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Sorti en Italie en avril puis présenté à Cannes en compétition, «Vers un avenir radieux (Il sol dell'avvenire)» montre Nanni Moretti réalisant un film historique sur le tournant communiste de 1956. Une mise en abyme moins agile que de coutume pour une «comédie» aux accents testamentaires. Où Moretti résiste encore, mais faiblit.



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Il fait des efforts méritoires, se teint les cheveux, nage ses longueurs et s'amuse encore avec un ballon de foot, mais rien n'y fait: on lit sur son visage (il ne montre plus le reste) que l'âge gagne du terrain. Bien sûr, Nanni Moretti parle toujours haut et fort, réaffirme ses goûts et principes de cinéma et fixe l'objectif sans ciller, comme par défi. Mais cette fois, la magie n'opère plus vraiment. Eh oui! On a beau être un fan, parfois il faut bien se rendre à l'évidence: nos héros vieillissent aussi. Il y a ceux qui sentent le moment de tenter autre chose ou alors d'affiner encore leur style. Pas lui. Après le mal-aimé Tre piani, qui ouvrait justement de nouveaux horizons au risque de paraître plus banal, Moretti est revenu à ses fondamentaux avec Il sol dell'avvenire. Un film de résistance qui prend plutôt le risque de paraître ringard, comme le chef des communistes français Fabien Roussel lorsqu'il proclame un retour aux «jours heureux».

Ce film arrive seulement deux ans après Tre piani, et pourtant Moretti y joue Giovanni (son vrai prénom), un cinéaste qui se plaint qu'il lui en faut cinq pour réaliser un nouveau film. Trop peu de temps devant lui, trop de projets abandonnés derrière – comme cette adaptation de la géniale nouvelle Le Nageur de John Cheever (évoquée sans même mentionner le splendide film qu'en a tiré Frank Perry avec Burt Lancaster). Celui qu'il vient de commencer à tourner le renvoie lui aussi en arrière: un film politique, avec l'arrivée d'un cirque hongrois dans un nouveau quartier de Rome en 1956, au moment du soulèvement de Budapest. Lorsque les artistes se mettent en grève pour protester contre la répression russe et que le public manifeste son mécontentement, faut-il voler à leur secours, comme le fait instinctivement Vera (Barbara Bobulova) ou bien attendre la ligne officielle du PCI comme son mari Ennio (Silvio Orlando), responsable de sa section locale?

Manque de tonus

Au briefing de l'équipe de tournage, un jeune assistant s'étonne: «Il y avait des communistes en Italie?» Et c'est parti pour une petite leçon d'histoire dispensée par le réalisateur, un Moretti plus intransigeant que jamais. Pendant ce temps, Paola (Marguerita Buy), son épouse depuis quatre décennies, avoue à son psy qu'elle n'en peut plus de se sentir toujours observée et jugée par le grand homme. Productrice, elle vient de se libérer de son emprise pour produire parallèlement le polar urbain d'un jeune réalisateur. Le jour où Giovanni débarque sur le tournage de ce dernier, en plein durant la scène finale d'un meurtre fratricide, et commence à faire la leçon à tout le monde sur la responsabilité de la violence au cinéma, c'en est trop pour Paola, qui lui annonce qu'elle le quitte. Puis c'est le co-producteur français de Giovanni (Mathieu Amalric) qui est arrêté par la brigade financière, mettant son film à l'arrêt à deux semaines de la fin du tournage...

Du Moretti pur jus, incisif et bidonnant? Apparemment, sauf qu'à l'écran, ce n'est plus tout à fait ça. Sogni d'oro et Palombella rossa semblent bien loin, même Aprile et Mia madre. Les va-et-vient du scénario entre le cinéma, le politique et le privé sont devenues moins fluides (comme déjà dans Il  Caïmano), tout paraît lourdement énoncé. Mais c'est surtout l'humour qui se fait rare, comme si le cinéaste ne savait plus vraiment rire de lui-même et de ses emportements. Il tente de se montrer encore fringant, mais avoue sa dépendance aux antidépresseurs et aux somnifères. Et il faut voir le pauvre Mathieu Amalric, surjouant désespérément un rôle anecdotique là où John Turturro s'était montré si brillant dans Mia madre! Plus loin, face à des responsables de Netflix qui pourraient sauver son film mais lui parlent un jargon de script doctors, c'est toute la scène qui manque de tonus alors qu'on l'aurait voulue d'anthologie.

La vie comme un rêve

Bien sûr, un tel scénario en abyme sert surtout pour Moretti à rappeler ses grands principes: le cinéma est une question d'esthétique et d'éthique, la politique une affaire de solidarité et de courage. Quant à l'intime, c'est le lieu de toutes nos contradictions et défaites, là où personne ne contrôle plus rien. Côté cinéma, il veut assumer l'héritage du néoréalisme et se réclame des frères Taviani mais penche nouvellement vers Fellini. A l'international, il cite Arthur Penn, Jacques Demy et surtout Krzysztof Kieslowski tout en prenant la spontanéité jazz de Cassavetes comme contre-exemple à sa propre manière. Sa nouvelle conquête? S'autoriser plus de chansons, jusqu'à les chanter (très mal) à tue-tête. Mais plutôt des cantautori comme Luigi Tenco, Fabrizio de André ou Franco Battiato, autrement dit des chanteurs «à texte» décédés, que des chansonnettes à l'eau de rose, hein! D'où ce féminin qui le déconcertera toujours, comme lorsque sa fille musicienne de 25 ans lui présente son fiancé, un diplomate polonais qui a l'âge de son père (Jerzy Stuhr, l'inoubliable interprète de L'Amateur de Kielowski)?

Entre la réalité et le film dans le film viennent encore s'intercaler quelques rêves, le tout semblant de moins en moins différencié formellement: c'est la vie comme le cinéma, comme un rêve, lequel touche bientôt à sa fin. Lorsque Giovanni, sauvé par de providentiels investisseurs coréens, veut à tout prix réaliser la fin prévue, c'est le pessimisme général de l'ensemble qui menace de devenir plombant. Désespéré par la rupture du PCI avec l'URSS, son héros doit-il pour autant se suicider? Comme il s'agit d'une comédie, il y a aura bien sûr un sursaut, mais plus volontariste que vraiment convaincant. Rassembler toute l'équipe, rejointe par quelques acteurs de films antérieurs plus ou moins valides (de Jasmine Trinca à Renato Carpentieri), pour défiler joyeusement devant les forums romains, ressemble alors furieusement à des adieux, pas à des lendemains radieux.

Pathétique Moretti? On n'en est pas encore là, heureusement. Mais dans ce Sol dell'avenire au titre ironique on sent les articulations qui grincent de partout, l'humour à la peine, un refus du «progrès» de plus en plus affirmé. Et la nostalgie qui gagne du terrain. C'est toute sa poétique singulière, encore si belle dans Mia madre, qui s'en trouve affaiblie. On pense aux magnifiques derniers Fellini, à la différence que le corps du cinéaste fait ici écran: à ne pas vouloir jouer son âge (69 ans), Moretti attire plutôt l'attention sur celui-ci. Bien sûr qu'on préfère le voir ici que dans des adaptation de best-sellers de Sandro Veronesi (Caos calmo, Il colibrì)! Mais le temps semble venu de se mettre un peu en retrait, à l'écoute des nouvelles générations. A ressasser sa désillusion politique et le recul d'un 7ème art qui a tant compté pour lui, Moretti risque de ne s'adresser plus qu'au cercle lui aussi vieillissant de ses inconditionnels.


«Vers un avenir radieux (Il sol dell'avvenire)», de Nanni Moretti (Italie / France, 2023) avec Nanni Moretti, Margherita Buy, Silvio Orlando, Barbara Bobulova, Mathieu Amalric, Valentina Romani, Jerzy Stuhr, Teco Celio. 1h35

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