Opinion / Pour une Journée de l’indépendance gay et lesbienne
"National Equality March" à Washington DC, le 11 octobre 2009. © Elvert Barnes - CC BY-SA 2.0
Et si l’expérience homosexuelle et celle de la transidentité étaient radicalement différentes, voire irréconciliables? C’est la conviction du journaliste et auteur américano-britannique Andrew Sullivan, ex-rédacteur en chef de «The New Republic» et pionnier du combat pour le mariage gay. Dans ce texte paru dans sa newsletter «The Weekly Dish», il dit son inquiétude face au nouveau danger qui menace les enfants homosexuels: celui d’une doctrine trans-affirmative qui les encourage à fuir leur homosexualité en changeant de sexe. La grande communion LGBTQIA+ se paie, déplore-t-il, au prix fort: celui de la santé et de la sécurité des enfants homosexuels. Si on veut protéger leurs intérêts, il est temps de rompre cette coalition, conclut Sullivan.
Andrew Sullivan, traduit de l'anglais par Anna Lietti
Il y a vingt ans, le 17 mai 2004, les premiers mariages civils de couples gays et lesbiens étaient célébrés aux Etats-Unis. Pour ceux d'entre nous à qui on répétait depuis une décennie et demie que c’était une idée folle dont nous ne verrions jamais la réalisation, ce fut un moment bouleversant. Ce jour-là, dans un article publié dans le New York Times, j’anticipais la manière dont cette décision allait infuser dans la conscience collective et, surtout, soulager les nombreux enfants gays et lesbiens minés par l’angoisse et le désarroi. (La même semaine, je participais à la tournée de promotion de la deuxième édition de mon livre Same-Sex Marriage, Pro and Con: A Reader). Aider les enfants, c'est le moteur primordial de mon engagement militant:
«Je me souviens du moment où j'ai compris que j'étais gay. Brutalement, j'ai pris la mesure de ce que cela signifiait: il n'y aurait pas de jour où ma famille se réunirait pour célébrer une nouvelle, une future famille. Je n'aurais jamais une relation aussi légitime que celle de mes parents, de mon frère ou de ma sœur. Les effets de cette prise de conscience sur un jeune psychisme ne sont pas faciles à décrire mais ils sont profonds. Dès ce moment, la ségrégation émotionnelle s’installe, et tout ce qui va avec: le manque d'estime de soi, la notion de sexe fatalement déconnecté d’une relation stable, la douleur de devoir choisir entre la famille dans laquelle on est né et l'amour que l'on ressent.»
Je voulais que l’on trouve le moyen de dire aux enfants homosexuels qu'ils avaient un avenir. Je voulais aider à guérir chez eux la blessure qui avait meurtri mon cœur et mon âme jusqu'à l'âge adulte. Je voulais qu'ils vivent en paix avec leur sexe et leur amour homosexuel. J'espérais que l’avènement du mariage homosexuel transformerait la culture, l’humaniserait. Par le simple fait de connaître l’existence de cette possibilité, les enfants homosexuels seraient moins traumatisés, moins rongés par la haine de soi et plus confiants dans le monde. Ils pourraient grandir comme les enfants hétérosexuels – ni plus ni moins bousillés qu’eux.
Je ne me trompais pas. Cette semaine, la RAND Corporation a publié une étude évaluant les effets du mariage gay dans la vraie vie, deux décennies après son avènement: aucun des désastres prédits ne s’est vérifié. Les mariages hétérosexuels ont légèrement augmenté; les taux du divorce et de la cohabitation hétérosexuels sont restés les mêmes; chez les couples homosexuels, dans les Etats ayant adopté l'égalité du mariage, on observe «des relations plus stables, des revenus plus élevés et des taux plus élevés d'accession à la propriété». Le soutien à l'égalité du mariage était de 42% en 2004, et cette thématique allait aider Bush à remporter un second mandat dans l'Ohio; aujourd'hui, alors que nous pouvons vérifier l’impact réel du nouveau statut, ce dernier est plébiscité à près de 70%.
Et qu'en est-il des enfants homosexuels qui ont tant inspiré mon ardeur militante?
Là, c’est nettement plus problématique. La question est difficile à cerner, principalement parce que la catégorie même des «enfants homosexuels» a été abolie par… oui, par les groupes homosexuels. Les enfants gays sont désormais associés à des groupes totalement différents les uns des autres: les enfants qui se sentent appartenir au sexe opposé, les enfants hétérosexuels qui se disent «queer», une catégorie entièrement nouvelle d'êtres humains appelés «non-binaires», et quelques centaines de nouvelles «orientations» et «genres» – y compris les eunuques! Tous ces enfants sont désormais considérés comme des incarnations de la «diversité de genre», vivant essentiellement la même vie «LGBTQIA+1», définie comme étant queer et subversive face aux normes culturelles et sociales. L'homosexualité? Elle s'est évaporée dans la «diversité de genre».
Et s'il existait un conflit fondamental, profond, entre certaines lettres du fameux sigle? Et si ces deux expériences – être gay, être trans – s’avéraient être de nature radicalement différente? Et si les intérêts de ces deux groupes divergeaient, nécessitant à l’occasion la subordination de l’un à l’autre?
La doctrine de l'intersectionnalité affirme que cela ne peut pas être le cas, vu que toutes les composantes du sigle ont en commun d’être des minorités opprimées et c’est ce qui compte. S’il y a conflit entre elles, la solution est simple: le groupe le plus opprimé l'emporte! Dans l’univers LGBTQIA+, cela signifie que les G et les L s'inclinent toujours devant les T. La plupart du temps, ça ne porte pas à conséquence. Mais il y a un cas spécifique, en ce moment précis de notre histoire, où ça devient important. Je parle des enfants homosexuels et de ce que l'idéologie du genre leur enseigne, de ce que les prises en charge relevant de l’«affirmation de genre» font à leurs corps et à leurs âmes.
La doctrine transmise aujourd’hui par l'establishment éducatif, l'industrie médicale et le gouvernement fédéral postule qu’être un garçon ou une fille n’est pas un fait biologique mais un état ressenti. Vos organes génitaux, vos chromosomes, ne vous disent rien sur votre sexe. En grandissant, enseigne la doctrine, les enfants peuvent choisir leur genre, le nombre des genres étant infini – et le genre et le sexe se confondant. Puis, à la puberté, s’ils voient que leur corps ne ressemble pas au sexe qu'ils ont choisi, ils peuvent et doivent en changer.
On comprend le sens qu’il y a à tenir ce propos aux enfants souffrant de dysphorie de genre. Mais enseigner cette doctrine aux enfants homosexuels est une terrible erreur, qui conduit à des résultats effrayants. La dernière chose dont un garçon gay a besoin, c'est de s’entendre dire qu'il est peut-être une fille à l'intérieur, et que là est probablement la source de tous ses problèmes. Psychologiquement, c’est brutal et terrifiant.
Je me souviens d’un jour de Noël chez mes grands-parents. J'avais environ huit ans et mon frère quatre. Il jouait avec un camion et s’amusait à le lancer contre le mur; moi, je lisais un livre. Ma grand-mère nous a regardés et a dit à ma mère: «Au moins, maintenant vous avez un vrai garçon». Cette remarque désinvolte a été comme un coup de poignard dans mon amour-propre. C'est le tropisme homophobe le plus profond et le plus ancien: les garçons homosexuels ne sont pas vraiment des garçons. Ce préjugé est aujourd'hui diffusé par les théoriciens du genre aussi joyeusement qu'il l'était autrefois par les bigots.
Imaginez maintenant qu'une figure d'autorité vienne renforcer cette idée auprès d'un enfant confronté à la puberté. Le parent ou l'enseignant ajoutera que s’il le souhaite, le garçon peut se transformer en fille, et dénouer ainsi toutes ses angoisses naissantes. Un tel message, bienveillant lorsqu’il est adressé aux enfants transgenres, vire involontairement à l'homophobie face aux enfants homosexuels. Au moment précis où ils ont besoin d’être légitimés dans leur sexe biologique, on leur dit que ce dernier n'existe pas. La phrase qui me hante – omniprésente dans la littérature pour enfants LGBTQIA+ – est la suivante: «Tu peux être un garçon ou une fille, ou les deux, ou aucun des deux, ou quelque chose d'entièrement différent». Et je me demande: si on m'avait proposé cette solution, l'aurais-je acceptée?
La réponse est peut-être oui. Et je ne suis pas le seul. Voyez Martina Navratilova, qui se demande si, comme enfant aujourd’hui, elle aurait été diagnostiquée comme souffrant de dysphorie de genre.
«Sûrement, je l'aurais été. Dieu merci, je suis née à l'époque et pas 50 ans plus tard...»
Et voyez Ben Appel [écrivain et journaliste new-yorkais, ndlr]:
«J'ai craint d’avoir atteint un point de non-retour, il y a quelques années, lors d'une conversation avec une amie supposément "progressiste". Si j'avais été un jeune garçon aujourd'hui, lui ai-je dit, on m'aurait probablement prescrit des bloqueurs de puberté et j'aurais fait une transition médicale. Elle m'a demandé: "Et tu ne penses pas que tu aurais été heureuse en tant que transsexuelle?" Sa question m'a laissé sans voix.»
Dans le tristement célèbre centre Tavistock, au Royaume-Uni, qui dispensait aux enfants des «soins d'affirmation de genre», l’immense majorité des patients étaient attirés par des personnes de même sexe:
«Cela ressemble à une thérapie de conversion pour enfants homosexuels», a commenté un médecin. «J'ai connu beaucoup de cas où des patients commençaient à s'identifier comme transgenre après avoir vécu des mois de terrible harcèlement parce qu'ils étaient gays», a-t-il déclaré au Times.
Alors qu'elle menait son enquête décisive2 sur les soins aux enfants liés au genre, Hilary Cass s'est souvenue d'un entretien particulièrement obsédant qu'elle a mené:
«J'ai parlé à une jeune adulte qui avait commencé sa transition très tôt – d'homme à femme. Elle va bien, elle a pris des bloqueurs de puberté au tout début, ainsi que des hormones féminisantes, elle est bien acceptée en tant que femme. Sauf qu’avec le recul, elle sait qu'elle était un garçon souffrant d’une intense homophobie intériorisée et qu'elle était homosexuelle. Simplement, à ce stade de sa vie, il est clair qu'elle ne va pas détransitionner.»
Un clinicien a rapporté à Hannah Barnes3 des phrases qu’il entendait souvent dans la bouche de patientes demandeuses de testostérone: «Quand j'entends le mot lesbienne, j'ai mal au cœur. Je veux mourir». Ou: «Si j'entends encore le mot lesbienne, je vais vomir». Si vous avez trois minutes, je vous conseille vivement d'écouter une jeune et belle lesbienne, Jet London, raconter, sur X, son histoire avec les bloqueurs de puberté. Cela m'a brisé le cœur.
L'écrasante majorité des détransitionneurs sont des gays et lesbiennes qui, dans leur enfance, sont arrivés à la conviction d'être trans. Autrefois, pour mieux comprendre ce qui causait votre trouble, il suffisait de grandir – il n'était pas nécessaire de prendre une décision avant l’âge adulte – et chaque décision était réversible. A l'ère de l'approche «trans-affirmative», tout cela devient de plus en plus délicat, car les enfants sont amenés à prendre une décision contre l'horloge pubertaire. Et ce n’est pas une affirmation hypothétique. Nous savons que cela s'est produit; nous savons que cela se produit encore. Pour de nombreux enfants dysphoriques, il ne fait aucun doute que les «soins d'affirmation de genre» sont une manière d’effacer l’homosexualité par la transition.
Et où sont les groupes et les militants censés défendre les enfants homosexuels, les protéger, veiller sur leur santé et leur sécurité? Ce sont précisément eux qui les poussent vers cette nouvelle forme de thérapie de conversion! Le prix payé pour l'intersectionnalité, la «queerness», l'idéologie de genre et l'activisme alphabétique, c’est la santé et la sécurité des enfants homosexuels.
Le Rapport Cass documente cette réalité sur la base de données irréfutables. Et quelle a été la réaction des groupes militants – HRC, GLAAD, Trevor Project, pour n’en citer que trois parmi les plus importants – à ce document? Ils n'ont rien dit. Et ceux des groupes, basés aux Etats-Unis, qui ont réagi s'enfoncent dans le déni. Ils adhèrent à cette nouvelle forme de thérapie de conversion comme à une croyance religieuse. Ils vous jurent qu'aucun enfant gay n’est poussé à la transition. Mais demandez-leur ce qui leur permet de différencier un enfant gay d’un enfant trans souffrant de dysphorie de genre, et ils ne pourront rien répondre si ce n’est qu’il faut «croire l'enfant».
Demandez-leur s’il ne faudrait pas ralentir le processus pour minimiser le risque d'erreurs; ils vous répondront que la question est «transphobe». Car du moment où un enfant dit qu’il pense être du sexe opposé, vous n'avez même pas le droit de questionner son affirmation. C'est le modèle «affirmatif du genre». Une telle posture n’est déjà pas prudente avec les enfants transgenres. Mais avec les enfants gays, elle relève de rien d’autre que de la maltraitance. Nous sommes face à la pire agression contre les enfants homosexuels depuis l'époque des thérapies de conversion promues par la droite religieuse.
La seule façon de sortir de cette impasse woke est de mettre fin à l'amalgame entre identité trans et identité gay, et de rompre la coalition «LGBTQ» qui sacrifie les enfants homosexuels. Les gays et les lesbiennes ont une identité spécifique et une place unique dans l’humanité et la culture. Nous n'avons aucun lien fondamental avec les personnes transgenre, et ces dernières n'ont joué qu'un rôle minime dans l'avancement de nos droits. Nous pouvons soutenir les droits des trans et nous le faisons, mais là où les intérêts des uns et des autres entrent clairement en conflit, nous devons défendre les nôtres.
Nous devons retrouver et fortifier notre fierté d'hommes et de femmes homosexuels. Nous ne sommes pas trans. Nous ne sommes pas hétéros. Nous savons qu'il y a deux sexes, parce que notre identité même est rendue possible par la binarité. Un grand nombre d'entre nous ne sont pas queer non plus. Nous vivons dans des Etats rouges et des Etats bleus, conservateurs ou libéraux, partisans de Biden ou partisans de Trump. L’assimilation forcée à une expérience de vie totalement différente et à une idéologie extrême met en danger les enfants homosexuels vulnérables et nous empêche de les aider.
Il ne s'agit pas de déserter la défense des droits des trans; les lesbiennes et les homosexuels, moi inclus, continueront à défendre ces droits pour les adultes ainsi que de meilleures pratiques pour les enfants. Il ne s'agit même pas d'un divorce d’avec les fanatiques du TQ. Il s'agit simplement de reconnaître que 20 ans après la Journée de l'intégration, il est temps de poser un autre jalon: instaurons la Journée de l'indépendance gay et lesbienne. Elle rendra hommage au succès de nos luttes passées et appellera à la vigilance face aux menaces qui pèsent sur les enfants. Ils incarnent notre avenir – à condition qu’on les laisse tranquilles.
1Les lettres du sigle désignent, en français comme en anglais, les lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queer, intersexe et asexuels.
2Le rapport Cass (Independent Review of Gender Identity Services for Children and Young People), publié en 2024, est une évaluation indépendante commandée par le service de santé du Royaume-Uni. Il recommande notamment une prudence accrue dans la prescription de bloqueurs de puberté.
3Hannah Barnes, journaliste et autrice de Time to think, une enquête sur la fermeture de la clinique londonienne Tavistock, pionnière dans les soins d’affirmation de genre aux mineurs.
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Aider les enfants, c'est le moteur primordial de mon engagement militant:</p> <p><i>«Je me souviens du moment où j'ai compris que j'étais gay. Brutalement, j'ai pris la mesure de ce que cela signifiait: il n'y aurait pas de jour où ma famille se réunirait pour célébrer une nouvelle, une future famille. Je n'aurais jamais une relation aussi légitime que celle de mes parents, de mon frère ou de ma sœur. Les effets de cette prise de conscience sur un jeune psychisme ne sont pas faciles à décrire mais ils sont profonds. Dès ce moment, la ségrégation émotionnelle s’installe, et tout ce qui va avec: le manque d'estime de soi, la notion de sexe fatalement déconnecté d’une relation stable, la douleur de devoir choisir entre la famille dans laquelle on est né et l'amour que l'on ressent.»</i></p> <p>Je voulais que l’on trouve le moyen de dire aux enfants homosexuels qu'ils avaient un avenir. Je voulais aider à guérir chez eux la blessure qui avait meurtri mon cœur et mon âme jusqu'à l'âge adulte. Je voulais qu'ils vivent en paix avec leur sexe et leur amour homosexuel. J'espérais que l’avènement du mariage homosexuel transformerait la culture, l’humaniserait. Par le simple fait de connaître l’existence de cette possibilité, les enfants homosexuels seraient moins traumatisés, moins rongés par la haine de soi et plus confiants dans le monde. Ils pourraient grandir comme les enfants hétérosexuels – ni plus ni moins bousillés qu’eux.</p> <p>Je ne me trompais pas. Cette semaine, la RAND Corporation a publié une étude évaluant les effets du mariage gay dans la vraie vie, deux décennies après son avènement: aucun des désastres prédits ne s’est vérifié. Les mariages hétérosexuels ont légèrement augmenté; les taux du divorce et de la cohabitation hétérosexuels sont restés les mêmes; chez les couples homosexuels, dans les Etats ayant adopté l'égalité du mariage, on observe «des relations plus stables, des revenus plus élevés et des taux plus élevés d'accession à la propriété». Le soutien à l'égalité du mariage était de 42% en 2004, et cette thématique allait aider Bush à remporter un second mandat dans l'Ohio; aujourd'hui, alors que nous pouvons vérifier l’impact réel du nouveau statut, ce dernier est plébiscité à près de 70%.</p> <p>Et qu'en est-il des enfants homosexuels qui ont tant inspiré mon ardeur militante?</p> <p>Là, c’est nettement plus problématique. La question est difficile à cerner, principalement parce que la catégorie même des «enfants homosexuels» a été abolie par… oui, par les groupes homosexuels. Les enfants gays sont désormais associés à des groupes totalement différents les uns des autres: les enfants qui se sentent appartenir au sexe opposé, les enfants hétérosexuels qui se disent «queer», une catégorie entièrement nouvelle d'êtres humains appelés «non-binaires», et quelques centaines de nouvelles «orientations» et «genres» – y compris les eunuques! Tous ces enfants sont désormais considérés comme des incarnations de la «diversité de genre», vivant essentiellement la même vie «LGBTQIA+<strong><sup>1</sup></strong>», définie comme étant queer et subversive face aux normes culturelles et sociales. L'homosexualité? Elle s'est évaporée dans la «diversité de genre».</p> <p>Et s'il existait un conflit fondamental, profond, entre certaines lettres du fameux sigle? Et si ces deux expériences – être gay, être trans – s’avéraient être de nature radicalement différente? Et si les intérêts de ces deux groupes divergeaient, nécessitant à l’occasion la subordination de l’un à l’autre?</p> <p>La doctrine de l'intersectionnalité affirme que cela ne peut pas être le cas, vu que toutes les composantes du sigle ont en commun d’être des minorités opprimées et c’est ce qui compte. S’il y a conflit entre elles, la solution est simple: le groupe le plus opprimé l'emporte! Dans l’univers LGBTQIA+, cela signifie que les <em>G</em> et les <em>L</em> s'inclinent toujours devant les <em>T</em>. La plupart du temps, ça ne porte pas à conséquence. Mais il y a un cas spécifique, en ce moment précis de notre histoire, où ça devient important. Je parle des enfants homosexuels et de ce que l'idéologie du genre leur enseigne, de ce que les prises en charge relevant de l’«affirmation de genre» font à leurs corps et à leurs âmes.</p> <p>La doctrine transmise aujourd’hui par l'<em>establishment</em> éducatif, l'industrie médicale et le gouvernement fédéral postule qu’être un garçon ou une fille n’est pas un fait biologique mais un état ressenti. Vos organes génitaux, vos chromosomes, ne vous disent rien sur votre sexe. En grandissant, enseigne la doctrine, les enfants peuvent <i>choisir</i> leur genre, le nombre des genres étant infini – et le genre et le sexe se confondant. Puis, à la puberté, s’ils voient que leur corps ne ressemble pas au sexe qu'ils ont choisi, ils peuvent et doivent en changer.</p> <p>On comprend le sens qu’il y a à tenir ce propos aux enfants souffrant de dysphorie de genre. Mais enseigner cette doctrine aux enfants homosexuels est une terrible erreur, qui conduit à des résultats effrayants. La dernière chose dont un garçon gay a besoin, c'est de s’entendre dire qu'il est peut-être une fille à l'intérieur, et que là est probablement la source de tous ses problèmes. Psychologiquement, c’est brutal et terrifiant.</p> <p>Je me souviens d’un jour de Noël chez mes grands-parents. J'avais environ huit ans et mon frère quatre. Il jouait avec un camion et s’amusait à le lancer contre le mur; moi, je lisais un livre. Ma grand-mère nous a regardés et a dit à ma mère: «Au moins, maintenant vous avez un vrai garçon». Cette remarque désinvolte a été comme un coup de poignard dans mon amour-propre. C'est le tropisme homophobe le plus profond et le plus ancien: les garçons homosexuels ne sont pas vraiment des garçons. Ce préjugé est aujourd'hui diffusé par les théoriciens du genre aussi joyeusement qu'il l'était autrefois par les bigots.</p> <p>Imaginez maintenant qu'une figure d'autorité vienne renforcer cette idée auprès d'un enfant confronté à la puberté. Le parent ou l'enseignant ajoutera que s’il le souhaite, le garçon peut se transformer en fille, et dénouer ainsi toutes ses angoisses naissantes. Un tel message, bienveillant lorsqu’il est adressé aux enfants transgenres, vire involontairement à l'homophobie face aux enfants homosexuels. Au moment précis où ils ont besoin d’être légitimés dans leur sexe biologique, on leur dit que ce dernier n'existe pas. La phrase qui me hante – omniprésente dans la littérature pour enfants LGBTQIA+ – est la suivante: «Tu peux être un garçon ou une fille, ou les deux, ou aucun des deux, ou quelque chose d'entièrement différent». Et je me demande: si on m'avait proposé cette solution, l'aurais-je acceptée?</p> <p>La réponse est peut-être oui. Et je ne suis pas le seul. Voyez Martina Navratilova, qui se demande si, comme enfant aujourd’hui, elle aurait été diagnostiquée comme souffrant de dysphorie de genre.</p> <p><i>«Sûrement, je l'aurais été. Dieu merci, je suis née à l'époque et pas 50 ans plus tard...»</i></p> <p>Et voyez Ben Appel [écrivain et journaliste new-yorkais, <em>ndlr</em>]:</p> <p><i>«J'ai craint d’avoir atteint un point de non-retour, il y a quelques années, lors d'une conversation avec une amie supposément "progressiste". Si j'avais été un jeune garçon aujourd'hui, lui ai-je dit, on m'aurait probablement prescrit des bloqueurs de puberté et j'aurais fait une transition médicale. Elle m'a demandé: "Et tu ne penses pas que tu aurais été heureuse en tant que transsexuelle?" Sa question m'a laissé sans voix.»</i></p> <p>Dans le tristement célèbre centre Tavistock, au Royaume-Uni, qui dispensait aux enfants des «soins d'affirmation de genre», l’immense majorité des patients étaient attirés par des personnes de même sexe:</p> <p><i>«Cela ressemble à une thérapie de conversion pour enfants homosexuels», a commenté un médecin. «J'ai connu beaucoup de cas où des patients commençaient à s'identifier comme transgenre après avoir vécu des mois de terrible harcèlement parce qu'ils étaient gays», a-t-il déclaré au Times.</i></p> <p>Alors qu'elle menait son enquête décisive<strong><sup>2</sup></strong> sur les soins aux enfants liés au genre, Hilary Cass s'est souvenue d'un entretien particulièrement obsédant qu'elle a mené:</p> <p><i>«J'ai parlé à une jeune adulte qui avait commencé sa transition très tôt – d'homme à femme. Elle va bien, elle a pris des bloqueurs de puberté au tout début, ainsi que des hormones féminisantes, elle est bien acceptée en tant que femme. Sauf qu’avec le recul, elle sait qu'elle était un garçon souffrant d’une intense homophobie intériorisée et qu'elle était homosexuelle. Simplement, à ce stade de sa vie, il est clair qu'elle ne va pas détransitionner.»</i></p> <p>Un clinicien a rapporté à Hannah Barnes<strong><sup>3</sup></strong> des phrases qu’il entendait souvent dans la bouche de patientes demandeuses de testostérone: «Quand j'entends le mot <i>lesbienne</i>, j'ai mal au cœur. Je veux mourir». Ou: «Si j'entends encore le mot <i>lesbienne</i>, je vais vomir». Si vous avez trois minutes, je vous conseille vivement d'écouter une jeune et belle lesbienne, Jet London, raconter, sur X, son histoire avec les bloqueurs de puberté. Cela m'a brisé le cœur.</p> <p>L'écrasante majorité des détransitionneurs sont des gays et lesbiennes qui, dans leur enfance, sont arrivés à la conviction d'être trans. Autrefois, pour mieux comprendre ce qui causait votre trouble, il suffisait de grandir – il n'était pas nécessaire de prendre une décision avant l’âge adulte – et chaque décision était réversible. A l'ère de l'approche «trans-affirmative», tout cela devient de plus en plus délicat, car les enfants sont amenés à prendre une décision contre l'horloge pubertaire. Et ce n’est pas une affirmation hypothétique. Nous savons que cela s'est produit; nous savons que cela se produit encore. Pour de nombreux enfants dysphoriques, il ne fait aucun doute que les «soins d'affirmation de genre» sont une manière d’effacer l’homosexualité par la transition.</p> <p>Et où sont les groupes et les militants censés défendre les enfants homosexuels, les protéger, veiller sur leur santé et leur sécurité? Ce sont précisément eux qui les poussent vers cette nouvelle forme de thérapie de conversion! Le prix payé pour l'intersectionnalité, la «queerness», l'idéologie de genre et l'activisme alphabétique, c’est la santé et la sécurité des enfants homosexuels.</p> <p>Le Rapport Cass documente cette réalité sur la base de données irréfutables. Et quelle a été la réaction des groupes militants – HRC, GLAAD, Trevor Project, pour n’en citer que trois parmi les plus importants – à ce document? Ils n'ont <i>rien</i> dit. Et ceux des groupes, basés aux Etats-Unis, qui ont réagi s'enfoncent dans le déni. Ils adhèrent à cette nouvelle forme de thérapie de conversion comme à une croyance religieuse. Ils vous jurent qu'aucun enfant gay n’est poussé à la transition. Mais demandez-leur ce qui leur permet de différencier un enfant gay d’un enfant trans souffrant de dysphorie de genre, et ils ne pourront rien répondre si ce n’est qu’il faut «croire l'enfant».</p> <p>Demandez-leur s’il ne faudrait pas ralentir le processus pour minimiser le risque d'erreurs; ils vous répondront que la question est «transphobe». Car du moment où un enfant dit qu’il pense être du sexe opposé, <i>vous n'avez même pas le droit de questionner son affirmation</i>. C'est le modèle «affirmatif du genre». Une telle posture n’est déjà pas prudente avec les enfants transgenres. Mais avec les enfants gays, elle relève de rien d’autre que de la maltraitance. Nous sommes face à la pire agression contre les enfants homosexuels depuis l'époque des thérapies de conversion promues par la droite religieuse.</p> <p>La seule façon de sortir de cette impasse woke est de mettre fin à l'amalgame entre identité trans et identité gay, et de rompre la coalition «LGBTQ» qui sacrifie les enfants homosexuels. Les gays et les lesbiennes ont une identité spécifique et une place unique dans l’humanité et la culture. Nous n'avons aucun lien fondamental avec les personnes transgenre, et ces dernières n'ont joué qu'un rôle minime dans l'avancement de nos droits. Nous pouvons soutenir les droits des trans et nous le faisons, mais là où les intérêts des uns et des autres entrent clairement en conflit, nous devons défendre les nôtres.</p> <p>Nous devons retrouver et fortifier notre fierté d'hommes et de femmes homosexuels. Nous ne sommes pas trans. Nous ne sommes pas hétéros. Nous <i>savons</i> qu'il y a deux sexes, parce que notre identité même est rendue possible par la binarité. Un grand nombre d'entre nous ne sont pas queer non plus. Nous vivons dans des Etats rouges et des Etats bleus, conservateurs ou libéraux, partisans de Biden ou partisans de Trump. L’assimilation forcée à une expérience de vie totalement différente et à une idéologie extrême met en danger les enfants homosexuels vulnérables et nous empêche de les aider.</p> <p>Il ne s'agit pas de déserter la défense des droits des trans; les lesbiennes et les homosexuels, moi inclus, continueront à défendre ces droits pour les adultes ainsi que de meilleures pratiques pour les enfants. Il ne s'agit même pas d'un divorce d’avec les fanatiques du TQ. Il s'agit simplement de reconnaître que 20 ans après la Journée de l'intégration, il est temps de poser un autre jalon: instaurons la Journée de l'indépendance gay et lesbienne. 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Aider les enfants, c'est le moteur primordial de mon engagement militant:</p> <p><i>«Je me souviens du moment où j'ai compris que j'étais gay. Brutalement, j'ai pris la mesure de ce que cela signifiait: il n'y aurait pas de jour où ma famille se réunirait pour célébrer une nouvelle, une future famille. Je n'aurais jamais une relation aussi légitime que celle de mes parents, de mon frère ou de ma sœur. Les effets de cette prise de conscience sur un jeune psychisme ne sont pas faciles à décrire mais ils sont profonds. Dès ce moment, la ségrégation émotionnelle s’installe, et tout ce qui va avec: le manque d'estime de soi, la notion de sexe fatalement déconnecté d’une relation stable, la douleur de devoir choisir entre la famille dans laquelle on est né et l'amour que l'on ressent.»</i></p> <p>Je voulais que l’on trouve le moyen de dire aux enfants homosexuels qu'ils avaient un avenir. 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Les mariages hétérosexuels ont légèrement augmenté; les taux du divorce et de la cohabitation hétérosexuels sont restés les mêmes; chez les couples homosexuels, dans les Etats ayant adopté l'égalité du mariage, on observe «des relations plus stables, des revenus plus élevés et des taux plus élevés d'accession à la propriété». Le soutien à l'égalité du mariage était de 42% en 2004, et cette thématique allait aider Bush à remporter un second mandat dans l'Ohio; aujourd'hui, alors que nous pouvons vérifier l’impact réel du nouveau statut, ce dernier est plébiscité à près de 70%.</p> <p>Et qu'en est-il des enfants homosexuels qui ont tant inspiré mon ardeur militante?</p> <p>Là, c’est nettement plus problématique. La question est difficile à cerner, principalement parce que la catégorie même des «enfants homosexuels» a été abolie par… oui, par les groupes homosexuels. Les enfants gays sont désormais associés à des groupes totalement différents les uns des autres: les enfants qui se sentent appartenir au sexe opposé, les enfants hétérosexuels qui se disent «queer», une catégorie entièrement nouvelle d'êtres humains appelés «non-binaires», et quelques centaines de nouvelles «orientations» et «genres» – y compris les eunuques! Tous ces enfants sont désormais considérés comme des incarnations de la «diversité de genre», vivant essentiellement la même vie «LGBTQIA+<strong><sup>1</sup></strong>», définie comme étant queer et subversive face aux normes culturelles et sociales. L'homosexualité? Elle s'est évaporée dans la «diversité de genre».</p> <p>Et s'il existait un conflit fondamental, profond, entre certaines lettres du fameux sigle? Et si ces deux expériences – être gay, être trans – s’avéraient être de nature radicalement différente? 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La dernière chose dont un garçon gay a besoin, c'est de s’entendre dire qu'il est peut-être une fille à l'intérieur, et que là est probablement la source de tous ses problèmes. Psychologiquement, c’est brutal et terrifiant.</p> <p>Je me souviens d’un jour de Noël chez mes grands-parents. J'avais environ huit ans et mon frère quatre. Il jouait avec un camion et s’amusait à le lancer contre le mur; moi, je lisais un livre. Ma grand-mère nous a regardés et a dit à ma mère: «Au moins, maintenant vous avez un vrai garçon». Cette remarque désinvolte a été comme un coup de poignard dans mon amour-propre. C'est le tropisme homophobe le plus profond et le plus ancien: les garçons homosexuels ne sont pas vraiment des garçons. Ce préjugé est aujourd'hui diffusé par les théoriciens du genre aussi joyeusement qu'il l'était autrefois par les bigots.</p> <p>Imaginez maintenant qu'une figure d'autorité vienne renforcer cette idée auprès d'un enfant confronté à la puberté. 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Nous sommes face à la pire agression contre les enfants homosexuels depuis l'époque des thérapies de conversion promues par la droite religieuse.</p> <p>La seule façon de sortir de cette impasse woke est de mettre fin à l'amalgame entre identité trans et identité gay, et de rompre la coalition «LGBTQ» qui sacrifie les enfants homosexuels. Les gays et les lesbiennes ont une identité spécifique et une place unique dans l’humanité et la culture. Nous n'avons aucun lien fondamental avec les personnes transgenre, et ces dernières n'ont joué qu'un rôle minime dans l'avancement de nos droits. Nous pouvons soutenir les droits des trans et nous le faisons, mais là où les intérêts des uns et des autres entrent clairement en conflit, nous devons défendre les nôtres.</p> <p>Nous devons retrouver et fortifier notre fierté d'hommes et de femmes homosexuels. Nous ne sommes pas trans. Nous ne sommes pas hétéros. Nous <i>savons</i> qu'il y a deux sexes, parce que notre identité même est rendue possible par la binarité. Un grand nombre d'entre nous ne sont pas queer non plus. Nous vivons dans des Etats rouges et des Etats bleus, conservateurs ou libéraux, partisans de Biden ou partisans de Trump. L’assimilation forcée à une expérience de vie totalement différente et à une idéologie extrême met en danger les enfants homosexuels vulnérables et nous empêche de les aider.</p> <p>Il ne s'agit pas de déserter la défense des droits des trans; les lesbiennes et les homosexuels, moi inclus, continueront à défendre ces droits pour les adultes ainsi que de meilleures pratiques pour les enfants. Il ne s'agit même pas d'un divorce d’avec les fanatiques du TQ. Il s'agit simplement de reconnaître que 20 ans après la Journée de l'intégration, il est temps de poser un autre jalon: instaurons la Journée de l'indépendance gay et lesbienne. 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Plongeons-nous dans les arcanes de nos capacités cérébrales pour comprendre les secrets de la reconnaissance des visages.</p> <p>Chez l’humain, la reconnaissance du visage d’autrui est une fonction essentielle aux interactions sociales. Si cette aptitude existe chez nos cousins les grands singes, l’humain en a développé largement les performances au fur et à mesure de son évolution sociale. 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C’est un repli de la face inférieure du lobe temporal droit, dont les neurones sont spécialisés dans la reconnaissance de l’identité d’un visage. C’est l’une des rares régions du cerveau dont le volume augmente après l’adolescence au fur et à mesure de la rencontre d’un grand nombre de personnes.</p> <p>Utilisant les informations envoyées par le système initial de perception d’un visage, cette région décode les traits morphologiques statiques d’un visage connu et mémorisé, se focalisant sur les infos apportées par les yeux, les sourcils et la bouche. Entre 300 millisecondes et une seconde, ses neurones communiquent avec la région temporale antérieure, pour interroger nos souvenirs et donner rapidement le nom de la personne identifiée. 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De même, ces informations interrogent la mémoire des noms de personnes connues pour y retrouver l’identité précise du visage reconnu.</p> <h3>L’incapacité à reconnaître un visage : la prosopagnosie</h3> <p><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35690112/">La prosopagnosie</a> est un trouble de reconnaissance des visages, rendant impossible l’identification de visages familiers. Les sujets présentant ce trouble sont capables de voir, mais pas de reconnaître.</p> <p>Le sujet atteint doit alors utiliser des subterfuges cognitifs pour reconnaître la personne rencontrée : démarche, corpulence, coiffure, détails vestimentaires. La proportion mondiale de personnes présentant ce trouble reste encore mal connue, même si on l’estime à environ 2 %. Il existe des causes innées et acquises responsables de ce trouble. La prosopagnosie innée est liée à un défaut de développement congénital et postnatal du gyrus fusiforme. La prosopagnosie acquise s’observe souvent à la suite d’un accident vasculaire cérébral siégeant dans le lobe temporal ventral, ou au décours d’un traumatisme crânien, non rapidement pris en charge.</p> <h3>Les super-reconnaisseurs</h3> <p>Contrairement aux sujets présentant un défaut de reconnaissance des visages ou prosopagnosie, il existe des personnes très performantes à reconnaître des visages déjà mémorisés. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3904192/">Selon les experts</a> ayant étudié les qualités visuelles de ces personnes, elles possèdent une capacité supérieure à la moyenne à percevoir de subtiles différences entre les visages. Si elles ne développent pas toutes des capacités mémorielles supérieures aux autres, leurs acuités perceptives des détails d’un visage sont accrues. 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Lire l’<a href="https://theconversation.com/comment-le-cerveau-reconnait-il-les-gens-240165">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'comment-le-cerveau-reconnait-il-les-gens', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 17, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 10, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5180, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Le président d'UBS dénonce un «échec retentissant» de la Finma', 'subtitle' => 'Dans une interview accordée au «SonntagsBlick», Colm Kelleher, président de l'UBS, explique pour la première fois et avec clarté comment la Finma a été beaucoup trop indulgente avec les patrons de Credit Suisse. 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Le président de l'UBS, c'est-à-dire le capitaine de la toute-puissante banque suisse, fait pour la première fois des déclarations explosives. Il déclare que le gendarme bancaire de la Suisse, la Finma, a complètement échoué dans l'affaire Credit Suisse.</p> <p>«Si j'avais reçu de telles avertissements de l'autorité de surveillance bancaire chez Morgan Stanley ou UBS, j'aurais dit: les gars, nous avons un énorme problème», affirme Kelleher au cours de l'entretien. «Le fait que le Credit Suisse ait reçu ces signaux et n'ait rien fait, ou trop peu, est inconcevable».</p> <p>Cette déclaration contient tout ce qu'il faut savoir sur le fiasco du CS qui, au printemps de l'année dernière, avait conduit toute la Suisse au bord du volcan. La Finma et sa direction avaient laissé passer magouilles et malversations, même les plus grossières, sans inquiéter les maîtres de l'univers du CS accros aux bonus. Ces derniers maquillaient les comptes. La Finma le savait, mais ce sont les Etats-Unis qui s'en sont chargés.</p> <p>Ils s'octroyaient des bonus de plusieurs milliards sans jamais faire gagner à la banque l'argent correspondant. La Finma a donné sa bénédiction.</p> <p>Leurs subordonnés <a href="https://www.infosperber.ch/dossier/credit-suisse-im-mosambik-skandal/">ont porté préjudice au Mozambique</a>, <a href="https://www.infosperber.ch/dossier/credit-suisse-im-mosambik-skandal/">pays pauvre en ressources</a>, ont blanchi l'argent de la drogue de la mafia bulgare et ont pris des risques à hauteur de 10 milliards avec un Sud-Coréen au casier judiciaire chargé.</p> <p>La Finma a réagi mollement. Tout comme dans le fiasco Greensill, avec lequel le CS a mis en jeu sa réputation auprès des plus riches parmi ses clients principaux.</p> <p>La Finma n'est pas responsable de la plus grande faillite de tous les temps d'une entreprise suisse. Mais elle aurait pu finalement éviter la solution d'urgence nécessaire. C'est ce qui ressort des déclarations de Colm Kelleher. En tant que président du conseil d'administration de l'entreprise qui a repris le CS, celui-ci a accès à tous les e-mails, lettres et autres secrets.</p> <p>«Depuis 2015, il était évident pour moi que le Credit Suisse ne serait plus viable en tant qu'entreprise indépendante», explique Kelleher au <em>SonntagsBlick</em>. «Son avenir résidait alors à mes yeux dans une fusion avec une autre banque. A partir d'octobre 2022, son avenir ne consistait plus, de mon point de vue, qu'en un sauvetage d'urgence».</p> <p>Puis il ajoute: «Je ne comprends donc pas pourquoi on a attendu huit ans alors que les signes avant-coureurs étaient là dès 2015». Le président de l'UBS souligne surtout qu'il était «en premier lieu de la responsabilité du conseil d'administration et de la direction du CS» de «redresser radicalement la barre».</p> <p>Mais ce qui est nouveau – et détonant – c'est la critique sans équivoque du <em>topshot</em> de Wall Street, qui commande en dernier ressort l'UBS depuis deux ans et demi, à l'encontre de la surveillance suisse.</p> <p>Pendant que celle-ci écrivait des lettres d'avertissement, Kelleher se préparait à l'urgence. «Je suis arrivé à l'UBS en mars 2022. La première chose que j'ai faite a été de constituer un groupe de travail pour se préparer au cas du CS». Selon lui, il ne s'agissait pas de l'affaire du siècle. «Nous étions vraiment inquiets que quelque chose puisse arriver». «Alors, si nous étions inquiets, pourquoi pas d'autres? Une chute incontrôlée du CS aurait également coûté beaucoup d'argent à l'UBS».</p> <p>Pourquoi personne d'autre ne s'est inquiété? Telle est la question au cœur du drame.</p> <p>Personne d'autre, et surtout pas la Finma, dont les effectifs ont doublé depuis la grande crise de l'UBS en 2008, passant de 300 à 600 personnes. Pourquoi ne s'est-elle pas vraiment inquiétée du CS, et à temps? Son «arsenal» s'est développé au cours des années précédant la catastrophe du CS, avec Finig, Finfrag, Fidleg et toutes les innombrables nouvelles lois et réglementations.</p> <p>«La Finma dit qu'elle n'avait pas les compétences légales pour sévir», rétorquent les enquêteurs du <em>SonntagsBlick</em>. Ce à quoi Kelleher répond: «D'autres autorités de surveillance m'ont dit par le passé: Colm, si tu ne mets pas de l'ordre ici, tu auras des problèmes. C'est ce que font les régulateurs».</p> <p>Pas la Finma. Elle a écrit des lettres, les unes après les autres.</p> <p>Et le 19 mars 2023, lorsque la banque Escher a disparu de la scène après 167 ans d'existence, l'autorité de surveillance bancaire a supprimé, sans crier gare, 17 milliards de dollars d'obligations convertibles. Sinon, l'UBS n'aurait pas pu réaliser l'opération comme elle le souhaitait, a déclaré Kelleher dans une <a href="https://www.nzz.ch/wirtschaft/als-ich-den-anruf-von-der-finma-bekam-war-ich-zwei-minuten-lang-sprachlos-sagt-ubs-praesident-colm-kelleher-ein-jahr-danach-ld.1822357">précédente interview avec la <em>NZZ</em></a>.</p> <p>Selon l'issue des procédures judiciaires en cours dans le monde entier, les 17 milliards de dollars pourraient encore conduire à une créance de plusieurs milliards contre la Suisse. 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Entretien.', 'content' => '<p style="text-align: center;">Entretien réalisé par <strong>Raphaël Pomey</strong>, rédacteur en chef du magazine <a href="https://lepeuple.ch/le-christianisme-originel-a-ete-perverti-par-les-eglises/" target="_blank" rel="noopener"><em>Le Peuple</em></a>, publié le 19 septembre 2024</p> <hr /> <p>Constatant le déclin du continent européen, notre confrère y propose de nouvelles pistes pour échapper à l’omniprésence d’une pensée technique (d’origine essentiellement anglo-saxonne) incapable d’appréhender l’homme dans la totalité de ses facultés. Aux yeux de l’auteur, cependant, ces pistes se trouvent moins dans un retour à la tradition chrétienne que dans une quête ésotérique.</p> <p>Pourquoi ce choix? Il nous l’explique dans cet entretien.</p> <p><strong>Raphaël Pomey</strong>: <strong>Martin Bernard, dans votre essai, vous décrivez une Europe minée spirituellement par l’omniprésence d’une vision mécanique et anglo-saxonne de la science. D’où vient ce constat?</strong></p> <p><strong>Martin Bernard</strong>: Il résulte d’une observation impartiale de la réalité des sociétés occidentales modernes, dont les fondements se sont construits, depuis le début du XVIIème siècle au moins, sur le développement d’une vision du monde mécaniste puis matérialiste portée par les sciences de la nature et la technique. Cette vision du monde a engendré un esprit de conquête tourné vers l’extérieur (la nature, d’autres continents, etc.), dont le néolibéralisme moderne et le transhumanisme ne sont que des avatars récents. Sur ce chemin, la compréhension plus subtile des réalités spirituelles, encore vivante au Moyen-Age, s’est progressivement perdue. 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Pour celles et ceux qui pensent que l’être humain ne peut survivre sans la conscience qu’il existe une réalité spirituelle structurant la réalité matérielle, deux choix sont possibles : un retour à l’ordre religieux d’antan basé sur le dogme et l’intermédiation (attitude réactionnaire) ou le développement d’une nouvelle approche scientifique permettant d’entrer en contact direct avec les hiérarchies spirituelles décrites dans la tradition chrétienne par Pseudo-Denys l’Aréopagite.</span><strong><br /></strong></p> <p><strong>Votre essai puise dans l’histoire intellectuelle de la Renaissance, qui serait le moment où l’humanité est arrivée à un nouveau «stade de maturité» (p. 120) lui permettant de se passer de l’Eglise. En fin de compte, seriez-vous positiviste?</strong></p> <p>Je ne suis pas positiviste au sens d’Auguste Comte, dont la vision évolutive était imprégnée du matérialisme du XIXème siècle. En revanche, il me semble indéniable que la conscience humaine évolue, au même titre que la nature évolue, selon ses propres règles et rythmes. Les travaux de Teilhard de Chardin, par exemple, me paraissent très pertinents dans cette optique. A la Renaissance, l’humanité européenne est de toute évidence entrée dans une nouvelle ère de conscience, marquée par le développement d’un individu se définissant en tant que «moi» dans son altérité avec ses semblables et la nature environnante. Il est possible de critiquer les nombreux aspects négatifs de l’individualisme moderne, mais il serait vain d’en nier l’éclosion et les impacts sur les consciences. Je trouve pour ma part plus intéressant d’en circonscrire les aspects positifs, tout en essayant de les porter plus loin. Cette évolution débouche irrémédiablement sur l’état de fait suivant: l’être humain européen ne peut plus, depuis la fin du XIXème siècle, se contenter d’une relation intermédiée au spirituel, passant par des dogmes et des commandements moraux imposés de l’extérieur. Les églises chrétiennes, qui étaient à leur place jusqu’à la fin du Moyen-Age, sont pour cette raison devenues de plus en plus obsolètes. L’Eglise catholique ne s’est maintenue qu’à l’aide d’une radicalisation de ses positions (la Contre-réforme). Il était donc dans l’ordre des choses que son emprise sur la société européenne disparaisse presque entièrement à partir de Vatican II. </p> <p><strong>On a parfois le sentiment que vous forcez le trait à propos de l’opposition entre la foi et la science. Que Newton ait davantage écrit sur la théologie que sur la nature devrait inciter à plus de nuance, non?</strong></p> <p>Je trace des lignes de forces sur une tendance générale qui sous-tend le développement de la civilisation européenne depuis la Renaissance, et qu’il est urgent de dépasser. Il est clair que la pensée scientifique moderne (définissant l’accès à la connaissance) a pris racine en opposition à la vie religieuse, qui a été progressivement cantonnée au seul domaine de la croyance et de la foi. C’est au XIXème siècle que cette opposition est devenue pleinement réalité. Bien sûr, cela n’a jamais empêché de nombreux scientifiques d’être profondément croyants, ni des religieux d’entreprendre des recherches scientifiques. Mais peu remettaient en question le statu quo, même s’ils y aspiraient parfois. </p> <p><strong>Vous voulez échapper au paradis froid, mécanique et petit bourgeois de l’homme occidental (p. 47). Pourquoi miser sur l’ésotérisme et l’anthroposophie pour cela?</strong></p> <p>Parce que l’anthroposophie, dont les prémisses historiques sont liées aux nombreux courants de l’ésotérisme <em>chrétien,</em> propose une méthode d’investigation scientifique de la réalité spirituelle s’inspirant de l’épistémologie goethéenne, sans renier les meilleurs acquis de la science moderne. Ses nombreuses initiatives pratiques (pédagogie, agriculture, arts, etc.) ont fait leur preuve depuis plus d’un siècle. Elles témoignent de la fertilité de la philosophie qui les sous-tend. La science spirituelle d’orientation anthroposophie permet aussi d’approfondir les révélations du christianisme, leur insufflant un renouveau de compréhension que sont incapables de proposer les églises traditionnelles aujourd’hui. Je mise également sur l’anthroposophie, car son épistémologie se démarque des nombreux courants spiritualistes inspirés de près ou de loin par la tradition orientale (hindouisme et bouddhisme), à la mode aujourd’hui en Occident, ainsi que des nouvelles spiritualités issues de pratiques ancestrales dont l’adaptation aux sociétés européennes ne va pas sans poser de nombreux risques. </p> <p><strong>Vous revalorisez l’intuition et la spontanéité, au point de reprocher à l’Etat de fixer un cadre éducatif à l’école. Est-ce vraiment ainsi que l’on fera face à la concurrence des scientifiques indiens ou chinois?</strong></p> <p>Lorsqu’il est question d’école et d’éducation, il n’y a pas lieu de s’interroger sur la pertinence de faire ou non concurrence aux scientifiques chinois ou indiens. Le but premier de l’école devrait être de permettre aux enfants de développer le plus harmonieusement possible leur personnalité, pas de les faire entrer dans un carcan idéologique aliénant, qui étouffe aspiration et créativité. Or, c’est exactement ce que fait aujourd’hui l’école d’Etat, à des nuances régionales près (certains pays scandinaves expérimentent un compromis plus acceptable à ce niveau).</p> <p><strong>Les grandes heures de la sensibilité que vous exprimez ne sont-elles pas déjà derrière nous, en particulier avec le romantisme du XIXème siècle?</strong></p> <p>Le romantisme des XVIIIème et XIXème siècles est derrière nous. Mais cela ne signifie pas que la sensibilité humaine soit émoussée définitivement. Elle ne demande qu’à réapparaître. Les nombreuses initiatives et impulsions que je cite dans mon livre, visant à réenchanter la science, en sont la preuve.</p> <p><strong>Vous terminez votre essai en appelant l’Occident à se reconnecter avec ses racines. Nous applaudissons, mais les racines en question ne sont-elles pas avant tout chrétiennes?</strong></p> <p>Absolument. Les racines de l’Occident sont chrétiennes. Mais le christianisme originel a été perverti par les Eglises surtout à partir de la Renaissance où il s’est sclérosé (même chez les protestants, dont l’impulsion initiale portait pourtant des germes humanistes intéressants). Dit autrement, le christianisme ne se résume pas au <em>credo</em> des Eglises instituées. Cette confusion, entretenue par beaucoup, est malheureuse, car la décadence des Eglises entraîne avec elle le rejet du christianisme. Malheureusement, les hiérarchies ecclésiales entretiennent cette confusion et s’arc-boutent sur leurs dogmes pour des raisons de pouvoir. 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Il y a deux ans et demi, un <a href="https://www.uvek.admin.ch/uvek/de/home/uvek/abstimmungen/medienpaket.html">paquet de mesures</a> de 150 millions <a href="https://www.uvek.admin.ch/uvek/de/home/uvek/abstimmungen/medienpaket.html">en faveur des médias</a> a été rejeté par les urnes.</p> <p>Dès cet après-midi, le Parlement se penchera lui aussi sur le soutien aux médias. Mais avec réticence et hésitation. Il est en train de bricoler un patchwork de différentes mesures qui seront décidées séparément. Le soutien temporaire à la distribution de journaux doit être renforcé.</p> <p>Ce n'est que lorsque cette aide indirecte aura pris fin, dans sept ans, que les médias recevront <a href="https://www.parlament.ch/de/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20243817">directement de quoi financer le journalisme en ligne</a>. Il s'agit d'une proposition du rapport <a href="https://www.parlament.ch/centers/eparl/curia/2021/20213781/Bericht%20BR%20D.pdf">«Stratégie pour un soutien aux médias tourné vers l'avenir».</a> Elle n'est manifestement pas si «orientée vers l'avenir». Car en forçant un peu le trait, Berne s'attache à sauver un système médiatique obsolète pour l'avenir.</p> <h3>L'aide directe aux médias, un acquis incontesté en Suède</h3> <p>Un regard sur la Suède montre à quoi pourrait ressembler une aide aux médias moderne. Depuis cette année, ce grand pays de 10 millions d'habitants soutient les médias d'une nouvelle manière, indépendamment de la technologie. Cela ne fonctionne pas sans heurts. Mais cela fonctionne.</p> <p>Et cela ne va pas non plus de soi, car la Suède a elle aussi connu une transition politique difficile. Depuis les années 1960, le pays pratique le soutien direct à la presse. Il s'agissait notamment de maintenir les titres de presse dans les régions rurales et de faire en sorte que plusieurs titres puissent coexister et se faire concurrence.</p> <p>Ceux qui voulaient recevoir de l'argent de l'Etat devaient répondre à un catalogue de critères élaboré. Les leaders du marché n'étaient par exemple <a href="https://www.nzz.ch/feuilleton-themen/medienvielfalt-ist-staatssache-in-schweden-ld.1583284">pas éligibles au soutien</a>. Mais ceux qui remplissaient les conditions étaient assurés de recevoir des financements. Ainsi, plus il y avait de médias éligibles, plus l'Etat devait dépenser pour le soutien aux médias.</p> <p>Ce «soutien à l'exploitation» était relativement équilibré et protégeait bien les éditeurs de l'influence de l'Etat. Après quelques changements, les médias édités uniquement en ligne pouvaient aussi recevoir de l'argent s'ils remplissaient les critères.</p> <p>Mais les médias imprimés ne devaient pas nécessairement se confronter au marché des lecteurs en ligne pour recevoir de l'argent. Comme en Suisse, on a donc pointé le fait que l'Etat, par ses subventions, maintenait artificiellement en vie un ancien système médiatique, le papier, au lieu de faire face au présent numérique.</p> <h3>Un tournant dans le soutien aux rédactions</h3> <p>L'automne dernier, la Suède a opéré un tournant sous le gouvernement de centre-droit. Contrairement à la Suisse, tous les partis étaient d'accord pour dire que le pays avait besoin d'un soutien direct aux médias. Mais le gouvernement voulait en limiter l'ampleur. C'est pourquoi la gauche a également dénoncé la réforme comme étant une mesure de réduction cachée et une atteinte à la diversité du paysage médiatique. La majorité de centre-droit <a href="https://www.dagensmedia.se/medier/dagspress/klart-ja-till-nytt-mediestod/">s'est toutefois imposée au Parlement</a>.</p> <p>La Suède pratique désormais trois types de soutien aux médias:</p> <ol> <li>un soutien au travail de rédaction proprement dit;</li> <li>un soutien rédactionnel élargi (pour les régions peu pourvues en offre médiatiques et les groupes minoritaires);</li> <li>un soutien à la distribution des médias imprimés.</li> </ol> <p>A cela s'ajoutera prochainement un soutien transitoire pour les médias qui ne recevront plus d'aide à la rédaction dans le nouveau système. Il est en effet désormais plus compliqué d'obtenir une partie du milliard de couronnes (un peu plus de 80 millions de francs) et le processus est plus imprévisible.</p> <p>Un média éligible doit paraître régulièrement, proposer un contenu pertinent pour sa zone de publication et être composé d'au moins 45% de contenu rédactionnel.</p> <p>Le <a href="https://mediemyndigheten.se/stod-till-medier/regler-stod-till-medier/">catalogue de critères</a> est vaste. Ce sont surtout les exigences formulées de manière floue qui ont donné lieu à discussions. Ainsi, un média doit désormais présenter un «bon ancrage auprès des utilisateurs». Cela est défini par un nombre minimum d'utilisateurs réguliers ou d'abonnements. En outre, il doit avoir pour «mission première de diffuser en permanence des informations pertinentes».</p> <h3>Les critères</h3> <ol> <li>Média d'information généraliste. Ils comprennent des exigences détaillées en matière de mode de parution, de volume et de contenu. Ainsi, le journalisme ne doit pas porter directement atteinte aux valeurs démocratiques fondamentales et doit respecter la liberté et l'intégrité personnelle de tous les individus.</li> <li>Un titre propre avec un produit principal indépendant. Cela implique des critères garantissant l'indépendance par rapport à d'autres publications.</li> <li>L'éditeur responsable est identifié.</li> <li>Groupe cible suédois et bonne accessibilité pour les personnes handicapées.</li> <li>Fréquence de parution régulière.</li> <li>Bon ancrage dans le public. Cela inclut des critères détaillés en fonction du groupe cible. Par exemple, les médias dont les reportages couvrent un espace de moins de 20'000 habitants doivent pour cela atteindre 15% du groupe cible, mais pas moins de 1'500 personnes.</li> </ol> <h3>Le pouvoir du public</h3> <p>Ce printemps, un comité a évalué pour la première fois dans quelle mesure un journal ou une radio remplissait ces critères. Le comité «Mediestödsnämnden» est composé d'experts indépendants – dont deux journalistes. Ces derniers sont toutefois choisis par le gouvernement. Le comité publie les procès-verbaux de ses réunions.</p> <p>C'est par le biais de ce comité que le pouvoir pourrait exercer l'influence la plus directe sur les médias et sanctionner les reportages critiques. Mais en Suède, ces préoccupations n'existent guère. Cela s'explique sans doute par les premières attributions <a href="https://www.journalisten.se/nyheter/klart-har-ar-tidningarna-som-far-mediestod/">communiquées</a> par le comité au printemps dernier. Ce sont surtout les journaux locaux et régionaux qui ont été soutenus.</p> <p>Par exemple, <em>Falu-Kuriren</em>, le principal média de la région de Dalécarlie, au centre de la Suède, avec un tirage légèrement inférieur à 20'000 exemplaires, a reçu près de 600'000 francs (un peu plus de sept millions de couronnes). Les grands titres comme <em>Svenska Dagbladet</em>, <em>Aftonbladet</em> ou <em>Expressen</em> n'ont pas reçu d'argent parce qu'ils ne pouvaient pas justifier de besoins financiers.</p> <p>L'attribution ne s'est toutefois pas faite sans bruit. De nombreux petits médias à orientation nationale, dont certains ont un profil explicitement politique, comme le journal du parti social-démocrate, n'ont pas été retenus.</p> <p>Mais pour les médias concernés, la disparition prévisible de la subvention est aussi un encouragement. Leonidas Aretakis, rédacteur en chef du magazine de gauche <em>Flamman</em>, <a href="https://www.journalisten.se/nyheter/nationella-nischtidningar-blir-utan-mediestod-obegripligt/">a annoncé</a> qu'il avait pu enregistrer, à la place, des recettes nettement plus élevées. Le magazine s'en est donc trouvé renforcé.</p> <h3>Publicité honnête</h3> <p>Ainsi, l'approche suédoise semble comparativement honnête, précisément parce qu'elle ne se déroule pas sans heurts. Parce que la réforme est venue du camp bourgeois, la gauche a été <a href="https://www.aftonbladet.se/kultur/a/15pX9Q/daniel-farm-om-det-nya-mediestodet-och-mediemangfalden">très critique</a>. C'est ainsi qu'est né un véritable débat objectif sur le type de journalisme qui mérite d'être soutenu par l'Etat. De quoi un média doit-il parler? A quelle fréquence? De quelle manière? La Suisse fuit ces questions comme un adolescent complexé.</p> <p>Avec des lunettes suisses, on s'aperçoit en outre que l'argent n'est pas un problème dans ce débat. La Suède dépense pour le soutien aux rédactions <a href="https://www.bakom.admin.ch/bakom/de/home/elektronische-medien/abgabe-fur-radio-und-fernsehen/verwendung-der-abgabe.html#1561200683">à peu près autant </a>que la Suisse pour les seules chaînes de radio et de télévision privées. Avec cette subvention issue du prélèvement obligatoire de la redevance radio et TV, la Suisse soutient déjà deux branches médiatiques. Cela permettrait de financer 800 postes rédactionnels à temps plein par an, indépendamment du genre.</p> <p>Alors que la Suède encourage expressément la démocratie et la diversité des médias avec cet argent, les exigences envers le cercle beaucoup plus restreint des bénéficiaires de ces fonds sont moins élevées dans notre pays. Il n'existe toutefois pratiquement pas de stations de radio ou de télévision à vocation locale en Suède.</p> <p>Mais l'exemple suédois montre surtout, malgré toutes les discussions sur la non-prise en compte de certains médias, que la crainte d'une influence de l'Etat et d'autres politiques dans le cadre d'un soutien direct aux médias semble très exagérée dans ce pays. Du moins tant qu'aucun parti ne gouverne le pays avec une majorité absolue. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@simone 05.07.2024 | 16h58
«Cet article est très intéressant et attire l'attention sur la question fondamentale de la distinction entre le sexe et le genre et sur l'importance d'éviter la confusion entre les deux notions. On ne peut pas choisir son sexe, mais on peut choisir la manière dont on l'assume. Et c'est cette liberté de choix qui doit être respectée.»
@Christophe Mottiez 05.07.2024 | 18h21
«article très pertinent.
cet amalgame entre l'orientation sexuelle et l'identité de genre est dangereux.»
@LEFV024 10.07.2024 | 17h07
«Pour moi, le corps d'un enfant est sacré. Envisager une mutilation sexuelle est donc un sacrilège.»