Média indocile – nouvelle formule
David Laufer
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Culture / La guerre, ce véritable objet de notre désir
Diffusée par Netflix depuis mars, la première saison du "Problème à trois corps" a pris le monde d'assaut. Sur la base d'un roman écrit par un auteur chinois à succès, cette fable apocalyptique nous raconte énormément de choses sur nous et notre société.
David Laufer
B Article réservé aux abonnés
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Retranché du centre historique par une gare centrale héritière d'un temps où le transport en commun était grandiose, Kødbyen, les anciens abattoirs, n'est que la version danoise d'une réalité désormais ubiquitaire: les zones industrielles et les docks rhabillés en centres gastronomiques et culturels. Là où des hommes souffraient pour gagner une misère avant de s'en aller sans bruit vers une mort hâtive, on boit et on s'amuse aujourd'hui. Dans ce bar à cocktails baigné d'une lumière rosâtre, le sol de pavés éraflés par les machine-outils et les murs de briques constellés de trous de vis racontent une autre histoire: les tâches monotones et dures, les ordres glapis, les pauses furtives, le vacarme incessant. Dans toutes les villes du monde occidental, surtout les centres portuaires, ces quartiers exhibent les mêmes hangars de briques et de béton aux mêmes fenêtres quadrillées, aux mêmes luminaires zingués. 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Analyse / Pour l'Europe, le passé a de l'avenir
Ayant exporté ses usines, sa pollution et ses ouvriers aux quatre coins de la planète, l'Europe est devenue le décor scénarisé d'un tourisme global. Elle peut imaginer en tirer désormais une rente confortable. Ce que n'avaient probablement pas imaginé les bâtisseurs de nos cathédrales et palais.
David Laufer
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Sa réputation était celle d'un bourreau de travail plutôt solitaire, sans vices connus, sans excès, sorte de fonctionnaire tempérant de la peinture. Il est mort sans bruit, abattu un matin d'août 42 parce qu'il était serbe, laissant derrière lui un frénétique empilement de 800 toiles et 400 dessins, dont le musée conserve plus de la moitié.</p> <p>On y découvre, dans les premières salles, des dizaines de versions d'un même paysage à travers toutes les saisons et toutes les heures du jour. Or ce paysage, aussi féconde que soit l'imagination, est d'une abrutissante monotonie. C'est le Srem, sans surprise et sans éclat, des champs, des rues, des arbres et des petites maisons à pignons. Et rien, si ce n'est la mort violente de l'artiste, n'a jamais perturbé ces paysages qui semblent abandonnés de toute éternité. Mais quelque chose s'est passé alors que mon regard glissait de plus en plus intrigué d'un paysage désert à un autre paysage désert. C'est précisément cette lancinante répétition qui m'en découvrait le secret intérêt, non pas en tant que représentation du réel, mais comme objet d'une obsession lentement contagieuse. On est saisi du même sursaut en découvrant les dizaines de toiles de Giorgio Morandi, représentant les mêmes petites bouteilles sur la même petite table. Ces bouteilles ne sont rien. Mais en les alignant, jour après jour, des décennies durant, devant le même mur pour en faire le portrait, Morandi a créé, non pas plusieurs toiles, mais un ensemble kaléidoscopique. Bout à bout, les toiles de Morandi, comme celles de Shoumanovitch, produisent ainsi dans l'œil puis sur l'âme un effet à la fois dément et méditatif, furieux et suprêmement apaisé. C'est le pouvoir de l'obsession, à laquelle l'artiste ose se rendre sans résister. En sans nous faire partager sa souffrance, il ne nous en restitue que la sublimation, comme un alambic transforme la pourriture en liquide clair et parfumé.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1708521862_paysagedhiver1935.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Paysage d'hiver 1935. © D.L.</em></h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1708521904_paysage1934.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Paysage, 1934. © D.L.</em></h4> <p>En entendant mes pas faire grincer le parquet de la longue pièce principale, la gardienne s'est précipitée pour en allumer les lumières. C'est là, seul dans ce musée désert, que j'ai découvert l'invraisemblable série de nus que Shoumanovitch a réalisée au tournant des années 20 et 30, les Baigneuses de Shid. Le long d'un mur d'une quinzaine de mètres, cadre contre cadre, ces formats grandeur nature mettent en scène une seule et unique femme, parfois nue et parfois en maillot de bain, assise, debout ou couchée. Cette même femme aux cheveux blonds permanentés est ainsi représentée en 61 exemplaires, plusieurs par toile, sur treize toiles de même hauteur. Elle était la seule habitante de Shid à avoir accepté de poser pour le peintre dans le plus simple appareil. Sava n'avait pas cherché plus loin, décidé à reproduire ce long corps autant de fois qu'il le faudrait sans qu'on saisisse jamais la raison de cette fantastique absurdité. Le résultat est ce mur de nus, l'un des plus hypnotiques que l'on puisse admirer, digne de Morandi, digne de Vallotton ou de Vuillard. C'est dans cette salle que j'ai compris que je n'avais jamais compris Shoumanovitch. Qu'il était l'un des peintres les plus excitants et les plus originaux, non pas de Serbie, mais de l'Europe du XXème siècle.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1708521945_lagaleriedesnusdumusedeshid.png" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>La galerie des nus du musée de Shid. © D.L.</em></h4> <p>Le Rijksmuseum et le MoMA renferment des trésors indiscutables. Mais ce sont des trésors évidents, filtrés par le temps, désignés comme tels par des armées de critiques et des millions d'adorateurs anonymes. Le petit musée Shoumanovitch de Shid, en Serbie occidentale, dans ce Rivage des Syrtes, malgré sa taille, malgré son inexistence au-delà des frontières, malgré son absence de visiteurs, offre pourtant un trésor à l'égal de ces géants. Le force d'attraction du centre sur la périphérie n'est pas une illusion et l'on peut vivre toute une vie en se satisfaisant de l'idée que seuls les grands musées du monde occidental offrent la somme de tout ce qui doit être admiré. 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Culture / Sava Shoumanovitch, la vertu de l'obsession
Cela fait plus de vingt ans maintenant que le nom de Sava Shoumanovitch (1896-1942) m'est connu. Je vois ses tableaux aux cimaises de tous les musées de Serbie. Et aucun autre peintre serbe ne m'a jamais moins ému que Shoumanovitch. Ses nus rose crustacé, ses paysages aplatis et sa débauche de matière appliquée à la truelle m'abattaient. Je me disais que les Serbes, qui trop souvent confondent malheur et grandeur, avaient peut-être moins de considération pour ses toiles que pour son martyr en 1942, aux mains des Oustachis croates.
David Laufer
B Article réservé aux abonnés
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Le gouvernement s'est donc résolu à ne rien faire et à laisser les frontières dégarnies en dépit des preuves de l'attaque imminente. Cette impréparation reposait elle-même sur un aveuglement collectif de supériorité israélienne, et d'innocuité des Palestiniens.</p> <p>Le second temps est militaire. Plus de 1'100 civils israéliens ont été massacrés dans des circonstances qui disqualifient à jamais leurs auteurs. Un nombre significatif de ces victimes ont été tuées par l'armée israélienne elle-même dans un chaos qui reste à éclaircir. De cette défaite militaire, les Israéliens ne se remettront probablement pas. Celle-ci constitue pour eux la matérialisation de leurs pires cauchemars, l'impossible rupture du principe énoncé par Ben Gourion. Le 7 octobre leur a imposé la preuve que leur armée ne sert presque à rien. Que leurs deux cent ogives nucléaires sont inutiles. Cela, plusieurs Israéliens s'en sont lamentés devant moi – certains pour regretter que ces ogives ne soient pas utilisées.</p> <p>Dans sa riposte contre le Hamas, Israël n'a aucune stratégie et aucune tactique. Ziad Abu Zayyed, ancien ministre d'Arafat, s'en étonnait devant moi, lui qui s'est habitué à une attitude bien plus systématique d'Israël. Tout se passe en réalité comme si Israël n'avait aucun projet, aucun plan et aucune idée de ce qui se passera une fois les canons silencieux. Ainsi durant le seul mois d'octobre, l'armée israélienne a tué 10'000 civils à Gaza, autant que l'armée russe en Ukraine en un an et demi. Deux fois plus de bombes et de missiles ont été largués sur Gaza que sur l'Ukraine depuis février 2022. La moitié de ces 30'000 bombes sont dites «idiotes», c'est-à-dire imprécises, et n'ont donc d'autre but que de causer des dégâts humains et matériels maximum. Or les Israéliens avec lesquels j'ai pu échanger à ce sujet fin novembre m'ont tous, sans exception, opposé un seul argument: ces ravages sont regrettables mais indispensables, le Hamas doit être détruit. Pour beaucoup, jusque dans les rangs du gouvernement, Gaza doit même être vidée de ses occupants et repeuplé par des Juifs.</p> <p>Ces buts de guerre, conformes aux visées messianiques de la droite religieuse, sont en outre pratiquement impossibles. Le Hamas ne peut être détruit par des bombes, bien au contraire. En Cisjordanie l'organisation sunnite est passée de 12% d'intention de vote en septembre à 44% en décembre. Et les ravages provoqués par Israël n'ont entamé ni ses ressources matérielles, ni ses réserves humaines. Ainsi le Hamas continue de lancer des attaques depuis Gaza. Les pertes de l'armée israélienne approchent les 500 tués, un nombre record, parmi lesquels beaucoup d'officiers supérieurs. Enfin l'économie israélienne est durement touchée, avec une perte de croissance qui pourrait chuter de 3% à 1%, et des dépenses militaires estimées entre 100 et 200 millions de dollars par jour. L'attaque du Hamas fonctionne donc comme un collet à belettes: plus la bête tente de s'en dégager, plus l'étreinte du collet se resserre et l'étrangle.</p> <p>Cela nous conduit au troisième temps, le temps médiatique, qui constituait, très probablement, le véritable but de guerre du Hamas. Depuis sa fondation, l'Etat juif doit manier une double image avec délicatesse, celle d'un pays militairement fort, et celle d'un pays vulnérable. Fort, pour maintenir ses voisins en respect, et vulnérable pour s'attirer la sympathie des Occidentaux. La guerre en cours offre au Hamas l'occasion d'anéantir cette image. Les combats tendraient à démontrer qu'Israël n'est ni fort, puisqu'il peut être surpris et blessé, ni vulnérable, puisqu'il peut massacrer sans ciller des dizaines de milliers de civils. La brutalité de Tsahal a renversé le «narratif» médiatique, encore horrifié par les attaques du Hamas, contre Israël. Derrière ces manœuvres, le but stratégique consiste pour le Hamas, et pour son sponsor iranien, à remettre en question le lien le soutien inconditionnel des Etats-Unis pour Israël.</p> <p>En partie en tous les cas, ce but est déjà atteint car le soutien bipartisan pour Israël est désormais sujet à débat, ce qui n'a jamais été vraiment le cas depuis 1948. Privée des obus, des porte-avions, des chasseurs et des dollars américains, la puissance de Tsahal serait une coquille vide. Si l'Amérique hésite, le soutien des pétromonarchies arabes, qui détestent tout autant le Hamas, viendrait lui aussi à flancher si elles ne veulent pas se mettre leurs propres populations à dos. A mesure que passent les semaines, les médias sociaux fabriquent du contenu partagé par des dizaines de millions de personnes, surtout parmi les jeunes, pour lesquels Israël devient synonyme de répression, de néocolonialisme et d'apartheid du XXIème siècle. Une fois ces mécanismes enclenchés, le Hamas n'a pas tant à se battre qu'à résister et à attendre que son ennemi perde, petit à petit, ses soutiens vitaux.</p> <p>Devant Nahum Goldman, fondateur du Congrès juif mondial, Ben Gourion posait les termes de l'existence d'Israël et de sa cohabitation avec ses voisins, en témoignant une absence complète d'illusions: «Si j’étais, moi, un leader arabe, jamais je ne signerais avec Israël. C’est normal: nous avons pris leur pays. Certes, Dieu nous l’a promis, mais en quoi cela peut-il les intéresser? Notre Dieu n’est pas le leur. Nous sommes originaires d’Israël, c’est vrai, mais il y a de cela deux mille ans: en quoi cela les concerne-t-il? 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Même Yossi Beilin, architecte des Accords d'Oslo et «père» de cette solution, reconnaît aujourd'hui que celle-ci est devenue impossible. L'attaque du Hamas a mis en branle un processus de conflits dont l'issue ne peut être qu'une victoire complète d'un des deux belligérants, même si celle-ci semble encore lointaine.</p> <p>D'autre part les inconnues restent très nombreuses: le soutien effectif de Washington; la réaction des Etats du Golfe; la capacité ou non pour Israël de provoquer une guerre avec le Hezbollah et avec l'Iran; la capacité du camp laïc à reprendre la main sur les extrémistes religieux; chacun de ces facteurs pourrait changer, même temporairement, le cours d'une histoire qui semble, peut-être à tort, déjà écrite.</p> <p>Les tragédies semblent faire partie de l'histoire juive en s'y invitant avec une lugubre régularité. 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Actuel / Israël face à une défaite possible
Depuis trois mois, Israël a déversé sur Gaza plus de bombes et fait plus de victimes civiles que la Russie en Ukraine en deux ans. En dépit de cela, et probablement aussi à cause de cela, la perspective d'une défaite devient chaque jour plus probable.
David Laufer
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Reportage / Israël et l'obsession démographique
Parmi les enjeux vitaux auxquels fait face Israël, la démographie est certainement le premier. Dominer démographiquement leur territoire est pour les Juifs une urgence absolue, sans laquelle leur Etat n'a plus de sens. De gauche ou de droite, laïcs ou religieux, tous les Israéliens – ou presque – se retrouvent sur ce projet. Qui est au cœur de la guerre en cours.
David Laufer
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Actuel / Serbie: élections dans une démocratie à deux vitesses
Alors que 55% des Serbes ont voté ce dimanche 17 décembre, les résultats semblent excessivement favoriser le Président Vučić et son parti SNS. Une réalité historique et sociologique plus profonde permet de mieux comprendre d'où viennent ces résultats, et ce qu'ils dessinent à l'horizon.
David Laufer
B Article réservé aux abonnés
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Ainsi presque toutes les routes sont des goulots d'étranglement, les colons étant, eux, au bénéfice de leur propre réseau routier, propre, sécurisé, et désert. Lorsque mon chauffeur Thaer, 34 ans, et moi arrivons enfin au centre-ville, il nous faut une bonne demie-heure pour parcourir 100 mètres et trouver un parking. Il est bientôt 17 heures, le soleil commence à baisser, alors Thaer m'indique la direction de la petite gare routière et se prépare à faire demi-tour. Pour rentrer chez lui à Jericho, à environ 60 kilomètres, il lui faudra deux à trois heures de route, entre les détours imposés par les colons et les checkpoints à l'entrée de sa ville natale.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1703171849_lemarchderamallah.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Le marché de Ramallah. © D.L.</em></h4> <p>Déambulant dans la crasse de ces petites rues, entre les étals du marché débordant de fruits, assourdi par les hululements rythmés des vendeurs d'avocats, je me dirige lentement vers la gare. En y parvenant, on me dit, «<i>halas»</i>, c'est-à-dire, plus de bus. Depuis le début de la guerre, Israël interdit le trafic de bus entre Ramallah et Jérusalem après la tombée de la nuit. Mon cas est immédiatement pris au sérieux. On se rassemble autour de moi et sans un mot d'anglais, on m'offre thé et cigarettes et on se met au travail pour trouver une solution de fortune, en échangeant des blagues et en me rassurant.</p> <p>J'avais quitté mon hôtel du centre de Jérusalem le matin même vers 8 heures. On m'attendait à 10 heures à Jérusalem Est, distant d'environ 8 kilomètres. Le gardien de nuit m'avait prévenu, partez avec deux heures d'avance, on ne sait jamais. Ahmed, 38 ans, travaille dans cet hôtel et n'a jamais vécu qu'à Jérusalem Est. Il parle hébreu, passe sa vie et travaille en Israël. Et jamais il ne pourra obtenir la nationalité israélienne. Que je pourrais, moi, en vertu de ma généalogie, obtenir sans jamais mettre les pieds dans ce pays. Vers 9 heures et demie, je parviens enfin à Béthanie, une performance que m'offre la guerre et le fait que Jérusalem a été entièrement désertée par les touristes et ceux qui les servent. 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Pour rentrer chez lui à Jericho, à environ 60 kilomètres, il lui faudra deux à trois heures de route, entre les détours imposés par les colons et les checkpoints à l'entrée de sa ville natale.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1703171849_lemarchderamallah.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Le marché de Ramallah. © D.L.</em></h4> <p>Déambulant dans la crasse de ces petites rues, entre les étals du marché débordant de fruits, assourdi par les hululements rythmés des vendeurs d'avocats, je me dirige lentement vers la gare. En y parvenant, on me dit, «<i>halas»</i>, c'est-à-dire, plus de bus. Depuis le début de la guerre, Israël interdit le trafic de bus entre Ramallah et Jérusalem après la tombée de la nuit. Mon cas est immédiatement pris au sérieux. On se rassemble autour de moi et sans un mot d'anglais, on m'offre thé et cigarettes et on se met au travail pour trouver une solution de fortune, en échangeant des blagues et en me rassurant.</p> <p>J'avais quitté mon hôtel du centre de Jérusalem le matin même vers 8 heures. On m'attendait à 10 heures à Jérusalem Est, distant d'environ 8 kilomètres. Le gardien de nuit m'avait prévenu, partez avec deux heures d'avance, on ne sait jamais. Ahmed, 38 ans, travaille dans cet hôtel et n'a jamais vécu qu'à Jérusalem Est. Il parle hébreu, passe sa vie et travaille en Israël. Et jamais il ne pourra obtenir la nationalité israélienne. Que je pourrais, moi, en vertu de ma généalogie, obtenir sans jamais mettre les pieds dans ce pays. Vers 9 heures et demie, je parviens enfin à Béthanie, une performance que m'offre la guerre et le fait que Jérusalem a été entièrement désertée par les touristes et ceux qui les servent. Dans des bureaux vides où nos voix rebondissent sur les murs de pierre polie, m'attend un homme de 83 ans, l'œil vif malgré son verbe hésitant et las.</p> <p>Ziad Abu Zayyad, journaliste et avocat, a été ministre de l'Autorité Palestinienne chargé des affaires de Jérusalem dans les années 90. Il a fait de la prison en Israël (bien sûr, pourrait-on rajouter, puisqu'aucun des ministres palestiniens n'échappe à cette règle) et reste connu comme un pacifiste à la recherche d'un compromis avec Israël. Pourtant le vieil avocat n'a plus aucune illusion. En tous les cas, plus depuis le 7 octobre. Non pas que son credo ait changé, mais il connaît la rage vengeresse des Israéliens. Il sait aussi que ceux-ci «ne pourront pas annihiler militairement le Hamas, ni détruire le peuple palestinien à Gaza, en dépit du nombre élevé de victimes. Ils n'accompliront rien avec cette guerre, sinon tuer des civils en grande quantité (...) et perdre le soutien de la communauté internationale». Et la Cisjordanie n'est pas épargnée. En 2023, 480 victimes y sont à déplorer, la moitié rien que depuis le 7 octobre. Plus de 4'200 personnes, la plupart des jeunes hommes, ont été jetées en prison, non sans se faire auparavant humilier en devant s'asseoir à demi nu dans la rue, sous les quolibets des soldats israéliens. Des images qui ont fait le tour du monde et qui donnent raison à Abu Zayyad: Israël y perd tout crédit et toute sympathie, surtout auprès des jeunes générations d'Européens et Américains, pour lesquels l'Holocauste ne suffit plus pour tout justifier. En Cisjordanie, pour la plus grande honte et la plus grande colère d'un très grand nombre d'Israéliens libéraux, ce sont surtout les exactions et les violences gratuites des colons qui sont en augmentation exponentielle depuis l'attaque du Hamas. Villages rasés, oliveraies arrachées, écoles et hôpitaux incendiés, femmes et enfants harcelés et battus, la liste des dégâts est longue.</p> <p>Derrière Abu Zayyad, par la fenêtre je vois un décor de <i>Mad Max</i>. La rue défoncée voit passer des autos borgnes, éraflées de tous côtés, crachant de la fumée. Des immeubles en parpaing, assemblés à la hâte, côtoient des ruines ou des maisons inachevées, probablement des histoires de permis de construire. En 2022 et selon les statistiques officielles, Israël a issu 13'000 de ces permis à des colons. Et quatre, en tout, à des Palestiniens. En me serrant la main, Abu Zayyed conclut, sur un ton qui fleure plus la tristesse que le triomphalisme: «Israël ne peut pas continuer comme cela. Je pense qu'Israël disparaîtra, de mon vivant ou du vôtre. C'est un Etat contre-nature».</p> <p>Son fils, la quarantaine, me raccompagne et attend mon chauffeur de taxi avec moi. En m'offrant une cigarette, il me raconte qu'il vit depuis trente ans aux Etats-Unis. Son père, dès qu'il en a eu les moyens, a exilé son fils aussi loin que possible de cet enfer. Mais il a grandi ici, à Bethanie, fils d'une famille qui remonte au XVIème siècle, me dit-il. Son attachement pour sa terre est manifeste. En voyant arriver la vieille Skoda jaune de Thaer, il lance son mégot et puis il me regarde et me dit: «Israël est une belle saloperie. Mais laissez les Palestiniens gouverner ce pays, vous aurez la guerre civile et la destruction en moins d'une année. Laissez des Palestiniens gouverner les Etats-Unis, vous aurez des guerres civiles entre Etats, et à l'intérieur des Etats. Et tout sera détruit, sale et inutilisable en un rien de temps. Ce peuple ne sait pas se gouverner et ne veut pas se gouverner. 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Les emplois les plus dangereux sont systématiquement dévolus aux Juifs africains et orientaux. Un Ashkénaze n'aura que très rarement cette lourde responsabilité. Et ces trois soldats me hèlent avec un sourire, mais ajoutent d'un ton réprobateur: «Qu'est-ce que tu fais ici! C'est très dangereux tu sais! Allez, rentre vite chez toi et ne reviens pas!» Le lendemain matin, à trois cent mètres d'ici, deux Palestiniens armés de fusils ont arrosé un arrêt de bus, causant trois morts, avant de se faire eux-même abattre.</p> <p>Deux jours plus tard, je suis à Tel Aviv, invité au dîner de Shabbat. Les invités sont estomaqués de savoir que je suis allé à Ramallah. Personne n'a jamais songé à s'y rendre et tous m'assurent que j'aurais pu y laisser ma peau. Une jeune femme, née à Paris et qui vient d'immigrer, discute avec moi et commente l'assassinat terroriste du jour précédent. «Cinq morts, tout de même», dis-je sobrement. «Non, trois», corrige-t-elle, «les deux autres, on ne les compte pas».</p>', 'content_edition' => 'L'arrivée en voiture à Ramallah, capitale de la Palestine, vous ferait croire que l'équipe de foot locale vient de remporter la Coupe des Champions. Foule compacte, tintamarre assourdissant, mer de voitures et de camionnettes au point mort, chauffeurs s'insultant parmi les vendeurs de maïs grillé hurlant, le chaos est indescriptible. Pourtant c'est un mercredi comme un autre, il fait un délicieux 24 degrés, le ciel est bleu comme les yeux de ma filleule, et Ramallah n'est qu'une petite ville de 40'000 habitants à peine. La raison en est que tout le trafic, donc le transport des biens et des personnes, est régulé par Israël selon des conditions mouvantes et impénétrables. Ainsi presque toutes les routes sont des goulots d'étranglement, les colons étant, eux, au bénéfice de leur propre réseau routier, propre, sécurisé, et désert. Lorsque mon chauffeur Thaer, 34 ans, et moi arrivons enfin au centre-ville, il nous faut une bonne demie-heure pour parcourir 100 mètres et trouver un parking. Il est bientôt 17 heures, le soleil commence à baisser, alors Thaer m'indique la direction de la petite gare routière et se prépare à faire demi-tour. Pour rentrer chez lui à Jericho, à environ 60 kilomètres, il lui faudra deux à trois heures de route, entre les détours imposés par les colons et les checkpoints à l'entrée de sa ville natale. Déambulant dans la crasse de ces petites rues, entre les étals du marché débordant de fruits, assourdi par les hululements rythmés des vendeurs d'avocats, je me dirige lentement vers la gare. En y parvenant, on me dit, «halas», c'est-à-dire, plus de bus. 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Reportage / La Cisjordanie, un asile de fous à ciel ouvert
On dit souvent de Gaza qu'elle est la «plus grande prison du monde à ciel ouvert». La Cisjordanie, principale entité de l'Etat de Palestine, ressemble en comparaison à un asile de fous. Un asile imaginé par des fous, mais aussi rempli de fous. Fous de rage, de désespoir, contraints à vivre dans une réalité parallèle tout à fait inimaginable de l'extérieur.
David Laufer