Média indocile – nouvelle formule
Mohamed Hamdaoui
Journaliste, député au Grand Conseil bernois
Mohamed Hamdaoui
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Lu ailleurs / Brûlons aussi Charles Trenet
Par curiosité, afin de voir quelles seraient pour moi les conséquences d’une application stricte de l’hygiénisme mémoriel ambiant, j’ai ouvert
Mohamed Hamdaoui
Journaliste, député au Grand Conseil bernois
B Article réservé aux abonnés
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Je ne suis pas une gonzesse. </p> <p>J’étais simplement un con. Comme tant d’autres. Comme trop d’autres.</p> <p>Une éternité à intérioriser l’insupportable. A écrire mes souffrances sur des mouchoirs en papier. A les noyer dans des boissons interdites. A dire «tout va bien.»</p> <p>Deuil impossible. Deuil inutile.</p> <p>Jusqu’à ce qu’un soir. Dans ma ville adorée de Bienne. Dans cette salle de cinéma où j’allais, adolescent, regarder tant de films. Où j’étais Alain Souchon, tenant Isabelle Adjani dans ses bras. Où j’espérais que Joss Beaumont ne se ramasse pas une balle dans le dos à la fin du «Professionnel». Je m’y trouvais beau et invulnérable.</p> <p>Jusqu’à ce moment où sur ce même grand écran, des jeunes femmes ont commencé à danser en criant «Viva l’Algérie» en écoutant Raina Raï chanter «Ya Zina» - «Que tu es belle.» Voir ces jeunes femmes s’éclater dans cette mer peu accueillante, avec ses vagues grises qui donnent envie de traverser à la nage la Méditerranée pour patauger au plus vite dans les flots calmes du lac Léman.</p> <p>Et pouvoir enfin pleurer. Chialer. Hurler. Gueuler : «Pourquoi?»</p> <p>Cette petite séquence de «Pachita» a failli me réconcilier avec la vie.</p> <p>Dans cette séquence, je me voyais, un quart de siècle plus tôt, sur une plage près d’Alger. On fumait des «Garos», des clopes épouvantables, en sirotant des bières qui avaient le goût du désespoir. On avait des projets plein la tête. Les nôtres étaient littéraires.</p> <p>On causait des «blédards» qui avaient réussi. Camus, bien sûr. Mais aussi Kateb Yacine et Mouloud Mammeri. On se faisait des clins d’œil. On n’imaginait pas la suite de cet atroce roman. On l’imaginait rose. Il fut noir.</p> <h3>Héroïnes </h3> <p>Un quart de siècle après cette monstrueuse et absurde deuxième guerre d’Algérie, voilà enfin un film qui décrit avec minutie et justesse cette époque épouvantable.</p> <p>Un film réalisé par une femme, Mounia Meddour, et essentiellement interprété par des femmes. Ce n’est pas un hasard. Il a quasi entièrement été tourné en Algérie. C’est un pur bonheur.</p> <p>Dans ce film, il y a Mokhtar, le gardien de la Cité universitaire. Si la vie s’était comportée mieux pour lui, il serait sans doute devenu camelot ou receleur dans la banlieue de Lyon, de Lille ou de Montpellier. Il serait peut-être un pote de bistrot ici, à Bienne. On se bourrerait la gueule en se moquant des couillons de tous bords. Mais non. Lui aussi fut entraîné dans le tourbillon lâche qui avait englouti tant de mecs algériens de l’époque. Lui aussi s’était rendu complice des atrocités islamistes. 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On n’imaginait pas la suite de cet atroce roman. On l’imaginait rose. Il fut noir.</p> <h3>Héroïnes </h3> <p>Un quart de siècle après cette monstrueuse et absurde deuxième guerre d’Algérie, voilà enfin un film qui décrit avec minutie et justesse cette époque épouvantable.</p> <p>Un film réalisé par une femme, Mounia Meddour, et essentiellement interprété par des femmes. Ce n’est pas un hasard. Il a quasi entièrement été tourné en Algérie. C’est un pur bonheur.</p> <p>Dans ce film, il y a Mokhtar, le gardien de la Cité universitaire. Si la vie s’était comportée mieux pour lui, il serait sans doute devenu camelot ou receleur dans la banlieue de Lyon, de Lille ou de Montpellier. Il serait peut-être un pote de bistrot ici, à Bienne. On se bourrerait la gueule en se moquant des couillons de tous bords. Mais non. Lui aussi fut entraîné dans le tourbillon lâche qui avait englouti tant de mecs algériens de l’époque. Lui aussi s’était rendu complice des atrocités islamistes. 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Culture / Algérie: le deuil, enfin?
Coup de cœur pour «Papicha», premier long-métrage de Mounia Meddour racontant avec force, humour et poésie l’absurdité de la guerre civile algérienne
Mohamed Hamdaoui
Journaliste, député au Grand Conseil bernois
B Article réservé aux abonnés
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Les titres des courriers des lecteurs parus depuis 2018 à Bienne sur cette Exposition n’ont pas été avares en quolibets: «affabulateur», «profiteur», «manipulateur»... Réplique de Thomas Hirschhorn: «La noblesse d’un travail dans l’espace public est de se confronter à la réalité. Certains râlent, d’autres exagèrent ou avancent des arguments tirés par les cheveux». Comme le coût soit-disant exorbitant de cette manifestation. Car en réalité, la Ville de Bienne n’aura dépensé «que» 300'000 francs. Le reste du budget étant assuré par le Canton de Berne (aussi 300'000 francs) et par des donateurs privés, des fondations et un crowdfunding qui n’a d’ailleurs pas encore obtenu le succès escompté. Depuis son inauguration, samedi 15 juin, jusqu’à sa fermeture prévue le 8 septembre, la «Sculpture Robert-Walser», dont l’entrée est totalement gratuite, promet de diviser et de faire couler encore pas mal d’encre et de salive. 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Oppositions aussi et peut-être surtout de nombreux pisse-vinaigre rancuniers, les tristes «Neinsager», qui n’avaient pas oublié que, 15 ans plus tôt, le nom de Thomas Hisrchhorn avait été au cœur d’un des plus absurdes règlements de compte politiques.</p> <h3>Christoph Blocher</h3> <p>Dix décembre 2003. Christoph Blocher accède au Conseil fédéral. La Suisse est divisée en deux camps: les pro et les anti. Domicilié à Paris depuis 1984, Thomas Hirschhorn présente une exposition au Centre culturel suisse de la Ville Lumière. Dans une pièce de théâtre, il n’hésite pas à démonter le mythe de Guillaume Tell. Une actrice vomit dans une urne de scrutin et un acteur adopte la position d’un chien pour uriner sur une image qui semble représenter le nouveau conseiller fédéral. Tollé! Sacrilège! En guise de représailles, les Chambres fédérales décident alors de raboter l’enveloppe financière de Pro Helvetia, qui avait soutenu financièrement cette exposition. Très peu de députés et de sénateurs ne l’avaient vue, mais la rumeur et l’indignation sélective avaient triomphé. «Je ne m'étais pas douté que je trainerais encore longtemps cette casserole», soupire Thomas Hirschhorn.</p> <h3><strong>Plier sans rompre</strong></h3> <p>Car Bienne la rouge change parfois de couleurs. Jusque-là groupusculaire, l’UDC compte désormais 11 sièges au Conseil de Ville (sur 60) et est même désormais le plus grand groupe parlementaire. Elle a largement bénéficié de l’image négative de cette cité horlogère de 56'000 habitants, multiethnique (plus de 130 nationalités représentées), avec un fort taux de bénéficiaires de l’aide sociale (11% de la population). Cette formation est localement très active, multiplie les pétitions et les actions de rues, est très présente sur les réseaux sociaux et inonde les médias locaux de lettres de lecteurs. Du pain béni! Au point qu’en raison de l’hostilité grandissante, Thomas Horschhiron finit par plier. Sans pour autant rompre. Avec la bénédiction des autorités de majorité rose-verte, il accepte de repousser d’un an son projet d’Exposition suisse de sculpture. Mais il n’en démord pas: elle aura lieu sur la place de la Gare de Bienne et sera consacrée à Robert-Walser.</p> <h3><strong>Bâton de pélerin</strong></h3> <p>L’artiste au caractère bien trempé change alors de stratégie. Il loue un petit appartement en haut d’un immeuble surplombant la place de la gare et multiplie les réunions publiques pour expliquer son projet. Dans des bistrots ou à la bibliothèque municipale, dans d’autres lieux culturels ou même dans la rue, il s’explique, brandit son bâton de pèlerin, s’emporte, s’enthousiasme, se prend au jeu et finit par convaincre. Les chauffeurs de taxis retirent leur opposition et le préfet donne son feu vert. Mais le plus dur est à venir.</p> <h3><strong>Obtus et téméraire</strong></h3> <p>«C’est toujours difficile de concevoir une œuvre d’art dans l’espace public, où les conflits d’intérêts sont fréquents. Je me bats comme un chien pour chaque centimètre de terrain, sinon rien ne se passe. J’ai toujours été clair. Je ne suis pas extravagant mais obtus, téméraire et surtout dingue de Robert Walser. Je conçois dans sa ville natale un travail qui va marquer les esprits et entrer dans l’histoire de l’art», s’enflamme-t-il. Alors, depuis le début du mois d’avril, au risque de priver les automobilistes d’une vingtaine de places de parc dans cet endroit stratégique, lui et son équipe se sont activés. De 7 heures jusqu’à plus d’heure, avec leurs casques jaunes, quelques salariés mais surtout de nombreux bénévoles se sont activés pour construire cette «Sculture Robert-Walser». Une plateforme de 1200 m<sup>2</sup> faite de centaines de palettes en bois recyclées imbriquées les unes aux autres. Résultat final: de nombreux espaces sur deux étages, autant d’ateliers où peindre, écrire, échanger des idées, déguster des spécialités à bas prix, apprendre l’arabe ou l’expéranto, jouer aux aux échecs ou entendre des comédiens lire en allemand, en français, en anglais ou en italien des extraits de l’œuvre de Robert Walser. Car l’écrivain reste le fil rouge de cet événement. Des passages de ses livres ont été peints sur les murs extérieurs de la sculpture et suscitent la curiosité des passants pas trop pressés. A l’intérieur, des graphistes et des peintres se relaient pour illustrer son œuvre. Et une des nombreuses participantes à cette sculpture d’un genre unique a promis d’aller bientôt dans son Maroc natal faire une lecture publique de certains de ses textes.</p> <h3><strong>«Affabulateur», «profiteur»</strong></h3> <p>De quoi apaiser les esprits? Que nenni. Les titres des courriers des lecteurs parus depuis 2018 à Bienne sur cette Exposition n’ont pas été avares en quolibets: «affabulateur», «profiteur», «manipulateur»... Réplique de Thomas Hirschhorn: «La noblesse d’un travail dans l’espace public est de se confronter à la réalité. Certains râlent, d’autres exagèrent ou avancent des arguments tirés par les cheveux». Comme le coût soit-disant exorbitant de cette manifestation. Car en réalité, la Ville de Bienne n’aura dépensé «que» 300'000 francs. Le reste du budget étant assuré par le Canton de Berne (aussi 300'000 francs) et par des donateurs privés, des fondations et un crowdfunding qui n’a d’ailleurs pas encore obtenu le succès escompté. Depuis son inauguration, samedi 15 juin, jusqu’à sa fermeture prévue le 8 septembre, la «Sculpture Robert-Walser», dont l’entrée est totalement gratuite, promet de diviser et de faire couler encore pas mal d’encre et de salive. 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Actuel / Don Quichotte contre les pisse-vinaigres biennois
Jusqu’au début du mois de septembre, Bienne abrite la 13e édition de l’Exposition suisse de sculpture. L’artiste retenu pour l’organiser, Thomas,
Mohamed Hamdaoui
Journaliste, député au Grand Conseil bernois
B Article réservé aux abonnés
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L’attitude des parents face à un bébé fille ou un bébé garçon est totalement différente: amour inconditionnel des mères pour leurs fils, conditionné à une certaine ressemblance pour leurs filles, alors que pour les pères il s’agira de protéger (ou d’ignorer) les filles et d’endurcir les garçons. Comment savoir la part du biologique vs la part du social? La question finalement devrait probablement se poser en termes d’individus et non de genre: «quelles sont, au fond, les principales différences entre vous et moi» – outre le fait que vous êtes un homme et que je suis une femme? Nous sommes des êtres complexes et ne serons jamais définis par un seul critère. </p> <p><strong>Comme écrivaine, quel regard portez-vous sur l’écriture inclusive? Et d‘ailleurs, préférez-vous que l’on vous qualifie d’écrivaine ou d’écrivain?<br /></strong>La littérature française aura du mal à s’accommoder de cette inclusion là. Je travaille en ce moment à une correspondance amoureuse et j’avais ce désir, de faire en sorte que le lecteur ne sache ni qui écrit ni qui est le destinataire, femme, homme, ou autre. 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Actuel / Barbara Polla: «On ne naît pas femme, on le devient!»
Conseillère nationale libérale genevoise de 1999 à 2003, médecin, galeriste et écrivain.e, Barbara Polla porte un regard singulier sur la «Grève des
Mohamed Hamdaoui
Journaliste, député au Grand Conseil bernois
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Sauf une envie irrépressible de dialoguer et d’essayer de «trouver des solutions pragmatiques» pour atténuer, voire combattre, les effets du réchauffement climatique. Pour l’écologiste Myriam Roth, cette question est devenue centrale. Pour l’UDC Luca Francescutto, elle l’interpelle. Tous deux ont récemment surpris le petit landerneau local, jusque dans leurs partis respectifs, en déposant une motion pour interdire les pailles en plastique dans les établissements publics. «Certains UDC ont reproché cette démarche!», admet Luca Francescutto. «Je te rassure, chez moi aussi, il y a eu des reproches!», s’amuse Myriam Roth. Le mariage de la carpe et du lapin. La jeune végétarienne et le père de famille omnivore pourraient-ils donc s’entendre en matière d’habitudes d’achat, confronter leurs modes de consommation respectifs, les critiquer ou s’en inspirer? Nous leur avons proposé de jouer le jeu et de venir avec un sac à commissions «ordinaire» dans un bistrot de la place. Rendez-vous en terre inconnue...</p><p>À l’heure pile, Myriam Roth débarque avec un sac en tissu qu’elle extrait du panier de son vieux deux-roues acheté lors d’une récente Bourse aux vélos. «J’ai fait des achats pour environ 30 francs». Ce sac ressemble un peu à une poupée russe: il contient d’autres petits sacs en tissu contenant des achats effectués en différents endroits. «Je ne vais au supermarché presque que pour acheter du papier-toilette. Autrement, moi et mon compagnon faisons nos courses au marché et dans des épiceries bio.» Dans un premier sac, un petit chou frisé et un céleri odorant. Dans des boîtes en verre, des graines de couscous, d’autres céréales et de la verveine séchée. Sans oublier un rouleau de sacs à compost et une plaque de chocolat bio. Accompagné par sa fille cadette d’une dizaine d’années, Luca Francescutto saute sur l’aubaine pour la mettre dans l’embarras: «Mais il y a des composants venant d’Indonésie et du Sri Lanka!», s’amuse-t-il. «Il y a même un peu d’huile de palme!». «Je ne suis pas 100% vertueuse», reconnaît celle qui n’exclut pas de devenir bientôt végane, s’habille avec des habits de seconde main et applique ses convictions jusqu’à se priver de réfrigérateur d’octobre à mars, quand il fait assez froid pour conserver ses aliments en plein air. «Ça, je ne pourrais pas le faire», concède son interlocuteur UDC. </p><p>Au tour de Luca Francescutto de vider son sac (en plastique). «Le tout m’a coûté 50 francs pour une famille de 5 personnes.» Tous les produits ont été achetés dans une grande surface. «Nous n’allons jamais au marché. Cela ne fait pas partie de nos habitudes.» Pourquoi? «Parce que ce n’est pas la même clientèle. Il y a beaucoup de personnes de gauche ou d’écologistes en cet endroit. Je ne m’y sens pas très à l’aise.» Sans doute pas un hasard si, en période d’élections ou de votations, les partis de gauches sont les seuls à tenir des stands près du marché aux légumes et aux fleurs de Bienne, aux portes de la splendide vieille-ville. Tandis que les autres formations, dont l’UDC locale, en plein essor, préfèrent se rendre dans la zone commerciale et piétonne pour y distribuer des tracts. <br></p><blockquote>«Nous ne remplissons en moyenne qu’un sac d’ordures de 17 litres par mois!»</blockquote><p>Le sac de l’élu UDC, qui vient aussi d’accéder au Conseil de ville biennois en 2017, contient des pâtes, des viennoiseries industrielles «pour les quatre heures des enfants», des courgettes, un litre de lait – «je n’achète que du ‘lait de prairie’» –, une boîte de haricots en conserve, un paquet de chips, des barres chocolatées, du fromage râpé, des pommes suisses, de l’émincé de poulet et une boîte de thon. <br></p><p>Les deux élus-consommateurs se jaugent et ne peuvent s’empêcher d’échanger des sourires et des remarques. Ils soupèsent les produits déposés sur la table et dissèquent les étiquettes. «Bon point!», s’exclame Myriam Roth, en découvrant le contenu d’une conserve. «C’est du thon issu de la pêche durable.» Luca Francescutto se veut rassurant. «Je privilégie les produits suisses. Chaque année, j’achète un quart de bœuf et un quart de porc que je congèle. Pour le poulet, j’ai préféré acheter de la viande suisse plutôt qu’hongroise. Elle est plus chère, mais facile à tracer.» Mais Myriam Roth reste perplexe. «Ce qui me choque le plus, c’est la quantité d’emballage. Avec mon ami, nous ne remplissons en moyenne qu’un sac d’ordures de 17 litres par mois!», révèle-t-elle sous le regard perplexe de Luca Francescutto. «Je ne sais pas comment vous faites!», réagit-il. «Nous trions simplement les déchets et faisons en sorte de recycler tout ce qui peut l’être. Par exemple en cuisinant les épluchures des légumes pour en faire des potages», rétorque la jeune élue verte.</p><h3>Solidaires, mais pas trop...<br></h3><p>Myriam Roth défile lors de chaque manifestation contre le réchauffement climatique. Candidate aux prochaines élections au Conseil national, elle plaide pour l’instauration d’un «état d’urgence climatique.» Pour elle, ce combat passera forcément par un «changement de système et une décroissance». Le fonctionnaire de police UDC veille à ce que ces manifestations pacifiques se déroulent sans incident. Il tient «à ce que mes filles vivent au moins aussi bien que moi», mais fait très clairement partie des élus de ce parti qui s’interrogent de manière critique sur l’évolution alarmante de la planète. «Je pense vraiment que nous devons faire des efforts. Encore faut-il qu’ils soient socialement acceptables et ne pénalisent pas les familles de la classe moyenne.»</p><p>Au terme de cet échange, les deux élus partagent plusieurs constats. «Cette petite expérience de comparaison de nos habitudes d’achat m’a donné un peu d’espoir: je pense qu’entre gens de bonne volonté, il est possible de trouver des solutions communes et durables», veut croire Myriam Roth. «Il faut vraiment lutter contre ces tonnes d’emballage. C’est une priorité», ajoute Luca Francescutto. Tous deux estiment aussi qu’il serait enfin temps de taxer le kérosène, même si cela devait avoir des répercussions sur les produits importés. «Nous devons vraiment travailler ensemble pour le bien de tous», clament-ils d’une même voix. Mais au terme de cette petite rencontre, aucun des deux élus n’a songé échanger son sac contre celui de son interlocuteur...</p><p></p><hr><p></p><h2>Retrouvez d'autres articles sur le même thème dans notre <a href="https://bonpourlatete.com/serie/dossier-special-decroissance">dossier spécial Décroissance</a>.<br></h2>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'rendez-vous-en-terre-inconnue', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 871, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1666, 'homepage_order' => (int) 1927, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 2604, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Actuel / Rendez-vous en terre inconnue
Deux conseillers de ville biennois de bords opposés, l’écologiste Myriam Roth et l’UDC Luca Francesutto, se sont unis pour tenter de faire bannir les
Mohamed Hamdaoui
Journaliste, député au Grand Conseil bernois
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Dire non l’aurait exposée à être licenciée, à voir son permis F révoqué et à être expulsée dans son pays d’origine. La quadruple peine, en somme. Baisée sans plaisir, virée, expulsée, humiliée. <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>Elle a finalement eu le courage de déposer plainte et d’accepter de plaider sa cause devant un tribunal. <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>Et le jury a eu le courage de condamner à 20 mois de prison avec sursis ce notable reconnu coupable d’ «abus de détresse». </p><p>«Jerry» a le droit de faire recours. Il est donc présumé innocent et il n’est donc pas permis de donner son nom – même si dans cette ville, personne n’est dupe de l’identité de «Jerry». Mais il y a plus révoltant. Ce maître d’apprentissage aura le droit de continuer d’exercer cette fonction dans ce commerce auquel tant de Biennoises et de Biennois sont attachés. <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>C’est la loi. </p><p>L'article 193 du Code pénal stipule que «celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d’un lien de dépendance fondé sur des rapports de travail ou d’un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d’ordre sexuel sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire». <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>Cependant, quand la loi n’est pas assez sévère, il faut la changer. </p><p>Grâce à «Marche blanche», le peuple suisse a interdit aux personnes condamnées pour pédophilie à travailler avec des enfants. 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Des bénévoles s’étaient chargés de lui dénicher une place d’apprentissage pour qu’elle puisse enfin être elle-même. <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>A intervalles réguliers, entre la confection de deux tourtes au chocolat, son maître d’apprentissage, profitant de sa vulnérabilité, l’avait obligée à se soumettre à des pratiques sexuelles dégradantes. <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>Mais elle n’osait pas dire non. Dire non l’aurait exposée à être licenciée, à voir son permis F révoqué et à être expulsée dans son pays d’origine. La quadruple peine, en somme. Baisée sans plaisir, virée, expulsée, humiliée. <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>Elle a finalement eu le courage de déposer plainte et d’accepter de plaider sa cause devant un tribunal. <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>Et le jury a eu le courage de condamner à 20 mois de prison avec sursis ce notable reconnu coupable d’ «abus de détresse». </p><p>«Jerry» a le droit de faire recours. Il est donc présumé innocent et il n’est donc pas permis de donner son nom – même si dans cette ville, personne n’est dupe de l’identité de «Jerry». Mais il y a plus révoltant. Ce maître d’apprentissage aura le droit de continuer d’exercer cette fonction dans ce commerce auquel tant de Biennoises et de Biennois sont attachés. <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>C’est la loi. </p><p>L'article 193 du Code pénal stipule que «celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d’un lien de dépendance fondé sur des rapports de travail ou d’un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d’ordre sexuel sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire». <span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"> </span><span style="font-size: 1.6rem; font-family: Roboto, "Helvetica Neue", Arial, sans-serif;"></span></p><p>Cependant, quand la loi n’est pas assez sévère, il faut la changer. </p><p>Grâce à «Marche blanche», le peuple suisse a interdit aux personnes condamnées pour pédophilie à travailler avec des enfants. 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Actuel / Tout le monde savait, tout le monde s'est tu
Mohamed Hamdaoui
Journaliste, député au Grand Conseil bernois
B Article réservé aux abonnés
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Actuel / Lettre ouverte à Greta Thunberg
Mohamed Hamdaoui
Journaliste, député au Grand Conseil bernois
B Article réservé aux abonnés
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Un peu comme il m’arrive de suivre un match de football en espérant que les meilleurs l’emportent (c’est-à-dire, moi), qu’aucun hooligan ne vienne perturber la partie et qu’aucune faute d’arbitrage ne fausse le résultat. </p><p>Dans les années quatre-vingt, la jeunesse du pays qui m’a vu naître protestait déjà pour davantage de liberté et la fin des privilèges. Nous étions reconnaissants envers ceux (et celles) qui avaient contribué à notre indépendance collective, mais nous voulions aussi acquérir notre indépendance individuelle. Le droit de vivre notre vie, au-delà de nos différences. Les dignitaires avaient alors répondu par les armes en agitant le spectre de l’islamisme radical. L’Europe et le reste du monde s’en fichaient pas mal. Le Mur de Berlin venait de s’effondrer. Mon cher «Tonton», lui aussi quasi agonisant, avait d’autres chats à fouetter que de nous apporter son soutien.</p><p>J’étais dans ma ville de naissance, à Tamanrasset, au sud du pays, tout au sud, là où actuellement s’entassent des milliers de pauvres bougres d’Afrique subsaharienne qui espèrent trouver une vie meilleure chez moi, quand avaient eu lieu les élections législatives qui devaient porter au pouvoir le Front Islamique du Salut. Je n’oublierai jamais les cris de joie de membres de ma famille, pour la plupart jeunes, à l’annonce des résultats. Ils avaient enfin le sentiment d’avoir pu tuer symboliquement le père, celui qui ne cessait de leur vanter les mérites du pouvoir. Mais tous passaient leurs journées à écouter Michael Jackson et à m’implorer de faire des démarches pour leur décrocher un visa leur permettant de venir passer des vacances en Suisse. Et plus, si entente…</p><p>Patatras. L’armée avait souillé la démocratie et tragiquement implanté dans le cerveau d’aucuns que cette démocratie, occidentale et libérale, n’aimait pas l’islam. Une erreur historique épouvantable à l’origine de dix années d’horreurs et de souffrances, suivies de métastases en Bosnie, en Afghanistan et au Moyen-Orient. La chimiothérapie ne suffira pas pour en guérir.</p><p>Notre quotidien était celui des humiliations et de la corruption. Je resterai jusqu’au dernier jour de ma vie obsédé par cette injustice dont je fus, bien involontairement, à l’origine. Quoique fortement handicapé et bardé de certificats médicaux suisses prouvant mon incapacité physique à accomplir un service militaire, j’avais dû me rendre dans une caserne de Blida pour décrocher ma fameuse «exemption». Pour m’aider dans mes démarches, un ami de la famille, haut gradé dans l’armée, m’avait guidé et avait «arrosé» certains fonctionnaires afin de faciliter mes démarches administratives. Arrivés dans un hôpital d’Alger, nous avions directement été reçus par un de ses amis médecins, passant devant des patients malades qui poireautaient là depuis des heures, voire des jours. Je n’oublierai jamais leurs regards de haine et de mépris. Je n’oublierai jamais la honte qui fut la mienne d’avoir ainsi pu bénéficier d’un privilège, car accompagné par un homme en uniformes.</p><p>De ces petites blessures et ces grosses humiliations quotidiennes, le peuple algérien n’en veut plus. Alors que le pouvoir en place depuis si longtemps, depuis trop longtemps, vante par exemple la qualité du corps médical local, comment peut-il accepter que «son» président aille se faire soigner ailleurs? Comment aurait-on réagi ici, en Suisse, si Hans-Rudolf Merz était allé se faire opérer à Alger quand il avait eu son attaque cérébrale?</p><br><p>Ma belle Algérie.</p><br><p>Tu m’as longtemps fait pleurer. Incapable par exemple d’admettre comment un pays au bénéfice de tant de richesses naturelles magnifiques: la mer, la montagne, le désert classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, des vestiges phéniciens et romains, une gastronomie exceptionnelle et une diversité culturelle incroyable, ne figure pas dans l’un des guides touristiques? Comment expliquer que toute cette jeunesse incroyable, qui n’a d’autres souhaits que d’apprendre et de créer, d’inventer et d’imaginer de progresser et de prospérer, soit ainsi muselée? Ou contrainte à l’exil?</p><p>J’ai pleuré durant ces dix années de folie où les Algériens ne s’aimaient plus et brisaient des vies. Dont la mienne.</p><p>J’ai pleuré toutes les fois où l’on traitait, ici, mes compatriotes, de «racailles», à peine bons à taper dans le ballon ou à faire du rap.</p><p>J’ai pleuré toutes les fois où, ici, certains de mes compatriotes ont fait couler le sang. Notamment en s’en prenant à la cible préférée des médiocres: les Juifs. 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Un peu comme il m’arrive de suivre un match de football en espérant que les meilleurs l’emportent (c’est-à-dire, moi), qu’aucun hooligan ne vienne perturber la partie et qu’aucune faute d’arbitrage ne fausse le résultat. </p><p>Dans les années quatre-vingt, la jeunesse du pays qui m’a vu naître protestait déjà pour davantage de liberté et la fin des privilèges. Nous étions reconnaissants envers ceux (et celles) qui avaient contribué à notre indépendance collective, mais nous voulions aussi acquérir notre indépendance individuelle. Le droit de vivre notre vie, au-delà de nos différences. Les dignitaires avaient alors répondu par les armes en agitant le spectre de l’islamisme radical. L’Europe et le reste du monde s’en fichaient pas mal. Le Mur de Berlin venait de s’effondrer. Mon cher «Tonton», lui aussi quasi agonisant, avait d’autres chats à fouetter que de nous apporter son soutien.</p><p>J’étais dans ma ville de naissance, à Tamanrasset, au sud du pays, tout au sud, là où actuellement s’entassent des milliers de pauvres bougres d’Afrique subsaharienne qui espèrent trouver une vie meilleure chez moi, quand avaient eu lieu les élections législatives qui devaient porter au pouvoir le Front Islamique du Salut. Je n’oublierai jamais les cris de joie de membres de ma famille, pour la plupart jeunes, à l’annonce des résultats. Ils avaient enfin le sentiment d’avoir pu tuer symboliquement le père, celui qui ne cessait de leur vanter les mérites du pouvoir. Mais tous passaient leurs journées à écouter Michael Jackson et à m’implorer de faire des démarches pour leur décrocher un visa leur permettant de venir passer des vacances en Suisse. Et plus, si entente…</p><p>Patatras. L’armée avait souillé la démocratie et tragiquement implanté dans le cerveau d’aucuns que cette démocratie, occidentale et libérale, n’aimait pas l’islam. Une erreur historique épouvantable à l’origine de dix années d’horreurs et de souffrances, suivies de métastases en Bosnie, en Afghanistan et au Moyen-Orient. La chimiothérapie ne suffira pas pour en guérir.</p><p>Notre quotidien était celui des humiliations et de la corruption. Je resterai jusqu’au dernier jour de ma vie obsédé par cette injustice dont je fus, bien involontairement, à l’origine. Quoique fortement handicapé et bardé de certificats médicaux suisses prouvant mon incapacité physique à accomplir un service militaire, j’avais dû me rendre dans une caserne de Blida pour décrocher ma fameuse «exemption». Pour m’aider dans mes démarches, un ami de la famille, haut gradé dans l’armée, m’avait guidé et avait «arrosé» certains fonctionnaires afin de faciliter mes démarches administratives. Arrivés dans un hôpital d’Alger, nous avions directement été reçus par un de ses amis médecins, passant devant des patients malades qui poireautaient là depuis des heures, voire des jours. Je n’oublierai jamais leurs regards de haine et de mépris. Je n’oublierai jamais la honte qui fut la mienne d’avoir ainsi pu bénéficier d’un privilège, car accompagné par un homme en uniformes.</p><p>De ces petites blessures et ces grosses humiliations quotidiennes, le peuple algérien n’en veut plus. Alors que le pouvoir en place depuis si longtemps, depuis trop longtemps, vante par exemple la qualité du corps médical local, comment peut-il accepter que «son» président aille se faire soigner ailleurs? Comment aurait-on réagi ici, en Suisse, si Hans-Rudolf Merz était allé se faire opérer à Alger quand il avait eu son attaque cérébrale?</p><br><p>Ma belle Algérie.</p><br><p>Tu m’as longtemps fait pleurer. Incapable par exemple d’admettre comment un pays au bénéfice de tant de richesses naturelles magnifiques: la mer, la montagne, le désert classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, des vestiges phéniciens et romains, une gastronomie exceptionnelle et une diversité culturelle incroyable, ne figure pas dans l’un des guides touristiques? Comment expliquer que toute cette jeunesse incroyable, qui n’a d’autres souhaits que d’apprendre et de créer, d’inventer et d’imaginer de progresser et de prospérer, soit ainsi muselée? Ou contrainte à l’exil?</p><p>J’ai pleuré durant ces dix années de folie où les Algériens ne s’aimaient plus et brisaient des vies. Dont la mienne.</p><p>J’ai pleuré toutes les fois où l’on traitait, ici, mes compatriotes, de «racailles», à peine bons à taper dans le ballon ou à faire du rap.</p><p>J’ai pleuré toutes les fois où, ici, certains de mes compatriotes ont fait couler le sang. Notamment en s’en prenant à la cible préférée des médiocres: les Juifs. Savaient-ils seulement que Roger Hanin est enterré dans le carré juif du principal cimetière d’Alger? Eh! Oui. Là-bas, contrairement à ici, les carrés confessionnels ne font pas l’objet de polémiques et presque chacun respecte les communautés religieuses présentes. C’est d’ailleurs grâce à des «sœurs blanches» que je dois d’être encore en vie.</p><p>Mais là, j’ai envie d’y croire. J’ai de plus en plus envie de prendre l’avion et de venir chaque vendredi défiler à vos côtés. Dans une dignité exemplaire, sans violence et sans haine. Vos slogans sont souvent d’une efficacité et d’une imagination lumineuses. Aller y vanter le modèle helvétique, le fédéralisme, la concordance politique et le respect des minorités. Et tant pis pour le bilan carbone: le lendemain, je reprendrai l’avion pour Genève. Ad libitum. Aussi longtemps que ce régime, in globo, ne nous aura pas compris. <br></p><p>N’aura pas compris que nous ne voulons plus être entravés dans nos libertés. <br></p><p>Voulons avoir accès à un système de santé à la hauteur de nos médecins et du corps médical. <br></p><p>Voulons pouvoir accéder à des logements sans devoir bénéficier de passe-droits. <br></p><p>Voulons pouvoir exprimer nos différences culturelles, individuelles, religieuses ou sexuelles sans risquer la prison. <br></p><p>Voulons peindre les nuages et danser avec les étoiles. </p><p>Mais parfois aussi je tremble. Peur que demain, certains sbires du pouvoir ne commettent un attentat pour à nouveau agiter le spectre de l’islamisme et tenter de nous diviser. De peur que des «blacks-bocks», fatigués de saccager les Champs-Elysées, ne veuillent en faire autant rue Didouche-Mourad.</p><p>Ma vie est ici, mais mon cœur est aussi là-bas. Sur cette terre sablonneuse qui m’a vu naître, je ne sais ni où ni quand. Ni surtout pourquoi. 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Chronique / Lettre d'amour à ma belle Algérie qui vit des moments historiques
Mohamed Hamdaoui est Algérien. Et il espère. Tout en tremblant.
Mohamed Hamdaoui
Journaliste, député au Grand Conseil bernois