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Actuel / La face cachée de l'islamisme


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Témoignage d’un musulman de Bienne excédé par ces «petits riens» qui, à force de se répéter, illustrent les tentatives d’intrusion de certains islamistes radicaux dans la sphère privée.



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Bienne n'est pas Molenbeek, commune de la banlieue bruxelloise où avaient vécu certains des terroristes auteurs notamment des attentats sanglants du Bataclan parisien et du Stade de France en novembre 2015. Le taux de chômage de la cité seelandaise est certes plus élevé que la moyenne suisse (4,6% contre 3%) et la proportion des personnes dépendant de l’aide sociale bat presque tous les records nationaux (près de 12% de la population). Un pourcentage élevé dû notamment au grand nombre de familles monoparentales à revenu modeste et à la forte proportion de personnes de nationalité étrangère. Sur les quelque 55 000 personnes établies dans la ville bilingue (la dixième la plus peuplée de Suisse), on compte plus de 130 nationalités et 10% de la population biennoise est de confession musulmane – deux fois plus que dans le reste de la Suisse.

Jusque dans les année 90, la présence musulmane y était plutôt discrète, mais la seconde guerre d’Algérie, qui a fait plus de 100 000 morts, et la dislocation sanglante de l’ex-Yougoslavie ont entraîné une immigration importante due en particulier au fait que nombre de ces personnes sur le chemin de l’exil avaient de la parenté ou des connaissances à Bienne.

La face apparente de l’iceberg

Parmi ces migrants – dont quelques dizaines de réfugiés politiques reconnus – certains islamistes notoires, proches du GIA algérien (Groupement islamique armé) ou des Frères musulmans. La ville avait alors vu se multiplier l’ouverture de «centres culturels islamiques» (elle en compterait actuellement une quinzaine, nombre variant souvent), dont une au moins a plusieurs fois défrayé la chronique et attiré l’attention de autorités locales, cantonales et fédérales: la mosquée «Al Rahman». Le président du très controversé Conseil central islamique de Suisse Nicholas Blancho, un Biennois converti à l’Islam, y a prononcé quelques prêches enflammés. Une demi-douzaine de jeunes ayant fréquenté cet endroit sont partis ou ont tenté de se rendre en Syrie, en Irak ou dans la Corne de l’Afrique – un au moins y est mort. Et tout récemment, un imam autoproclamé d’origine libyenne y aurait émis des propos haineux, tout en bénéficiant de l’aide sociale.

Mais Bienne n’est pas pour autant Molenbeek, car jusqu’à présent, aucun lien formel n’a pu être établi entre ses nombreuses mosquées et d’éventuels actes à caractère terroriste.

Voilà pour la face apparente de l’iceberg. Car en réalité, les tentatives d’intrusion de certains islamistes radicaux dans la sphère privée s’y font de plus en plus nombreuses. Petit florilège vécu par l’auteur de ses lignes.

Par la barbichette

Août 2002. Mon oncle ne s’était jamais vraiment relevé de la chute des deux tours new-yorkaises. En plus, quelques mois plus tôt, Jean-Marie Le Pen avait accédé au second tour de l’élection présidentielle française. «Je l’avais prédit. Si nous continuons de nous voiler la face, nous l’aurons bientôt dans le baba», avait-il dit sur son lit d’hôpital en crachant ses poumons.

Car à force de fumer, Tonton avait eu des métastases dans tout le corps. Il avait beau depuis son enfance faire ses cinq prières quotidiennes et connaître par cœur le Coran, son Dieu n’avait pas été très généreux. Mon oncle avait à peine 50 ans.

Il était sur le point de s’en aller. Il faisait un temps splendide, à croire que le ciel auquel il croyait tant avait ouvert ses volets pour mieux l’accueillir.

Nous étions à son chevet. Il murmurait: «maman!». Un aide-soignant que nous apprécions beaucoup nous avait rejoints. Comme nous, il était né dans le sud de l’Algérie. Nous lui faisions confiance. Il parlait à mon oncle en tamachek – la langue des Touaregs – et lui apportait des mets «du pays», dont le fameux «elftat», des crêpes rudimentaires enrobées de sauce piquante et de viande mouton.

Alors que mon oncle avait de plus en plus de peine à murmurer «maman», cet aide-soignant m’avait attiré en dehors de sa chambre d’agonisant pour me dire ceci: «Momo (c’est mon surnom), il ne faut pas que les deux filles de Driss et son épouse restent dans cette chambre. Car si un musulman meurt en présence de femmes, son âme sera souillée et il ne pourra pas aller au paradis.» Fin de citation.

Je n’avais pas eu d’autre alternative que de l’empoigner par sa barbichette et l’expulser manu militari. «Tu n’es pas digne de partager de notre souffrance. Vas-t’en.»

Le personnel soignant l’admet lui-même: les demandes de dérogations sanitaires pour des motifs religieux sont de plus en plus fréquentes (elles émanent aussi parfois d’autre groupes religieux comme les Témoins de Jéhovah). Et lorsque le dialogue avec les patients n’aboutit pas, les hôpitaux concernés n’ont d’autre choix que de leur faire signer un papier pour les dégager de toute responsabilité en cas de problème plus ou moins grave.

«Mohamed? Dans ce cas, je paie»

J'espérais que ces intrusions indécentes d’islamistes dans nos vies privées fussent exceptionnelles. Hélas. Sans être envahissantes, elles ne sont pas singulières et ne font pas la «une» des journaux.

Autre exemple.

Ce soir-là de 2015, président d’une société locale permettant à des enfants et à des adolescents d’apprendre à peu de frais à jouer d’un instrument de musique (cotisation annuelle de 80 francs), je devais m’acquitter d’une épouvantable corvée: dire à une jeune musicienne qu’elle n’était plus la bienvenue car malgré de nombreux rappels, ses parents n’avaient pas payé leur cotisation.

Visiblement triste, la gamine m’avais alors dit: «Monsieur! Allez-voir mon papa, il m’attend à la sortie.»

Effectivement, il était là, à bord d’une rutilante BMW. Il commença par m’expliquer que comme il était «au social», il n’avait pas les moyens de dépenser quatre fois 20 francs par an pour que sa fillette puisse apprendre à jouer de la flûte traversière et s’intégrer à un groupe. Puis, constatant mon scepticisme, il m’interpella en ces termes: «Eh! Mais si vous vous prénommez "Mohamed", c’est que vous êtes musulman comme moi? Dans ce cas, je paie.»

Fin de citation. Pas forcément très répandues, ce genre de situations met dans l’embarras les sociétés locales culturelles ou sportives concernées car un de leurs buts essentiels est de favoriser l’intégration sociale de leurs membres.

«Nous seuls connaissons la vérité»

Autre situation vécue, dans le domaine politique cette-fois

Toujours au milieu de cette décennie, ma section du PS biennois avait vécu une séance épouvantablement houleuse. Enjeu: la désignation de nos candidats et candidates au Conseil municipal. Je m’étais inconsciemment porté volontaire – face à une femme. Un quasi tabou. «Parqués» (car il n’existe hélas pas d’autre mot) au fond de la salle, une vingtaine de travailleurs turcs membres d’un syndicat très influent. Ils avaient été convoqués pour répondre aux ordres de leur «chef», devenu depuis conseiller national. Ils avaient pour mission de me barrer la route. Mais découvrant mon prénom, l’un d’entre eux m’avait attiré à l’écart et m’avait dit: «Tu es musulman comme nous? Alors nous allons voter pour toi et contre cette femme.» Heureusement, j’avais été battu pour une petite voix. La mienne! Et évité d’être élu grâce à l’apport de camarades purement motivés par des réflexes communautaristes religieux.

Et que dire de cette Suissesse convertie – c’est son droit légitime – qui refuse de me serrer la main, alors que je lui avais si souvent fait la bise auparavant? «Si des connaissances me voient serrant la main d’un homme, ils risquent de me dénoncer à mon mari», avait-elle dit pour se faire pardonner. Un autre jour, une universitaire nord-africaine que je croyais bien connaître au visage aussi pur que celui de Claudia Cardinale dans «Il était une fois dans l’Ouest», s’était mise à porter un discret foulard, puis un fichu plus impressionnant et désormais un niqab? «Nous seuls connaissons la vérité», m’avait jeté à la figure cette ancienne copine du quartier.

Madretsch, ses niqabs, ses pizzerias sans alcool, ses clandestins, ses mariages arrangés

Au point que «mon» quartier, celui de Madretsch, à la démographie populaire composée depuis très longtemps d’hommes, de femmes et d’enfants issus de la migration, où les logements au confort modeste et aux loyers bas sont légion, ne cesse de changer de visage: les femmes voilées y sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus jeunes. Et il n’est pas rare d’y croiser quelques femmes portant un niqab permettant à peine de distinguer leurs yeux.

Et que dire aussi de cette pizzeria, peut-être un des meilleures de la ville? Elle propose de véritables filets d’anchois ou des merguez à damner un apôtre. Malheureusement, son gérant refuse de servir du vin à ses clients. «Dans mon établissement, on fait comme chez moi, en Tunisie. Je refuse de servir de l’alcool: c’est interdit par la Religion», tente-t-il de se justifier à ses clients incrédules qui se souvenaient avoir si souvent partagé avec lui quelques bières après leurs matches de football dans un petit club local. La loi ne le contraint pas à servir du vin, mais la loi du marché, qui le voit perdre de plus en plus de ses clients, le fera peut-être changer d’avis… Cette pizzeria située au cœur de la ville de Bienne n'est pas la seule à refuser de servir de l'alcool à ses hôtes. En revanche, la plupart de ces établissements proposent des bouteilles de vin ou de bière à emporter.

Que dire enfin de cette vielle connaissance qui s’inquiétait de mon éternel célibat? Ce quasi compatriote me proposait sans vergogne de me faire rencontrer de jeunes musulmanes. «Elles sont dociles», m’avait-il assuré. «Tu n’aurais pas plutôt une Juive?», avais-je rétorqué par provocation. Il ne m’adresse plus la parole. Mais c’est un fait avéré: certaines de ces mosquées sont fréquentées pour moitié par de jeunes clandestins venus de Libye, de Tunisie, d’Algérie ou du Maroc. Normal: les lieux religieux dignes de ce nom ont aussi pour vocation d’accorder l’asile. Pour eux, l’espoir d’un séjour régulier en Suisse passe parfois par la conclusion d’un mariage arrangé.

Lanceur d'alerte, un rôle à endosser

Cependant, à Bienne aussi, la résistance commence à s’organiser – bien souvent sous l’impulsion de femmes de confession musulmane. Elles s’impliquent de plus en plus dans la vie des quartiers et viennent d’ailleurs de lancer un programme de médiation visant à la déradicalisation des jeunes plus ou moins paumés tentés par un improbable «Djihad» ou naïvement séduits à l’idée de participer à des opérations «humanitaires» en Syrie. Mais leur réelle bonne volonté semble parfois dérisoire face à une autre arme de destruction massive des cerveaux que maîtrisent parfaitement bien certains islamistes radicaux: internet.

Dernier exemple de ce triste recueil de désillusions.

Un soir pluvieux, j’attendais patiemment mon trolley dans un abribus. Deux jeunes à côté de moi étaient plongés dans une discussion ahurissante: «Tu crois qu’il a dit vrai sur internet quand il nous a promis que si on allait faire le djihad, une fois au Paradis, on aurait droit à autant de femmes qu’on veut?» Tellement sidéré, ayant l’impression d’assister à un mauvais rêve, je n’avais pas eu le réflexe de les ramener sur Terre. Je m’en veux encore.

Face au sentiment d’impuissance mâtiné d’un semblant d’indifférence des autorités locales davantage soucieuses de redorer l’image de la ville de Bienne en perpétuelle quête de nouveaux investisseurs et de «bons contribuables», une des clefs pour vaincre ici l’islamisme radical est sans doute entre les mains de la population la plus directement concernées par tous ces «petits riens» qui s’accumulent. Parler. Dénoncer. Prendre ses distances. Mettre en garde et devenir d’authentiques lanceurs d’alerte. Les musulmans «normaux» ont de moins en moins envie de se taire lorsque les tentatives d’intrusion des islamistes radicaux dans leur sphère intime pourrissent leur existence et font progressivement d’elle un très mauvais film de série B. «B» comme bêtise.


Ad libitum

Ces petites scènes de la vie quotidienne ont pour la plupart eu lieu dans «ma» ville: Bienne. Quelque 55 000 habitants. Un modèle d’une commune multi-ethnique qui a prospéré grâce à l’apport successif de travailleurs du Seeland, du Jura, de Toscane et des Pouilles, d’Andalousie et de Galice, du Portugal, de Serbie et du Kosovo. Où l’école et l’entreprise ont été de formidables lieux d’intégration – sans oublier les nombreux clubs sportifs, les fanfares et les troupes de théâtre, les bistrots et même les cimetières.

Une politique intelligente en matière de logements avait jusqu’alors évité la création de «ghettos» ethniques.

Mais parfois, j’ai des doutes. Au nom du magnifique multiculturalisme dont je suis un fruit, certains semblent prêts à renier leurs valeurs et à céder au mortifère relativisme culturel. N’osent plus dire que certains principes, acquis au terme de longues luttes, et souvent encore fragiles, ne sont pas négociables. Par exemple l’égalité entre hommes et femmes (il y a du boulot!), la lutte contre l’homophobie, l’antisémitisme et toutes les formes de xénophobie, la dénonciation des dérives communautaristes et par exemple la réaffirmation que dans une civilisation des Lumières, la Loi prime sur la foi.

Il y a cinquante ans presque jour pour jour, j’avais sans le demander débarqué dans cette ville à mes yeux exemplaire: ouverte, modeste, laborieuse et innovante.

Mais cette image engageante ne doit pas masquer une triste réalité: à force de sectarisme et de revendications impossibles à justifier, une grosse poignée d’islamistes radicaux nous pourrissent l’existence au quotidien et donnent une image désastreuse de l’écrasante majorité de celles et ceux qui voudraient simplement pratiquer leur religion discrètement.

Ou qui s’y réfèrent pour des raisons purement culturelles. J’en fais partie. Car je le confesse. Je n’ai de profondément musulman que deux particularités: mon prénom, qui est bigrement typé, et mon prépuce, qui est pareillement coupé.

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