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Premier film de la compétition cannoise à parvenir dans nos salles, «Marcello mio» de Christophe Honoré offre à Chiara Mastroianni une occasion de briller sur les traces paternelles. Plein de jolies idées pas toujours idéalement réalisées, un spectacle «gender fluid» qui devrait ravir les cinéphiles les plus branchés mais pourrait bien laisser de bois le reste du monde.



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Inviter Chiara Mastroianni à jouer son père dans un film de fiction qui ne serait pas un biopic: le projet intriguait sans qu'on parvienne à entrevoir ce que cela pourrait donner. On peut donc savoir gré à Christophe Honoré, fort d'une complicité forgée à travers six films et une pièce en commun, d'avoir osé et par là même offert à une actrice qui nous est chère un de ses plus beaux rôles: le sien, soit celui d'une comédienne en retrait, qui a tendance à s'effacer derrière les autres, à commencer par ses illustres parents. Au point de décider un jour de se transformer en son père défunt, auquel elle ressemble plus qu'à Catherine Deneuve, sa mère toujours vaillante invitée à participer elle aussi. D'une fantaisie souvent épatante, Marcello mio vaut clairement le coup d'œil. Mais on lui en veut tout autant de ne jamais parvenir aux sommets espérés.

Les premiers plans, montage confus d'impressions de rue à l'aube, semblent déjà annoncer un film bricolé, un peu improvisé. D'une roulotte de maquillage sort soudain Chiara, changée en... Anita Ekberg dans La dolce vita, pour rejouer la mythique scène de la Fontana di Trevi dans une fontaine parisienne. C'est l'idée d'une photographe imbuvable qui crie ses directives sans se soucier de l'inconfort de son actrice/modèle, laquelle finit par craquer. Marre d'être malmenée, marre d'être toujours ramenée à ça (son statut de fille de, mais aussi son genre). L'idée est excellente, mais comme trop souvent chez Honoré, c'est réalisé «à la volée», autrement dit n'importe comment, sans vrai regard.

Le malaise se précise un peu plus tard pour cette pauvre Chiara, invitée à faire des essais avec Fabrice Luchini pour un film de Nicole Garcia: celle-ci met les pieds dans le plat en lui demandant de jouer «plus Mastroianni que Deneuve». La scène, répétée dans un bel intérieur parisien, a surtout l'air bien vieillotte. Ironie aux dépends de Garcia, devenue la championne d'un certain cinéma bourgeois, ou clin d'œil à Truffaut et sa Nuit américaine? Ce sera surtout l'occasion d'un «coup de foudre amical» avec Luchini, décrit plus tôt par maman Deneuve comme quelqu'un d'absolument correct. Et cela continue avec Chiara qui se met à chantonner un air de son disque avec son ex-mari Benjamin Biolay (Home, 2004), lequel ne tarde pas apparaître à l'écran: ils répètent pour un tour de chant qu'ils vont donner un peu plus tard.

L'amie alter ego

Heureusement, au moment où l'on se dit qu'on n'échappera pas à un certain entre-soi germanopratin, Chiara se regarde dans un miroir et... y voit son père Marcello! C'est suite à ce choc qu'elle décide de prendre son apparence. Et le film de décoller. Prenant une pause professionnelle, elle tente des sorties dans la rue en travesti et se plait de plus en plus dans son nouveau costume, style 8 1/2 – avec chapeau et lunettes, soit Mastroianni en alter ego de Fellini. Une nouvelle identité? Un soir, elle croise un gentil cocker, auquel elle se met à parler en italien, puis un soldat britannique (Hugh Skinner, de Wicked Little Letters), en anglais. Leur rencontre est une citation des Nuits blanches de Luchino Visconti, d'après Dostoïevski. Frisson cinéphile, le charme opère...

C'est cette fantaisie rêveuse qui constitue le meilleur du film. De l'autre côté, dans la «vie réelle», il y a les réactions de proches, de plus en plus préoccupés. Si Biolay accueille tout avec un certain flegme, la perplexité et le trouble de Deneuve ne font que grandir tandis que le copain d'adolescence Melvil Poupaud se fâche carrément. Heureusement qu'il y a le nouveau complice Luchini, prêt à accourir au milieu de la nuit, au grand dam de son épouse! Dans ce registre pourtant, le film ne dépassera jamais le niveau de la connivence un peu facile. Le plus intéressant se situe dès lors dans la relation qui s'esquisse avec le beau Colin, lors d'une visite nocturne à sa caserne qui se terminera sur les toits. Sans doute parce que c'est ici que Christophe Honoré raconte sa propre relation avec Chiara, amie transformée en alter ego, amoureuse d'un garçon porbablement gay.

Rendez-vous manqué avec l'Italie

Et Marcello dans tout ça? On le perdrait presque de vue, jusque dans les citations (Potiche de François Ozon aussi bien que Trois vies et une seule mort de Raoul Ruiz). Pour finir, Honoré se décide enfin à faire traverser le miroir à Chiara en l'envoyant par un beau geste fantastique à Rome. Sauf que la séquence en noir et blanc, en compagnie de Poupaud, n'a rien de magique! Puis, la rumeur de sa transformation ayant fait son chemin, voici Chiara invitée à participer à une émission de télévision: un traquenard sous forme de concours de sosies arbitré par Stefania Sandrelli, l'ex-partenaire de Divorce à l'Italienne, qui se conclut par une imitation d'un duo télévisé de 1965 entre Mastroianni et... un cocker. L'amateurisme de cette séquence et l'embarras suscité n'ont alors d'égale que la laideur de l'image, sans doute pensée comme un hommage à Ginger & Fred de Fellini.

Quelle mauvaise idée! Ne reste plus qu'à se racheter par la fuite, l'improbable trouvaille d'un chaton blanc dans un terrain vague de banlieue et un retour nocturne à la vraie Fontaine de Trevi, désertée par les touristes mais guère plus magique pour autant sous le regard d'un Honoré peu inspiré. A partir de là, ce n'est plus qu'une série de fausses fins, le cinéaste ayant déjà raté son coup. De même qu'un pèlerinage potentiellement bouleversant sur la tombe de l'acteur au cimetière de Campo Verano a fait les frais d'une ellipse trop pudique, une virée sur la plage des Romains déçoit à nouveau: dans son costume blanc de La dolce vita, Chiara/Marcello y est interpellé par une vieille dame qui lui demande s'il la reconnaît. Une ancienne amante, ou encore mieux, Valeria Ciangottini, la pure jeune fille croisée par le paparazzo déconfit dans l'inoubliable fin du film? Même pas. Selon le générique, il ne s'agit que de Delia D'Alberti, ancienne starlette dont le principal titre de gloire est le péplum fantastique Maciste contre les hommes de pierre! Ne reste alors plus qu'à imaginer un final mou du genou en forme de grandes retrouvailles entre Parisiens venus à la rescousse.

Marcello mio, Chiara mia

On l'aura compris, Marcello mio alterne entre belles promesses et beau gâchis. Ce n'est pas par hasard qu'il a été l'un des films les moins bien accueillis de la compétition cannoise. Formellement plus sous influence de... John Cassavetes que de Fellini, Christophe Honoré s'y montre tout aussi incapable de créer de la beauté transcendante que de susciter un vrai trouble identitaire. Et jamais le petit jeu entre vie privée et vies rêvées ne va jusqu'à sonder les paradoxes du (ou de la) comédien(ne), à part peut-être cette remarque piquante selon laquelle le cinéma ne vous ferait interpréter que... des amoureux ou des fantômes.

Imaginé sans apport de Chiara Mastroianni elle-même, le scénario y trouve sans doute sa limite. En réduisant «son» Marcello à une poignée de titres sans s'attacher à leur sens, l'auteur dévoile surtout la pauvreté de sa cinéphilie. A croire qu'il n'a rien retenu de cette icône et des chefs-d'œuvre auxquels il contribua avec sa masculinité décontractée, vulnérable et changeante. Même les trois films en commun du couple Mastroianni-Deneuve, pourtant fort intéressants, ne sont pas exploités! Bref, on a connu Honoré autrement à l'aise dans le contexte plus franco-français de Dans Paris, Les Chansons d'amour et surtout Plaire, aimer et courir vite.

Côté positif, reste le travail musical, avec deux chansons signées Biolay ainsi que quelques nouvelles perles du vieux complice retrouvé Alex Beaupain. Et la partition de Deneuve, entre une tirade fataliste sur l'oubli (lors d'une visite de leur ancien appartement racheté par Laurent Dassault!) et une chanson joliment mélancolique, vaut elle aussi le détour. Mais en toute logique, on retiendra surtout le regard posé sur Chiara, dont la voix enchante ici tout particulièrement. Pour qui chérit l'autofiction diffractée, cette manière de l'entourer, travestie, d'amours-amitiés platoniques (en l'absence remarquée de son compagnon Benoît Poelvoorde) ne manquera pas d'intriguer. Tout cela pour la laisser, dans un dernier geste généreux, libre de prendre le large.


«Marcello mio» de Christophe Honoré (France - Italie, 2024), avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Hugh Skinner, Benjamin Biolay, Nicole Garcia, Melvil Poupaud. 2h01

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