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Actuel / Le bitcoin, métaphore des temps modernes

François Schaller

3 janvier 2018

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2017, année des cryptomonnaies. Le phénomène bitcoin, sur lequel ni moi ni personne (ou à peu près) n’aurait parié un balle au départ, reflète assez bien le désarroi d’une époque tiraillée entre son infinie complexité et l’urgence de faire simple. Comment interpréter l’invraisemblable?



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Le monde entier reste interdit devant le spectacle improvisé d’un immense labyrinthe mathématique proposant 21 millions de cheminements différents pour parvenir à un seul but: produire du bitcoin. Les solutions les plus aisées ont été épuisées. Les suivantes seront de plus en plus difficiles à trouver. On estime qu’il faudra attendre le siècle prochain pour que les 21 millions de bitcoins soient sur le marché. C’est dire si tout peut arriver d’ici là. En attendant, le risque de n’avoir toujours rien pigé de la révolution numérique incite à la réserve plutôt qu’au ricanement. Ou au fou rire de trois minutes, du genre de celui qui prit un jour le président de la Banque du Japon quand on lui demanda en conférence de presse ce qu’il pensait du bitcoin.  

2018, année des clarifications? Intégralement documenté et infalsifiable, le marché du bitcoin est un modèle de transparence. Sauf que ses intervenants n’ont pas besoin de décliner leur identité. La fortune de son génial concepteur est évaluée à 18 milliards de dollars, amassés en obtenant dans son coin le premier million de bitcoins. Il est resté jusqu’ici dans l’anonymat. Personne ne s’en indigne.

Le bitcoin, un remède contre l'ennui

La morale la plus prodiguée après la crise financière de 2008 rappelait qu’il ne fallait jamais investir dans ce que l’on ne comprenait pas. Tout le monde peut acquérir aujourd’hui des bitcoins par des intermédiaires. Les régulateurs publics du secteur financier, dont la mission est de protéger épargnants et investisseurs, ne savent pas comment s’y prendre sans donner à leur tour l’impression d’être à côté du sujet.

Le cours du bitcoin aura été spectaculairement multiplié par vingt en quelques mois, avant de rétrograder de 30% les derniers jours de décembre. Son succès repose sur la rareté et la confiance à l’état pur. Il réplique en quelque sorte l’or: valeur spéculative et de stockage, avec quelques fonctions monétaires possibles. Sauf que le bitcoin n’a précisément rien d’impur dans ses sous-jacents. Pas de matière première pouvant servir à d’autres fins susceptibles d’influencer le prix (usage industriel et ornemental s’agissant de l’or). Il y a aussi de plus en plus d’or depuis le temps qu’on en extrait, qu’on en achète et qu’on en vend. Ça génère de la lassitude. Le bitcoin est un remède contre l’ennui.

La sainte confiance a déjà été ébranlée par des incidents techniques, et de triviales tentatives de fraude. Le bitcoin s’en est chaque fois remis. Tout ce qui ne tue pas rend plus fort. Jusqu’au jour où la magie n’opérera plus. Et alors? La rareté du bitcoin est elle-même assiégée par la multiplication de modèles cryptomaniaques dérivés, de plus en plus banals? Plus de mille actuellement. Qu’à cela ne tienne. Ils prendront le relais. Le bitcoin n’est pas une fin en soi. Juste un épisode pionnier.

Roue de secours financière

Après plusieurs années de préparation, l’épopée a démarré en janvier 2009. Au plus profond de la crise financière. Au moment où les politiques monétaires abandonnaient leur orthodoxie pour se convertir à la création sans limites de nouvelles liquidités. Cette coïncidence a vite convaincu que les cryptomonnaies avaient en réalité une mission divine: se substituer aux banques centrales le jour où elles auraient perdu leur crédibilité. Ou voler plus modestement à leur secours en offrant une alternative dématérialisée à l’or, cette relique barbare comme disait l’économiste Keynes au début du siècle dernier. Un nouvel étalon-or sans or, tout simplement. Pour redonner un sens plus traditionnel à la monnaie. Le scénario semble tellement parfait qu’on en vient à douter de son propre scepticisme.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

2 Commentaires

@Clive 04.01.2018 | 19h53

«"Un nouvel étalon-or sans or, tout simplement" écrivez-vous. Intéressant, mais cela demanderait explications et développement. On les attend avec intérêt.»


@florence 06.01.2018 | 17h13

«@François Schaller
Merci de votre commentaire.
Il faudra peut-être attendre que ça se produise, à l’occasion ou à la suite d’une crise financière par exemple, pour avoir des explications et développements venant de celles et ceux qui mettront en oeuvre les solutions à des problèmes monétaires difficiles à identifier à l’avance.
En attendant, il s’agit surtout d’une intuition basée sur une analogie: le bitcoin fait penser à l’or, et l’étalon or a surtout été abandonné parce que les quantités produites ne suffisaient plus à couvrir l’augmentation de la masse monétaire de manière suffisante. Et que l’or est en un sens une matière première industrielle comme une autre. Ce qui se passe actuellement dans les cryptosystèmes fait penser que l’un d’eux, ou plusieurs (qui n’existent certainement pas encore), pourraient servir d’étalon à une création monétaire cadrée à l’avance de manière évolutive et selon des critères nouveaux. Hors phénomènes spéculatifs probablement… La part du contrôle public restant à définir (0% à 100%) si la question était toujours d’actualité. Mais ce ne sont vraiment que des conjectures à ce stade.
Je me dis quand même que je m’y intéresserais si j’étais un adepte de la monnaie pleine (initiative populaire fédérale prête pour un scrutin cette année). Il pourrait en être question lors des débats. (FS)»