mais pour le professeur de droit de l'Université de Zurich Thomas Gächter, l’argument est trompeur. D’abord, la police ne peut récolter des preuves de son propre chef que dans les endroits librement accessibles pour le public. Elle ne peut se passer de l’aval d’un magistrat si elle veut par exemple prendre en photo l’intérieur d’un appartement. Les détectives des assurances, eux, seront autorisés à filmer ou prendre en photo des lieux privés mais visibles depuis un endroit accessible au public. La différence n'est pas anodine; elle induit, si l’on suit Thomas Gächter, un régime à deux vitesses dans lequel les détectives des assurances sociales ont davantage de pouvoir que des policiers assermentés. Interrogés par l’émission de la RTS Mise au point le mois dernier, plusieurs détectives confiaient d’ailleurs, sous couvert d’anonymat, leur réserve quant aux pouvoirs considérables qui leur seraient confiés par la nouvelle loi.
Il y a plus, relève encore le professeur de droit: une procédure pénale est instruite sous la responsabilité d’un procureur qui, même s’il représente l’accusation, est un magistrat qui n’agit pas pour la défense de son propre intérêt ou celui de son employeur. Là aussi, le parallèle entre une enquête pénale et l’engagement détectives privés par un assureur est fallacieux selon lui.
Nouveau tour de vis en vue
C’est un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui a forcé la Suisse à légiférer. En 2016, les juges de Strasbourg condamnaient les autorités helvétiques pour avoir organisé la filature par des détectives privés d’une assurée victime d’un accident de moto. L’intéressée refusait de se soumettre à une nouvelle expertise médicale, ce qui a éveillé la méfiance de l’assurance. Pour les juges européens, la base légale n’était pas assez précise pour autoriser l’engagement de détectives.
Le Conseil fédéral a réagi en mettant en consultation une révision d’ensemble de la législation sur les assurances sociales, comprenant des règles plus précises sur la surveillance des assurés soupçonnés d’abus – mais ce n’était que l’un des points de la réforme. Pas question pour le Parlement d’attendre, car plus aucune surveillance n’était possible tant que la loi n’était pas adaptée. Les élus ont dès lors traité à part, et en priorité, la réforme aujourd’hui contestée par référendum.
La révision d’ensemble est donc encore à venir. Et elle prévoit elle aussi de serrer la vis aux assurés et de renforcer les pouvoirs de l’assureur en cas d’abus: allongement du délai de prescription, possible suppression de l’effet suspensif des recours, abandon de la gratuité des procédures, voire suspension des prestations, etc. D’où la question: le durcissement à venir ne rend-il pas encore plus disproportionnée la surveillance policière des assurés?
Aller plus loin avec les lectures suivantes
Le dossier de Humanrights.ch
«Deux réformes qui menacent l'Etat social» - Anne-Sylvie Dupont", Plaidoyer, 20 novembre 2017
«Observation - ein Rechtsinstitut unter Beobachtung» - Thomas Gächter, Jusletter, 11 décembre 2017
«Mais qui donc a lancé le référendum contre l'espionnage des assurés?» - Jacques Pilet
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Après tout, il s’agit d’une atteinte aux libertés individuelles, et celle-ci devrait, selon les grands principes, pouvoir être contrôlée par un juge. Les partisans de la loi ont trouvé la parade: dans une procédure pénale, relèvent-ils, certaines investigations peuvent être effectuées sans autorisation d’un juge.</p><h3>Un argument fallacieux<br></h3> <p>C’est vrai, mais pour le professeur de droit de l'Université de Zurich Thomas Gächter, l’argument est trompeur. D’abord, la police ne peut récolter des preuves de son propre chef que dans les endroits librement accessibles pour le public. Elle ne peut se passer de l’aval d’un magistrat si elle veut par exemple prendre en photo l’intérieur d’un appartement. Les détectives des assurances, eux, seront autorisés à filmer ou prendre en photo des lieux privés mais visibles depuis un endroit accessible au public. La différence n'est pas anodine; elle induit, si l’on suit Thomas Gächter, un régime à deux vitesses dans lequel les détectives des assurances sociales ont davantage de pouvoir que des policiers assermentés. Interrogés par l’émission de la RTS Mise au point le mois dernier, plusieurs détectives confiaient d’ailleurs, sous couvert d’anonymat, leur réserve quant aux pouvoirs considérables qui leur seraient confiés par la nouvelle loi.</p> <p>Il y a plus, relève encore le professeur de droit: une procédure pénale est instruite sous la responsabilité d’un procureur qui, même s’il représente l’accusation, est un magistrat qui n’agit pas pour la défense de son propre intérêt ou celui de son employeur. Là aussi, le parallèle entre une enquête pénale et l’engagement détectives privés par un assureur est fallacieux selon lui.</p><h3>Nouveau tour de vis en vue<br></h3> <p>C’est un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui a forcé la Suisse à légiférer. En 2016, les juges de Strasbourg condamnaient les autorités helvétiques pour avoir organisé la filature par des détectives privés d’une assurée victime d’un accident de moto. L’intéressée refusait de se soumettre à une nouvelle expertise médicale, ce qui a éveillé la méfiance de l’assurance. Pour les juges européens, la base légale n’était pas assez précise pour autoriser l’engagement de détectives.</p> <p>Le Conseil fédéral a réagi en mettant en consultation une révision d’ensemble de la législation sur les assurances sociales, comprenant des règles plus précises sur la surveillance des assurés soupçonnés d’abus – mais ce n’était que l’un des points de la réforme. Pas question pour le Parlement d’attendre, car plus aucune surveillance n’était possible tant que la loi n’était pas adaptée. Les élus ont dès lors traité à part, et en priorité, la réforme aujourd’hui contestée par référendum.</p> <p>La révision d’ensemble est donc encore à venir. 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Ils ont refusé de se faire tordre le bras par un parti qui n’a de cesse de se présenter comme le seul défenseur de la démocratie directe et de la volonté populaire contre les élites, les juges, les professeurs de droit et autres architectes de l’Etat de droit – cet ennemi du citoyen souverain dans la mythologie trompeuse entretenue par les nationalistes.</p><h3>Etonnante capacité de résistance<br></h3><p>Les citoyens ont dit non et l’un des enseignements les plus précieux de ce dimanche est sans doute l’étonnante capacité de résistance dont les citoyens ont fait preuve en rejetant des propositions qui reflétaient les aspirations populistes jusqu’à la caricature. La primauté sans nuance de la volonté populaire que cherchait à imposer l’initiative – au détriment des subtils <em>checks and balances</em> qui caractérisent le système helvétique – aurait plombé toute politique d’ouverture de la Suisse.</p><p>Le populisme n’est donc pas une fatalité et la démocratie directe n’en est pas le vecteur par essence. Voilà qui devrait rassurer pour l’avenir. La netteté du rejet était d’ailleurs inattendue et ne transparaissait pas dans les sondages. Les analyses à venir devraient permettre de mieux cerner les raisons de ce four complet pour l’UDC. Mais il paraît peu probable qu’à lui seul l’argument des droits de l’homme ait pu convaincre une majorité des votants d’Uri, de Schwyz, d’Obwald et de Nidwald, de Glaris, d’Argovie ou de Thurgovie. Les citoyens ont plus vraisemblablement refusé de cautionner un texte qui leur paraissait abstrait, leur parlait peu et dont ils avaient grand peine à mesurer les conséquences précises sinon pour comprendre qu’elles risquaient d’être défavorables à l’économie.</p><p>Bref, ils n’ont pas voulu acheter un chat en poche. Mais aussi rassurante que soit la défaite de l’UDC, ce serait illusoire de penser que désormais, la suite de l’histoire est écrite et que la partition en sera résolument ouverte à la supranationalité et à l’Europe.</p><h3>Survie aléatoire<br></h3><p>Le rejet de dimanche ne dit rigoureusement rien par exemple du destin politique de l’accord-cadre négocié avec l’UE. Une acceptation de l’initiative l’aurait assurément compromis, mais le non sorti des urnes ne préjuge pas de sa survie, à ce jour des plus aléatoires.</p><p>Le Conseil fédéral devrait prendre une décision importante à ce sujet ce vendredi, mais les résistances à l’égard des «juges étrangers» de l’UE seront beaucoup plus difficiles à combattre que l’initiative de l’UDC. Elles existent en effet aussi bien dans le camp conservateur qu’à gauche. Il y a quelques jours, la condamnation par la Cour de l’UE de l’équivalent des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes dans la législation autrichienne a confirmé encore davantage les syndicats suisses de la justesse de leur refus de tout compromis sur ce point. </p><p>La négociation de cet accord-cadre avec Bruxelles bute sur des questions en bonne partie analogues à celles qui avaient entraîné le rejet de l’EEE en 1992. Il n’est d’ailleurs pas totalement farfelu de se demander si, à tout prendre, les solutions offertes par l’EEE ne sont pas en définitive plus satisfaisantes que les figures quelque peu baroques dans lesquelles les négociateurs suisses se sont engagés et que seuls les diplômés en droit européen semblent en mesure de comprendre réellement. Quoi qu’il en soit, la défense de cet accord devant le peuple ne sera pas une mince affaire. Elle conditionne pourtant la poursuite de nos relations avec l’UE.</p><p>A terme, les Suisses auront également à se prononcer sur le maintien de la libre circulation des personnes, l’UDC ayant fait aboutir une initiative qui en exige l’abrogation. Là encore, le scrutin s’annonce existentiel, car la voie bilatérale n’est pas concevable sans la libre circulation.</p><p>On le voit: la victoire du non dimanche était importante, mais elle ne constituait de loin pas l’étape la plus difficile. 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A plus long terme, l’initiative «pour l’autodétermination» engendrera une incertitude permanente sur le sort des traités en question. L’UDC pourra revendiquer une adaptation de ces textes et, en cas de refus de nos partenaires – hypothèse la plus probable – une dénonciation. Mais par qui? Le Conseil fédéral? Le Parlement, voire le peuple? L’initiative laisse sans la moindre réponse ces questions pourtant essentielles. Il s’ensuivra immanquablement une confusion totale, sur le plan juridique aussi bien que politique. L’UDC aura alors le champ libre pour mener ce qui pourrait ressembler à une sorte de guerre de harcèlement dans laquelle la volonté populaire sera constamment opposée au refus de la «classe politique» de s’y plier.</p><p>C’est en cela qu’on peut dire qu’avec cette initiative, la souveraineté populaire risque d’être prise en otage par l’UDC. Le journaliste Yves Petignat a très justement observé dans l’une de ses récentes <a href="https://www.letemps.ch/opinions/initiative-juges-etrangers-peuple-contre-democratie">chroniques</a> du <em>Temps </em>que la question à laquelle les Suisses répondront le 25 novembre va bien au-delà de ses aspects constitutionnels et juridiques, par ailleurs difficiles à saisir et à expliquer: «C’est la nature même de notre démocratie qui est en question.» Et de conclure en soulignant la parenté entre l’initiative de l’UDC et cette démocratie «illibérale» qui monte dans plusieurs pays européens et aux Etats-Unis, brillamment analysée par l’universitaire américain Yascha Mounk dans son ouvrage «Le peuple contre la démocratie» (Editions de l'Observatoire, 2018) récemment publié en français et dont <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/le-peuple-contre-la-democratie-comprendre-le-populisme"><em xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml">Bon pour la tête</em></a><em></em> a rendu compte.</p><h3>Le peuple n'est pas un gros mot<br></h3><p>La question centrale à laquelle cherche à répondre Yascha Mounk n’est pas seulement de savoir de quoi se nourrit le populisme mais aussi comment le combattre. Et le brio de son analyse tient en particulier à la capacité du jeune intellectuel à penser contre son propre camp, celui des élites progressistes et cosmopolites. La lutte sera difficile, prévient-il, et il faudra la mener, en partie au moins, sur le terrain même que se sont choisi les populistes. Par exemple en cessant de leur abandonner l’idée de la nation et en réparant une économie déréglée par la mondialisation.</p><p>Si l’on cherchait à tirer les enseignements du livre de Mounk pour le combat contre l’initiative de l’UDC, on pourrait commencer par dire que le peuple n’est pas un gros mot, la souveraineté non plus, mais que le peuple est infiniment trop précieux pour être laissé aux populistes. 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Les banques centrales, les agences indépendantes, les organisations internationales, les cours constitutionnelles, toutes ces institutions indispensables au fonctionnement des Etats modernes et de l’économie libérale, et dont le travail est le plus souvent d’une remarquable qualité, n’en ont pas moins éloigné le pouvoir des citoyens en déplaçant son centre de gravité.</p><p>Des décisions de plus en plus importantes se prennent aujourd’hui sans être soumises à une quelconque sanction du suffrage universel. La Commission européenne, selon Mounk, est l’exemple le plus frappant de l’évolution qu’il décrit. Le fonctionnement des institutions européennes est tel que c’est à cette administration que revient dans les faits, selon l’auteur, «de conduire la plupart des activités de l’Union». 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Au contraire, c’est bien parce que le populisme a une légitimité démocratique que les lendemains qu’il annonce risquent d’être sinistres.</p><p>Tout l’intérêt de la pensée de Mounk est de récuser les analyses qui se contenteraient d’opposer à la démocratie anti-libérale ce qu’il appelle un libéralisme anti-démocratique, c’est-à-dire une forme d’organisation politique qui protégerait efficacement les droits des individus et des minorités et prendrait des décisions parfaitement raisonnables mais qui, par défiance, cesserait de croire au suffrage universel comme à la seule légitimité possible de tout gouvernement.</p><p>La position de Mounk le place à contre-courant d’un autre politologue, l’Allemand Jan-Werner Müller, pour qui les mouvements populistes sont d’inspiration antidémocratique par essence. <em><strong><br></strong></em></p><blockquote><p><em><strong>«Je crains, </strong></em>écrit Mounk<em><strong>, que le refus de reconnaître qu’il y a quelque chose de démocratique dans l’énergie qui les a propulsés au pouvoir ne nous empêche de comprendre la nature de leur force d’attraction et rende plus difficile de réfléchir de manière prudente et créative à la façon de les arrêter.»</strong></em></p></blockquote><p>Au chapitre des remèdes justement, Yascha Mounk accorde une grande place à ce qu’il appelle «réparer l’économie». Car à lui seul, le fait que le citoyen de 2018 ait moins de pouvoir que celui de 1958 ne suffit pas à expliquer le populisme. Les «Trente Glorieuses» avaient fait reculer les inégalités. La mondialisation les a accentuées à nouveau. Les générations d’après-guerre ont vécu avec la conviction que la vie serait plus facile pour celles qui suivraient. Cet optimisme a disparu, note Mounk. Les études qu’il cite montrent que neuf Américains sur dix nés en 1940 gagnaient à trente ans plus que leurs parents au même âge. Cette proportion n’est plus que d’un sur deux pour les Américains nés en 1980. Les données disponibles suggèrent une évolution analogue en Europe. </p><p>Les développements consacrés aux effets de l’accroissement des inégalités sur la montée du populisme comptent parmi les pages les plus intéressantes de l’ouvrage. Il est de bon ton en effet de mettre en doute toute relation de cause à effet en ce domaine. Les succès tout récents de l’extrême droite dans la Suède prospère tordraient le cou à la thèse selon laquelle le populisme se nourrirait de la colère des «perdants de la mondialisation». Déjà, on avait pu montrer que les classes les plus favorisées avaient bel et bien voté Trump, et les plus fragilisées, Clinton. On pensait détenir la preuve que le récit médiatique associant pauvreté et succès du populisme tenait de la légende urbaine.</p><p>Pas si simple, avertit Mounk. Car entre les plus riches et les plus pauvres, il y a la classe moyenne. Et là, une étude attentive donne un autre éclairage. Les électeurs de Trump sont en moyenne moins diplômés que ceux de Clinton. Ils ont donc des raisons particulières de se sentir plus menacés que d’autres par la mondialisation et l’intelligence artificielle. Ils habitent aussi des régions aux indices de santé moins favorables, au taux de chômage plus élevé, à la mobilité sociale plus faible et où vivent davantage d’individus sans revenu. En 2016, les quinze Etats les moins menacés par l’automatisation ont voté Clinton. Vingt et un des vingt-deux Etats les plus menacés ont choisi son adversaire.</p><p>Le contrat implicite sur lequel les démocraties occidentales ont longtemps fonctionné, et qui consistait à promettre un accroissement constant de la prospérité et des retombées pour le plus grand nombre, est rompu. Il n’y a pas d’analyse du populisme qui tienne, nous dit Mounk, sans prendre en compte cette donnée et sans s’interroger sur ce qui pourrait aujourd’hui remplacer les promesses d’antan pour ressouder la société.</p><p>Cosmopolite revendiqué, Yascha Mounk ne croit toutefois pas que notre avenir soit supranational. Le fait national ne lui paraît pour l’heure guère dépassable. Son appréciation de l’intégration européenne est d’ailleurs souvent sévère. L’immense majorité des citoyens des démocraties occidentales, note-t-il, se sentent encore, et probablement pour longtemps encore, appartenir à un pays déterminé, dont l’histoire et les institutions ont façonné une identité particulière, non interchangeable. Penser qu’à l’heure de la mondialisation, les nations n’existent plus, ou qu’elles sont obsolètes, procède d’une fausse perception de la réalité, quoi qu’aient pu espérer les générations de l’après-guerre et en particulier les pères-fondateurs de l’intégration européenne.</p><p>Pour le meilleur ou pour le pire, la nation va donc perdurer. La grande question n’est donc pas celle de sa disparition, mais bien de savoir ce qu’on peut en faire. Mounk se démarque là avec une grande netteté d’un courant intellectuel sensible aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, qui refuse la nation précisément en raison de son héritage historique – colonialiste, impérialiste, raciste ou guerrier. Ce n’est pas parce que les idéaux des Lumières sur lesquels ont été bâties les démocratiques modernes n’ont pas été atteints ou ont été trahis qu’il faut les abandonner, dit l’auteur en substance. Le «patriotisme inclusif» légué par les révolutions américaine et française et sa promesse d’une émancipation de tous sans distinction d’origine, reste, pour Mounk, un idéal totalement actuel.</p><p>Les civilisations sont mortelles, les démocraties libérales le sont aussi. Le livre de Mounk nous invite à en prendre conscience. L’auteur se refuse cependant au défaitisme. Les moyens de combattre le populisme existent: les droits civiques, la mobilisation citoyenne doivent être utilisés avec une détermination sans faille pour barrer la route à des évolutions qui pourraient, sinon, sonner le glas de nos libertés. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
7 Commentaires
@Alain-Gérard 28.05.2018 | 08h44
«Dans le droit des assurances sociales s'applique le principe de la proportionnalité. Les assurances comme l'AI, la SUVA et les autres assureurs sont en outre sensibles aux frais administratifs qu'ils génèrent. Le risque d'une surveillance tous azimuts de manière insensée ne me paraît pas crédible et je m'interroge sur les motivations de ceux qui visent à donner l'impression que nos assurances sociales ressemblent à une police politique. Tout bien pesé, quand on calcule le coût d'une rente versée mois après mois des années durant, il semble légitime d'avoir les moyens de garantir une traque efficace contre les prétentions frauduleuses. C'est de l'argent public, le vôtre et le mien, ainsi que celui de nos employeurs, et il doit pas être détourné de son but. En outre, il est établi que la tricherie, peu importe dans quel contexte, est encouragée par le sentiment d'impunité et le manque de moyens de surveillance et de sanctions. A l'heure où certains cherchent à affaiblir les assurances sociales, il est dangereux de leur faire perdre la possibilité de traquer efficacement les fraudeurs et de donner le signal de l'impunité des voleurs. C'est pourtant ce à quoi conduirait un refus de la disposition adoptée par le parlement pour encadrer les conditions de la surveillance des assurés.»
@Lagom 28.05.2018 | 14h14
«La faucons de la droite se rende compte qu'à la prochaine législateur l'UDC et le PLR ne seront plus aussi dominants qu'aujourd'hui. Ils essaient de passer des lois comme celle-ci sur le fil rouge de la légalité universelle. Sans parler de la réforme de la fiscalité des entreprises qui viendra "piquer" directement dans nos poches pour enrichir encore plus les entreprises. Jusqu'ici j'ai toujours voter très à droite mais plus jamais car ces politiques de la droite dure ne sont là que pour défendre les intérêts du Capital, et pas n'importe quel Capital, c'est le Capital avec toute sa laideur qui ne reconnaît ni foi ni loi ni être humain. Aux prochaines élection fédérales en 2019 le peuple saura quoi faire d'eux. »
@Alain-Gérard 30.05.2018 | 08h52
«Réponse à Genevoisy : La lutte contre la fraude sociale, est-ce vraiment un combat politique gauche-droite? Je n'y crois pas, et je donne comme exemple la lutte contre le travail au noir. Par contre, je vous l'accorde, c'est un thème qui peut bien être instrumentalisé dans une optique d'opportunisme partisan. Quant à confondre l'AI, la SUVA et les autres assureurs sociaux, financés par des cotisations obligatoires et les impôts, avec le Grand Capital (terrain des investisseurs privés en quête de rendement), cela me semble un fantasme sans grande consistance. Un sujet pour le journalisme d'investigation?»
@Lagom 30.05.2018 | 23h20
«On dirait que vous êtes favorable à la création d’une sorte de police privée qui bénéficie d’instruments et de capacité légale d’intervention plus importantes que celle de la police ordinaire. Des détectifs privés, sous contrats ponctuels, qui doivent amener du résultat pour survivre, pour éviter d’embaucher en nombre des inspecteurs ordinaires qui eux peuvent contrôler légitimement les assurés potentiellement fraudeurs. Il s’agit d’une dérive qu’il convient d’empêcher. On fait porter au début l’étendard à l’AI et la Suva, institutions sérieuses, et droit derrière les assurances privées vont foncer dans la brèche pour s’armer à leur tour de leur propres détectifs. Si c’est ce modèle-là de société qui vous rassure, à moi, il me fait peur.
J’avais profité de cet article « pour tirer à boulet rouge » sur la réforme fiscale qui est en cours et qui favorise le Capital au détriment des contribuables individuelles, ce qui m’a exposé à votre commentaire qui sonne plus juste que le mien sur ce point.
Les libertés interagissent entre elles. Si vous concéder facilement à sacrifier une partie de vos libertés vous serez amenez à donner plus à l'avenir.
Si un défectif privé « attrape » par photo un assuré en train de repasser une chemise alors qu’il censé être alité jours et nuits, vous en faites quoi? (exemple inspiré d’une chronique de Madame Rebecca Ruiz dans le Temps).
»
@marenostrum 04.06.2018 | 15h18
«On voit que lorsque des intérêts économiques de puissants sont en jeux ! nos politiques sous influence des lobby savent réagir rapidement ! Dommage que quand les intérêts de la population est attaqué, les-mêmes, font traîner les choses à dessein ! Depuis quand notre dispositif social ou démocratique n'a-t-il pas évolué franchement en faveur des populations ? et pourtant, les sujets ne manquent pas !!!»
@marenostrum 04.06.2018 | 15h28
«Le contrôle des bénéficiaire de notre système économique, financiers, bancaire ... de loin non exempte d'abus; est-il aussi perfectionné que celui réservé ici aux bénéficiaires des assurance sociales ... pour rappel, l'émission infrarouge (9 milliards de bénéfices du CF) nous apprends que 2.6 milliards d'économie ont été faites sur les assurances sociales ! sans la surveillance préconisée ! alors même que les débordements de la finances recèle des montants tout autres, bien plus importants !!! cynique ! »
@bonpourmoi 28.02.2021 | 18h37
«franchement j'ai envie de déménager en Russie...!!!»