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Dernier film de Woody Allen ou pas, «Coup de chance», tourné en France et en français, est un drame en forme de variation sur certains de ses meilleurs films. Une bonne surprise qu'on n'attendait plus forcément.



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Dernièrement, on s'inquiétait ici-même d'un certain ronron de grands cinéastes plus trop enclins à se renouveler. Fallait-il y inclure Woody Allen? Vu sa phénoménale productivité, aucun autre n'aura connu autant de passages à vide aussitôt suivis d'un redressement spectaculaire. Sur une mauvaise pente avec ses ennuis para-#MeToo qui ont enrayé le métronome en 2018 et fait de lui un paria aux Etats-Unis, il n'avait plus présenté – et en Europe seulement – qu'un charmant mais anecdotique A Rainy Day in New York et un plus embarrassant Rifkin's Festival. Deux comédies qui sentaient le réchauffé, annonçant une retraite bien méritée. Or le voici qui ressurgit à 87 ans pour un dernier – c'est lui-même qui l'a dit – tour de piste: Coup de chance, un film tourné en France comme déjà l'excellent Midnight in Paris (2011). Bis de trop ou feu d'artifice final? Entre les deux, on y verra plutôt un joli pied de nez à tous ceux qui l'avaient enterré trop tôt.

De fait, Coup de chance se présente comme une variation mineure sur deux de ses plus belles réussites, Crimes et délits (Crimes and Midemeanors, 1989) et Match Point (2005). Entre la découverte de la tragédie qui côtoie la comédie humaine et la démonstration du hasard qui gouverne nos existences, que restait-il à dire – à moins d'un retour au religieux aussi improbable que tardif? Pas grand-chose peut-être, mais en français. Ce n'est pas la révélation du siècle et pourtant le renouvellement, voire le côté expérimental du film, tient à ceci: un scénario de Woody Allen traduit et interprété par des comédiens français, qu'est-ce que ça donne? Réponse: un film mieux que viable, joliment décalé et enlevé, où la légèreté et la noirceur se côtoient dans un semblant d'amoralité pour finir drôlement moral.

Pour l'amour de l'art ou de l'argent

Au cœur de ce film comme de toute l'œuvre de Woody Allen, on retrouve le couple, sa promesse dans la rencontre amoureuse et sa difficulté, voire son impossibilité, après. Tout commence par les retrouvailles de Fanny (Lou de Laâge) et d'Alain (Niels Schneider), anciens camarades de lycée. L'envie de se revoir est aussitôt réciproque, lui parce qu'il l'a aimée en silence autrefois, elle parce qu'il est si différent de son mari. Car Fanny forme une sorte de «couple idéal» avec Jean (Melvil Poupaud), conjuguant beauté, aisance et satisfation professionnelle. Lui est un séduisant homme d'affaires plus âgé, elle travaille dans le marché de l'art et ils habitent un magnifique appartement dans les beaux quartiers de Paris. Mais Fanny semble nostalgique d'une existence plus bohème. 

Sauvée par Jean d'une relation délétère avec un musicien raté, la voici qui se sent craquer pour un apprenti écrivain qui se contente d'un petit appartement sous les toits! Leur relation se développe en secret, avec une Fanny toujours plus tiraillée, jusqu'à ce que Jean se doute de quelque chose et engage un détective (Grégory Gadebois) qui a tôt fait de le mettre au parfum. Et puis un jour, Alain disparaît, comme autrefois un associé de Jean que Fanny n'a pas connu. Retrouvant sa fille en train de dépérir, c'est la mère de Fanny (Valérie Lemercier) qui prend alors les choses en mains et enquête à son tour...

On n'en révélera pas trop, mais Coup de chance est clairement coupé en deux lorsque Woody Allen s'écarte du point de vue de Fanny. Autant le début vous embarque par son charme, jusque dans l'adultère, autant c'est ce basculement du côté de la noirceur qui sauve le plus sûrement le film de la banalité. Ceci n'est décidément ni du Rohmer ni du Emmanuel Mouret... A tout moment ressurgissent des échos de films passés d'Allen (également Manhattan Murder Mystery, You Will Meet a Tall Dark Stranger ou Irrational Man), sans oublier cet effet d'étrangeté lié à la transplantation qui intrigue. La critique française y a bien sûr été peu sensible, mais rien que de voir Paris filmée ainsi, dans la droite lignée «cliché» de Lubitsch et de Wilder, et ces comédiens parler autrement, avec une verve dépourvue de la moindre vulgarité, fait sacrément du bien. Et même si elle confine au bariolage de mauvais goût, la photo du maestro Vittorio Storaro (chef opérateur des cinq derniers Allen, depuis Café Society) a l'avantage de s'écarter nettement du tout-venant réaliste français.

Engrenage fatal

Là-dessus, la fraîcheur de la toujours sous-sestimée Lou de Laâge (Les Innocentes et Blanche comme neige d'Anne Fontaine) fait des merveilles dans la première partie, tandis que Melvil Poupaud renchérit sur son rôle de mari abusif dans L'Amour et les forêts de Valérie Donzelli pour emballer la seconde. Signalés par sa salle consacrée à un train miniature géant, le désir de contrôle et la nature possessive de Jean y atteindront une forme de folie. Plus que la critique sociale, ce sont clairement les attitudes philosophiques qui intéressent ici Allen. D'un côté, la femme-trophée qui s'était accomodée de ce que son mari travaille à «rendre encore plus riches des gens déjà riches», de l'autre le self-made man convaincu qu'il ne faut pas seulement savoir saisir sa chance mais au besoin la forcer. Sauf que «chance» est un faux ami qui signifie «hasard» en anglais...

Ressassement inutile et dépassé? Saisir au vol une improbable référence à Rendez-vous à Samarra de John O'Hara, fameux roman américain d'un autre temps (1934), pourrait le laisser à penser. Mais ce dernier vient justement d'être redécouvert et retraduit en français (L'Olivier, 2022)! Et dans le conte oriental qui donne son titre au roman, il s'agit d'un rendez-vous avec le destin, autrement dit, avec la mort. Cette même mort qui emportera prématurément plusieurs protagonistes du film, peut-être pas tout à fait par hasard... Alors, «vaudeville consternant» (Les Inrockuptibless) dans un Paris ridiculement fantasmé (Libération), Coup de chance? Pour avoir été plus séduits qu'on ne le pensait, soyons plus généreux: dernière rêverie d'un grand petit monsieur juif new-yorkais, depuis toujours fasciné par les paradoxes de l'existence et qui a su les exprimer à travers un art aspirant à l'universel.


«Coup de chance» de Woody Allen (France, 2023), avec Lou de Laâge, Melvil Poupaud, Niels Schneider, Valérie Lemercier, Grégory Gadebois, Elsa Zylberstein. 1h46

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