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Actuel / Don Quichotte contre les pisse-vinaigres biennois


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Jusqu’au début du mois de septembre, Bienne abrite la 13e édition de l’Exposition suisse de sculpture. L’artiste retenu pour l’organiser, Thomas, Hirschhorn, souhaite la dédier à l’œuvre et à la personnalité complexe de l’écrivain Robert Walser. Mais les pisse-vinaigre locaux s’en donnent à cœur-joie.



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Tout autre artiste aurait sans doute jeté l’éponge. Après avoir investi l’espace public dans de nombreuses villes du monde, dont Paris, New York, Bilbao ou Munich, le Bernois Thomas Hirschhorn, lauréat de nombreuses distinctions internationales, avait décidé de poursuivre sa quête plasticienne à Bienne, ville choisie depuis le milieu des années cinquante pour organiser périodiquement l’Exposition suisse de sculpture. Plus précisément sa place de la gare, lieu de passage plutôt que de rencontres. Une des places de la gare objectivement les plus laides de Suisse. Pour des motifs diamétralement opposés, sa rénovation avait été refusée en votation populaire en 2015. Le lobby des cyclistes l’avait trouvée trop défavorable aux deux-roues. Les automobilistes exigeaient au contraire davantage de places de parcs et une partie de la population voulait profiter de ce scrutin pour manifester son mécontentement. Résultat: cette année-là, 61,5% des votants avaient rejeté ce projet pourtant en grande partie financé par la Confédération. Taux de participation: 35%. Presque un record dans cette ville résignée à des abstentions massives.

«La force transformatrice des moments vécus»

Désigné par la Fondation Exposition suisse de sculpture, Thomas Hirschhorn avait décidé de dédier cette 13e édition à l’écrivain biennois Robert Walser. Cet autodidacte tourmenté né en 1897 avait exercé de nombreux emplois précaires, tout en écrivant de nombreux textes alternant nouvelles et poèmes, romans et récits, pièces de théâtre et d’innombrables articles dans la presse. Il finit ses jours un triste 25 décembre (en 1956) de fortes neiges et marchant, seul, jusqu’à l’épuisement et la mort, pour s’évader de l’asile psychiatrique d’Herisau où il était interné. «Mon rêve, c'est que cet événement soit tellement fort, tellement intense qu'on n'oublie plus jamais Robert Walser. Et que l'on arrive à cette soi-disant éternité non pas par l'objet ou le matériau, mais par la densité, la beauté, et peut-être la force transformatrice des moments vécus sur place. C'est ça que je veux créer.» Mais Thomas Hirschhorn ne s’imaginait pas le nombre d’obstacles qui allaient se dresser devant lui.

Taxis et «Neinsager»

L’exposition aurait dû se dérouler en 2018. Les permis de construire avaient été accordés et le financement en partie assuré. C’était sans compter les nombreuses oppositions. «Je les avais totalement sous-estimées», reconnaîtra-t-il. L’opposition de la puissante Association des chauffeurs de taxis craignant de voir le chiffre d’affaires de ses membres baisser durant la manifestation. Oppositions aussi et peut-être surtout de nombreux pisse-vinaigre rancuniers, les tristes «Neinsager», qui n’avaient pas oublié que, 15 ans plus tôt, le nom de Thomas Hisrchhorn avait été au cœur d’un des plus absurdes règlements de compte politiques.

Christoph Blocher

Dix décembre 2003. Christoph Blocher accède au Conseil fédéral. La Suisse est divisée en deux camps: les pro et les anti. Domicilié à Paris depuis 1984, Thomas Hirschhorn présente une exposition au Centre culturel suisse de la Ville Lumière. Dans une pièce de théâtre, il n’hésite pas à démonter le mythe de Guillaume Tell. Une actrice vomit dans une urne de scrutin et un acteur adopte la position d’un chien pour uriner sur une image qui semble représenter le nouveau conseiller fédéral. Tollé! Sacrilège! En guise de représailles, les Chambres fédérales décident alors de raboter l’enveloppe financière de Pro Helvetia, qui avait soutenu financièrement cette exposition. Très peu de députés et de sénateurs ne l’avaient vue, mais la rumeur et l’indignation sélective avaient triomphé. «Je ne m'étais pas douté que je trainerais encore longtemps cette casserole», soupire Thomas Hirschhorn.

Plier sans rompre

Car Bienne la rouge change parfois de couleurs. Jusque-là groupusculaire, l’UDC compte désormais 11 sièges au Conseil de Ville (sur 60) et est même désormais le plus grand groupe parlementaire. Elle a largement bénéficié de l’image négative de cette cité horlogère de 56'000 habitants, multiethnique (plus de 130 nationalités représentées), avec un fort taux de bénéficiaires de l’aide sociale (11% de la population). Cette formation est localement très active, multiplie les pétitions et les actions de rues, est très présente sur les réseaux sociaux et inonde les médias locaux de lettres de lecteurs. Du pain béni! Au point qu’en raison de l’hostilité grandissante, Thomas Horschhiron finit par plier. Sans pour autant rompre. Avec la bénédiction des autorités de majorité rose-verte, il accepte de repousser d’un an son projet d’Exposition suisse de sculpture. Mais il n’en démord pas: elle aura lieu sur la place de la Gare de Bienne et sera consacrée à Robert-Walser.

Bâton de pélerin

L’artiste au caractère bien trempé change alors de stratégie. Il loue un petit appartement en haut d’un immeuble surplombant la place de la gare et multiplie les réunions publiques pour expliquer son projet. Dans des bistrots ou à la bibliothèque municipale, dans d’autres lieux culturels ou même dans la rue, il s’explique, brandit son bâton de pèlerin, s’emporte, s’enthousiasme, se prend au jeu et finit par convaincre. Les chauffeurs de taxis retirent leur opposition et le préfet donne son feu vert. Mais le plus dur est à venir.

Obtus et téméraire

«C’est toujours difficile de concevoir une œuvre d’art dans l’espace public, où les conflits d’intérêts sont fréquents. Je me bats comme un chien pour chaque centimètre de terrain, sinon rien ne se passe. J’ai toujours été clair. Je ne suis pas extravagant mais obtus, téméraire et surtout dingue de Robert Walser. Je conçois dans sa ville natale un travail qui va marquer les esprits et entrer dans l’histoire de l’art», s’enflamme-t-il. Alors, depuis le début du mois d’avril, au risque de priver les automobilistes d’une vingtaine de places de parc dans cet endroit stratégique, lui et son équipe se sont activés. De 7 heures jusqu’à plus d’heure, avec leurs casques jaunes, quelques salariés mais surtout de nombreux bénévoles se sont activés pour construire cette «Sculture Robert-Walser». Une plateforme de 1200 m2 faite de centaines de palettes en bois recyclées imbriquées les unes aux autres. Résultat final: de nombreux espaces sur deux étages, autant d’ateliers où peindre, écrire, échanger des idées, déguster des spécialités à bas prix, apprendre l’arabe ou l’expéranto, jouer aux aux échecs ou entendre des comédiens lire en allemand, en français, en anglais ou en italien des extraits de l’œuvre de Robert Walser. Car l’écrivain reste le fil rouge de cet événement. Des passages de ses livres ont été peints sur les murs extérieurs de la sculpture et suscitent la curiosité des passants pas trop pressés. A l’intérieur, des graphistes et des peintres se relaient pour illustrer son œuvre. Et une des nombreuses participantes à cette sculpture d’un genre unique a promis d’aller bientôt dans son Maroc natal faire une lecture publique de certains de ses textes.

«Affabulateur», «profiteur»

De quoi apaiser les esprits? Que nenni. Les titres des courriers des lecteurs parus depuis 2018 à Bienne sur cette Exposition n’ont pas été avares en quolibets: «affabulateur», «profiteur», «manipulateur»... Réplique de Thomas Hirschhorn: «La noblesse d’un travail dans l’espace public est de se confronter à la réalité. Certains râlent, d’autres exagèrent ou avancent des arguments tirés par les cheveux». Comme le coût soit-disant exorbitant de cette manifestation. Car en réalité, la Ville de Bienne n’aura dépensé «que» 300'000 francs. Le reste du budget étant assuré par le Canton de Berne (aussi 300'000 francs) et par des donateurs privés, des fondations et un crowdfunding qui n’a d’ailleurs pas encore obtenu le succès escompté. Depuis son inauguration, samedi 15 juin, jusqu’à sa fermeture prévue le 8 septembre, la «Sculpture Robert-Walser», dont l’entrée est totalement gratuite, promet de diviser et de faire couler encore pas mal d’encre et de salive. Dans certaines bistrots du coin, certains opposants fortement alcoolisés promettent régulièrement «d’aller foutre le feu le 1er août à ce repaire de gauchistes et d’étrangers». Ils ignorent que sur place, la bière ne coûte que 3 francs. Assez peu pour les convaincre de se donner la peine de voir avant de juger?

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