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Culture / Marguerite Duras, nouvelle biographie à l’usage des jeunes générations

Yves Tenret

26 octobre 2018

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Les Editions Folio publient une biographie de l'écrivain. Une biographie qui se lit vite, certes, mais qui nous rappelle pourquoi et comment la fascination pour Marguerite Duras, si profondément engagée dans son temps, reste intacte.



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Plusieurs générations ont gardé une fascination intacte pour cette femme, ce grand écrivain, qui fut tellement raccord avec son siècle, de l’enfance rebelle en Indochine à l’isolement des dernières années dans sa maison de Neauphle-le-Château. Tant de gens, et si différents, ont au moins un ou deux livres d’elle chez eux – et pas les mêmes. Bien sûr, elle fut l’exploratrice par excellence du désir féminin, mais aussi celui de toutes les révoltes. Ses œuvres complètes ont été éditées en deux volumes en Pléiades. Publiant à 70 ans, l’Amant mais aussi entrant dans la Résistance en 1944, au Parti communiste en 1946 et collaborant avec Dim Dam Dom en 1965 – toujours en phase avec le réel et toujours de façon critique, donnant tout, présente, ayant le courage de l’œuvre, ne renonçant jamais.

Folio biographie, c’est une collection de petits ouvrages sympathiques qui, bien sûr, paraissent un peu courts, à la fois en volume et en propos, mais ceci est compensé par leur accessibilité, leur lisibilité et leur prix. C’est modeste, il ne faut pas trop en attendre et cela a l’avantage de ses défauts: ça se lit vite, on lève la tête, on rêve, on réfléchit, on se souvient… La plupart des auteurs essentiels y figurent, dont Marguerite Duras donc, dernière biographie en date à être parue dans la collection.  

L’enfance en Indochine

Il y a tout d’abord un père absent, un manque, jusqu’au vertige le plus profond. Et puis ce que racontera Un barrage contre le Pacifique en 1950, le vice, le désir, la vénalité, la mère comme le frère poussant l’adolescente dans les bras de M. Jo en échange de nombreuses faveurs qu’il se voit contraint d’accorder à la famille. Il est laid mais à un gros diamant au doigt et possède une belle voiture. Le récit marche sur un fil entre passé et fantasmes récurrents. Le nain veut la voir nue, elle négocie, elle veut un phonographe neuf. On a de suite cette marque de fabrique: une ambiguïté qui s’insinue entre sentiment, intérêt et désir.

Paris et puis la guerre

Elle viendra vivre seule, sans sa mère, avec son grand frère, à Paris, fera de brillantes études de droits, s’éprendra d’un jeune homme mélancolique qui lui fera découvrir le théâtre, avortera, épousera Robert Anthelme, figure fraternelle, avec toute l’ambiguïté dont ce rapport est, pour elle, chargé, obtiendra un emploi au ministère des Colonies.

En 1940, époque de situations extrêmes, arides et brutales qui ne sont pas pour lui déplaire, son mari combat au front, elle est fonctionnaire et se replie avec ses collègues à Brive-la-Gaillarde.

Elle est enceinte, sa mère leur envoi de quoi survivre: vivre & argent. L’enfant meurt après une demie heure de vie. Les sœurs qui lui reprochent d’être responsable de sa non-vie, ne lui permettent ni de le toucher ni de l’embrasser!

Novembre 1942, débarque dans son existence, passion charnelle et brutale, Dionys Mascolo.

Décembre 1942, un télégramme, Paul, son petit frère est mort. Elle tombe dans un profond état de prostration.

En 1944, Anthelme est arrêté et déporté.

Le retour d’Anthelme

François Mitterrand retrouve Anthelme à Dachau. Elle a fait la connaissance du futur président en 1943 et c'est par lui qu'elle est entrée dans la Résistance. Jusque-là, elle survivait comme beaucoup d'intellectuels parisiens pendant la guerre, ni résistante ni collaboratrice. Il la prévient qu’il est dans un état quasi cadavérique, rentre et donne à Mascolo et G. Beauchamp un ordre de mission, sa carte d’état-major, sa tenue de colonel et ses papiers. Là-bas, les militaires américains qui gardent le camp leur fournissent des masques à gaz contre le typhus. Ils le cherchent pendant des heures, finissent par le trouver, il fait 35 kilos et tient à peine debout, ils l’habillent, le cachent entre eux, le ramènent à Paris… Rue Saint-Benoît, Margueritte sort, le voit, rentre en courant, se roule en boule dans un placard et y reste plusieurs heures enfermée. Deux médecins déclarent qu’on ne peut pas le sauver. Elle s’acharne et c’est un troisième, le Dr Deuil, ayant travaillé aux Indes, qui propose un traitement à base de sérum et de réalimentation par quantité infinitésimale. Pendant trois semaines, il oscille entre la vie et la mort.

Robert et Dionys développent une amitié entre eux qui petit-à-petit l’exclut, elle.

De Gaulle prend le pouvoir et Duras qui le déteste, sa carte au parti communiste.

L’engagement politique

Simple et sûre d’elle, vivante, sympathique, s’occupant beaucoup de autres, elle vit à ce moment là pleinement et simultanément trois grandes passions : faire la cuisine, écrire et militer. Dans sa cellule du Parti communiste, la 722, il y a des gens comme Edgar Morin, Juliette Gréco et Jorge Semprun. C’est une militante de terrain, pure et dure, et qu’il pleuve ou qu’il vente, chaque jour, elle sort vendre l’Humanité. Elle fréquente aussi beaucoup Elio Vittorini, un écrivain membre du PCI qui lui donne le goût de l’Italie, couleurs, chaleurs, sensualité et douceur de vivre, et aux côtés duquel, elle développera un style plus musical et de type incantatoire mettant l’accent sur le rythme et les répétitions.

Les conflits entre les intello de la cellule 722, et Jean Kanapa, l’idéologue en chef du Parti, se multiplient et le 8 mars 1950, la majorité de la section de Saint-Germain vote l’exclusion des membres du groupe de la rue Saint-Benoît, soit Monique et Robert Antelme, Mascolo et Duras pour tentative de sabotage, relations trotskistes, fréquentation de boîte de nuit et le fait de vivre avec deux hommes c.-à-d. Mascolo et Antelme.

Le 30 juin 1950, né Jean Mascolo, dit Outa, fils de Marguerite et de Dionys.

Le 1er novembre 1954 ont lieu 70 attentats en Algérie et cela marque le début de guerre d’indépendance qui va durer 8 ans. Denis Mascolo écrit un appel et collecte des signatures et c’est aussi lui qui rédigera, avec Maurice Blanchot, le Manifeste des 121, déclaration sur le droit en l’insoumission dans le cadre de cette guerre coloniale. Ce texte a permis de regrouper des personnalités de divers horizons dans un esprit libertaire et plutôt orienté à gauche. Il est capital pour l'avenir de la gauche et de l'extrême gauche en France. Duras va beaucoup s’investir dans cette guerre, elle qui sait si bien ce que sont les colonies et le sort fait aux indigènes.

En 1955, elle rompt avec Mascolo. René Clément réalise un film adapté du livre Un Barrage contre le Pacifique, This Angry Age, qu’au fil du temps Duras détestera de plus en plus.

Le retour du corps

En1955 sa mère meurt et elle rencontre Gérard Jarlot, avec qui elle vivra une longue et grande histoire pleine de mensonges et d’alcool. Parleur distingué et élégant, fin, drôle, charmant, coureur de femmes, menteur pathologique et invétéré, il va réveiller chez elle le désir - ils installent un miroir au plafond de leur chambre-, mais aussi la pousser dans les abîmes de l’alcool. Il a 9 ans de moins qu’elle et des velléités d’écriture.

Elle découvre Saint-Tropez, Brigitte Bardot et le journalisme pour France-Observateur, Elle, Vogue ou Constellation. En dehors des sujets badins, elle écrit également beaucoup sur la guerre d’Algérie.

Jarlot la trompe abondamment et l’exploite au niveau littéraire. Ils collaborent les deux à l’écriture d’un scénario qui aboutira à une Palme d’or à Cannes, Une aussi longue absence d’Henri Colpi.

En 1958, elle publie Moderato cantabile, récit d’un abandon de soi dans l’amour et dans l’alcool. Une languissante répétition de piano mène l’histoire. L’essentiel est entre les lignes, dans le silence entre les mots. Ce livre est publié aux Éditions de Minuit et consacre donc Duras comme un auteur du Nouveau Roman! Peter Brook en fera un film avec Jeanne Moreau en chasseuse d’hommes, film que Duras exécra.

La gloire

1959 est l’année de Hiroshima mon amour. Les temps d’écriture et de tournage sont très courts et les moyens à dispositions faibles. Resnais et Duras travaillent ensemble et expérimentent la discrépance si chère aux lettristes, c’est-à-dire la non-concordance entre l’image et le son, ainsi que l’omniprésence de la voix off dont Duras fera ensuite sa marque de fabrique. Truffaut, Chabrol, Malle, Rossellini, Cocteau, les critiques, tous sont dithyrambiques. C’est un succès mondial.

Les lieux de la folie

Avec Jarlot, ils se disputent tout le temps, se battent parfois mais ne se quittent pas. L’alcool prend de plus en plus de place dans leur vie. En 1963, Duras se réfugie à Trouville où, en six mois, elle écrit Le Ravissement de Lol L. Stein qui deviendra l’un des romans français les plus célèbres et les plus glosés du XXe siècle.

En 1964, au retour d’un voyage aux États-Unis, elle rompt avec Jarlot. S’ensuit une longue période de mélancolie...

Vers d’autres horizons

1965 est l’année où elle participera, avec naturel et aisance, à huit émissions sur la toute nouvelle chaîne, la 2, dans le magazine mensuel, féminin et légendaire, Dim Dam Dom de Daisy de Galard. L’expérience étant réussie et gratifiante, et pour tenter de sortir de ses crises dépressives, elle décide de se lancer elle-même dans le cinéma en tant que réalisatrice, ce sera La Musica, puis Détruire dit-elle, sa contribution à Mai 68. Elle fera dorénavant un film par an. 

La fin

1980, Yann, un homme de 38 ans de moins qu’elle, déboule dans sa vie, c’est un homo, il ne la touchera jamais mais il l’accompagnera pendant les 16 ans qu’il lui reste à vivre. Ils boivent beaucoup, beaucoup. Le matin, elle s’enfile un verre, vomit et puis recommence. Pour finir, elle entre à l’hôpital américain de Neuilly pour une désintox pendant laquelle elle à de nombreuses crises de parano et est envahie par une peur atroce: ne plus jamais pouvoir écrire. Ensuite, à sa sortie, à Neauphle-le-Château, retrouvant un cahier racontant sa relation au riche chinois de ses 15 ans, elle rédige en moins de trois mois L’Amant, fièvre des corps qui se découvrent, désir féminin évoqué avec une puissance et une justesse rares. Le premier tirage, 25'000 exemplaires, est épuisé dans la journée ! En un mois, cent mille exemplaires en seront vendus. Plus d’un million ensuite…

La Vie Matérielle

En 1987 paraît un livre bouleversant, la transcription et la réécriture d’une série d’entretiens avec Jérôme Beaujour, La Vie Matérielle. Elle s’y raconte et c’est le parfait pendant de cette bio. Ecrire, c’est déchiffrer ce qui est déjà là, dit-elle, aller plus vite que cette part de vous même qui n’écrit pas, c’est raconter une histoire et l’absence de cette histoire. Magnifique leçon d’existence, ce livre émeut, touche et fait penser. Pleurer sans rien demander, se laver de tout ça, jeter du lest, être prête à partir, dit-elle. Toujours à la recherche d’un lieu, d’un emploi du temps, jamais à l’aise. L’ivresse repose l’intelligence. Regarder la mer. N’être jamais saoule, ne jamais boire vite, juste boire tout le temps, boire la boisson, boire avec les hommes, boire seule, boire dehors, boire chez soi, vivre seule avec l’alcool. Dix ans, jusqu’à la cirrhose, les vomissements du sang, puis dix ans sans, pas une goutte, puis… replonger. Le soir, le midi, le matin, la nuit, une fois d’abord, et puis, toutes les deux heures…


Romane Fostier, Marguerite Duras, Folio biographies n°146.



La Vie matérielle. Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour, Folio n°2623.


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