Opinion / Pour une Journée de l’indépendance gay et lesbienne
"National Equality March" à Washington DC, le 11 octobre 2009. © Elvert Barnes - CC BY-SA 2.0
Et si l’expérience homosexuelle et celle de la transidentité étaient radicalement différentes, voire irréconciliables? C’est la conviction du journaliste et auteur américano-britannique Andrew Sullivan, ex-rédacteur en chef de «The New Republic» et pionnier du combat pour le mariage gay. Dans ce texte paru dans sa newsletter «The Weekly Dish», il dit son inquiétude face au nouveau danger qui menace les enfants homosexuels: celui d’une doctrine trans-affirmative qui les encourage à fuir leur homosexualité en changeant de sexe. La grande communion LGBTQIA+ se paie, déplore-t-il, au prix fort: celui de la santé et de la sécurité des enfants homosexuels. Si on veut protéger leurs intérêts, il est temps de rompre cette coalition, conclut Sullivan.
Andrew Sullivan, traduit de l'anglais par Anna Lietti
Il y a vingt ans, le 17 mai 2004, les premiers mariages civils de couples gays et lesbiens étaient célébrés aux Etats-Unis. Pour ceux d'entre nous à qui on répétait depuis une décennie et demie que c’était une idée folle dont nous ne verrions jamais la réalisation, ce fut un moment bouleversant. Ce jour-là, dans un article publié dans le New York Times, j’anticipais la manière dont cette décision allait infuser dans la conscience collective et, surtout, soulager les nombreux enfants gays et lesbiens minés par l’angoisse et le désarroi. (La même semaine, je participais à la tournée de promotion de la deuxième édition de mon livre Same-Sex Marriage, Pro and Con: A Reader). Aider les enfants, c'est le moteur primordial de mon engagement militant:
«Je me souviens du moment où j'ai compris que j'étais gay. Brutalement, j'ai pris la mesure de ce que cela signifiait: il n'y aurait pas de jour où ma famille se réunirait pour célébrer une nouvelle, une future famille. Je n'aurais jamais une relation aussi légitime que celle de mes parents, de mon frère ou de ma sœur. Les effets de cette prise de conscience sur un jeune psychisme ne sont pas faciles à décrire mais ils sont profonds. Dès ce moment, la ségrégation émotionnelle s’installe, et tout ce qui va avec: le manque d'estime de soi, la notion de sexe fatalement déconnecté d’une relation stable, la douleur de devoir choisir entre la famille dans laquelle on est né et l'amour que l'on ressent.»
Je voulais que l’on trouve le moyen de dire aux enfants homosexuels qu'ils avaient un avenir. Je voulais aider à guérir chez eux la blessure qui avait meurtri mon cœur et mon âme jusqu'à l'âge adulte. Je voulais qu'ils vivent en paix avec leur sexe et leur amour homosexuel. J'espérais que l’avènement du mariage homosexuel transformerait la culture, l’humaniserait. Par le simple fait de connaître l’existence de cette possibilité, les enfants homosexuels seraient moins traumatisés, moins rongés par la haine de soi et plus confiants dans le monde. Ils pourraient grandir comme les enfants hétérosexuels – ni plus ni moins bousillés qu’eux.
Je ne me trompais pas. Cette semaine, la RAND Corporation a publié une étude évaluant les effets du mariage gay dans la vraie vie, deux décennies après son avènement: aucun des désastres prédits ne s’est vérifié. Les mariages hétérosexuels ont légèrement augmenté; les taux du divorce et de la cohabitation hétérosexuels sont restés les mêmes; chez les couples homosexuels, dans les Etats ayant adopté l'égalité du mariage, on observe «des relations plus stables, des revenus plus élevés et des taux plus élevés d'accession à la propriété». Le soutien à l'égalité du mariage était de 42% en 2004, et cette thématique allait aider Bush à remporter un second mandat dans l'Ohio; aujourd'hui, alors que nous pouvons vérifier l’impact réel du nouveau statut, ce dernier est plébiscité à près de 70%.
Et qu'en est-il des enfants homosexuels qui ont tant inspiré mon ardeur militante?
Là, c’est nettement plus problématique. La question est difficile à cerner, principalement parce que la catégorie même des «enfants homosexuels» a été abolie par… oui, par les groupes homosexuels. Les enfants gays sont désormais associés à des groupes totalement différents les uns des autres: les enfants qui se sentent appartenir au sexe opposé, les enfants hétérosexuels qui se disent «queer», une catégorie entièrement nouvelle d'êtres humains appelés «non-binaires», et quelques centaines de nouvelles «orientations» et «genres» – y compris les eunuques! Tous ces enfants sont désormais considérés comme des incarnations de la «diversité de genre», vivant essentiellement la même vie «LGBTQIA+1», définie comme étant queer et subversive face aux normes culturelles et sociales. L'homosexualité? Elle s'est évaporée dans la «diversité de genre».
Et s'il existait un conflit fondamental, profond, entre certaines lettres du fameux sigle? Et si ces deux expériences – être gay, être trans – s’avéraient être de nature radicalement différente? Et si les intérêts de ces deux groupes divergeaient, nécessitant à l’occasion la subordination de l’un à l’autre?
La doctrine de l'intersectionnalité affirme que cela ne peut pas être le cas, vu que toutes les composantes du sigle ont en commun d’être des minorités opprimées et c’est ce qui compte. S’il y a conflit entre elles, la solution est simple: le groupe le plus opprimé l'emporte! Dans l’univers LGBTQIA+, cela signifie que les G et les L s'inclinent toujours devant les T. La plupart du temps, ça ne porte pas à conséquence. Mais il y a un cas spécifique, en ce moment précis de notre histoire, où ça devient important. Je parle des enfants homosexuels et de ce que l'idéologie du genre leur enseigne, de ce que les prises en charge relevant de l’«affirmation de genre» font à leurs corps et à leurs âmes.
La doctrine transmise aujourd’hui par l'establishment éducatif, l'industrie médicale et le gouvernement fédéral postule qu’être un garçon ou une fille n’est pas un fait biologique mais un état ressenti. Vos organes génitaux, vos chromosomes, ne vous disent rien sur votre sexe. En grandissant, enseigne la doctrine, les enfants peuvent choisir leur genre, le nombre des genres étant infini – et le genre et le sexe se confondant. Puis, à la puberté, s’ils voient que leur corps ne ressemble pas au sexe qu'ils ont choisi, ils peuvent et doivent en changer.
On comprend le sens qu’il y a à tenir ce propos aux enfants souffrant de dysphorie de genre. Mais enseigner cette doctrine aux enfants homosexuels est une terrible erreur, qui conduit à des résultats effrayants. La dernière chose dont un garçon gay a besoin, c'est de s’entendre dire qu'il est peut-être une fille à l'intérieur, et que là est probablement la source de tous ses problèmes. Psychologiquement, c’est brutal et terrifiant.
Je me souviens d’un jour de Noël chez mes grands-parents. J'avais environ huit ans et mon frère quatre. Il jouait avec un camion et s’amusait à le lancer contre le mur; moi, je lisais un livre. Ma grand-mère nous a regardés et a dit à ma mère: «Au moins, maintenant vous avez un vrai garçon». Cette remarque désinvolte a été comme un coup de poignard dans mon amour-propre. C'est le tropisme homophobe le plus profond et le plus ancien: les garçons homosexuels ne sont pas vraiment des garçons. Ce préjugé est aujourd'hui diffusé par les théoriciens du genre aussi joyeusement qu'il l'était autrefois par les bigots.
Imaginez maintenant qu'une figure d'autorité vienne renforcer cette idée auprès d'un enfant confronté à la puberté. Le parent ou l'enseignant ajoutera que s’il le souhaite, le garçon peut se transformer en fille, et dénouer ainsi toutes ses angoisses naissantes. Un tel message, bienveillant lorsqu’il est adressé aux enfants transgenres, vire involontairement à l'homophobie face aux enfants homosexuels. Au moment précis où ils ont besoin d’être légitimés dans leur sexe biologique, on leur dit que ce dernier n'existe pas. La phrase qui me hante – omniprésente dans la littérature pour enfants LGBTQIA+ – est la suivante: «Tu peux être un garçon ou une fille, ou les deux, ou aucun des deux, ou quelque chose d'entièrement différent». Et je me demande: si on m'avait proposé cette solution, l'aurais-je acceptée?
La réponse est peut-être oui. Et je ne suis pas le seul. Voyez Martina Navratilova, qui se demande si, comme enfant aujourd’hui, elle aurait été diagnostiquée comme souffrant de dysphorie de genre.
«Sûrement, je l'aurais été. Dieu merci, je suis née à l'époque et pas 50 ans plus tard...»
Et voyez Ben Appel [écrivain et journaliste new-yorkais, ndlr]:
«J'ai craint d’avoir atteint un point de non-retour, il y a quelques années, lors d'une conversation avec une amie supposément "progressiste". Si j'avais été un jeune garçon aujourd'hui, lui ai-je dit, on m'aurait probablement prescrit des bloqueurs de puberté et j'aurais fait une transition médicale. Elle m'a demandé: "Et tu ne penses pas que tu aurais été heureuse en tant que transsexuelle?" Sa question m'a laissé sans voix.»
Dans le tristement célèbre centre Tavistock, au Royaume-Uni, qui dispensait aux enfants des «soins d'affirmation de genre», l’immense majorité des patients étaient attirés par des personnes de même sexe:
«Cela ressemble à une thérapie de conversion pour enfants homosexuels», a commenté un médecin. «J'ai connu beaucoup de cas où des patients commençaient à s'identifier comme transgenre après avoir vécu des mois de terrible harcèlement parce qu'ils étaient gays», a-t-il déclaré au Times.
Alors qu'elle menait son enquête décisive2 sur les soins aux enfants liés au genre, Hilary Cass s'est souvenue d'un entretien particulièrement obsédant qu'elle a mené:
«J'ai parlé à une jeune adulte qui avait commencé sa transition très tôt – d'homme à femme. Elle va bien, elle a pris des bloqueurs de puberté au tout début, ainsi que des hormones féminisantes, elle est bien acceptée en tant que femme. Sauf qu’avec le recul, elle sait qu'elle était un garçon souffrant d’une intense homophobie intériorisée et qu'elle était homosexuelle. Simplement, à ce stade de sa vie, il est clair qu'elle ne va pas détransitionner.»
Un clinicien a rapporté à Hannah Barnes3 des phrases qu’il entendait souvent dans la bouche de patientes demandeuses de testostérone: «Quand j'entends le mot lesbienne, j'ai mal au cœur. Je veux mourir». Ou: «Si j'entends encore le mot lesbienne, je vais vomir». Si vous avez trois minutes, je vous conseille vivement d'écouter une jeune et belle lesbienne, Jet London, raconter, sur X, son histoire avec les bloqueurs de puberté. Cela m'a brisé le cœur.
L'écrasante majorité des détransitionneurs sont des gays et lesbiennes qui, dans leur enfance, sont arrivés à la conviction d'être trans. Autrefois, pour mieux comprendre ce qui causait votre trouble, il suffisait de grandir – il n'était pas nécessaire de prendre une décision avant l’âge adulte – et chaque décision était réversible. A l'ère de l'approche «trans-affirmative», tout cela devient de plus en plus délicat, car les enfants sont amenés à prendre une décision contre l'horloge pubertaire. Et ce n’est pas une affirmation hypothétique. Nous savons que cela s'est produit; nous savons que cela se produit encore. Pour de nombreux enfants dysphoriques, il ne fait aucun doute que les «soins d'affirmation de genre» sont une manière d’effacer l’homosexualité par la transition.
Et où sont les groupes et les militants censés défendre les enfants homosexuels, les protéger, veiller sur leur santé et leur sécurité? Ce sont précisément eux qui les poussent vers cette nouvelle forme de thérapie de conversion! Le prix payé pour l'intersectionnalité, la «queerness», l'idéologie de genre et l'activisme alphabétique, c’est la santé et la sécurité des enfants homosexuels.
Le Rapport Cass documente cette réalité sur la base de données irréfutables. Et quelle a été la réaction des groupes militants – HRC, GLAAD, Trevor Project, pour n’en citer que trois parmi les plus importants – à ce document? Ils n'ont rien dit. Et ceux des groupes, basés aux Etats-Unis, qui ont réagi s'enfoncent dans le déni. Ils adhèrent à cette nouvelle forme de thérapie de conversion comme à une croyance religieuse. Ils vous jurent qu'aucun enfant gay n’est poussé à la transition. Mais demandez-leur ce qui leur permet de différencier un enfant gay d’un enfant trans souffrant de dysphorie de genre, et ils ne pourront rien répondre si ce n’est qu’il faut «croire l'enfant».
Demandez-leur s’il ne faudrait pas ralentir le processus pour minimiser le risque d'erreurs; ils vous répondront que la question est «transphobe». Car du moment où un enfant dit qu’il pense être du sexe opposé, vous n'avez même pas le droit de questionner son affirmation. C'est le modèle «affirmatif du genre». Une telle posture n’est déjà pas prudente avec les enfants transgenres. Mais avec les enfants gays, elle relève de rien d’autre que de la maltraitance. Nous sommes face à la pire agression contre les enfants homosexuels depuis l'époque des thérapies de conversion promues par la droite religieuse.
La seule façon de sortir de cette impasse woke est de mettre fin à l'amalgame entre identité trans et identité gay, et de rompre la coalition «LGBTQ» qui sacrifie les enfants homosexuels. Les gays et les lesbiennes ont une identité spécifique et une place unique dans l’humanité et la culture. Nous n'avons aucun lien fondamental avec les personnes transgenre, et ces dernières n'ont joué qu'un rôle minime dans l'avancement de nos droits. Nous pouvons soutenir les droits des trans et nous le faisons, mais là où les intérêts des uns et des autres entrent clairement en conflit, nous devons défendre les nôtres.
Nous devons retrouver et fortifier notre fierté d'hommes et de femmes homosexuels. Nous ne sommes pas trans. Nous ne sommes pas hétéros. Nous savons qu'il y a deux sexes, parce que notre identité même est rendue possible par la binarité. Un grand nombre d'entre nous ne sont pas queer non plus. Nous vivons dans des Etats rouges et des Etats bleus, conservateurs ou libéraux, partisans de Biden ou partisans de Trump. L’assimilation forcée à une expérience de vie totalement différente et à une idéologie extrême met en danger les enfants homosexuels vulnérables et nous empêche de les aider.
Il ne s'agit pas de déserter la défense des droits des trans; les lesbiennes et les homosexuels, moi inclus, continueront à défendre ces droits pour les adultes ainsi que de meilleures pratiques pour les enfants. Il ne s'agit même pas d'un divorce d’avec les fanatiques du TQ. Il s'agit simplement de reconnaître que 20 ans après la Journée de l'intégration, il est temps de poser un autre jalon: instaurons la Journée de l'indépendance gay et lesbienne. Elle rendra hommage au succès de nos luttes passées et appellera à la vigilance face aux menaces qui pèsent sur les enfants. Ils incarnent notre avenir – à condition qu’on les laisse tranquilles.
1Les lettres du sigle désignent, en français comme en anglais, les lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queer, intersexe et asexuels.
2Le rapport Cass (Independent Review of Gender Identity Services for Children and Young People), publié en 2024, est une évaluation indépendante commandée par le service de santé du Royaume-Uni. Il recommande notamment une prudence accrue dans la prescription de bloqueurs de puberté.
3Hannah Barnes, journaliste et autrice de Time to think, une enquête sur la fermeture de la clinique londonienne Tavistock, pionnière dans les soins d’affirmation de genre aux mineurs.
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Aider les enfants, c'est le moteur primordial de mon engagement militant:</p> <p><i>«Je me souviens du moment où j'ai compris que j'étais gay. Brutalement, j'ai pris la mesure de ce que cela signifiait: il n'y aurait pas de jour où ma famille se réunirait pour célébrer une nouvelle, une future famille. Je n'aurais jamais une relation aussi légitime que celle de mes parents, de mon frère ou de ma sœur. Les effets de cette prise de conscience sur un jeune psychisme ne sont pas faciles à décrire mais ils sont profonds. Dès ce moment, la ségrégation émotionnelle s’installe, et tout ce qui va avec: le manque d'estime de soi, la notion de sexe fatalement déconnecté d’une relation stable, la douleur de devoir choisir entre la famille dans laquelle on est né et l'amour que l'on ressent.»</i></p> <p>Je voulais que l’on trouve le moyen de dire aux enfants homosexuels qu'ils avaient un avenir. Je voulais aider à guérir chez eux la blessure qui avait meurtri mon cœur et mon âme jusqu'à l'âge adulte. Je voulais qu'ils vivent en paix avec leur sexe et leur amour homosexuel. J'espérais que l’avènement du mariage homosexuel transformerait la culture, l’humaniserait. Par le simple fait de connaître l’existence de cette possibilité, les enfants homosexuels seraient moins traumatisés, moins rongés par la haine de soi et plus confiants dans le monde. Ils pourraient grandir comme les enfants hétérosexuels – ni plus ni moins bousillés qu’eux.</p> <p>Je ne me trompais pas. Cette semaine, la RAND Corporation a publié une étude évaluant les effets du mariage gay dans la vraie vie, deux décennies après son avènement: aucun des désastres prédits ne s’est vérifié. Les mariages hétérosexuels ont légèrement augmenté; les taux du divorce et de la cohabitation hétérosexuels sont restés les mêmes; chez les couples homosexuels, dans les Etats ayant adopté l'égalité du mariage, on observe «des relations plus stables, des revenus plus élevés et des taux plus élevés d'accession à la propriété». Le soutien à l'égalité du mariage était de 42% en 2004, et cette thématique allait aider Bush à remporter un second mandat dans l'Ohio; aujourd'hui, alors que nous pouvons vérifier l’impact réel du nouveau statut, ce dernier est plébiscité à près de 70%.</p> <p>Et qu'en est-il des enfants homosexuels qui ont tant inspiré mon ardeur militante?</p> <p>Là, c’est nettement plus problématique. La question est difficile à cerner, principalement parce que la catégorie même des «enfants homosexuels» a été abolie par… oui, par les groupes homosexuels. Les enfants gays sont désormais associés à des groupes totalement différents les uns des autres: les enfants qui se sentent appartenir au sexe opposé, les enfants hétérosexuels qui se disent «queer», une catégorie entièrement nouvelle d'êtres humains appelés «non-binaires», et quelques centaines de nouvelles «orientations» et «genres» – y compris les eunuques! Tous ces enfants sont désormais considérés comme des incarnations de la «diversité de genre», vivant essentiellement la même vie «LGBTQIA+<strong><sup>1</sup></strong>», définie comme étant queer et subversive face aux normes culturelles et sociales. L'homosexualité? Elle s'est évaporée dans la «diversité de genre».</p> <p>Et s'il existait un conflit fondamental, profond, entre certaines lettres du fameux sigle? Et si ces deux expériences – être gay, être trans – s’avéraient être de nature radicalement différente? Et si les intérêts de ces deux groupes divergeaient, nécessitant à l’occasion la subordination de l’un à l’autre?</p> <p>La doctrine de l'intersectionnalité affirme que cela ne peut pas être le cas, vu que toutes les composantes du sigle ont en commun d’être des minorités opprimées et c’est ce qui compte. S’il y a conflit entre elles, la solution est simple: le groupe le plus opprimé l'emporte! Dans l’univers LGBTQIA+, cela signifie que les <em>G</em> et les <em>L</em> s'inclinent toujours devant les <em>T</em>. La plupart du temps, ça ne porte pas à conséquence. Mais il y a un cas spécifique, en ce moment précis de notre histoire, où ça devient important. Je parle des enfants homosexuels et de ce que l'idéologie du genre leur enseigne, de ce que les prises en charge relevant de l’«affirmation de genre» font à leurs corps et à leurs âmes.</p> <p>La doctrine transmise aujourd’hui par l'<em>establishment</em> éducatif, l'industrie médicale et le gouvernement fédéral postule qu’être un garçon ou une fille n’est pas un fait biologique mais un état ressenti. Vos organes génitaux, vos chromosomes, ne vous disent rien sur votre sexe. En grandissant, enseigne la doctrine, les enfants peuvent <i>choisir</i> leur genre, le nombre des genres étant infini – et le genre et le sexe se confondant. Puis, à la puberté, s’ils voient que leur corps ne ressemble pas au sexe qu'ils ont choisi, ils peuvent et doivent en changer.</p> <p>On comprend le sens qu’il y a à tenir ce propos aux enfants souffrant de dysphorie de genre. Mais enseigner cette doctrine aux enfants homosexuels est une terrible erreur, qui conduit à des résultats effrayants. La dernière chose dont un garçon gay a besoin, c'est de s’entendre dire qu'il est peut-être une fille à l'intérieur, et que là est probablement la source de tous ses problèmes. Psychologiquement, c’est brutal et terrifiant.</p> <p>Je me souviens d’un jour de Noël chez mes grands-parents. J'avais environ huit ans et mon frère quatre. Il jouait avec un camion et s’amusait à le lancer contre le mur; moi, je lisais un livre. Ma grand-mère nous a regardés et a dit à ma mère: «Au moins, maintenant vous avez un vrai garçon». Cette remarque désinvolte a été comme un coup de poignard dans mon amour-propre. C'est le tropisme homophobe le plus profond et le plus ancien: les garçons homosexuels ne sont pas vraiment des garçons. Ce préjugé est aujourd'hui diffusé par les théoriciens du genre aussi joyeusement qu'il l'était autrefois par les bigots.</p> <p>Imaginez maintenant qu'une figure d'autorité vienne renforcer cette idée auprès d'un enfant confronté à la puberté. Le parent ou l'enseignant ajoutera que s’il le souhaite, le garçon peut se transformer en fille, et dénouer ainsi toutes ses angoisses naissantes. Un tel message, bienveillant lorsqu’il est adressé aux enfants transgenres, vire involontairement à l'homophobie face aux enfants homosexuels. Au moment précis où ils ont besoin d’être légitimés dans leur sexe biologique, on leur dit que ce dernier n'existe pas. La phrase qui me hante – omniprésente dans la littérature pour enfants LGBTQIA+ – est la suivante: «Tu peux être un garçon ou une fille, ou les deux, ou aucun des deux, ou quelque chose d'entièrement différent». Et je me demande: si on m'avait proposé cette solution, l'aurais-je acceptée?</p> <p>La réponse est peut-être oui. Et je ne suis pas le seul. Voyez Martina Navratilova, qui se demande si, comme enfant aujourd’hui, elle aurait été diagnostiquée comme souffrant de dysphorie de genre.</p> <p><i>«Sûrement, je l'aurais été. Dieu merci, je suis née à l'époque et pas 50 ans plus tard...»</i></p> <p>Et voyez Ben Appel [écrivain et journaliste new-yorkais, <em>ndlr</em>]:</p> <p><i>«J'ai craint d’avoir atteint un point de non-retour, il y a quelques années, lors d'une conversation avec une amie supposément "progressiste". Si j'avais été un jeune garçon aujourd'hui, lui ai-je dit, on m'aurait probablement prescrit des bloqueurs de puberté et j'aurais fait une transition médicale. Elle m'a demandé: "Et tu ne penses pas que tu aurais été heureuse en tant que transsexuelle?" Sa question m'a laissé sans voix.»</i></p> <p>Dans le tristement célèbre centre Tavistock, au Royaume-Uni, qui dispensait aux enfants des «soins d'affirmation de genre», l’immense majorité des patients étaient attirés par des personnes de même sexe:</p> <p><i>«Cela ressemble à une thérapie de conversion pour enfants homosexuels», a commenté un médecin. «J'ai connu beaucoup de cas où des patients commençaient à s'identifier comme transgenre après avoir vécu des mois de terrible harcèlement parce qu'ils étaient gays», a-t-il déclaré au Times.</i></p> <p>Alors qu'elle menait son enquête décisive<strong><sup>2</sup></strong> sur les soins aux enfants liés au genre, Hilary Cass s'est souvenue d'un entretien particulièrement obsédant qu'elle a mené:</p> <p><i>«J'ai parlé à une jeune adulte qui avait commencé sa transition très tôt – d'homme à femme. Elle va bien, elle a pris des bloqueurs de puberté au tout début, ainsi que des hormones féminisantes, elle est bien acceptée en tant que femme. Sauf qu’avec le recul, elle sait qu'elle était un garçon souffrant d’une intense homophobie intériorisée et qu'elle était homosexuelle. Simplement, à ce stade de sa vie, il est clair qu'elle ne va pas détransitionner.»</i></p> <p>Un clinicien a rapporté à Hannah Barnes<strong><sup>3</sup></strong> des phrases qu’il entendait souvent dans la bouche de patientes demandeuses de testostérone: «Quand j'entends le mot <i>lesbienne</i>, j'ai mal au cœur. Je veux mourir». Ou: «Si j'entends encore le mot <i>lesbienne</i>, je vais vomir». Si vous avez trois minutes, je vous conseille vivement d'écouter une jeune et belle lesbienne, Jet London, raconter, sur X, son histoire avec les bloqueurs de puberté. Cela m'a brisé le cœur.</p> <p>L'écrasante majorité des détransitionneurs sont des gays et lesbiennes qui, dans leur enfance, sont arrivés à la conviction d'être trans. Autrefois, pour mieux comprendre ce qui causait votre trouble, il suffisait de grandir – il n'était pas nécessaire de prendre une décision avant l’âge adulte – et chaque décision était réversible. A l'ère de l'approche «trans-affirmative», tout cela devient de plus en plus délicat, car les enfants sont amenés à prendre une décision contre l'horloge pubertaire. Et ce n’est pas une affirmation hypothétique. Nous savons que cela s'est produit; nous savons que cela se produit encore. Pour de nombreux enfants dysphoriques, il ne fait aucun doute que les «soins d'affirmation de genre» sont une manière d’effacer l’homosexualité par la transition.</p> <p>Et où sont les groupes et les militants censés défendre les enfants homosexuels, les protéger, veiller sur leur santé et leur sécurité? Ce sont précisément eux qui les poussent vers cette nouvelle forme de thérapie de conversion! Le prix payé pour l'intersectionnalité, la «queerness», l'idéologie de genre et l'activisme alphabétique, c’est la santé et la sécurité des enfants homosexuels.</p> <p>Le Rapport Cass documente cette réalité sur la base de données irréfutables. Et quelle a été la réaction des groupes militants – HRC, GLAAD, Trevor Project, pour n’en citer que trois parmi les plus importants – à ce document? Ils n'ont <i>rien</i> dit. Et ceux des groupes, basés aux Etats-Unis, qui ont réagi s'enfoncent dans le déni. Ils adhèrent à cette nouvelle forme de thérapie de conversion comme à une croyance religieuse. Ils vous jurent qu'aucun enfant gay n’est poussé à la transition. Mais demandez-leur ce qui leur permet de différencier un enfant gay d’un enfant trans souffrant de dysphorie de genre, et ils ne pourront rien répondre si ce n’est qu’il faut «croire l'enfant».</p> <p>Demandez-leur s’il ne faudrait pas ralentir le processus pour minimiser le risque d'erreurs; ils vous répondront que la question est «transphobe». Car du moment où un enfant dit qu’il pense être du sexe opposé, <i>vous n'avez même pas le droit de questionner son affirmation</i>. C'est le modèle «affirmatif du genre». Une telle posture n’est déjà pas prudente avec les enfants transgenres. Mais avec les enfants gays, elle relève de rien d’autre que de la maltraitance. Nous sommes face à la pire agression contre les enfants homosexuels depuis l'époque des thérapies de conversion promues par la droite religieuse.</p> <p>La seule façon de sortir de cette impasse woke est de mettre fin à l'amalgame entre identité trans et identité gay, et de rompre la coalition «LGBTQ» qui sacrifie les enfants homosexuels. Les gays et les lesbiennes ont une identité spécifique et une place unique dans l’humanité et la culture. Nous n'avons aucun lien fondamental avec les personnes transgenre, et ces dernières n'ont joué qu'un rôle minime dans l'avancement de nos droits. Nous pouvons soutenir les droits des trans et nous le faisons, mais là où les intérêts des uns et des autres entrent clairement en conflit, nous devons défendre les nôtres.</p> <p>Nous devons retrouver et fortifier notre fierté d'hommes et de femmes homosexuels. Nous ne sommes pas trans. Nous ne sommes pas hétéros. 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Aider les enfants, c'est le moteur primordial de mon engagement militant:</p> <p><i>«Je me souviens du moment où j'ai compris que j'étais gay. Brutalement, j'ai pris la mesure de ce que cela signifiait: il n'y aurait pas de jour où ma famille se réunirait pour célébrer une nouvelle, une future famille. Je n'aurais jamais une relation aussi légitime que celle de mes parents, de mon frère ou de ma sœur. Les effets de cette prise de conscience sur un jeune psychisme ne sont pas faciles à décrire mais ils sont profonds. Dès ce moment, la ségrégation émotionnelle s’installe, et tout ce qui va avec: le manque d'estime de soi, la notion de sexe fatalement déconnecté d’une relation stable, la douleur de devoir choisir entre la famille dans laquelle on est né et l'amour que l'on ressent.»</i></p> <p>Je voulais que l’on trouve le moyen de dire aux enfants homosexuels qu'ils avaient un avenir. 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Les mariages hétérosexuels ont légèrement augmenté; les taux du divorce et de la cohabitation hétérosexuels sont restés les mêmes; chez les couples homosexuels, dans les Etats ayant adopté l'égalité du mariage, on observe «des relations plus stables, des revenus plus élevés et des taux plus élevés d'accession à la propriété». Le soutien à l'égalité du mariage était de 42% en 2004, et cette thématique allait aider Bush à remporter un second mandat dans l'Ohio; aujourd'hui, alors que nous pouvons vérifier l’impact réel du nouveau statut, ce dernier est plébiscité à près de 70%.</p> <p>Et qu'en est-il des enfants homosexuels qui ont tant inspiré mon ardeur militante?</p> <p>Là, c’est nettement plus problématique. La question est difficile à cerner, principalement parce que la catégorie même des «enfants homosexuels» a été abolie par… oui, par les groupes homosexuels. Les enfants gays sont désormais associés à des groupes totalement différents les uns des autres: les enfants qui se sentent appartenir au sexe opposé, les enfants hétérosexuels qui se disent «queer», une catégorie entièrement nouvelle d'êtres humains appelés «non-binaires», et quelques centaines de nouvelles «orientations» et «genres» – y compris les eunuques! Tous ces enfants sont désormais considérés comme des incarnations de la «diversité de genre», vivant essentiellement la même vie «LGBTQIA+<strong><sup>1</sup></strong>», définie comme étant queer et subversive face aux normes culturelles et sociales. L'homosexualité? Elle s'est évaporée dans la «diversité de genre».</p> <p>Et s'il existait un conflit fondamental, profond, entre certaines lettres du fameux sigle? Et si ces deux expériences – être gay, être trans – s’avéraient être de nature radicalement différente? 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Nous sommes face à la pire agression contre les enfants homosexuels depuis l'époque des thérapies de conversion promues par la droite religieuse.</p> <p>La seule façon de sortir de cette impasse woke est de mettre fin à l'amalgame entre identité trans et identité gay, et de rompre la coalition «LGBTQ» qui sacrifie les enfants homosexuels. Les gays et les lesbiennes ont une identité spécifique et une place unique dans l’humanité et la culture. Nous n'avons aucun lien fondamental avec les personnes transgenre, et ces dernières n'ont joué qu'un rôle minime dans l'avancement de nos droits. Nous pouvons soutenir les droits des trans et nous le faisons, mais là où les intérêts des uns et des autres entrent clairement en conflit, nous devons défendre les nôtres.</p> <p>Nous devons retrouver et fortifier notre fierté d'hommes et de femmes homosexuels. Nous ne sommes pas trans. Nous ne sommes pas hétéros. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 37, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 40, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. 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3 Commentaires
@simone 05.07.2024 | 16h58
«Cet article est très intéressant et attire l'attention sur la question fondamentale de la distinction entre le sexe et le genre et sur l'importance d'éviter la confusion entre les deux notions. On ne peut pas choisir son sexe, mais on peut choisir la manière dont on l'assume. Et c'est cette liberté de choix qui doit être respectée.»
@Christophe Mottiez 05.07.2024 | 18h21
«article très pertinent.
cet amalgame entre l'orientation sexuelle et l'identité de genre est dangereux.»
@LEFV024 10.07.2024 | 17h07
«Pour moi, le corps d'un enfant est sacré. Envisager une mutilation sexuelle est donc un sacrilège.»