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Culture / Oskar Kokoschka: apologie du dessin


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Aglaja Kempf, conservatrice de la Fondation Oskar Kokoschka, présente dans un splendide nouvel ouvrage publié ces jours-ci aux Cahiers dessinés,150 dessins du maitre. Tous sont issus de la collection de la Fondation, riche de 2'300 œuvres aux techniques variées.



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Sise au musée Jenisch de Vevey, cette Fondation fut créée en 1988 à l’instigation de la veuve de l’artiste, Olda Palkovská. Elle conserve à ce jour la plus grande collection au monde de notre artiste austro-hongrois: 2'300 peintures, aquarelles et dessins, couvrant l’ensemble des phases artistiques de sa vie, depuis ses début à Vienne jusqu’à ses dernières années à Villeneuve.

Le dessin, une fin en soi

Pour Oskar Kokoshka, le dessin n’est pas un stade préparatoire à autre chose mais une fin en soi, une œuvre autonome qui peut être exposée en tant que telle. Il a revendiqué ce point de vue dès le début de sa très longue carrière. Appartenant donc à un genre souverain et indépendant, ses dessins proposent une très grande variété d’approches et de couleurs, dans des palettes de tons différenciés, et dégagent souvent une impression de grande vitalité, de plaisir, de sensualité, l’impression d’une perception subjective plutôt qu’objective. L’expression est émotion immédiate et dans ses productions, il ne cherche jamais à rendre la réalité mais bien plutôt le fourmillement des sensations qui le traversent, quand, concentré, il s’exerce à capter l’expression d’un visage, un geste, un paysage, un mouvement. Ses nus, devenus très vite non conventionnels, accordent une attention particulière aux chevelures et aux mains. Auguste Rodin, Ferdinand Hodler, Gustav Klimt, Aubrey Beardsley sont ceux qu’il espère dépasser. Il utilise un papier très simple et travaille à la vitesse de l’éclair, les corps en mouvement étant pour lui bien plus excitants que les lourdes postures académiques. Usant d’une liberté constante, les couleurs, dans la surprenante variété d’usage qu’il en fait, différencient ses productions de la majorité de celles de ses contemporains qui sont en général, dans ce domaine, très économes de leurs moyens, n’utilisant la plupart du temps qu’une teinte, au plus deux ou trois.

Sa vie, sa vocation

Kokoschka est né en 1886 à Pöchlarn, en Autriche-Hongrie. Ses premières œuvres conservées datent de 1897, et ont donc étés réalisées lorsqu’il avait onze ans; elles témoignent déjà d’approches techniques variées. Après des cours à l’Ecole des Arts appliqués de Vienne, où il est l’élève de Gustav Klimt, il y devient professeur assistant puis en est renvoyé en 1908 pour avoir montré dans des expositions d’avant-garde des peintures jugées scandaleuses par cette noble institution. En 1909, il expose des nus qui plaisent beaucoup et sont très rapidement vendus. Dans les années 1910, il réalise des dessins très travaillés, entre autres pour la revue Sturm. Traits secs et nerveux, densification des lignes, portraits expressionnistes d’hommes et de femmes, suites d’illustrations, passage à la lithographie, il expérimente à tout va. En 1911, il donne des cours dans une école privée et en 1912 et 1913, enseigne le nu au sein d’une institution qu’il a lui-même créée. De 1912 à 1914, il réalise de nombreuses aquarelles sur des éventails pour sa compagne d’alors, la fameuse Alma Mahler et, voyageant avec elle dans les Dolomites ou à Venise, il y dessine au pastel des paysages et des scènes de la vie quotidienne.

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, il exécute aussi les portraits des grands pontes de la haute société viennoise de son temps, loin de toute ressemblance photographique, s’attachant à mettre en valeur la façon dont il les perçoit lui, et en faisant fi de l’amour-propre de ses commanditaires. Ensuite, entre 1919 et 1923, il occupe un poste aux renommés Beaux-Arts de Dresde. Au début des années 20, couleurs lumineuses, larges coups de pinceau, énergie et fraîcheur, convalescent, il s’adonne à l’aquarelle. Nombreux portraits aussi à la même époque à la craie et au crayon. Dans les années 30, il fragmente ses traits, sans plus aucun soucis du contour, fuyant les traitements homogènes et cherchant le relief et la profondeur. Il traverse une période de dessins monochromes, dont des croquis de la danseuses Mary Meerson à la sanguine par exemple. Il réalise aussi beaucoup de dessins, de celle qui deviendra son épouse, la danseuse Olda Palkovská, essayant inlassablement de rendre la grâce d’un mouvement et ce sans jamais user d’aucun effet vériste, de rien qui ne paraisse régulier ou lisse, cherchant sans trêve la subjectivité, l’authenticité, la vivacité, rêvant de rendre la vie à la vie elle-même. En 1937, les nazis l’étiquettent «artiste dégénéré» et à leur fameuse et infamante exposition Entartete Kunst, c’est lui qui aura l’honneur d’avoir le plus d’œuvres représentées. Exilé à Prague, puis à Londres et devenu ensuite, après-guerre, peintre nomade, on l’aperçoit en Grèce, en Italie, en Tunisie, en Libye, en Turquie, au Maroc et, pour finir, à Jérusalem. 

Kokoschka en Suisse

Le lac Léman le fascine depuis qu’en janvier 1910 accompagnant le célèbre Adolf Loos, auteur de Ornement et Crime (1908) et préfigurateur du brutalisme en architecture, aux Avants, au-dessus de Montreux, il a peint le célèbre paysage Les Dents du Midi ainsi que plusieurs portraits, dont à Yvorne, celui du renommé naturaliste, psychiatre et réformateur social, Auguste Forel. Adolf Loos installe ensuite son protégé au Sanatorium du Mont Blanc à Leysin, où il réalise des portraits d’aristocrates tuberculeux, portraits qui sont aujourd’hui considérés comme des sommets de la si romantiquement tourmentée représentation expressionniste de la figure humaine. Oui, tempête et passion! Adolf Loos, en 1913, organise au Kunsthaus de Zurich une présentation d’une douzaine de ceux-ci, présentation ressentie par la plupart des indigènes helvètes comme un conte d’épouvante.

Mais, événement entre tous historique, voici que Dada débarque et que la comédie de Kokoschka,  Le sphinx et l’homme de paille, est jouée le 14 avril 1917 au Cabaret Voltaire à Zurich. Marcel Janco en signe les masques que portent les comédiens et la mise en scène, Tristan Tzara joue le rôle du perroquet, Emmy Hennings celui de l’infidèle Anima, Friedrich Glauser, la mort et Hugo Ball, Firdusi, l’époux trompé. Dans La fuite hors du temps, qu’il écrit et publie dix ans plus tard, Ball  nous raconte le chaos qui règne ce soir-là sur la scène: «Malgré le prix d’entrée élevé, la Galerie était trop petite pour contenir tous les visiteurs. Dans une pièce du fond, Tzara était responsable de l’éclair et du tonnerre et, comme un perroquet, il devait répéter "Anima, douce Anima!". Mais il confondait les entrées et les sorties, faisait éclater l’orage aux mauvais moments et donnait, à tout prendre, l’impression que c’étaient des effets spéciaux, une confusion calculée des arrière-plans. Finalement, lorsque Monsieur Firdusi était censé tomber, tout s’est embrouillé dans une pagaille de fils électriques et de lampes. Pendant quelques minutes, ce fut la nuit noire et la confusion totale; après quoi la Galerie a retrouvé son aspect habituel.» 

La Seconde Guerre mondiale passée, la Suisse offrant à Kokoschka des perspectives de commandes de portraits et une clientèle prospère, en 1951, il décide de se faire construire une petite villa  sur les bords du lac Léman: «Ce n’est pas par fierté de propriétaire, mais simplement le désir de pouvoir souffler de temps en temps quelque part au cœur de l’Europe dans un lieu politiquement paisible», écrit-il à sa sœur.

En 1953, il s’établit définitivement non loin du Château de Chillon, à Villeneuve. Il y passe les vingt-sept dernières années de son existence, et décède en 1980, à Montreux, à l’âge de nonante-quatre ans et en ayant donc vécu un tiers de sa vie en pays vaudois.

Portrait de l'artiste dessinant

Il existe de nombreuses photographies le montrant, regard vif, main souple, dessinant avec agilité des vestiges archéologiques, noircissant des centaines de pages dans ses carnets de croquis, explorant des thèmes liés à l’Antiquité ou effectuant des reproductions dans des musées, redessinant inlassablement des bribes de tragédies grecques ou de récits mythologiques afin d’y trouver le ferment commun de toutes les sociétés, des décors et des costumes de théâtre ou d’opéras. Bref, c’est son destin, il l’a accepté et il dessine et redessine sans trêve ni repos.

Pendant septante ans, à coups de traits outrés et fracturés, de visions oniriques, il alterne des représentations d’insectes, de nus, de scènes bibliques ou mythologiques et des paysages aux perspectives bizarres, Kokoschka préférant une vue bifocale à la perspective cavalière, vue embrassant l’étendue du paysage, des représentations de fleurs, d’animaux. Dans le paysage, ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’idylle, mais la nature à l’état sauvage, indomptée. Dans leur absence de concessions ses œuvres des dernières années, bouclant la boucle de sa si remarquable carrière, témoignent d'une radicalité picturale au moins égale et même parfois surpassant celles de ses jeunes années et de ses premières œuvres.


«Oskar Kokoschka. Les dessins», Aglaja Kempf, Les Cahiers dessinés, 208 pages.

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