Culture / Une nouvelle traduction pour redécouvrir Kafka
Franz Kafka. © DR
Les Editions Folio proposent aujourd’hui la traduction intégrale des journaux de Kafka, soit douze cahiers couvrant les années 1909 à 1923. Ils contiennent des observations de la vie quotidienne, des rêves, des visions, des réflexions… Des cahiers hantés par l’impossibilité d’écrire tout autant que de l’impossibilité ne pas écrire
Voici enfin, réalisée par Dominique Tassel, la première traduction en français, intégrale et non expurgée, des douze cahiers remplis par Franz Kafka de 1910 à 1922, que cette édition reproduit à l’identique, sans coupes et sans censure, en rétablissant l’ordre chronologique original. Et cela fait événement, car contrairement aux précédentes traductions qui se voulaient littéraires, dans celle-ci on sent qu’on est face à une langue qui résiste. C’est envoûtant. Dans ces 800 pages, le lecteur passe du littéraire à l’authentique, un authentique paradoxal qui, usant d’une perpétuelle ironie, doute constamment de soi et ceci jusqu’au vertige.
Ecrire versus ne pas écrire
Franz Kafka (1883-1924) déclare qu’il hait tout ce qui n’a pas de rapport avec la littérature, que toute sociabilité, visite, conversation l’ennuient, et qu’il ne trouve de satisfaction que dans la littérature ou dans les rapports sexuels. Il parle de la lourdeur qui tombe sur sa pensée dès qu’il cesse d’écrire, et juge que l’écriture est incertaine, qu’elle n’habite pas en elle-même, qu’elle est tout autant amusement que désespoir, qu’elle est singulière, mystérieuse, dangereuse, libératrice et consolante. Il note qu’il lui a tout sacrifié: «plaisir du sexe, du boire, du manger, de la réflexion philosophique, de la musique en tout premier lieu. J’ai maigri dans toutes ces directions. C’était nécessaire parce que mes forces dans leur ensemble étaient si réduites qu’il fallait bien les rassembler pour qu’elles puissent peu ou prou servir le but d’écrire. Ce but, je ne l’ai naturellement pas trouvé de moi-même et consciemment, il s’est trouvé lui-même…»
Son bonheur, ses aptitudes, toutes possibilités de servir à quelque chose, se situent donc uniquement dans le champ de la littérature. C’est là qu’il a parfois atteint les limites de lui-même et même les limites de l’humain en général, constate-t-il.
Ces cahiers sont de part en part hantés ainsi par l’impossibilité d’écrire tout autant que de l’impossibilité ne pas écrire et ils sont toujours surprenants, d’une lucidité de scalpel et d’une inquiétude perpétuelle. Ils recèlent de fréquentes notations, des ébauches de fictions, des réflexions, et ont souvent trait au combat contre la fatigue, à l’endormissement, à l’attente du sommeil, au rêve et à ce qu’il est possible d’en retenir.
Pas d’impasse sur le sexe
Les traductions antérieures avaient supprimé toutes les allusions sexuelles. Dès la première page, la phrase «Je passai près du bordel comme si c'était la maison d'une bien-aimée» était absente de l'édition de Marthe Robert en 1954. Alors que ces allusions sont si passionnantes et tellement intrigantes, comme celle du 11 avril 1922: «Pour lui ne vaut que la femme sale, âgée, absolument inconnue, aux cuisses fripées, qui lui soutire à l’instant le sperme, empoche l’argent et passe en vitesse dans la chambre suivante où l’attend déjà un nouveau client». Ou encore celle-ci: «Je passe exprès par les rues où il y a des prostituées. Passer devant elles m’excite, cette possibilité lointaine mais néanmoins présente de monter avec l’une d’elles. Je ne veux que les grosses un peu âgées, avec des vêtements démodés.»
Le contenu hors réflexions sur l’écriture
«A cet égard voici une image de mon existence: une perche sans utilité, couverte de neige et de gel, légèrement enfoncée de biais dans le sol dans un champ retourné de fond en comble au bord d’une grande plaine durant une obscure nuit d’hiver.» C’est ainsi qu’il se peint.
Outre donc ces innombrables remarques sur l’écritures, ces cahiers contiennent la description d’une soixante de rêves, de nombreuses pages sur le théâtre yiddish, des récits de voyages et de rencontres, de multiples énoncés lapidaires, de toutes aussi fréquentes notations d’un hypocondriaque chronique, descriptions de migraines, d’insomnies, de constipations et de furoncles, ainsi que des esquisses et des fragments narratifs plus longs, dont le premier chapitre de l’Amérique et l’entièreté du Verdict. «Cette histoire je l’ai écrite d’un trait du 22 au 23 de 10h du soir à 6h du matin. J’ai eu le plus grande peine à sortir de dessous la table mes jambes ankylosées à force d’être assis. L’effort terrible et la joie de voir comment l’histoire se déroulait devant moi comme je fendais les eaux.»
Les rapports qu’il entretient avec son père sont un leitmotiv, tout comme son amitié avec Max Brod et l’attention constante qu’il porte aux personnages secondaires dans tout récit qu’il lit ou entend, ce sentiment qu’il a d’être comme eux. Son aversion pour les antithèses apparaît aussi.
Il assiste à des conférences de l’architecte Adolf Loos et de l’écrivain Karl Kraus, lit les Lettres de Flaubert, disserte sur Dickens, («Epanchement puissant mais des passages d’une horrible faiblesse. (…) Sécheresse de cœur derrière une manière débordant de sentimentalité.») recopie du Kierkegaard, confie son admiration pour Robert Walser ou pour Knut Hamsun.
Foultitude de traits étincelants
Ces résidus d’une vie abondent de traits ironiques, étincelants et profonds tel: «Dans le combat entre toi et le monde, seconde le monde», ou encore, tellement beau et puissant: «La peur de faire des folies. Voir une folie dans tout affect qui vous fait aller droit oublier tout le reste. Alors qu’est-ce que c’est qu’éviter les folies? Eviter les folies consiste à rester sur le seuil, comme un mendiant à côté de l’entrée, y pourrir et s’écrouler.»
«Journal. Edition intégrale, douze cahiers, (1909-1923)», Franz Kafka, édition et traduction de l'allemand par Dominique Tassel, Editions Folio, 788 pages.
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Geneviève Sellier cite une douzaine de comédiennes dans le même cas, telle qu’Ariel Besse ou Judith Godrèche.</p> <p>Et dans le <i>turnover</i> de jeunes actrices que l’on jette après usage, un cas, entre tous, est emblématique, celui de Maria Schneider dans <i>Le Dernier Tango à Paris </i>en 1972.</p> <p>Séduire, modeler de très jeunes actrices et en abuser, être un Pygmalion, le schéma perdure donc depuis plus de 60 ans, avec des cinéastes nés dans les années 40, tels Jacques Doillon, Benoît Jacquot ou Philippe Garrel; dans les années 50 avec Olivier Assayas et Bruno Dumont; dans les années 60, avec Arnaud Desplechin, Leos Carax, Mathieu Amalric; et encore dans les années 70 avec Christophe Honoré et Emmanuel Mouret.</p> <p>Dans un film, Doillon se phantasme en Rodin, Jacquot en Marquis de Sade, Constant en Casanova! 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Philippe Garrel, lui, n’a jamais eu plus de 95'000 entrées, et dans <i>L’Amant d’un jour</i>, il proclame que si les professeurs d’université couchent avec leurs étudiantes, c’est parce que celles-ci leur sautent dessus.</p> <p>Dans <i>Les Fantômes d’Ismaël</i> d’Arnaud Desplechin, le héros est un cinéaste, incarné par Mathieu Amalric, alcoolique et colérique, que toutes les femmes s’arrachent et en particulier des stars telles que Marion Cotillard ou Charlotte Gainsbourg.</p> <p>Benoît Jacquot s’est vanté publiquement de s’être <em>payé</em> une fille de 15 ans alors qu’il en avait 40. </p> <p>Pendant le tournage de <i>La Fille de quinze ans</i>, Jacques Doillon, 45 ans, pelote quarante-cinq fois de suite Judith Godrèche qui en a 15 et ceci en présence, sur le plateau, de sa compagne d’alors, Jane Birkin.</p> <h3>Le cinéma des hommes</h3> <p>Bref, nous dit l’autrice, les études de cinéma doivent devenir critiques, doivent tenir compte du genre, de la classe et de la race, et non pas être d’éternelles exégèses de phantasmes de cinéastes intronisés «auteur», de cinéastes qui dénient le poids du social et ceci grâce à un système d’aides qui leur permet d’échapper aux déterminismes économiques.</p> <p>L’autrice précise bien que le nombre d’entrées n’est pas son critère dominant, néanmoins, elle insiste à plusieurs reprises sur la proximité des cinéastes avec les critiques, avec les décideurs de la commission d’avance sur recettes et les animateurs des émissions spécialisées de radio du service public. Système qui pousse à produire, d’après elle, trop de films, un tiers des films français ayant réuni moins de 20'000 spectateurs en 2019, contre un quart en 2009.</p> <h3>Le cinéma des femmes</h3> <p>Soixante-trois réalisatrices françaises sont recensées sur une page Wikipédia et cela est unique au monde: Coline Serreau, Diane Kurys, Claire Denis, Nicole Garcia, etc. Oui, ça n’existe nulle part ailleurs. </p> <p>Depuis les années 1990, un bonus de 15% est accordé par le CNC (Centre National du Cinéma) pour les équipes paritaires. Le pourcentage de films tournés par des femmes s'élève à 40% en 2024. Néanmoins, l’accès aux gros budgets, qui conditionnent la visibilité des films pour le grand public, leur reste impossible.</p> <h3>Une nouvelle génération aux accents féministes assumés</h3> <p>Depuis les années 2000, des premiers films de réalisatrices portent un regard acéré sur les discriminations, harcèlements, agressions que subissent les femmes, genre <i>Baise-moi</i> de Virginie Despentes ou <i>Naissance des pieuvres</i> de Céline Sciamma. Mais le poids de la domination masculine dans le milieu du cinéma a pour conséquence que les films suivants perdent souvent leur acuité dans la critique des discriminations genrées. </p> <p>Valérie Donzelli, dans <i>L’Amour et les Forêts</i>, en 2023, traite des violences conjugales et de l’emprise avec l’espoir de permettre aux femmes qui y sont soumises de s’y soustraire.</p> <p>Le récent<i> Anatomie d’une chute</i> de Justine Triet se distingue par la maitrise de son écriture qui a nécessité quarante-deux semaines de montage. C’est l’homme, le mari, qui, suite à diverses péripéties, y est en charge du <i>care</i> et Sandra, l’épouse, qui multiplie les rencontres sexuelles. </p> <p>Alors que chez un réalisateur comme Abdellatif Kechiche, lors des scènes de sexe on voit tout, nous dit Geneviève Sellier, on ne ressent rien; chez les réalisatrices, on ne voit pas grand-chose, mais on ressent tout. </p> <h3>Le cinéma du <em>milieu</em></h3> <p>Le film social souffre en France de dramatisation abusive. Il est souvent caricatural. N’est pas Ken Loach qui veut. On retrouve donc ici et aujourd’hui le débat qui existait entre les revues <i>Positif</i> (1952) et <i>Les</i> <i>Cahiers du Cinéma</i> (1951). Vu bien sûr, à présent, à l’aune d’un regard féministe mais pas seulement. Il peut même sembler que l’entre-soi élitiste des cinéastes et critiques du cinéma d’auteur, ne vivant principalement que de subventions, soit encore plus nocif que la misogynie crasse et le paternalisme inusable régnant dans ce petit milieu consanguin. L’autrice défend l’aspect sociologique qui déplait tant à la critique cinéphilique. Par exemple les films de Jaoui-Bacri, le cinéma du «milieu».</p> <p>Un film avec des acteurs professionnels et des acteurs non-professionnels, c’est bien, écrit-elle. Cela donne de la «saveur» au film. Et si ça se passe en province, c’est encore mieux.</p> <p>La plupart des films de réalisatrices relèvent donc de ce cinéma du «milieu», se situant entre le cinéma commercial et celui d’auteur, avec une volonté de sortir de l’entre-soi. Côté travail, <i>Vénus Beauté (Institut)</i> de Tonie Marshall prend au sérieux les clients et les employées d’un institut de beauté. Autre thématique absente du cinéma masculin: dans <i>Le Lait de la tendresse humaine,</i> de Dominique Cabrera, film sur le «baby blues», la maternité. Blandine Lenoir, dans <i>Aurore</i>, traite, elle, de la ménopause. <i>La Pupille</i>, de Jeanne Herry, décrit la prise en charge des enfants nés sous X. Rebecca Zlotowski, dans <i>Les Enfants des autres,</i> donne une version positive de la garde alternée et de la belle-mère. 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Et en s’efforçant de ne pas les perpétuer ni de les cautionner.</p> <p>Au lieu de s’attendrir sur la «douleur» de l’homme violent, d’en faire une excuse, clamer une nouvelle volonté de prendre plutôt en compte la douleur des femmes qui l’accusent.</p> <p>La bulle de rêve et de nostalgie doit voler en éclats et il faut en finir avec ce raisonnement pour le moins déconcertant selon lequel, si on refusait les abus de pouvoir, si on arrêtait de faire des blagues racistes ou sexistes, la vie deviendrait sinistre et le rire disparaitrait à tout jamais.</p> <p>On nous répète que cela serait attentatoire à la liberté de créer. Naïvement, on a envie de demander: pourquoi? 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D’où cette épopée, récit d’un tête à tête mortifère et tour de force réalisé au stylo Bic quatre couleurs. Entre canapé et lit, la vie d’un couple et la naissance de deux enfants non désirés par leur génitrice avec donc, en filigrane, du début à la fin de cette aventure, la question de l’avortement.</p> <p>Quoi d’autre? Rien. Ou si peu. Au début, les salles de classe, ensuite, les lieux de travail, les parcs pour enfants et elle, notre artiste, qui, perpétuellement, n’ose pas ceci ou cela. Peu d’extérieur et tout à l’intérieur d’un appartement, quand ce n’est pas dans le sexe ou la matrice de la narratrice.</p> <h3>Les débuts, les Beaux-Arts, Stéphane</h3> <p>La narratrice a dix-huit ans et sa mère, catholique militante, lui prend sans cesse la tête avec l’avortement. Elle, rebelle, annonce à celle-ci qu’elle ne croit plus en Dieu. 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Faire le portrait d’un artiste, rapporter ses propos, décrire l’ordre ou le désordre de l’atelier, est-ce écrire sur l’art? Il n’en sait rien et ne s’en soucie pas. Ce qui lui importe est de trouver le ton juste pour habiller ses souvenirs, ses observations, ses impressions, anecdotes et autres descriptions.</p> <p>Avec lui, nous visitons ainsi les ateliers d’Antoni Tàpies, de Pierre Alechinsky et de Fabienne Verdier, approchons la manière dont Kiki Smith raisonne; nous le suivons devant les peintures de Christine Safa, Jean Degottex ou Richard Tuttle ou encore avec David Hockney pendant un long séjour que celui-ci fit en Normandie pendant la période du Covid.</p> <h3>Connaître</h3> <p>En cinquante ans de pratique du terrain, Frémon a connu et connaît tous les artistes et tous les gens qui comptent dans ce milieu. Ce protestant apprécie une certaine distance dans les rapports sociaux, et, autant que possible, pas trop de chaleur humaine. 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Faire sentir le passage du temps, pour ce lecteur assidu de Marcel Proust, a toujours été l’un de ses désirs majeurs. Et voici qu’alors germe en lui l’idée de peindre l’arrivée du printemps dans le paysage normand. </p> <p>Pour ce faire, Hockney acquiert une maison isolée. Une rangée de hauts peupliers borde la rivière, un cours d’eau traverse le terrain qui l’entoure, un ancien pressoir peut servir d’atelier. Il retourne à Los Angeles, passe par Amsterdam pour son exposition au musée Van Gogh, <i>The Joy of the Nature</i>. Van Gogh et lui étant exposés côte à côte! Jean Frémon le retrouve là-bas et ils visitent cette fois-ci une exposition Rembrandt honorant le 350ème anniversaire de la mort du maitre batave.</p> <p>Le 2 mars 2020, Hockney est en Normandie. Le Covid venant, sûr de ne pas être dérangé, il peut enfin se concentrer sur le but qu’il s’est fixé. Il dessine sur des carnets en accordéon un panorama à 360 degrés et ceci, quatre fois de suite. 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Une fois de près, pour la singularité du langage, la touche, une fois de loin, pour la magie de l’image. Réfléchissez: quels sont les tableaux dont vous avez gardé une image mentale claire? Un Manet, un Degas, un Ensor, un Malévitch? Et un Hockney, non?</p> <p>David Hockney porte une grande attention au titre. Au dernier moment, il décide d’ajouter un tableau dans l’exposition, le seul de 2020, la pluie tombant dans une mare, <i>Some Small Splashes</i>, référence à son vieux tableau <i>A Bigger Splash</i>, (80 millions d’euros). Hockney va continuer son cycle du printemps sur l’iPad. En quelques mois, privé donc de toutes visites par le confinement, il va achever plus de cent images. Le cycle <i>L’Arrivée du Printemps 2020</i> fera l’objet d’une grande exposition à Londres puis à Paris.</p> <h3>Deux, trois artistes parmi d'autres</h3> <p>On peut citer par exemple, le vibrant et zen Jean Degottex, «rien avant, rien après, tout en faisant»; le spectaculaire Jaume Plensa, le luministe Sean Scully, touche ample, véhémente, une vague, un flux, vertical ou horizontal, blocs de peinture, murs de lumière, compression de couleurs que Jean Frémon n’hésite pas à comparer à Monet et à Rothko. 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Architectures qui résistent à l’interprétation et semblent mener leur vie propre, comme détachées de leurs concepteurs, symptômes de crise molle et de désordre mou, hologrammes stupéfiant les touristes car monstres ils sont, et monstres il faut les laisser.</p> <h3>Sa décennie situationniste</h3> <p>Dans le n°1 de la revue <i>Utopie</i>, en mai 1967, Henri Lefebvre, dont Baudrillard est l’assistant, relève que la plaie du monde moderne est l’ennui. A la ville éternelle, Lefebvre oppose des villes éphémères et oppose aux centres inamovibles des centralités mouvantes. Baudrillard, quant à lui, postule que l’éphémère est sans doute la vérité de l’habitat du futur, que tout ce qui se consomme s’oppose à l’<i>habiter</i> qui est fondation et investissement. Et dans <i>Utopie</i> 2/3, en 1969, il affirme que la contestation est un bien de consommation comme un autre et que la répression moderne, devenue parfaite, se fait à présent au nom du jeu. 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Sous la présidence de François Hollande, un projet pour Notre-Dame propose de transformer les pavés du parvis de cette cathédrale chère à Victor Hugo en la toiture transparente d’un vaste centre commercial permettant à ses 13 millions de visiteurs annuels d’acquérir divers produits dérivés.</p> <h3>L'architecture post-moderne</h3> <p>L’architecture moderne s’est inspirée de l’industrie, la post-moderne marque sa connivence avec l’esthétique pop, les sciences humaines, la communication et le structuralisme.</p> <p>Une nouvelle condition intellectuelle caractérisée par l'abandon des grands récits de la modernité et marquée par le passage, un peu partout dans le monde occidental, des «masses», ces sujets uniformes, aux «multitudes», subjectivités fragmentées et agrégées suivant des formes variables. En écho à ce phénomène social, se dessine une nouvelle logique architecturale, qui prend acte de l’épuisement définitif de la notion de <i>standard</i>. Transparence, absence de profondeur, espaces inextricables mais sans mystère, tout communique sans que jamais deux regards ne se croisent. Derrière ses façades de verre, l’architecture est aveugle car quand tout est donné à voir, il n’y a plus rien à voir. L’un des modèles en est Las Vegas, ville du désert, entourée de boîtes de bière rouillées, n’exposant que des façades spectaculaires, ayant relégué toutes les fonctions, machineries et maintenances à la face obscure, au dos de ses palais-hangars et de ses <i>canards</i>! 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Cette réversion de la toute-puissance du spectacle, cet écroulement du symbole de son arrogance, comme tout événement venant rompre le fil d’un quotidien mortifère, suscite une irrépressible jubilation inconsciente. </p> <h3>Jean Nouvel</h3> <p>La pensée de Baudrillard sert à m’inquiéter, dit Jean Nouvel, car les choses ne se développant jamais comme elles étaient prévues, l’architecte doit se faire du tracas. Pour lui, qui s’exprime plus en sociologue qu’en architecte, l’avenir de l’architecture n’est plus architectural mais littéraire. Le bâti doit parler, raconter, se focaliser sur les liens qu’il entretient avec le social. Comme Baudrillard, sociologue qui ne croit plus à ce social, Nouvel est un architecte qui ne croit plus en l’architecture. Il en résultera la publication d’un livre d’échanges entre eux, en 2000, intitulé <i>Les Objets singuliers. 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