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Actuel / L’hélicoptère monétaire version assurance maladie


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Comment créer de la monnaie en payant ses primes? Le gestionnaire de fonds genevois Michaël Malquarti sort un essai audacieux qui ne va échapper ni aux adeptes ni aux opposants de l’initiative populaire «Monnaie pleine».



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Edité chez Slatkine à Genève, le livre sort au moment où l’on se dit que la campagne politique pour ou contre l’initiative populaire «Monnaie Pleine» a bien de la peine à prendre de la hauteur. «Pour un nouvel ordre monétaire» vient en plus des milieux financiers: signé Michaël Malquarti, gestionnaire de fonds dans une société d’asset management pour investisseurs institutionnels (caisses de pension, trésoreries d’entreprises, grandes fortunes). De quoi attirer aussitôt l’attention.

Michaël Malquarti. © DR

Le diagnostic établi sur les cent cinquante premières pages s’avère largement en phase avec ce qui a inspiré le texte constitutionnel soumis au vote le 10 juin prochain. Il s’agit d’ailleurs d’un constat assez répandu, et très ouvertement débattu jusque dans le secteur bancaire à l’échelle du monde. La création monétaire réalisée par les crédits (90% de la masse monétaire) a une contrepartie: l’endettement public et privé. Cette montagne de dettes a pris de telles proportions qu’elle devient de plus en plus dangereuse pour l’économie globale. Des doutes sur la solvabilité des débiteurs pourraient tout d’un coup s’accumuler et provoquer une rupture de confiance comparable à 2007-2008. Ce ne fut pas le cas lors de cette crise d’anthologie (et de référence), mais il y a probablement un jour où il faudra sécuriser la création monétaire et le trafic des paiements en les sortant du systémisme bancaire (au sens de système bancaire à risque).

Une idée clairement populiste

Michaël Malquarti a raison de ne pas croire en revanche qu’une réforme politique et institutionnelle de cette ampleur soit possible ni souhaitable à froid. «Nos systèmes monétaires ne sont pas le fruit d’une réflexion globale et structurée, dont les principes fondateurs auraient été clairement énoncés à l’avance. Ce sont plutôt des sortes de grands bricolages réalisés par à-coups d’une crise à l’autre, souvent plus en fonction de considérations opérationnelles que sur la base d’une vision d’ensemble simple et cohérente.» En d’autres termes, aucun Etat, aucun politicien, aucun parti, aucun lobby ne serait prêt à assumer hors situation de crise la responsabilité d’une méga-transition à si hauts risques économiques et sociaux. Se décider à faire des travaux lourds et incertains est toujours plus facile quand des fissures apparaissent sur de vieilles façades. La hiérarchie des risques et des urgences change alors complètement. Le champ des possibles s’élargit. Mais les brèches, dix ans après la crise, se font encore un peu attendre. 

Dans les quarante dernières pages, l’auteur affirme toutefois qu’il y a quelque chose à faire d’ici-là. Une petite chose peut-être en regard de l’énormité du système financier à retourner, mais elle briserait un tabou et irait dans la bonne direction sans remettre tout de suite en cause l’ensemble des équilibres auxquels tout le monde est aujourd’hui suspendu: l’hélicoptère monétaire. Un serpent de mer bien keynésien. Paradoxalement formulé par Milton Friedman, Nobel d’économie en 1976, étroitement associé à ce que l’on a appelé le néo-libéralisme. Friedman est une hantise de gauche, mais l’idée d’arroser la population avec de la monnaie fraîchement créée est clairement populiste et devrait obtenir un certain consensus politique. Il en est en tout cas beaucoup question depuis dix dans les médias financiers. Peu critiquable s’agissant de ses finances publiques et de ses fondamentaux économiques, la Suisse ne serait-elle pas un bon laboratoire pour ce genre d’expérience?

Instructif et audacieux

Parallèlement à ses opérations actuelles et à la création de monnaie scripturale par les banques, la Banque nationale distribuerait de manière irrégulière quelques centaines à quelques milliers de francs chaque année aux particuliers. Une création monétaire selon les circonstances, elle-même scripturale mais absolument souveraine (sans création concomitante de dette). Pour faire bonne mesure, Michaël Malquarti suggère même que cette manne passe par le paiement partiel ou complet des primes d’assurance maladie. La création monétaire par les banques alimente aujourd’hui les cartes de crédit et les prêts hypothécaires. Pourquoi une monnaie scripturale publique n’utiliserait-elle pas le trafic des paiements de l’assurance maladie, sachant qu’elle est obligatoire, ce qui permettrait précisément d’atteindre tout le monde? 

La belle métaphore de l’hélicoptère monétaire survolant des quartiers si possible défavorisés est en général préférée au canal beaucoup plus historique des budgets publics. Les Etats n’ont-ils pas recouru longtemps à la planche à billets pour financer leurs guerres, leurs confortables coûts de fonctionnement et leur clientélisme politique? Les créateurs de monnaie y avaient perdu leur indépendance, la monnaie sa stabilité. L’hélicoptère monétaire offre-t-il davantage de garanties sur ce point? On imagine la tête des assurés apprenant tout d’un coup que l’hélicoptère ne passera pas cette année. Que les primes d’assurance maladie ne seront plus payées pendant un certain temps pour des raisons de politique monétaire. Ne serait-ce pas du devoir bien compris des partis et des médias de s’emparer aussitôt de la question? Avec les effets pervers habituels en termes de pressions et d’indépendance de la banque centrale, que l’on regrette de voir si peu évoqués dans cet essai par ailleurs fort instructif et agréablement audacieux.


Pour un nouvel ordre monétaire, Michaël Malquarti. 216 pages. Editions Slatkine.


Précédemment dans Bon pour la tête

La fausse bonne idée - Yves Genier
Qui doit créer l'argent?- Jacques Pilet

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