Culture / Punk et rebelle, la nouvelle droite occidentale
Joaquin Phoenix dans "Joker" de Todd Philips. © 2019 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved. TM & © DC Comics / Niko Tavernise
Cela donne le tournis, c’est vertigineux. A chaque minute, nous arrive une information qui aurait pu figurer dans «La rébellion est-elle passée à droite?» de Pablo Stefanoni. Oui, c’est sec à l’os tout autant que cela semble complètement délirant. S’opposer au système est aujourd’hui de droite!
Oui, à présent, la néo droite a récupéré à son profit le décalé, le rebelle et le subversif en adoptant un langage dissident, un vocabulaire transgressif, des références et des modes d’action inédits qui fabriquent une contre-culture violente et tapageuse. L’ultra-right combine désormais nationalisme et antiétatisme, racisme, sexisme, climatoscepticisme et préoccupations écologistes et s’est doté d’une capacité notable à passer rapidement sur la plupart de ces sujets de la marginalité à la viralité.
Un Joker à la Maison Blanche?
L’auteur place Joker (2019), le film de Todd Phillips, joué magistralement par Joaquin Phoenix, en ouverture de sa démonstration. Ce film a rapporté un milliard de dollars. Pourquoi? Parce qu’en incarnant la révolte des blancs pauvres en colère, il décrit avec acuité la façon dont, après nous avoir lavé le cerveau, on nous pousse à une vie vouée à la consommation, vie qui crée un terrain propice à la solitude, au désespoir et aux maladies mentales et qu’on nous a appris que les personnes qui pensent différemment sont un danger pour la société et doivent être ostracisées à tout prix?
Dans cette perspective, le «nous», ce sont les incels, les fameux célibataires involontaires qui finissent par prendre une arme et tirer au hasard dans la foule, les hommes blancs laissés-pour-compte, les mâles bêta, une jeunesse exaspérée par la banalité du bien et son paternalisme sermonneur, les vieux perdants d’une Amérique profonde toujours si méprisée par d’éternelles arrogantes élites.
Donald Trump en est la version parfaite, lui qui a obtenu pendant la durée de son mandat que le monde entier soit suspendu à ses tweets. Sa campagne de 2016 a attiré non seulement tout l’alt-right, un mouvement de conservateurs qui n’ont plus rien à conserver, mais aussi des nazis purs et durs. Il appelle un chat un chat, privilège qui dans les cours médiévales était réservé aux bouffons, et a repris à son compte le fameux slogan de Mai 68, il est interdit d’interdire. Il a compris que la véritable ligne de clivage passait aujourd’hui entre les mondialistes et les antimondialistes. Hillary Clinton représentant les élites transnationales. Son triomphe a donc redynamisé une droite qui remet toutes les orthodoxies en question, y compris la démocratie elle-même. Son moteur n’était pas l’idéologie mais la psychologie. Aucun autre politicien de l’histoire américaine n’a jamais été aussi habile à exploiter les ressentiments refoulés et à les commercialiser sous une marque personnelle.
Ses électeurs ont dit non à la combinaison mortifère d’austérité, de libre-échange, de dette prédatrice et de travail précaire sous-payé, toutes choses qui caractérisent le capitalisme contemporain, son néolibéralisme progressiste, y compris cette alliance entre les courants dominants des nouveaux mouvements sociaux genre féminisme, antiracisme, multiculturalisme et droits LGBTQ et d’autre part, le secteur privé des services et de la production symbolique haut de gamme style Wall Street, Silicon Valley et Hollywood.
Désormais, la droite est punk et la gauche puritaine
Pablo Stefanoni nous présente donc le portrait d’une droite décomplexée au look renouvelé et décoiffant, une droite punk, qui dénonce l’élite bien-pensante et démoniaque qui ne cesse de malmener l’homme blanc en le forçant à uriner assis, en proscrivant les boissons gazeuses, les cigarettes, les barbecues, en interdisant à quiconque de s'inquiéter de l’immigration ou en traitant d’homophobe qui est contre le mariage pour tous ou contre la PMA, en discriminant les amateurs d’armes à feu, ceux qui refusent un régime à base de quinoa, en se moquant de la Bible mais jamais du Coran, en qualifiant d’appropriation culturelle tout et n’importe quoi, genre les costumes d’Indiens des enfants.
La force du message de cette nouvelle droite réside dans sa capacité à lier nationalisme et populisme, la nation contre l’«Autre» et le peuple contre les élites.
Lost: Les Disparus
D’après notre auteur, aux Etats-Unis, le wokisme, et ses cinquante nuances de susceptibilité se nourrit de l’espoir d’une rédemption du pécheur. Outre ce côté born again, il s’agit aussi d’îlots progressistes sis dans des campus et jouissant d’une caisse de résonance médiatique sans aucune commune mesure avec leur poids réel dans la société. C’est lors de la révolution conservatrice de Ronald Reagan qu’une bonne partie de la gauche états-unienne s’est repliée dans les universités mais c’est bien après qu’elle a déplacé son engagement en faveur de la classe ouvrière vers celle des minorités et qu’elle a remplacé la mémoire des luttes par la mémoire des victimes. Socialisme ou barbarie, le slogan de Rosa Luxemburg, n’est plus d’actualité. La gauche défend maintenant la barbarie d’aujourd’hui contre la barbarie de demain, le capitalisme tel qu’il est contre celui qu’il risque de devenir.
Bref, le présent étant devenu inaccessible et le futur étant de plus en plus perçu comme une menace, la gauche se retrouve sur la défensive, retranchée dans le politiquement correct et ralliée à l’Etat providence, et elle n’est absolument plus capable d’aucun projet crédible de transformation du monde.
Les libertariens et l’extrême droite
Enormément de gens disent détester les politiques. L’abolition du politique était l’un des buts du marxisme. Elon Musk, le nouveau patron de Twitter, est libertarien. C’est tout dire. La période allant de 1968 à l’investiture de Reagan en 1983 fut l’âge d’or des libertariens aux Etats-Unis. Dans sa version classique, c’est une aspiration à éliminer l’emprise de l’Etat, le droit à consommer des drogues et à s’adonner à tous les rapports sexuels consentis.
Pour eux, la manière dont la crise de 1929 a été résolue a marqué un tournant négatif dont la société n’est sortie qu’avec cette révolution conservatrice. Les néo-cons parlaient de la fin de l’histoire. Ronald Reagan et Margaret Thatcher considéraient qu’ils avaient gagné la guerre froide.
A l’inverse, la droite actuelle, qui a construit de toutes pièces l’image d’une élite de gauche qui gouvernerait le monde, s’auto-définit comme un mouvement de résistants contre le politiquement correct. Son nouveau côté paléolibertarien est une synthèse entre les anciens principes libertariens et les éternelles idées conservatrices. L’objectif de l’abolition de l’Etat demeure mais va désormais de pair avec le renforcement des institutions sociales, telles que la famille, les Eglises et les entreprises. Pour eux la question n’est plus de croire en Dieu ou pas mais de défendre la culture occidentale. L’Etat providence étant comparable à un vol organisé et l’éthique égalitaire une aberration morale, les valeurs judéo-chrétiennes sont le minimum nécessaire pour assurer un ordre libre et civilisé.
Greenwashing
La Toile a vu également émerger l’écofascisme avec comme caractéristiques les plus fréquentes le véganisme, le nationalisme blanc, l’anti culturalisme, l’inusable antisémitisme et souvent un intérêt passionné pour la mythologie nordique ainsi que la diffusion de mèmes tels que: «Planter des arbres; sauver les océans; expulser les réfugiés.»
En janvier 2020, en Autriche, le conservateur Sebastian Kurz s’allie aux Verts. «Nous avons réuni le meilleur des deux mondes, déclare-t-il. Il est possible de protéger à la fois l’environnement et les frontières.» L’Allemagne nazie ne fut-elle pas le premier pays à interdire la vivisection des animaux à des fins d’expérimentation scientifique? Hitler, végétarien, ne prônait-il pas une énergie hydroélectrique respectueuse de l’environnement et la production de gaz à partir de déchets et ne déclarait-il pas que l’eau, le vent et les vagues étaient les sources d’énergie de l’avenir?
Pinkwashing
En 2014, Florian Philippot, chef en second du Front National, se promenant dans les rues de Vienne avec son petit ami, fait la Une du magazine people Closer. En Allemagne, l’une des dirigeantes de l’AfD, parti populiste de droite, Alice Weidel, est une lesbienne déclarée. Pim Fortuyn, assassiné en 2002, précurseur batave des droites reliftées, était homosexuel. En Autriche, Geert Wilders, l’homme qui voulait désislamiser son pays, est mort dans un accident de voiture en quittant un bar gay.
Mais le plus fort de tout cela se passe à Tel Aviv. Qui aurait pu imaginer qu’Israël pourrait un jour abriter des oasis gays? Soutenu par des fonds publics abondants et visant à renforcer l’image de démocratie, de progrès et de modernité que l’Etat hébreux cherche à projeter face à l’arriération supposée de ses voisins arabes, la marche des fiertés de Tel Aviv, nouvelle capitale mondiale du tourisme gay, est un mégaévènement qui rassemble des centaines de milliers de personnes alors qu’en réalité, il n’y a pas de mariage civil en Israël et que dans la vaste sphère religieuse, le mariage gay est totalement rejeté et l’homophobie, la norme.
En France
L’auteur nous apprend, et c’est un vrai scoop pour nous, que le terme Woke, importé en France au cours du quatrième trimestre 2021, n’est utilisé nulle part ailleurs, à l’exception des Etats-Unis bien sûr. Oui, ces deux pays, étant en concurrence pour ce qui est de l’universalité éthique, se le disputent âprement. C’est à qui sera le mieux bien-pensant, le plus droit-de-l’être-humain!
Renaud Camus, l’auteur du concept de grand remplacement est français. Ce concept, plus la dénonciation des boomers soixante-huitards, avec leur dérision à la Charlie Hebdo, leur déconstruction à la Derrida et leur destruction nihiliste de toutes les valeurs qui ont, selon lui, condamné la France de l’après 68, ont permis à Eric Zemmour de faire le buzz lors de la dernière campagne présidentielle locale.
Et ce concept aussi est disputé. Tucker Carlson, présentateurs de Fox News, l’a cité, paraît-il, plus de quatre cents fois en un an.
Voilà. En guise de conclusion, disons qu’avant les élections présidentielles de 2027, si elle veut éviter que son pays ne suive l’exemple de l’Italie, il ne reste que cinq ans à la gauche française pour inventer et proposer une formule capable de barrer le chemin à la challenger gay friendly et éleveuse de chats de race, Marine Le Pen.
«La rébellion est-elle passée à droite?», Pablo Stefanoni, Editions La Découverte, 318 pages.
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Son moteur n’était pas l’idéologie mais la psychologie. <i></i>Aucun autre politicien de l’histoire américaine n’a jamais été aussi habile à exploiter les ressentiments refoulés et à les commercialiser sous une marque personnelle.</p> <p>Ses électeurs ont dit non à la combinaison mortifère d’austérité, de libre-échange, de dette prédatrice et de travail précaire sous-payé, toutes choses qui caractérisent le capitalisme contemporain, son néolibéralisme progressiste, y compris cette alliance entre les courants dominants des nouveaux mouvements sociaux genre féminisme, antiracisme, multiculturalisme et droits LGBTQ et d’autre part, le secteur privé des services et de la production symbolique haut de gamme style Wall Street, Silicon Valley et Hollywood.</p> <h3>Désormais, la droite est punk et la gauche puritaine</h3> <p>Pablo Stefanoni nous présente donc le portrait d’une droite décomplexée au look renouvelé et décoiffant, une droite punk, qui dénonce l’élite bien-pensante et démoniaque qui ne cesse de malmener l’homme blanc en le forçant à uriner assis, en proscrivant les boissons gazeuses, les cigarettes, les barbecues, en interdisant à quiconque de s'inquiéter de l’immigration ou en traitant d’homophobe qui est contre le mariage pour tous ou contre la PMA, en discriminant les amateurs d’armes à feu, ceux qui refusent un régime à base de quinoa, en se moquant de la Bible mais jamais du Coran, en qualifiant d’appropriation culturelle tout et n’importe quoi, genre les costumes d’Indiens des enfants. </p> <p>La force du message de cette nouvelle droite réside dans sa capacité à lier nationalisme et populisme, la nation contre l’«Autre» et le peuple contre les élites.</p> <h3>Lost: Les Disparus</h3> <p>D’après notre auteur, aux Etats-Unis, le wokisme, et ses cinquante nuances de susceptibilité se nourrit de l’espoir d’une rédemption du pécheur. Outre ce côté <i>born again</i>, il s’agit aussi d’îlots progressistes sis dans des campus et jouissant d’une caisse de résonance médiatique sans aucune commune mesure avec leur poids réel dans la société. C’est lors de la révolution conservatrice de Ronald Reagan qu’une bonne partie de la gauche états-unienne s’est repliée dans les universités mais c’est bien après qu’elle a déplacé son engagement en faveur de la classe ouvrière vers celle des minorités et qu’elle a remplacé la mémoire des luttes par la mémoire des victimes. <i>Socialisme ou barbarie</i>, le slogan de Rosa Luxemburg, n’est plus d’actualité. La gauche défend maintenant la barbarie d’aujourd’hui contre la barbarie de demain, le capitalisme tel qu’il est contre celui qu’il risque de devenir. </p> <p>Bref, le présent étant devenu inaccessible et le futur étant de plus en plus perçu comme une menace, la gauche se retrouve sur la défensive, retranchée dans le politiquement correct et ralliée à l’Etat providence, et elle n’est absolument plus capable d’aucun projet crédible de transformation du monde.</p> <h3>Les libertariens et l’extrême droite</h3> <p>Enormément de gens disent détester les politiques. L’abolition du politique était l’un des buts du marxisme. Elon Musk, le nouveau patron de Twitter, est libertarien. C’est tout dire. La période allant de 1968 à l’investiture de Reagan en 1983 fut l’âge d’or des libertariens aux Etats-Unis. Dans sa version classique, c’est une aspiration à éliminer l’emprise de l’Etat, le droit à consommer des drogues et à s’adonner à tous les rapports sexuels consentis.</p> <p>Pour eux, la manière dont la crise de 1929 a été résolue a marqué un tournant négatif dont la société n’est sortie qu’avec cette révolution conservatrice. Les néo-cons parlaient de la fin de l’histoire. Ronald Reagan et Margaret Thatcher considéraient qu’ils avaient gagné la guerre froide.</p> <p>A l’inverse, la droite actuelle, qui a construit de toutes pièces l’image d’une élite de gauche qui gouvernerait le monde, s’auto-définit comme un mouvement de résistants contre le politiquement correct. Son nouveau côté paléolibertarien est une synthèse entre les anciens principes libertariens et les éternelles idées conservatrices. L’objectif de l’abolition de l’Etat demeure mais va désormais de pair avec le renforcement des institutions sociales, telles que la famille, les Eglises et les entreprises. Pour eux la question n’est plus de croire en Dieu ou pas mais de défendre la culture occidentale. L’Etat providence étant comparable à un vol organisé et l’éthique égalitaire une aberration morale, les valeurs judéo-chrétiennes sont le minimum nécessaire pour assurer un ordre libre et civilisé.</p> <h3>Greenwashing</h3> <p>La Toile a vu également émerger l’écofascisme avec comme caractéristiques les plus fréquentes le véganisme, le nationalisme blanc, l’anti culturalisme, l’inusable antisémitisme et souvent un intérêt passionné pour la mythologie nordique ainsi que la diffusion de <i>mèmes</i> tels que: «Planter des arbres; sauver les océans; expulser les réfugiés.»</p> <p>En janvier 2020, en Autriche, le conservateur Sebastian Kurz s’allie aux Verts. «Nous avons réuni le meilleur des deux mondes, déclare-t-il. Il est possible de protéger à la fois l’environnement et les frontières.» L’Allemagne nazie ne fut-elle pas le premier pays à interdire la vivisection des animaux à des fins d’expérimentation scientifique? Hitler, végétarien, ne prônait-il pas une énergie hydroélectrique respectueuse de l’environnement et la production de gaz à partir de déchets et ne déclarait-il pas que l’eau, le vent et les vagues étaient les sources d’énergie de l’avenir?</p> <h3>Pinkwashing</h3> <p>En 2014, Florian Philippot, chef en second du Front National, se promenant dans les rues de Vienne avec son petit ami, fait la Une du magazine <i>people</i> <i>Closer</i>. En Allemagne, l’une des dirigeantes de l’AfD, parti populiste de droite, Alice Weidel, est une lesbienne déclarée. Pim Fortuyn, assassiné en 2002, précurseur batave des droites reliftées, était homosexuel. En Autriche, Geert Wilders, l’homme qui voulait désislamiser son pays, est mort dans un accident de voiture en quittant un bar gay. </p> <p>Mais le plus fort de tout cela se passe à Tel Aviv. Qui aurait pu imaginer qu’Israël pourrait un jour abriter des oasis gays? Soutenu par des fonds publics abondants et visant à renforcer l’image de démocratie, de progrès et de modernité que l’Etat hébreux cherche à projeter face à l’arriération supposée de ses voisins arabes, la marche des fiertés de Tel Aviv, nouvelle capitale mondiale du tourisme gay, est un mégaévènement qui rassemble des centaines de milliers de personnes alors qu’en réalité, il n’y a pas de mariage civil en Israël et que dans la vaste sphère religieuse, le mariage gay est totalement rejeté et l’homophobie, la norme.</p> <h3>En France</h3> <p>L’auteur nous apprend, et c’est un vrai scoop pour nous, que le terme <i>Woke</i>, importé en France au cours du quatrième trimestre 2021, n’est utilisé nulle part ailleurs, à l’exception des Etats-Unis bien sûr. Oui, ces deux pays, étant en concurrence pour ce qui est de l’universalité éthique, se le disputent âprement. C’est à qui sera le mieux bien-pensant, le plus droit-de-l’être-humain! </p> <p>Renaud Camus, l’auteur du concept de grand remplacement est français. Ce concept, plus la dénonciation des boomers soixante-huitards, avec leur dérision à la <em>Charlie Hebdo</em>, leur déconstruction à la Derrida et leur destruction nihiliste de toutes les valeurs qui ont, selon lui, condamné la France de l’après 68, ont permis à Eric Zemmour de faire le buzz lors de la dernière campagne présidentielle locale. </p> <p>Et ce concept aussi est disputé. Tucker Carlson, présentateurs de Fox News, l’a cité, paraît-il, plus de quatre cents fois en un an. </p> <p>Voilà. En guise de conclusion, disons qu’avant les élections présidentielles de 2027, si elle veut éviter que son pays ne suive l’exemple de l’Italie, il ne reste que cinq ans à la gauche française pour inventer et proposer une formule capable de barrer le chemin à la challenger <em>gay friendly</em> et éleveuse de chats de race, Marine Le Pen.</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1667318184_9782348075896.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="217" height="318" /></p> <h4>«La rébellion est-elle passée à droite?», Pablo Stefanoni, Editions La Découverte, 318 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'punk-et-rebelle-la-nouvelle-droite-occidentale', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 448, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2107, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5265, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Enquête sur un suicide dans la mouvance internationale lettriste', 'subtitle' => 'Dans son dernier opus, «La désinvolture est une bien belle chose», Philippe Jaenada mène une enquête sur le suicide de Jacqueline Harispe, dite Kaki, jeune femme libre, intelligente, entourée d'amis et amoureuse d'un beau soldat américain, ayant été mannequin chez Dior, et qui, après une soirée arrosée, à l’aube du 28 novembre 1953, à l’âge de 20 ans, s’est jetée par la fenêtre d’un hôtel et s’est écrasée sur un trottoir. 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Arrivée là-bas, elle refuse de raconter sa vie en huit dessins et son souvenir le plus triste en cinq lignes, de participer à quoique ce soit qui pourrait permettre de l’observer et incite en toutes occasions ses compagnes à la révolte contre l’autorité. Les bonnes sœurs veulent qu’elle s’en aille.</p> <p>La dame du service social, Mlle Grivel, décrit Kaki comme charmante de caractère, très indépendante, n’écoutant personne. Et ses voisins et amis comme une fille légère, intelligente, amorale, indifférente à ce qu’on peut penser de sa conduite mais désintéressée, généreuse et prête à tout partager. Elle fréquente plusieurs bandes, couche facilement, sans en tirer aucune ressource, et n’envisage aucunement de travailler. Parle avec beaucoup d’affection de sa grand-mère, de sa sœur et de son frère. 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Ses parents étant juifs, communistes et résistants, il a vécu de 6 à 11 ans loin d’eux. </p> <p>En 1952, il va rendre visite à Debord à l’hôtel où celui-ci habite et le futur situationniste lui ouvre sa porte vêtu d’une robe de chambre bordeaux. Une robe de chambre! La honte…</p> <h3>Centre d’observation et de rééducation de Chevilly-Larue</h3> <p>Institution centrale dans notre histoire tenue par de sinistres religieuses qui, à leur arrivée, vérifient la virginité des filles en leur enfonçant, de dos, un doigt dans le vagin. Si les filles protestent, elles leur tapent le front sur le bord d’un lavabo.</p> <p>Les premiers jours, Sarah Abouaf y vomit souvent parce qu’elle n’a pas l’habitude de manger à heures régulières et en quantité normale. Ses dessins sont précis. «Quand les Allemands ont emmené maman» est le titre de l’un d’eux. Un autre représente une petite pièce sans fenêtre avec comme légende «A Chevilly, je pleure». Elle y passera cinq mois. 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On l’appelle <i>Oum</i> + prénom du fils, la mère de… et d’être le centre de l’univers prépare le fils à être peu respectueux des femmes.</p> <h3>Les patriarches</h3> <p>Les patriarches musulmans lisent le Coran comme ça les arrange: contrat de mariage pour une nuit, droit d’épouser une mineure, plusieurs femmes, obligation de procréer pouvant aller jusqu’au viol...</p> <p>Qui peut accepter, sous prétexte de relativisme culturel, l’excision des fillettes et la négrophobie arabe qui a pris racine dans l’esclavagisme, alors que le Coran encourage la libération des esclaves et le respect des femmes?</p> <p>Si l’homosexualité est délictueuse, pourquoi le Coran annonce-il que les dévots au paradis jouiront de la présence de jeunes hommes à la beauté sans égale, et pourquoi la littérature arabe abonde-t-elle en récits et poèmes louant les relations sexuelles entre hommes? </p> <p>Onze pays musulmans sanctionnent par la peine de mort les relations entre hommes et, en Iran, des milliers d’entre eux ont été pendus à des grues de chantier.</p> <h3>Au Maroc</h3> <p>Au Maroc, la virginité est demandée jusqu’au mariage alors que l’âge moyen de celui-ci est entre 28 et 30 ans. Donc tout un chacun coïte dès 16-17 ans et s’en cache. C’est <i>hchouma</i> (la honte) et on risque la <i>hogra</i> (l’exclusion). Le garçon qui ne doit jamais avoir peur, ne jamais pleurer, être romantique ou mielleux, vit en général sa première expérience sexuelle avec une prostituée. Ensuite, pour se marier, il doit prouver sa capacité financière. S’il croise les jambes, traîne avec les filles, rit de façon aiguë, porte des habits colorés et n’est pas agressif, on le traitera de <i>bnita</i> (fillette), de <em>3niba</em> (petit raisin), de <em>loubya</em> (petit haricot) et d’<i>attaï</i> (qui se donne). Et de la jeune femme qui a perdu sa virginité, qualifiée de perforée, pourrie et puante, on dit <em><i>17em moujoud</i></em>, y a de la viande à profusion, ou <em><i>Iguezzar mechdou</i></em>, la boucherie est fermée. Un iman tangérois, en 2012, a émis une fatwa autorisant les femmes à se masturber avec des objets pour éviter les relations extra maritales. Une pratique peut être <i>haram</i> (interdite), <i>makruh</i> (déconseillée) ou <i>halal</i> (autorisée).</p> <p>Le pénétrant, contrairement au pénétré, n’est pas considéré comme homosexuel et la tactilité qui règne entre les garçons n’est pas non plus vue comme étant de nature sexuelle.</p> <p>En 2018, 15'000 personnes ont été poursuivies pour avoir eu des relations sexuelles en dehors des liens du mariage et certaines incarcérées parce qu’elles ont été surprises en train de s’embrasser en public ou parce qu’elles semblaient trop efféminées. On compte 600 à 800 avortements clandestins par jour et 15 bébés abandonnés.</p> <p>Ceci dit, halte aux généralités, l’expression de l’amour dispose au Maroc, comme partout, de la musique, de la cuisine, de l’humour, des parfums, de regards, de caresses sur le visage, de bien d’autres voies que l’expression verbale. Les <i>cheikhat</i> couvertes de bijoux et tatouées de la tête aux pieds le chantent, en fumant et en buvant en public, méprisées des uns, adulées des autres, et pour tous, incarnant la liberté. </p> <h3>Pour relativiser: rapide coup d'œil sur les cathos</h3> <p>Une épître du Nouveau Testament dit: Je veux que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l’homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef du Christ.</p> <p>Au XIIIème siècle, l’un des commandement de Thomas d’Aquin est: «Le père doit être aimé plus que la mère, parce qu’il est le principe géniteur actif, tandis que la mère est passive.»</p> <p>Dans l’épitre aux Corinthiens, Paul dit: «Tout homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore son chef.»</p> <p>Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef: c'est comme si elle était rasée. Car si une femme n'est pas voilée, qu'elle se coupe aussi les cheveux. 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En Inde, au Pakistan, en Afghanistan, en Malaisie et en Indonésie, les personnes transgenres sont reconnues et acceptées alors qu’en Turquie 1'933 personnes trans ont été assassinées entre 2008 et 2015.</p> <h3>L'orientalisme</h3> <p>Ingres et Nerval, même combat. De Christophe Colomb à Montaigne et Gobineau: rien que des des bons sauvages. </p> <p>Les personnes blanches nourrissent leur imaginaire sexuel de tropes et de poncifs racistes, d’exotisation des corps: l’Antillais danse, le Noir est herculéen, l’Asiatique, épicé et l’homme arabe est poilu, endurant, puissant mais pas trop pour pouvoir être dompté.</p> <h3>Et l'amour dans tout ça?</h3> <p>L’auteur ne tente-t-il pas de nous donner quelque chose qu’il n’a pas, l’amour donc, et dont nous ne voulons pas?</p> <p>Il Y a un côté développement personnel, du genre sauver la religion tout en ayant la sexualité de SON choix, et tel un Bisounours dansant sous un arc-en-ciel fluo, il va même jusqu’à se référer à l’apologiste des petites vertus, Comte-Sponville.</p> <p>Bref, en guise de conclusion, il propose d’aller danser sur la scène <i>voguing</i>, style de danse urbaine consistant à faire, en marchant, avec les bras et les mains des mouvements inspirés des poses de mannequins, défilés dans lesquels chaque personne est célébrée pour ses talents et son inventivité. Etre en vie, ce n’est pas juste exister. Oui! C’est défiler sur le <i>danceflor</i>! Vivre intensément! 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Nous savons que l’art aujourd’hui se situe dans un nouveau dialogue avec le réel – que le vrai rapport n’est plus à l’intérieur de l’œuvre, mais entre l’œuvre et la vie, écrit-il.</p> <p>Hans Haacke, formellement inventif et conceptuellement gênant pour les institutions culturelles capitalistes, correspond au type d’artiste qu’il soutient. Ses œuvres dérangeantes, manipulables et anonymes, vont défaire l’institution. A la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence, par exemple, il construit un spectacle dénonçant l’aspect commercial de cette fondation.</p> <h3>Triomphe de l’art bourgeois</h3> <p>En 1968, considérant intolérable la confiscation de la créativité à des fins d’embellissement d’une société obscène, Jean Clay se déclare être pour l’artiste offensif, pour le mouvement, la participation du public, le <i>Pénétrable</i>, le happening et l’art conceptuel et contre l’art activité inoffensive, marginale et décorative. 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Robert Barry diffuse dans des parcs des gaz invisibles. Edward Ruscha présente des photos d’anciennes petites amies. On Kawara envoie chaque jour une carte postale spécifiant l’heure à laquelle il s’est levé. Ambitions minuscules dans lesquelles la société bourgeoise se découvre avec ravissement telle qu’elle se rêve: immuable et universelle. </p> <p>Le commerce de détail liquide le cinétisme en de multiples gadgets qui simulent le mouvement pour ne pas avoir à le vivre. Vasarely inspire papiers peints et bottines de femmes. Au rayon emballage, personne n’a poussé plus avant que lui l’esthétisation de l’inhumanité de la vie urbaine.</p> <h3>Les années <i>Macula</i></h3> <p>Créée en 1976 et devenue une maison d’édition en 1979, <i>Macula</i> nait dans une époque surexcitante intellectuellement, nous dit Jean Clay. 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Les papiers peints de Vuillard, sa dilution de la figure, non pas dans la lumière, mais dans la texture, la tâche, la touche, ses personnages rongés, mités, abolis dans la tavelure qui les cerne, l’épaisseur, le feuilletage, l’interpénétration des couches, l’interférence des strates, les grattages.</p> <p>Monet, le précurseur, qui n’a atteint son public que dans les années 1950, avec une génération de peintres américains qui reconnaît être en dette envers lui et ses <i>Nymphéa</i>s, dix-neuf panneaux de continuum spatiotemporel, de tissu sans couture, d’espace sans charnière.</p> <p>Cette mise en crise est aussi le résultat du travail de Malevitch, de ses deux achromes accrochés horizontalement au plafond ou de Piet Mondrian, qui pointe l’ambivalence et l’incertitude restées inaperçues dans les formes classiques des arts, de Van Doesburg qui retournait les peintures face au mur afin de les utiliser simplement comme éléments de division de l’espace, des <i>Texturologies</i> de Dubuffet, sans centre ni cible.</p> <h3>Les purs: Robert Ryman & Martin Barré</h3> <p>Ryman gagne sa vie en étant gardien de musée. La première fois que notre auteur va dans son atelier, il passe devant un tableau blanc sans comprendre qu’il vient de passer devant une œuvre! Dans <i>Macula</i>, il lui consacre un époustouflant entretien de 37 pages.</p> <p>Ryman, sa force, est d’interroger méthodiquement tout: le statut de la signature, l’éclairage de la galerie, la géométrie du boulon porteur, la persistance du pinceau à se soutenir égal tout au long du recouvrement systématique d’une surface, les variations discrètes de deux ou trois modules de brosse, le changement de pigment, huile puis émail, la subreptice réduction ou suppression d’un élément dans une série.</p> <p>Martin Barré, lui, se demande: Qu’en est-il du fond comme limite? Et envisage chaque tableau à la fois en lui-même et comme un élément en relation avec les autres œuvres de la série auquel il appartient. Il mène un travail précis, où s’élaborent des articulations choisies entre couleurs et réserves, premiers et arrières plans, espace pictural et hors-champ, transparence et bordure. </p> <h3>Edouard Manet, le précurseur</h3> <p>C’est à Manet que Clay fait remonter le repérage des éléments centraux de l’esthétique moderne et de la mise en crise de la peinture tout entière. Il est le premier peintre à ressentir comme dissociable tous les constituants matériels du tableau tels que surface, limite, couleur, texture, geste, – et à les traiter comme un jeu de variables. Moire des tissus, satin, taffetas, creps – paravents, tapisseries, papiers peints. Puisant chez les peintres anciens tels Titien ou Goya, mélangeant et synthétisant Carrache et Rubens, empruntant à l’art japonais, s’inspirant de la photographie, il subvertit les notions de continuité linéaire, de progrès, d’origine. Il n’a pas de style et il les a tous. Chacune de ses œuvres est contredite par la suivante. 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A Francfort, des universitaires, dont Adorno, ayant bloqué la candidature de Günther Stern, le couple déménage à Berlin où Günther contacte Bertolt Brecht, qui le recommande à un quotidien dont il devient, sous le pseudonyme de Gustave Anders, l’homme à tout faire et à tout écrire.</p> <h3>Hitler chancelier</h3> <p>Le 30 janvier 1933, Hitler est nommé chancelier de la République allemande. Le 27 février a lieu l'incendie du Reichstag. Aussitôt toutes les libertés civiles et politiques sont suspendues. 4'000 personnes sont arrêtées. Hannah Arendt entre résolument en politique et décide d’aider les persécutés. En juillet 1933, sa mère et elle sont arrêtées. Sa mère est relâchée rapidement et elle, huit jours plus tard. Elles sont accueillies ensuite par une amie à Genève où Hannah travaillera pendant deux mois à la SDN avant de partir pour Paris.</p> <h3>Paris, capitale des Années folles</h3> <p>Sa mère, jeune, a passé trois ans à Paris et y a toujours des amis. 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De 1935 à 1936, elle en fait émigrer 120. Passant le printemps 1935 en Palestine, elle en revient, tout en restant attachée à ce pays, vaccinée contre le sionisme.</p> <p>En 1936 Anders part pour les Etats-Unis. Au printemps, un certain Heinrich Blücher assiste à une conférence d’Hannah Arendt. Hannah a 29 ans, lui 36. En juin, quelques jours après le départ de Günther, attirée par l’humour et l’intelligence de ce Berlinois, elle l’invite avec un autre ami à diner dans sa chambre d’hôtel et succombe à son charme.</p> <p>Un dialogue intense s’établit entre eux. Heinrich n’y va pas de main morte pour critiquer les sionistes. Sur la Palestine, il lui écrit: «Vouloir en cadeau tout un pays, pour ainsi dire, par charité, n’est-ce pas comme si on voulait faire en sorte qu’une femme qui ne peut pas vous aimer couche quand même avec vous, par charité chrétienne – ou juive?» </p> <p>Le 4 mai 1936 voit la victoire du Front populaire en France. Le 17 juillet, la guerre d’Espagne éclate. En 1937, Hannah et Heinrich s’installent ensemble et l’amitié tient une place centrale dans leur vie. Fritz Fränkel, un médecin et ami, vit au 10, rue Dombasle dans le 15ème arrondissement, dans un immeuble neuf en béton armé où habitent aussi Rudolph Neumann et sa femme; Fränze, Arthur Koestler et sa compagne, Daphné Hardy et à partir de janvier 1938, Walter Benjamin.</p> <p>Hannah et Heinrich s’y rendent souvent. On y joue au poker ou aux échecs. On peut y croiser Mina Flake, médecin, Dora Benjamin, Robert Gilbert, compositeur et parolier, Erich Cohn-Bendit, avocat spartakiste et Herta David. C’est grâce à cette petite tribu qu’ils se sentent chez eux à Paris.</p> <h3>D’«indésirables» à «ennemis d’Etat» (1938-1939)</h3> <p>Quelques jours après la Nuit de cristal, le décret-loi du gouvernement Daladier portant sur la police et le statut des étrangers aggrave leurs conditions de vie. En mai 1939, Martha, la mère d’Hannah vient s’installer avec le couple. Ils vivent dans un appartement à dix minutes à pied de la rue Dombasle. Depuis la fin 1938, Hannah travaille pour le<em> Central Bureau for the Settlement of German Jews</em> pour lequel elle négocie avec les autorités françaises des visas de transit. </p> <p>Le 23 août 1939 est signé le pacte germano-soviétique. La guerre, inévitable, éclate. Les réfugiés Blücher, Benjamin, Cohn-Bendit, Fränkel, Neumann et Krüger, sont arrêtés.</p> <h3>Dans les camps de la République (1939-1940)</h3> <p>Ils sont tous emmenés au Stade olympique de Colombes et incarcérés en plein air, sans couvertures, sans rien. Heinrich s’empresse de rassurer Hannah. Quand on lit ce qu’il lui écrit, on pleure: </p> <p>«<em>Ma petite,</em></p> <p><em>Je me suis couché pendant deux nuits sur une belle pelouse. Cohn et moi, nous avons trouvé ces nuits fort belles mais assez fraîches. J’ai trouvé ici tous les copains – y compris le malheureux Benji. Tous les Militaires et les agents sont pleins de gentillesses. Il me manque rien, sauf mon couteau, mon briquet et toutes mes allumettes.</em></p> <p><em>Il est bon de pouvoir penser à toi sous les étoiles.</em>»</p> <p>Le pouvoir, la droite française de l’époque, pétri de xénophobie, d’antisémitisme et d’anticommunisme, considère que l’indésirable est l’étranger antifasciste; il regarde les régimes autoritaires d’Italie et d’Allemagne avec une certaine sympathie.</p> <h3>Dans les camps français</h3> <p>La France se couvre de plus d’une centaine de camps improvisés enfermant 20'000 prisonniers. En partant du 10, rue Dombasle, Benjamin a emporté des lettres de Paul Valéry et Jules Romains mais il n’a personne à qui les montrer. Il souffre des reins et doit rester couché. Horkheimer et Adorno lui écrivent leur avis très positif sur la nouvelle version de son <em>Baudelaire</em>. Cela lui redonne de la force et il se lance dans un cours de philosophie en plein air pour lequel il demande, en rémunération de chaque leçon, trois Gauloises, un clou ou un crayon. La libraire Adrienne Monnier, qui connaît du monde, parvient finalement à le faire libérer.</p> <h3>L’hiver obscur de la «drôle de guerre»</h3> <p>Pour conjurer la douloureuse séparation de trois mois qu’ils viennent de vivre, le 16 janvier 1940, Hannah et Heinrich se marient. Walter Benjamin se réfugie dans le travail, le <em>black-out</em> l’angoisse, mais il croit à la défaite rapide de l’Allemagne. Heinrich affirme que l’armée française est l’une des meilleures d’Europe. Hannah dépose une demande de visa à l’ambassade des Etats-Unis et elle entraîne Heinrich et Walter dans des cours d’anglais.</p> <h3>Le supplice administratif d’Arthur Koestler</h3> <p>Le 17 janvier 1940, Koestler est relâché du camp de Vernet. Après cela, il reçoit des sursis à son expulsion du pays qui varient de quarante-huit heures à un mois. Il échoue à se faire enrôler dans l’armée anglaise et à la Croix-Rouge. Il sollicite l’aide de Léon Blum qui appelle le chef du service des étrangers à la Sureté nationale, M. Combe, mais lorsque Koestler s'y rend, il lui est impossible de le rencontrer. Arthur abandonne et se réfugie dans le je-m’en-foutisme; il termine la rédaction du<i> Zéro et l’Infini</i> qui deviendra un best-seller mondial. </p> <p>Le 10 mai, l’Allemagne envahit la Belgique. Le 12 paraît un avis enjoignant les hommes d’origine allemande de 17 à 55 ans, les femmes célibataires ou mariées sans enfant de rejoindre des centres de Rassemblement. Henri Hoppenot, un diplomate ami intervient: Benjamin, Kracauer et Koestler n’ont pas à se rendre au stade Buffalo. Blücher et Fränkel s’y rendent. Le lendemain, Hannah et Fränze Neumann partent en métro jusqu’au stade du Vélodrome d’hiver. Au 10, rue Domsbale, le chauffage central cesse de fonctionner, puis l’eau chaude, puis l’ascenseur. Le jour de l’invasion allemande, le téléphone est coupé.</p> <p>Une semaine plus tard, des policiers ordonnent à Koestler de se rendre au stade où il arrive ivre mort et raconte des mensonges à l’officier qui l’accueille. L’officier le relâche. Désormais hors la loi, le 25 mai, Daphné et lui fuient Paris.</p> <h3>Le camps de Gurs </h3> <p>Une semaine après leur arrivée au Vélodrome d’hiver, les femmes sont déportées au camp de Gurs, immense étendue désertique et insalubre dans les Pyrénées, ne comportant ni arbre ni buisson, mais des rangées de baraques alignées à perte de vue, entourées de barbelés de deux mètres de haut. Les prisonniers y sont 12'000 dont, outre Hannah Arendt, sept autres de ses connaissances, telle Dora, la sœur de Walter. On ne leur donne rien à manger. Dans la baraque baptisée «Infirmerie», il n’y a ni lit, ni médicaments. La nouvelle de l’entrée des Allemands dans Paris atteint les prisonniers à la mi-juin. Le 21, une soixantaine de femmes sortent du camp en brandissant des laissez-passer, que l’une d’entre elles a volés. </p> <h3>Les retrouvailles</h3> <p>Mai 1940. Benjamin ayant confié à Georges Bataille deux valises contenant son travail sur Paris fuit en n’emportant qu’un livre, deux chemises et une brosse à dents. Le 13 juin, Paris est déclaré ville ouverte. Le 14, les premiers bataillons allemands défilent sur la place de l’Etoile. Koestler s’engage dans la Légion étrangère, Benjamin est à Lourdes avec sa sœur Dora. Hannah y arrive. Joie des retrouvailles. Le 22 juin, Pétain signe l’armistice dont la clause 19 dit que la France s’engage à livrer tous les ressortissants allemands. Benjamin envisage le suicide. Le 25 juin, à Bayonne, Koestler tente de mettre fin à ses jours. Il pensait que le défaite était définitive et n’avait jamais envisagé que l’Angleterre continuerait le combat. Le poison qu’il avale le fait juste vomir. Arendt décide de se rendre à Monbahus, commune du Lot dans le Sud-Ouest où se trouve Lotte en espérant que Heinrich, dont elle est sans nouvelles, aura la même idée. Quelques jours plus tard, par un hasard inouï, elle le retrouve.</p> <h3>La fuite à tout prix</h3> <p>Le 6 août radio Vichy commence une campagne antisémite.</p> <p>Le 13, le fameux journaliste américain Varian Fry débarque à Marseille d’où il fera obtenir des visas d’urgence pour les Etats-Unis à bien des gens, dont Hannah et Heinrich.</p> <p>Walter Benjamin pénètre en Espagne où il apprend qu’un décret interdit désormais de laisser entrer les apatrides. Il se suicide.</p> <p>Le 23 mai 1941, Hannah et Heinrich arrivent aux Etats-Unis avec cinquante dollars en poche et ils devront y batailler longtemps pour obtenir la nationalité américaine: à la fin des années quarante commence l’ère du maccarthysme.</p> <p>En 1952, Hannah Arendt revient en Europe pour un séjour de six mois. Elle écrit à Heinrich: «<em>Paris, c’est comme être à la maison, encore plus cette fois-ci, parce que je reparle parfaitement le français et que je connais la ville comme aucune autre. Je connais même encore par cœur le réseau du métro</em>».</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1727899448_pariascouvv2.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="292" /></p> <h4>«Parias. 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1 Commentaire
@Apitoyou 04.11.2022 | 10h11
«Pour mieux situer votre article , il faut lire aussi « La religion woke de J-F Braunstein ». Les dés politiques sont pratiquement tous lancés. Mais ils roulent toujours et le résultat , espérons qu’il sera le moins pire , concernera mes petits-enfants, pour lesquels je me fais vraiment du souci.»