Chronique / L’impressionnant écran de fumée
Soyons précis: Marc Porchet est le frère du mari de la nièce de mon épouse. Je l’ai vu une fois, au mariage, et je ne suis pas sûr que l’on ait échangé autre chose que des politesses. Marc Porchet, c’était surtout le secrétaire général de la Fondation de Beaulieu à Lausanne depuis plus de quinze ans. Il s’est fait éjecter l’autre jour. Une plainte pénale a aussi été déposée contre lui pour divers soupçons de gestion déloyale. En quelques heures, Marc Porchet est devenu un véritable génie du mal. L’auteur d’une fraude colossale, d’un scandale du siècle à l’échelle du canton. Je suis fier d’avoir un jour croisé ce nouveau Madoff.
Rappel des faits. Le Conseil d’Etat du canton de Vaud et la Municipalité de Lausanne ont tenu juste avant Noël une conférence de presse pour annoncer que la Fondation de Beaulieu était de nouveau dans un état financier critique. Ce qui a surtout retenu l’attention, c’est la plainte pénale déposée contre le secrétaire général du centre de spectacles, congrès et foires. Marc Porchet est soupçonné de diverses pratiques de gestion déloyale suite à un audit du Contrôle des Finances de la ville.
J’ai évidemment écouté et lu, parfois relu attentivement ce qui s’est dit et écrit au sujet de cette retentissante affaire. J’ai été impressionné par l’étendue de ce que l’on reprochait au secrétaire général. A peu près tout ce qu’il avait fait, et la manière de le faire. Des sources anonymes ont même indiqué qu’il était témoin de Jéhovah et qu’il sous-traitait dans certains cas à des témoins de Jéhovah. Il arrive aussi que de simples protestants travaillent avec des protestants, mais les témoins de Jéhovah sont une secte. Elle vient d’ailleurs d’être interdite en Russie. C’est dire si Beaulieu et son Comptoir Suisse ont échappé de justesse à de fatales perversions sataniques.
Ça donne surtout l’impression que les volées de notables, de gauche comme de droite, qui ont siégé ou siègent encore au conseil de fondation de Beaulieu, ont beaucoup de chance d’avoir sous la main un lampiste aussi parfait. Capable d’émettre à lui tout seul un écran de fumée de cette envergure. Trois représentants du canton, trois représentants de la ville, un représentant de Lausanne Région, un autre de l’Union des communes vaudoises. Excusez du peu. Il n’y a plus d’argent, ils n’ont rien vu venir.
Toutes les activités ou presque étaient externalisées vers des entreprises privées depuis le début des années 2000. Y compris la comptabilité. Sans autre contrôle qu’un mandat restreint de révision. Un choix de gouvernance assumé jusqu’à l’absurde pendant une décennie et demie. Il aura fallu une année supplémentaire d’audit à charge pour convaincre ces messieurs-dames de revenir discrètement en arrière. En actionnant le fusible Porchet dans un vacarme assourdissant.
Des erreurs, eux-mêmes n’en ont pas commises. Il n’en a en tout cas pas été question. Quelle classe. Aucune plainte pénale n’est heureusement possible pour ce genre de vaudoiserie. Une once d’humilité et d’autocritique ne devrait-elle pas suffire? Il n’est pas encore certain que ça puisse aller jusque-là.
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Une petite chose peut-être en regard de l’énormité du système financier à retourner, mais elle briserait un tabou et irait dans la bonne direction sans remettre tout de suite en cause l’ensemble des équilibres auxquels tout le monde est aujourd’hui suspendu: l’hélicoptère monétaire. Un serpent de mer bien keynésien. Paradoxalement formulé par Milton Friedman, Nobel d’économie en 1976, étroitement associé à ce que l’on a appelé le néo-libéralisme. Friedman est une hantise de gauche, mais l’idée d’arroser la population avec de la monnaie fraîchement créée est clairement populiste et devrait obtenir un certain consensus politique. Il en est en tout cas beaucoup question depuis dix dans les médias financiers. Peu critiquable s’agissant de ses finances publiques et de ses fondamentaux économiques, la Suisse ne serait-elle pas un bon laboratoire pour ce genre d’expérience? </p><h3>Instructif et audacieux</h3><p>Parallèlement à ses opérations actuelles et à la création de monnaie scripturale par les banques, la Banque nationale distribuerait de manière irrégulière quelques centaines à quelques milliers de francs chaque année aux particuliers. Une création monétaire selon les circonstances, elle-même scripturale mais absolument souveraine (sans création concomitante de dette). Pour faire bonne mesure, Michaël Malquarti suggère même que cette manne passe par le paiement partiel ou complet des primes d’assurance maladie. La création monétaire par les banques alimente aujourd’hui les cartes de crédit et les prêts hypothécaires. 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Les régulateurs publics du secteur financier, dont la mission est de protéger épargnants et investisseurs, ne savent pas comment s’y prendre sans donner à leur tour l’impression d’être à côté du sujet.</p><p>Le cours du bitcoin aura été spectaculairement multiplié par vingt en quelques mois, avant de rétrograder de 30% les derniers jours de décembre. Son succès repose sur la rareté et la confiance à l’état pur. Il réplique en quelque sorte l’or: valeur spéculative et de stockage, avec quelques fonctions monétaires possibles. Sauf que le bitcoin n’a précisément rien d’impur dans ses sous-jacents. Pas de matière première pouvant servir à d’autres fins susceptibles d’influencer le prix (usage industriel et ornemental s’agissant de l’or). Il y a aussi de plus en plus d’or depuis le temps qu’on en extrait, qu’on en achète et qu’on en vend. Ça génère de la lassitude. 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La jurisprudence, les commentaires, les conseils, les clés plus ou moins fantaisistes ou paranoïaques de décodage, l’ensemble de la littérature juridique, administrative, linguistique issue de ce minuscule appendice a fini par remplir de vaines bibliothèques. <br></p><h3>Authentique sans être dépréciatif?</h3><p>Premier point, les certificats doivent être bienveillants. Ils ne peuvent rien contenir qui puisse nuire au futur ancien collaborateur. Ni termes péjoratifs, ni formulations inutilement dépréciatives. A charge pour le rédacteur de trouver l’expression utilement dépréciative sans être péjorative. Attention: elle ne pourra pas non plus être allusive ou ambiguë. Inutile de préciser que le document ne doit pas mentionner les raisons et circonstances de départ. Sauf si l’intéressé demande par exemple que l’on mentionne qu’il s’agit d’une inoffensive réduction d’effectif à caractère sobrement économique. Comme si les destinataires allaient penser que l’on s’était séparé des meilleurs parce qu’ils étaient aussi les moins chers. <br></p><p>Les certificats qualifiés doivent néanmoins respecter les principes de réalité, de vérité, de bonne foi. Leurs auteurs courent sinon le risque d’être poursuivis par de futurs employeurs assez naïfs pour s’y être fiés (genre de complication qui n’arrive paraît-il pas qu’aux autres). Les entreprises prudentes associeront donc ostensiblement le partant à la tâche, de manière à se couvrir quelque peu. N’a-t-il pas d’ailleurs un droit d’intervention? Il pourra même demander encore des modifications dix ans plus tard (début de la période de prescription). C’est dire si un bon certificat est un certificat bien négocié et bien accepté par l’intéressé. <br></p><p>Le document peut même jouer un rôle dans d’autres négociations. S’agissant des certificats intermédiaires en particulier, que l’on peut exiger à n’importe quel moment sans avoir démissionné. Ni en avoir l’intention. Il n’est même pas nécessaire de préciser l’usage que l’on veut en faire. L’employeur du moment est censé deviner qu’un propriétaire a par exemple demandé le document au candidat locataire pour s’assurer qu’il s’agissait aussi d’un bon collaborateur dans la vie professionnelle… Jusqu’au jour, quelques semaines plus tard, où l’intéressé démissionne vraiment pour un autre emploi. A moins que son discret plan de sortie n’ait pas fonctionné, ou qu’il s’agissait juste de mettre un peu de pression avant de demander une promotion ou une augmentation de salaire. </p><h3>Triste hypocrisie réciproque </h3><p>Non seulement les certificats de travail qualifiés produisent des montagnes d’absurdité et de malentendus. Ils sont aussi devenus à peu près inutiles. Plus personne ou presque ne les lit. Surtout attentivement. Tout juste les parcourt-on pour repérer d’éventuelles anomalies. Ou s’amuser de grossières maladresses. 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Les employés sont-ils d’ailleurs les mieux placés dans le choix des thèmes et des termes? Pour les suggérer, tenter de les imposer? Ne vont-ils pas se ridiculiser aux yeux de leur interlocuteur dans un triste numéro d’hypocrisie réciproque? Comment réagira ensuite celui-ci lorsqu’il sera contacté par un éventuel futur employeur qui voudra se faire une idée moins convenue? Autant de doutes en général sans fondement, mais qui incitent à commettre des erreurs. Autant de regrets programmés. <br></p><p>L’amendement de l’article 330a CO, abrogation salutaire de l’obligation de certifier l’incertifiable, n’équivaudrait évidemment pas à une interdiction. Comme partout ailleurs dans le monde, les entreprises auraient toujours la possibilité de faire des certificats qualifiés, spontanément ou sur demande. Elles auraient surtout la possibilité de refuser. Ce qui reviendrait en quelque sorte à revaloriser en Suisse une pratique universelle et vieille comme l’écriture: la lettre non contrainte de recommandation. Souvent adressée nommément, liée à une référence, demandée et réalisée a posteriori, avec le recul nécessaire dans le cadre d’une procédure de recrutement déjà avancée. 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Où trouver le temps, avec tous les préparatifs en plus, surtout lorsqu’il s’agit de voilier? Et toujours les empêchements, la météo. Pas assez d’air, trop de vent, trop risqué. Non seulement la plupart des propriétaires sont de piètres navigateurs. Certains n’ont pas de permis. Ils doivent se faire accompagner. </p><br><p>Gardien du port d’Yvoire, en face de Prangins, Emmanuel Galand mentionne comme d’autres la plus paradoxale des contre-motivations: le report fantasmé. Une bonne partie des non-utilisateurs pensent qu’ils auront du temps et davantage d’envie plus tard. L’an prochain, dans quelques années, à la retraite. Et puis la génération montante sera bientôt ravie d’en profiter entre amis. En attendant, pas question de vendre ni de renoncer à une place pour se retrouver plus tard sur une liste d’attente. La hantise absolue. Attisée par la pénurie, elle alimente à son tour la pénurie.</p><h3>Pique-niques sur le pont</h3><p>Jean-Daniel Morel, port du Basset à Montreux-Clarens. Il ne nie pas que posséder un bateau peut être une simple distinction sociale, quel que soit le taux d’utilisation. Mais pas forcément. Les gens déambulent sur l’embarcadère, regardent leur voilier, font un peu d’entretien, pique-niquent sur le pont, se permettent une sieste en cabine, y passent la parfois nuit. Ils aiment leur bateau, qui les fait rêver. Ils rêvent du jour où ils pourront enfin partir au large. Les grosses propulsions et grandes voilures stationnées à proximité ne les impressionnent guère. Ils sont contents de ce qu’ils ont. </p><br><p>Les niveaux de vie de la classe moyenne supérieure étant ce qu’ils sont, posséder un bateau n’implique pas toujours de grands sacrifices. Surtout s’il vient d’un héritage. D’occasion, l’objet d’entrée de gamme peut coûter quelques milliers de francs. Quelques dizaines ou centaines de milliers pour un grand bahut boisé flambant neuf. 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C’est peu dire que ces coûts ne justifient pas toujours de renoncer à son bateau. </p><h3>Fin de cycle</h3><p>Si les surfaces de navigation sont loin d’être saturées, les rives n’ont en revanche plus guère de réserve de capacité. «Il n’y a pas si longtemps que l’ensemble des ports du Léman abritaient moins de 4000 bateaux, se souvient un constructeur de la région lausannoise. 2000 seulement naviguaient régulièrement. Je crois qu’il n’y en a pas davantage aujourd’hui.» </p><br><p>Le stockage a pris des proportions sans doute démesurées, mais il tend à s’épuiser sous l’effet des résistances technocratiques et populaires. Une fin de cycle. Les projets d’agrandissement des ports se font de plus en plus rares. Rolle vient de réaliser le sien. 120 places supplémentaires, toutes louées avant inauguration. Quatre fois plus important, celui de la Nautique à Genève est surtout destiné à transférer les places condamnées par l’aménagement de la plage des Eaux-Vives. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@Ancetre 31.12.2017 | 08h45
«Les naturalisations à Nyon, le recrutement du futur Chef des services secrets, le Palais de Beaulieu. Dans toutes ces situations et bien d'autres le système de milice suisse montre ses limites. Mais nous continuons à trouver inconvenant d'en parler et tabou d'en discuter. Quel scandale faudra-t-il pour que l'on prenne conscience que la gestion des affaires publiques requière des compétences aussi pointues que celles nécessaires à l'économie de marché ? Et que face aux technocrates de Bruxelles,pour parler d'un sujet autrement plus important que Beaulieu, la bonne volonté ne suffit plus !»
@Gio 06.01.2018 | 07h33
«L histoire du bouc émissaire se répète ad eternam, comportement enfantin du “ce n est pas moi, c’est lui” . Aussi innocent que puisse être le coupable, peu importe du moment que la foule a son os à mâcher. Triste “comptine”. »
@YvesT 07.01.2018 | 12h11
«C'est un scandale. Si je comprend bien, il n'y a pas eu enrichissement personnel de Marc Porchet. C'est vraiment trop facile de faire sauter ce fusible.»