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D'énormes gisements de lithium reposent en Serbie occidentale. Ces perspectives attirent l'UE, essentiellement l'Allemagne et son industrie automobile. Les Serbes ne s'en réjouissent pas.



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C'est une vallée idyllique qui longe la frontière serbo-bosnienne, la vallée du Jadar, un affluent de la Drina. Sous ces vallons verts et fertiles, sous ces petits villages bucoliques où 18'000 personnes vivent essentiellement de l'agriculture, reposent d'énormes gisements de lithium, parmi les plus importants au monde. Or le lithium, depuis une quinzaine d'années, a acquis la douteuse renommée d'être une matière première stratégique. C'est le lithium qui permet à nos smartphones, à nos voitures électriques et à tous nos joujoux sans fils de fonctionner. On parle d'une capacité de 58'000 tonnes extraites par an, suffisamment pour équiper un million de voitures. Selon les estimations, les mines de Serbie permettraient à l'Europe de couvrir, à terme, 90% de ses besoins en lithium. Pour l'Etat serbe cela représente, suivant la configuration, un revenu compris entre 2 et 12 milliards d'euros, ou 2 à 3 points de PIB, et des emplois directs pour 1'300 personnes. 

Cette manne financière semble opportune pour un pays qui en aurait bien besoin. Et pourtant, deux tiers des 7 millions de Serbes sont vent debout contre ce projet minier, contre le président Vučić qui le promeut, et contre l'entreprise anglo-australienne Rio Tinto qui se propose de l'exploiter. Le 10 août dernier, plusieurs dizaines de milliers de manifestants se sont retrouvés au centre de Belgrade et d'autres villes de province pour marquer leur refus de l'exploitation du lithium. Cette manifestation, qui a réuni environ 50'000 personnes, a vu toutes les couches de la population se fédérer autour de revendications environnementales et politiques.

La préoccupation environnementale est facilement compréhensible. Ouvrir un gigantesques site d'extraction minière en plein cœur d'une vallée vivant de ses ressources agricoles pose des problèmes évidents. L'exploitation d'une mine de lithium consomme d'énormes quantités d'eau et d'acide sulfurique. Le risque de contamination des nappes phréatiques, vitales pour les exploitations agricoles environnantes, est tout à fait réel et condamnerait la vallée entière. Et puis Rio Tinto, deuxième plus grand conglomérat minier mondial, n'est pas auréolé d'une réputation environnementale resplendissante. D'autre part, l'exploitation de cuivre, d'or et autres minerais précieux en Serbie orientale par la compagnie chinoise Zijin est un désastre écologique et sanitaire dont les Serbes se plaignent depuis des années, en vain. La perspective de voir un même saccage, ou pire, s'étendre dans l'ouest du pays est un crève-cœur pour une population naturellement très attachée à son environnement.

La question politique est plus délicate. En 2021, lorsque les premiers projets de mine de lithium avaient été rendus publics par le gouvernement, l'opposition populaire avait été immédiate et massive. Au bout de quelques mois de manifestations, en janvier 2022, la Première ministre Ana Brnabitch avait été contrainte à faire marche arrière et à abandonner le projet. Ce revers avait été accueilli avec une joie mesurée par les manifestants. On attendait de voir si, et comment, le gouvernement essaierait de faire revivre le projet. On avait raison.

En 2023, pour des raisons tout autres, le gouvernement a dû faire face pendant des mois à des manifestations d'opposition monstres, les plus importantes depuis les années 90. C'est dans ce contexte explosif qu'un tribunal de Belgrade a déclaré en juillet 2024 que l'abandon du projet minier en janvier 2022 était illégal. Cette décision de justice a aussitôt déclenché une déflagration politique de grande ampleur. La population s'est mobilisée en masse, les médias sociaux ont été saturés d'appels au renversement du gouvernement. Point culminant de cette mobilisation, la manifestation du samedi 10 août a réuni bien plus de personnes que le gouvernement ne l'espérait, la plupart des Belgradois étant généralement en vacances au bord de la mer à cette période.

Fidèle à ses habitudes, le gouvernement a commenté ces manifestations avec morgue et mépris, minimisant le nombre de personnes présentes et moquant leurs intentions. Pourtant il est manifeste que le Président n'est pas aussi combattif que lors des mobilisations de 2023. Car il semble que cette décision, celle de rouvrir malgré tout l'exploitation du lithium, lui échappe au moins partiellement. Des intérêts largement supérieurs à la petite Serbie sont en jeu.

Le lithium n'est pas n'importe quel matériau. Il est crucial dans la fabrication de tous les objets fonctionnant sur batteries, et surtout des voitures. L'Allemagne est le premier constructeur automobile européen et s'est engagé avec l'électrique sur la voie d'une transition technologique sans retour. Or Berlin doit importer la moitié de son lithium du Chili, et un autre quart de Chine. De plus le lithium nécessite une purification et une transformation hautement techniques et coûteuses. A une époque où peu de pays s'y intéressaient, la Chine a développé une industrie de transformation très compétitive, tandis que l'Europe a peu à peu abandonné les siennes dans un contexte où les industries minières sont généralement très mal vues par les populations. Seule une petite usine de ce type existe aujourd'hui en Estonie. La guerre en Ukraine et la soudaine rupture du pipeline Nordstream 2, dynamité par Washington, a tout changé pour l'Allemagne. Sa dépendance et aux matières premières, et aux moyens de les transformer, n'est plus tolérable. Ainsi elle doit impérativement trouver des alternatives en Europe pour réduire sa dépendance à la Chine. La Serbie et ses gisements sont la solution idéale.

Après l'annulation de l'abandon du projet par le gouvernement serbe, un meeting international de haute volée s'est tenu à Belgrade le 19 juillet. Le «Sommet pour les matières premières stratégiques de Belgrade», a réuni les constructeurs Mercedes et Stellantis, c'est-à-dire un quart de la production automobile européenne. Aux côtés du Vice-Président de la Commission européenne Sefcovic, menant la charge, le Chancelier Olaf Scholz en personne a fait le déplacement. Ce dernier explique en termes très clairs pourquoi le lithium serbe doit être exploité: «C'est un projet européen important qui contribue à ce que l'Europe demeure souveraine et indépendante dans la fourniture de matières premières».

Pour le moment, la pression exercée par l'Allemagne et l'Union rendent ce projet minier inévitable, et d'une certaine façon soustrait à la volonté du gouvernement serbe lui-même. Mais la violence de la réaction du public est indicative d'une résistance de fond. Sur place, dans la vallée du Jadar, seuls 15% des habitants sollicités pour vendre leur propriété à Rio Tinto ont accepté. Les autres, c'est-à-dire l'écrasante majorité, s'y refusent obstinément, en dépit des offres mirobolantes qui leur sont faites. Et les terrains nécessaires à l'exploitation proprement dite n'ont toujours pas pu être acquis par le géant minier. Personne, dans le gouvernement serbe ou chez Rio Tinto, ne semble disposé à évoquer cette question publiquement.

Il serait mal avisé de se concentrer sur les seuls véhicules électriques. Le lithium est et restera le nerf de la guerre de tous les objets connectés fonctionnant sur batteries, et dont le nombre ne cesse d'augmenter. La dépendance de l'Europe à la Chine, dans le contexte de la guerre en Ukraine, est devenue intenable. Reste à savoir si la petite Serbie, comme elle l'a fait souvent, se révoltera jusqu'à sacrifier ses propres intérêts directs pour sauvegarder son indépendance et son environnement.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

3 Commentaires

@Philippe37 26.08.2024 | 17h56

«Chaque jour fusent des nouvelles d’énergies nouvelles et libres, ringardisant le solaire, l’éolien, sans parler des voitures électriques, polluant fiasco. Le lithium appartiendra vite au passé. Les Serbes ont raison d’opposer aux intérêts industriels et financiers à court-terme un solide bon sens et un respect de leur héritage naturel.»


@LEFV024 29.08.2024 | 17h04

«On n'a pas besoin de tous ces gadgets sans fils!»


@marcello 02.09.2024 | 19h05

«Les industries se concentrent uniquement sur le lithium , alors que d'autres alternatives existent comme les batteries au sodium par exemple.
L'extraction de lithium, un procédé énergivore et gourmand en eau et on récolte env.1 kg par tonne dans les meilleurs cas.»


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