Chronique / Réfugiés, laissons-les arriver en avion!
Dans le flux sans cesse roulant de l’actualité, cette chronique souhaite établir des liens, tracer des perspectives, donner une profondeur historique, bref, abolir les frontières qui freinent la réflexion. L’auteure éprouvant une passion déraisonnable pour l’Europe (et même l’Union européenne), l’Italie et la Suisse, il y sera souvent question de politique mais pas que… à moins de considérer que tout est politique!
On ne les compte plus ces photos spectaculaires de rafiots ou canots pneumatiques débordant de migrants. On ne les compte plus ces reportages narrant le transbordement de ces improbables embarcations vers de solides bateaux de sauvetage. Depuis l’effroyable naufrage au large de Lampedusa, qui fit 368 morts, il y a eu la saison 1 en 2014, la 2 en 2015, la 3 en 2016. Nous en sommes à la 4e saison, bien que le scénario ne varie guère même si en 2014, c’est la mer Egée plutôt que le détroit de Sicile qui a servi de décor: de pauvres gens tentent de traverser un bout de Méditerranée pour se bâtir un avenir meilleur en Europe, plus de 77 000 depuis le début de l'année.
Cela vous choque que l’on parle de drames humains comme d’une série américaine? Tant mieux, si cela vous choque encore. Ces images sur écran sont devenues tellement habituelles qu’on peut raisonnablement douter qu’elles aient encore de l’effet.
Rentrez vos mouchoirs. Il y a un moyen très simple pour éviter ce spectacle désolant: laissons venir les migrants par avion. Ainsi, ils arriveront dans le pays de leur choix et le regroupement familial sera favorisé. Surtout, on cassera le business des passeurs dans le Sahara et en Méditerranée. Et l’on s’épargnera les millions d’euros dépensés dans des sauvetages périlleux, ou plutôt, on les utilisera plus intelligemment dans l’accueil des migrants à proximité des aéroports, puis dans leur orientation et leur intégration.
Deux solutions: les murs ou l'eau
Ne me jetez pas à la figure que «nous n’avons pas vocation à accueillir toute la misère du monde». D’abord, cette citation de feu Michel Rocard est tronquée. L’ancien premier ministre ajoutait en 1989 que «La France devait en prendre sa part» . Ensuite, tous ceux que la volonté de Donald Trump de construire un mur à la frontière mexicaine indigne devraient se montrer conséquents. En matière de défense contre ceux que l’on considère comme des «envahisseurs», il y a deux solutions: les murs ou l’eau. Le Detroit de Sicile est une sorte de grande douve, un profond gouffre dans lequel, depuis le début de cette année, 1828 personnes au moins ce sont noyées (L’OIM, l’organisation internationale pour les migrations tient un décompte mis à jour quotidiennement). Regardons la réalité en face, et tâchons de faire mieux.
Réfugiés syriens ou migrants de la misère, les requérants d’asile quels qu’ils soient, n’ont pas le droit de monter dans un avion sans document les autorisant à séjourner dans le pays de destination. Une directive européenne de 2001 rend responsables des coûts de rapatriement les compagnies qui se risqueraient à accepter à bord des passagers sans visa. La bureaucratie a bien fait les choses, les ambassades européennes – Suisse comprise – ont cessé de délivrer de tels papiers. Pour entrer en Europe quand on n'y vient pas pour affaire ou en touriste mais y chercher avenir et protection, il faut donc se présenter physiquement à l’une de ses frontières.
Ré-autoriser l’arrivée par avion, une mesure simple, sauverait des milliers de vie. Les prix des billets sont bien inférieurs à ceux pratiqués par les passeurs.
Plus sûr, le débarquement par avion mettrait fin à une autre absurdité bureaucratique. On sait que les Européens peinent à se répartir équitablement les migrants. Certains s’accrochent au «régime Dublin», donnant la responsabilité aux pays de premier accueil de statuer sur les demandes. Ainsi, l’Italie et la Grèce, de part leur position géographique, auraient plus vocation que d’autres nations à faire face, seules, à ces vagues humaines. C’est d’une lâcheté que l’on ne pensait plus revoir sur un continent qui s’est doté d’une charte pour éviter de tels regards détournés.
Un droit d'asile qui date de la guerre froide
En avion, les migrants arriveraient là où ils le souhaitent, c’est-à-dire dans les pays où ils ont déjà des proches ou dont ils maîtrisent la langue. Cela ne supprimerait pas les calculs d’apothicaires pour savoir si le fardeau de l’asile est bien réparti, mais cela simplifierait un peu la prise en charge: il faudrait bien sûr continuer à enregistrer les migrants, puis leur délivrer des papiers, les orienter dans la recherche d’un emploi selon leurs capacités et selon les besoins, les former, et bien évidemment renvoyer certains d’entre eux pour des raisons sécuritaires évidentes.
Et après? Arrivés légalement par voie aérienne, les migrants pourront repartir de la même façon à leur guise ou au bout de trois ans, d’autant plus qu’on leur aura contraint à alimenter un fond d’épargne-retour. Leurs documents de séjour ne devraient leur être renouvelés que sous condition (avoir appris la langue, ne plus dépendre de l’aide sociale, pas de casier judiciaire, etc. ).
Grosso modo, notre droit d’asile date de la guerre froide. Il magnifie le dissident politique, il n’a pas vraiment été adapté pour gérer les flux des milliers de réfugiés fuyant la guerre et encore moins ceux des migrants fuyant la misère. Il est temps d’entreprendre une grande révision qui tienne compte des impératifs démographiques, de faire preuve de bon sens. Cessons le mauvais feuilleton des morts en Méditerranée. Laissons les monter dans des avions!
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Les ONG sont-elles responsables de la crise des migrants en Méditerranée?
par The Conversation
Avec plus de 5 000 migrants morts en Méditerranée, l’année 2016 a été extrêmement meurtrière. Elle a dépassé l’année 2015 et ses 3 700 décès. Quant à 2017, depuis janvier, plus d’un millier de morts ont déjà été recensés.
Année après année, les mêmes dynamiques sont à l’œuvre: de nombreux migrants fuient les conflits et l’instabilité au Moyen-Orient et sur le continent africain et tentent de gagner l’Europe. Afin de déjouer les contrôles terrestres mis en place par les États européens, ils embarquent en Méditerranée sur des navires de fortune, souvent affrétés par des passeurs véreux, et prennent des risques qui font de ce voyage une question de vie ou de mort.
Ces tragédies ne sont pas nouvelles: les associations de défense de migrants ont commencé à compter ces morts dès les années 1990. Mais les associations ne se contentent plus de répertorier ces décès, elles interviennent directement en mer pour porter secours aux migrants.
Tout commence en 2014: l’opération militaire et humanitaire «Mare Nostrum» de la Marine italienne est interrompue; son coût est trop élevé pour le gouvernement italien, qui n’est pas parvenu à convaincre ses partenaires européens de s’engager eux aussi. Elle est remplacée par l’opération Triton, financée par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex). Mais les ONG craignent que cela ne provoque la mort de milliers de migrants: Triton est en effet doté de moyens inférieurs à Mare Nostrum et n’opère que sur une petite partie des eaux concernées par les naufrages; surtout, Triton est avant tout conçue pour contrôler les frontières, plutôt que pour sauver des vies.
Des sauvetages complexes à organiser
Créée à l’initiative d’un couple de millionnaires italo-américain, la Migrant Offshore Aid Station (MOAS) a été la première organisation privée à avoir affrété un bateau. En 2015, c’est l’association Médecins sans frontières (MSF) qui leur emboîte le pas, suivie par Save The Children en 2016. Dans toute l’Europe, des citoyens s’engagent en créant de nouvelles organisations, comme SOS Méditerranée, Sea Watch, Life Boat Project, Sea Eye ou Jugend Rettet en Allemagne; Boat Refugee aux Pays-Bas et Proactiva Open Arms en Espagne. Ces initiatives sont essentiellement financées par des mécanismes de financement participatif.
La présence de ces différents acteurs a rendu l’organisation des sauvetages complexe. En effet, le droit de la mer prévoyant que tout navire proche de la zone d’un bateau en détresse lui porte secours, ce sont les autorités maritimes compétentes qui coordonnent les opérations pour la zone concernée. En Méditerranée centrale, c’est le plus souvent la Garde côtière italienne, relevant du ministère des Transports, qui autorise les associations à intervenir. Dans les faits, il est fréquent que les associations repèrent un bateau en détresse et contactent elles-mêmes la Garde côtière.
Une fois les migrants secourus, les naufragés sont acheminés vers un port italien, sous l’autorité d’un autre ministère (l’Intérieur), qui décide de la destination, réceptionne les migrants et les conduit vers des «hotspots» – des centres d’accueil mis en place par l’Union européenne.
Les ONG, complices des passeurs?
En Italie, l’intervention des ONG dans les opérations de sauvetage fait polémique. En décembre 2016, le Financial Times mettait en lumière l’irritation de Frontex: l’agence européenne de contrôle des frontières est en effet réticente aux opérations de sauvetage en mer qui, selon elle, créent un appel d’air en faisant croire aux migrants qu’il suffit de prendre la mer pour être secourus et transportés en Europe.
Selon le quotidien britannique, Frontex disposerait de preuves selon lesquelles les associations seraient en contact avec des passeurs et les dirigeraient vers les zones où les migrants ont le plus de chance d’être secourus. Dit autrement, les associations seraient complices des passeurs, et coupables, comme eux, du délit d’aide à l’immigration irrégulière.
Ces faits ont conduit la justice italienne à ouvrir une enquête. Le Sénat a créé une Commission d’enquête parlementaire qui, en mai 2017, a conclu au fait que les ONG constituaient un facteur d’attraction («pull factor») et qu’elles devraient davantage coopérer avec les opérations de police en mer. Le procureur de Catane a toutefois déclaré ne pas disposer de preuve à ce sujet. Le gouvernement italien, lui, est partagé: tandis que le ministre des Affaires étrangères accuse les ONG, le chef du gouvernement remercie les secouristes pour leur aide. Quant à la Garde côtière, mise en cause, elle défend une action «politiquement neutre» en mer.
Les agences internationales se sont également positionnées. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés défend les ONG, alors que l’Organisation internationale pour les migrations soutient, en partie, les arguments de Frontex, tout en soulignant l’importance de sauver les vies en Méditerranée.
Sauver des vies ou contrôler l’immigration?
C’est dans ce contexte qu’a été publié, le 9 juin 2017, le rapport «Blaming the rescuers» des chercheurs Charles Heller et Lorenzo Pezzani. Sur la base de données empiriques, ce rapport conteste les accusations de Frontex et rappelle que l’agence reprochait déjà à l’opération «Mare Nostrum» de favoriser l’immigration irrégulière.
Or, loin de diminuer le nombre de morts, la fin de cette opération avait au contraire conduit à une augmentation de ces décès. Dans un précédent rapport, intitulé «Death by Rescue» et publié en 2016, les mêmes chercheurs avaient mesuré la mortalité liée aux traversées de la Méditerranée, en comparant le nombre de morts en mer aux nombres d’arrivées en Europe, et démontré qu’il était beaucoup plus dangereux de migrer sous Triton que sous «Mare Nostrum».
La présence de sauveteurs n’accroît donc pas la mortalité; c’est l’absence d’opération de sauvetage qui augmente le nombre de morts et le risque de décès lors de la traversée. Ces rapports accusent donc Frontex d’avoir, en conscience de cause, mis fin à l’opération «Mare Nostrum» alors que cette dernière sauvait des vies, et de récidiver aujourd’hui, en voulant se débarrasser des ONG malgré les risques que leur départ ferait peser sur les migrants.
Ces débats témoignent des contradictions des politiques migratoires européennes, qui créent un «effet prohibition»: l’impossibilité de se procurer légalement un bien (l’accès au territoire européen en l’occurrence) favorise un marché noir, plus dangereux, dans lequel prospèrent toutes sortes d’intermédiaires plus ou moins scrupuleux. Le renforcement du contrôle aux frontières, notamment terrestres, se solde mécaniquement par une augmentation des prises de risques en meret donc par une augmentation du nombre de morts. Dès lors, l’objectif humanitaire de sauver des vies se heurte inévitablement à la raison d’État, qui souhaite contrôler l’immigration.
Un enjeu de légitimité
Derrière ces polémiques, c’est aussi une question de légitimité qui se joue. Qui donc a le droit d’intervenir en mer et de venir à la rescousse des migrants?
Frontex défend le droit des États à contrôler leurs frontières et à exercer leur souveraineté. Les associations défendent, elles, une autre vision: étant donné l’incapacité des États à faire respecter certains droits fondamentaux (à commencer par le droit à la vie), il est nécessaire que la société civile intervienne.
Le raisonnement n’est pas nouveau: c’est également au nom de l’insuffisance de l’action des États que des associations se sont impliquées dans la lutte contre la pauvreté ou la défense des minorités, par exemple. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est l’application d’un tel raisonnement à un domaine régalien, jusque-là réservé à l’Etat.
Dans une certaine mesure, la crise actuelle en Méditerranée permet aux ONG de remettre en cause le monopole étatique du contrôle des frontières. On conçoit que cela provoque des résistances. Mais s’ils souhaitent défendre leur monopole, les États devront trouver d’autres arguments que ceux, peu convaincants, mis en avant par Frontex.
Une plus grande solidarité européenne permettrait d’éviter des situations comme celle qui a conduit à la fin de «Mare Nostrum». En vertu des accords de Dublin, des pays comme la Grèce ou l’Italie sont systématiquement en première ligne – ce qui n’est ni juste, ni tenable. C’est toute une approche politique de l’immigration, aujourd’hui fondée sur une obsession sécuritaire et un déni des droits fondamentaux, qui montre ses limites dans ce contexte de crise.
Synonyme de conditions météorologiques calmes et propices aux traversées, l’été est presque là. Autant dire que le débat ne fait que commencer, et avec lui la nécessité d’une réflexion fondamentale sur les politiques migratoires européennes.
The Conversation, 13 juin 2017
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Le Detroit de Sicile est une sorte de grande douve, un profond gouffre dans lequel, depuis le début de cette année, 1828 personnes au moins ce sont noyées (L’OIM, l’organisation internationale pour les migrations tient <a href="https://www.iom.int/fr">un décompte mis à jour quotidiennement</a>). Regardons la réalité en face, et tâchons de faire mieux. <br></p><br><p>Réfugiés syriens ou migrants de la misère, les requérants d’asile quels qu’ils soient, n’ont pas le droit de monter dans un avion sans document les autorisant à séjourner dans le pays de destination. Une directive européenne de 2001 rend responsables des coûts de rapatriement les compagnies qui se risqueraient à accepter à bord des passagers sans visa. La bureaucratie a bien fait les choses, les ambassades européennes – Suisse comprise – ont cessé de délivrer de tels papiers. Pour entrer en Europe quand on n'y vient pas pour affaire ou en touriste mais y chercher avenir et protection, il faut donc se présenter physiquement à l’une de ses frontières. <br></p><br><p>Ré-autoriser l’arrivée par avion, une mesure simple, sauverait des milliers de vie. Les prix des billets sont bien inférieurs à ceux pratiqués par les passeurs. Plus sûr, le débarquement par avion mettrait fin à une autre absurdité bureaucratique. On sait que les Européens peinent à se répartir équitablement les migrants. Certains s’accrochent au «régime Dublin», donnant la responsabilité aux pays de premier accueil de statuer sur les demandes. Ainsi, l’Italie et la Grèce, de part leur position géographique, auraient plus vocation que d’autres nations à faire face, seules, à ces vagues humaines. C’est d’une lâcheté que l’on ne pensait plus revoir sur un continent qui s’est doté d’une charte pour éviter de tels regards détournés. <br></p><h3>Un droit d'asile qui date de la guerre froide</h3><p>En avion, les migrants arriveraient là où ils le souhaitent, c’est-à-dire dans les pays où ils ont déjà des proches ou dont ils maîtrisent la langue. Cela ne supprimerait pas les calculs d’apothicaires pour savoir si le fardeau de l’asile est bien réparti, mais cela simplifierait un peu la prise en charge: il faudrait bien sûr continuer à enregistrer les migrants, puis leur délivrer des papiers, les orienter dans la recherche d’un emploi selon leurs capacités et selon les besoins, les former, et bien évidemment renvoyer certains d’entre eux pour des raisons sécuritaires évidentes.</p><br><p>Et après? Arrivés légalement par voie aérienne, les migrants pourront repartir de la même façon à leur guise ou au bout de trois ans, d’autant plus qu’on leur aura contraint à alimenter un fond d’épargne-retour. Leurs documents de séjour ne devraient leur être renouvelés que sous condition (avoir appris la langue, ne plus dépendre de l’aide sociale, pas de casier judiciaire, etc. ). <br></p><br> <p>Grosso modo, notre droit d’asile date de la guerre froide. Il magnifie le dissident politique, il n’a pas vraiment été adapté pour gérer les flux des milliers de réfugiés fuyant la guerre et encore moins ceux des migrants fuyant la misère. Il est temps d’entreprendre une grande révision qui tienne compte des impératifs démographiques, de faire preuve de bon sens. Cessons le mauvais feuilleton des morts en Méditerranée. Laissons les monter dans des avions! <strong><br></strong></p><p></p><hr><p></p><p><strong>A lire aussi</strong></p><p><br></p><h2>Les ONG sont-elles responsables de la crise des migrants en Méditerranée? <br></h2><p><strong>par <a href="http://theconversation.com/les-ong-sont-elles-responsables-de-la-crise-des-migrants-en-mediterranee-79287?utm_medium=email&utm_campaign=The%20Conversation%20du%20week-end%20-%2076426005&utm_content=The%20Conversation%20du%20week-end%20-%2076426005+CID_0aaddb92adc175d69523dd84a47fe820&utm_source=campaign_monitor_fr&utm_term=Les%20ONG%20sont-elles%20responsables%20de%20la%20crise%20des%20migrants%20en%20Mditerrane">The Conversation</a></strong></p><br><p>Avec plus de 5 000 migrants morts en Méditerranée, l’année 2016 a été extrêmement meurtrière. Elle a dépassé l’année 2015 et ses 3 700 décès. Quant à 2017, depuis janvier, plus d’un millier de morts ont déjà été recensés.<br><br>Année après année, les mêmes dynamiques sont à l’œuvre: de nombreux migrants fuient les conflits et l’instabilité au Moyen-Orient et sur le continent africain et tentent de gagner l’Europe. Afin de déjouer les contrôles terrestres mis en place par les États européens, ils embarquent en Méditerranée sur des navires de fortune, souvent affrétés par des passeurs véreux, et prennent des risques qui font de ce voyage une question de vie ou de mort.<br><br>Ces tragédies ne sont pas nouvelles: les associations de défense de migrants ont commencé à compter ces morts dès les années 1990. 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En 2015, c’est l’association <em>Médecins sans frontières</em> (MSF) <a href="http://www.msf.fr/actualite/dossiers/operations-recherche-et-sauvetage-migrants-en-mediterranee">qui leur emboîte le pas</a>, suivie par <a href="http://www.savethechildren.org/site/apps/nlnet/content2.aspx?c=8rKLIXMGIpI4E&b=9357115&ct=14921495">Save The Children en 2016</a>. Dans toute l’Europe, des citoyens s’engagent en créant de nouvelles organisations, comme <em><a href="http://www.liberation.fr/france/2017/06/05/klaus-vogel-coeur-en-stock_1574681">SOS Méditerranée</a>, <a href="https://sea-watch.org/en/project/about-us/">Sea Watch</a>, <a href="http://www.lifeboatproject.eu/">Life Boat Project</a>, </em><a href="http://sea-eye.org/en/gorden-isler-ueberlebenskampf-auf-mission-6/">Sea Eye</a> ou <em><a href="https://jugendrettet.org/en/#news">Jugend Rettet</a> </em>en Allemagne; <em><a href="http://bootvluchteling.nl/en/">Boat Refugee</a></em> aux Pays-Bas et <em><a href="https://www.proactivaopenarms.org/en">Proactiva Open Arms</a></em> en Espagne. Ces initiatives sont essentiellement financées par des mécanismes de financement participatif.<br><br>La présence de ces différents acteurs a rendu l’organisation des sauvetages complexe. En effet, <a href="http://www.imo.org/en/About/Conventions/ListOfConventions/Pages/International-Convention-on-Maritime-Search-and-Rescue-(SAR).aspx">le droit de la mer</a> prévoyant que tout navire proche de la zone d’un bateau en détresse lui porte secours, ce sont les autorités maritimes compétentes qui coordonnent les opérations pour la zone concernée. En Méditerranée centrale, c’est le plus souvent <a href="http://www.guardiacostiera.gov.it/en">la Garde côtière italienne</a>, relevant du ministère des Transports, qui autorise les associations à intervenir. Dans les faits, il est fréquent que les associations repèrent un bateau en détresse et contactent elles-mêmes la Garde côtière.<br><br>Une fois les migrants secourus, les naufragés sont acheminés vers un port italien, sous l’autorité d’un autre ministère (l’Intérieur), qui décide de la destination, réceptionne les migrants et les conduit vers des «<a href="https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/background-information/docs/2_hotspots_fr.pdf">hotspots</a>» – des centres d’accueil mis en place par l’Union européenne.</p><h3>Les ONG, complices des passeurs?<br></h3><p>En Italie, l’intervention des ONG dans les opérations de sauvetage fait polémique. En décembre 2016, <a href="https://www.ft.com/content/3e6b6450-c1f7-11e6-9bca-2b93a6856354">le Financial Times mettait en lumière l’irritation de Frontex</a>: l’agence européenne de contrôle des frontières est en effet réticente aux opérations de sauvetage en mer qui, selon elle, créent un appel d’air en faisant croire aux migrants qu’il suffit de prendre la mer pour être secourus et transportés en Europe.<br><br>Selon le quotidien britannique, Frontex disposerait de preuves selon lesquelles les associations seraient en contact avec des passeurs et les dirigeraient vers les zones où les migrants ont le plus de chance d’être secourus. Dit autrement, les associations seraient complices des passeurs, et coupables, comme eux, du <a href="http://www.la-croix.com/France/Immigration/Laide-migrants-constitue-elle-delit-2017-01-04-1200814589">délit d’aide à l’immigration irrégulière</a>.<br><br>Ces faits ont conduit la justice italienne à ouvrir <a href="https://www.letemps.ch/monde/2017/05/14/ong-accusees-complicite-passeurs-mediterranee">une enquête</a>. Le Sénat a créé une Commission d’enquête parlementaire qui, en mai 2017, a conclu au fait que <a href="http://www.repubblica.it/cronaca/2017/05/16/news/migranti_commissione_difesa_stop_a_corridoi_ong-165587838/">les ONG constituaient un facteur d’attraction</a> («pull factor») et qu’elles devraient davantage coopérer avec les opérations de police en mer. Le procureur de Catane a toutefois déclaré <a href="http://www.reuters.com/article/us-europe-migrants-italy-ngo-idUSKBN17Z260">ne pas disposer de preuve à ce sujet</a>. Le gouvernement italien, lui, est partagé: tandis que le ministre des Affaires étrangères accuse les ONG, le chef du gouvernement remercie les secouristes pour leur aide. Quant à la Garde côtière, mise en cause, elle défend une action «politiquement neutre» en mer.<br><br>Les agences internationales se sont également positionnées. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés <a href="http://www.huffingtonpost.it/2017/05/01/lonu-difende-le-ong-internazionali-amin-awad-unhcr-se-aves_a_22063194/">défend les ONG</a>, alors que <a href="http://www.rainews.it/dl/rainews/articoli/migranti-frontex-trafficanti-sfruttano-obbligo-slavataggio-55d0f020-dc9c-431b-85b2-e1d32ed5ec52.html">l’Organisation internationale pour les migrations</a> soutient, en partie, les arguments de Frontex, tout en soulignant l’importance de sauver les vies en Méditerranée.</p><h3>Sauver des vies ou contrôler l’immigration?<br></h3><p>C’est dans ce contexte qu’a été publié, le 9 juin 2017, <a href="https://blamingtherescuers.org/">le rapport «Blaming the rescuers»</a> des chercheurs Charles Heller et Lorenzo Pezzani. Sur la base de données empiriques, ce rapport conteste les accusations de Frontex et rappelle que l’agence reprochait déjà à l’opération «Mare Nostrum» de favoriser l’immigration irrégulière.<br><br>Or, loin de diminuer le nombre de morts, la fin de cette opération avait au contraire conduit à une augmentation de ces décès. Dans <a href="https://deathbyrescue.org/">un précédent rapport</a>, intitulé «Death by Rescue» et publié en 2016, les mêmes chercheurs avaient mesuré la mortalité liée aux traversées de la Méditerranée, en comparant le nombre de morts en mer aux nombres d’arrivées en Europe, et démontré qu’il était beaucoup plus dangereux de migrer sous Triton que sous «Mare Nostrum».<br><br>La présence de sauveteurs n’accroît donc pas la mortalité; c’est l’absence d’opération de sauvetage qui augmente le nombre de morts et le risque de décès lors de la traversée. Ces rapports accusent donc Frontex d’avoir, en conscience de cause, mis fin à l’opération «Mare Nostrum» alors que cette dernière sauvait des vies, et de récidiver aujourd’hui, en voulant se débarrasser des ONG malgré les risques que leur départ ferait peser sur les migrants.<br><br>Ces débats témoignent des contradictions des politiques migratoires européennes, qui créent un «effet prohibition»: l’impossibilité de se procurer légalement un bien (l’accès au territoire européen en l’occurrence) favorise un marché noir, plus dangereux, dans lequel prospèrent toutes sortes d’intermédiaires plus ou moins scrupuleux. Le renforcement du contrôle aux frontières, notamment terrestres, se solde mécaniquement par <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20170418-migrants-plus-europe-hausse-le-ton-plus-le-marche-favorise-passeurs">une augmentation des prises de risques en mer</a>et donc par une augmentation du nombre de morts. 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Ce qui est nouveau, en revanche, c’est l’application d’un tel raisonnement à un domaine régalien, jusque-là réservé à l’Etat.<br><br>Dans une certaine mesure, la crise actuelle en Méditerranée permet aux ONG de remettre en cause le monopole étatique du contrôle des frontières. On conçoit que cela provoque des résistances. Mais s’ils souhaitent défendre leur monopole, les États devront trouver d’autres arguments que ceux, peu convaincants, mis en avant par Frontex.<br><br>Une plus grande solidarité européenne permettrait d’éviter des situations comme celle qui a conduit à la fin de «Mare Nostrum». En vertu des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8glement_Dublin_II">accords de Dublin</a>, des pays comme la Grèce ou l’Italie sont systématiquement en première ligne – ce qui n’est ni juste, ni tenable. 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Nous en sommes à la 4<sup>e</sup> saison, bien que le scénario ne varie guère même si en 2014, c’est la mer Egée plutôt que le détroit de Sicile qui a servi de décor: de pauvres gens tentent de traverser un bout de Méditerranée pour se bâtir un avenir meilleur en Europe, plus de 77 000 depuis le début de l'année.</p><br><p>Cela vous choque que l’on parle de drames humains comme d’une série américaine? Tant mieux, si cela vous choque encore. Ces images sur écran sont devenues tellement habituelles qu’on peut raisonnablement douter qu’elles aient encore de l’effet. Rentrez vos mouchoirs. Il y a un moyen très simple pour éviter ce spectacle désolant: laissons venir les migrants par avion. Ainsi, ils arriveront dans le pays de leur choix et le regroupement familial sera favorisé. Surtout, on cassera le business des passeurs dans le Sahara et en Méditerranée. Et l’on s’épargnera les millions d’euros dépensés dans des sauvetages périlleux, ou plutôt, on les utilisera plus intelligemment dans l’accueil des migrants à proximité des aéroports, puis dans leur orientation et leur intégration. <br></p><h3>Deux solutions: les murs ou l'eau<br></h3><p> Ne me jetez pas à la figure que «nous n’avons pas vocation à accueillir toute la misère du monde». D’abord, cette citation de feu Michel Rocard est tronquée. L’ancien premier ministre ajoutait en 1989 que «La France devait en prendre sa part» . Ensuite, tous ceux que la volonté de Donald Trump de construire un mur à la frontière mexicaine indigne devraient se montrer conséquents. En matière de défense contre ceux que l’on considère comme des «envahisseurs», il y a deux solutions: les murs ou l’eau. Le Detroit de Sicile est une sorte de grande douve, un profond gouffre dans lequel, depuis le début de cette année, 1828 personnes au moins ce sont noyées (L’OIM, l’organisation internationale pour les migrations tient <a href="https://www.iom.int/fr">un décompte mis à jour quotidiennement</a>). Regardons la réalité en face, et tâchons de faire mieux. <br></p><br><p>Réfugiés syriens ou migrants de la misère, les requérants d’asile quels qu’ils soient, n’ont pas le droit de monter dans un avion sans document les autorisant à séjourner dans le pays de destination. Une directive européenne de 2001 rend responsables des coûts de rapatriement les compagnies qui se risqueraient à accepter à bord des passagers sans visa. La bureaucratie a bien fait les choses, les ambassades européennes – Suisse comprise – ont cessé de délivrer de tels papiers. Pour entrer en Europe quand on n'y vient pas pour affaire ou en touriste mais y chercher avenir et protection, il faut donc se présenter physiquement à l’une de ses frontières. <br></p><br><p>Ré-autoriser l’arrivée par avion, une mesure simple, sauverait des milliers de vie. Les prix des billets sont bien inférieurs à ceux pratiqués par les passeurs. Plus sûr, le débarquement par avion mettrait fin à une autre absurdité bureaucratique. On sait que les Européens peinent à se répartir équitablement les migrants. Certains s’accrochent au «régime Dublin», donnant la responsabilité aux pays de premier accueil de statuer sur les demandes. Ainsi, l’Italie et la Grèce, de part leur position géographique, auraient plus vocation que d’autres nations à faire face, seules, à ces vagues humaines. C’est d’une lâcheté que l’on ne pensait plus revoir sur un continent qui s’est doté d’une charte pour éviter de tels regards détournés. <br></p><h3>Un droit d'asile qui date de la guerre froide</h3><p>En avion, les migrants arriveraient là où ils le souhaitent, c’est-à-dire dans les pays où ils ont déjà des proches ou dont ils maîtrisent la langue. Cela ne supprimerait pas les calculs d’apothicaires pour savoir si le fardeau de l’asile est bien réparti, mais cela simplifierait un peu la prise en charge: il faudrait bien sûr continuer à enregistrer les migrants, puis leur délivrer des papiers, les orienter dans la recherche d’un emploi selon leurs capacités et selon les besoins, les former, et bien évidemment renvoyer certains d’entre eux pour des raisons sécuritaires évidentes.</p><br><p>Et après? Arrivés légalement par voie aérienne, les migrants pourront repartir de la même façon à leur guise ou au bout de trois ans, d’autant plus qu’on leur aura contraint à alimenter un fond d’épargne-retour. Leurs documents de séjour ne devraient leur être renouvelés que sous condition (avoir appris la langue, ne plus dépendre de l’aide sociale, pas de casier judiciaire, etc. ). <br></p><br> <p>Grosso modo, notre droit d’asile date de la guerre froide. Il magnifie le dissident politique, il n’a pas vraiment été adapté pour gérer les flux des milliers de réfugiés fuyant la guerre et encore moins ceux des migrants fuyant la misère. Il est temps d’entreprendre une grande révision qui tienne compte des impératifs démographiques, de faire preuve de bon sens. Cessons le mauvais feuilleton des morts en Méditerranée. Laissons les monter dans des avions! <strong><br></strong></p><p></p><hr><p></p><p><strong>A lire aussi</strong></p><p><br></p><h2>Les ONG sont-elles responsables de la crise des migrants en Méditerranée? <br></h2><p><strong>par <a href="http://theconversation.com/les-ong-sont-elles-responsables-de-la-crise-des-migrants-en-mediterranee-79287?utm_medium=email&utm_campaign=The%20Conversation%20du%20week-end%20-%2076426005&utm_content=The%20Conversation%20du%20week-end%20-%2076426005+CID_0aaddb92adc175d69523dd84a47fe820&utm_source=campaign_monitor_fr&utm_term=Les%20ONG%20sont-elles%20responsables%20de%20la%20crise%20des%20migrants%20en%20Mditerrane">The Conversation</a></strong></p><br><p>Avec plus de 5 000 migrants morts en Méditerranée, l’année 2016 a été extrêmement meurtrière. Elle a dépassé l’année 2015 et ses 3 700 décès. Quant à 2017, depuis janvier, plus d’un millier de morts ont déjà été recensés.<br><br>Année après année, les mêmes dynamiques sont à l’œuvre: de nombreux migrants fuient les conflits et l’instabilité au Moyen-Orient et sur le continent africain et tentent de gagner l’Europe. Afin de déjouer les contrôles terrestres mis en place par les États européens, ils embarquent en Méditerranée sur des navires de fortune, souvent affrétés par des passeurs véreux, et prennent des risques qui font de ce voyage une question de vie ou de mort.<br><br>Ces tragédies ne sont pas nouvelles: les associations de défense de migrants ont commencé à compter ces morts dès les années 1990. Mais les associations ne se contentent plus de répertorier ces décès, elles interviennent directement en mer pour porter secours aux migrants.<br><br>Tout commence en 2014: <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/20/migrants-en-mediterranee-qu-est-ce-que-l-operation-triton_4619129_4355770.html">l’opération militaire et humanitaire «Mare Nostrum»</a> de la Marine italienne est interrompue; son coût est trop élevé pour le gouvernement italien, qui n’est pas parvenu à convaincre ses partenaires européens de s’engager eux aussi. Elle est remplacée par l’opération Triton, financée par <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/frontex_fr">l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex)</a>. Mais les ONG craignent que cela ne provoque la mort de milliers de migrants: Triton est en effet doté de moyens inférieurs à Mare Nostrum et n’opère que sur une petite partie des eaux concernées par les naufrages; surtout, <a href="http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/04/21/ue-quels-moyens-pour-le-sauvetage-des-migrants-en-mediterranee_4906599_3214.html">Triton est avant tout conçue pour contrôler les frontières,</a> plutôt que pour sauver des vies.</p><h3>Des sauvetages complexes à organiser<br></h3><p>Créée à l’initiative d’un couple de millionnaires italo-américain, <a href="https://www.moas.eu/central-mediterranean/">la Migrant Offshore Aid Station (MOAS)</a> a été la première organisation privée à avoir affrété un bateau. En 2015, c’est l’association <em>Médecins sans frontières</em> (MSF) <a href="http://www.msf.fr/actualite/dossiers/operations-recherche-et-sauvetage-migrants-en-mediterranee">qui leur emboîte le pas</a>, suivie par <a href="http://www.savethechildren.org/site/apps/nlnet/content2.aspx?c=8rKLIXMGIpI4E&b=9357115&ct=14921495">Save The Children en 2016</a>. Dans toute l’Europe, des citoyens s’engagent en créant de nouvelles organisations, comme <em><a href="http://www.liberation.fr/france/2017/06/05/klaus-vogel-coeur-en-stock_1574681">SOS Méditerranée</a>, <a href="https://sea-watch.org/en/project/about-us/">Sea Watch</a>, <a href="http://www.lifeboatproject.eu/">Life Boat Project</a>, </em><a href="http://sea-eye.org/en/gorden-isler-ueberlebenskampf-auf-mission-6/">Sea Eye</a> ou <em><a href="https://jugendrettet.org/en/#news">Jugend Rettet</a> </em>en Allemagne; <em><a href="http://bootvluchteling.nl/en/">Boat Refugee</a></em> aux Pays-Bas et <em><a href="https://www.proactivaopenarms.org/en">Proactiva Open Arms</a></em> en Espagne. Ces initiatives sont essentiellement financées par des mécanismes de financement participatif.<br><br>La présence de ces différents acteurs a rendu l’organisation des sauvetages complexe. En effet, <a href="http://www.imo.org/en/About/Conventions/ListOfConventions/Pages/International-Convention-on-Maritime-Search-and-Rescue-(SAR).aspx">le droit de la mer</a> prévoyant que tout navire proche de la zone d’un bateau en détresse lui porte secours, ce sont les autorités maritimes compétentes qui coordonnent les opérations pour la zone concernée. En Méditerranée centrale, c’est le plus souvent <a href="http://www.guardiacostiera.gov.it/en">la Garde côtière italienne</a>, relevant du ministère des Transports, qui autorise les associations à intervenir. 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En décembre 2016, <a href="https://www.ft.com/content/3e6b6450-c1f7-11e6-9bca-2b93a6856354">le Financial Times mettait en lumière l’irritation de Frontex</a>: l’agence européenne de contrôle des frontières est en effet réticente aux opérations de sauvetage en mer qui, selon elle, créent un appel d’air en faisant croire aux migrants qu’il suffit de prendre la mer pour être secourus et transportés en Europe.<br><br>Selon le quotidien britannique, Frontex disposerait de preuves selon lesquelles les associations seraient en contact avec des passeurs et les dirigeraient vers les zones où les migrants ont le plus de chance d’être secourus. Dit autrement, les associations seraient complices des passeurs, et coupables, comme eux, du <a href="http://www.la-croix.com/France/Immigration/Laide-migrants-constitue-elle-delit-2017-01-04-1200814589">délit d’aide à l’immigration irrégulière</a>.<br><br>Ces faits ont conduit la justice italienne à ouvrir <a href="https://www.letemps.ch/monde/2017/05/14/ong-accusees-complicite-passeurs-mediterranee">une enquête</a>. Le Sénat a créé une Commission d’enquête parlementaire qui, en mai 2017, a conclu au fait que <a href="http://www.repubblica.it/cronaca/2017/05/16/news/migranti_commissione_difesa_stop_a_corridoi_ong-165587838/">les ONG constituaient un facteur d’attraction</a> («pull factor») et qu’elles devraient davantage coopérer avec les opérations de police en mer. Le procureur de Catane a toutefois déclaré <a href="http://www.reuters.com/article/us-europe-migrants-italy-ngo-idUSKBN17Z260">ne pas disposer de preuve à ce sujet</a>. Le gouvernement italien, lui, est partagé: tandis que le ministre des Affaires étrangères accuse les ONG, le chef du gouvernement remercie les secouristes pour leur aide. Quant à la Garde côtière, mise en cause, elle défend une action «politiquement neutre» en mer.<br><br>Les agences internationales se sont également positionnées. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés <a href="http://www.huffingtonpost.it/2017/05/01/lonu-difende-le-ong-internazionali-amin-awad-unhcr-se-aves_a_22063194/">défend les ONG</a>, alors que <a href="http://www.rainews.it/dl/rainews/articoli/migranti-frontex-trafficanti-sfruttano-obbligo-slavataggio-55d0f020-dc9c-431b-85b2-e1d32ed5ec52.html">l’Organisation internationale pour les migrations</a> soutient, en partie, les arguments de Frontex, tout en soulignant l’importance de sauver les vies en Méditerranée.</p><h3>Sauver des vies ou contrôler l’immigration?<br></h3><p>C’est dans ce contexte qu’a été publié, le 9 juin 2017, <a href="https://blamingtherescuers.org/">le rapport «Blaming the rescuers»</a> des chercheurs Charles Heller et Lorenzo Pezzani. 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Les lobbies économiques ont mobilisé les entrepreneurs, les syndicats ont parlé à leurs adhérents, les milieux académiques et scientifiques sont sortis de leur tour d’ivoire, Opération libero et le Nouveau Mouvement européen suisse ont mené des campagnes de conviction.</p> <p>Vingt ans après le scrutin qui l’a intronisée, la voie des accords bilatéraux avec l’Union européenne est confirmée, alors qu’elle a été l’objet d’un pilonnage continu de la part des blochériens. Tout et son contraire ont été reproché à ce système pragmatique de gestion de nos relations avec les 27 membres de l’Union. 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Que ce mésusage de la démocratie directe perturbe notre agenda diplomatique et comprime la réflexion des autres partis sur les objectifs et les moyens de notre politique étrangère, le premier parti de Suisse, nanti de deux conseillers fédéraux, s’en fiche éperdument. 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Au lieu de considérer avec sérénité la prochaine étape, les présidents de partis et les partenaires sociaux rivalisent de mots graves et accablants pour enterrer la ratification de l’accord-cadre négocié pendant 5 ans et en attente de paraphe depuis décembre 2018. Ces gens-là se sont battus comme des lions pour empêcher l’UDC de dynamiter le pont bilatéral, et maintenant ce sont eux qui vont poser leurs propres mines.</span></p> <h3><strong>Jalousie, arrogance et fatalisme</strong></h3> <p>Comment en est-on arrivé à une telle absurdité? Depuis la fin des années 1990, la Suisse appréhende le dossier de ses relations avec une communauté européenne en constant développement par un mélange de jalousie, d’arrogance et de fatalisme.</p> <p>La jalousie se manifeste dans l’obsession, qui détermine toute sa stratégie de politique économique extérieure, de ne pas être discriminée par rapport à ses principaux concurrents, de mieux en mieux organisés sur le plan économique. La Confédération ne veut pas être membre du club, mais elle veut pouvoir utiliser toutes ses commodités.</p> <p>L’arrogance tient dans la conviction d’une bonne partie des Suisses qu’ils pourraient se passer sans trop de dommages de relations privilégiées avec les Européens. Le mythe d’une Suisse splendidement indépendante carbure à plein régime, générant les succès électoraux de l’UDC, au mépris de notre histoire réelle: de 1291 à nos jours, les Confédérés doivent leur prospérité aux échanges économiques, militaires et culturels avec leurs voisins.</p> <p>Un fatalisme désabusé s’est installé dans maintes têtes: l’UE nous est indispensable, mais elle passe son temps à nous torturer avec ses exigences sans la moindre considération pour notre souveraineté nationale. Nombre de bilatéralistes aimeraient pouvoir appuyer sur le bouton pause, alors que l’UE ne cesse d’agrandir ses domaines d’activités.</p> <h3><strong>Le bon élève muet</strong></h3> <p>Notre culture politique étant également empreinte d’une solide dose de pragmatisme la doctrine de notre attitude face aux Européens fut ainsi résumée par Franz Blankart, alors Secrétaire d’Etat chargé de négocier l’accord sur l’Espace économique européen: «être en position d’adhérer pour ne pas avoir à le faire». Le masochisme du bon élève, en quelques sortes: être prêt à répondre, mais ne jamais prendre la parole pour donner son point de vue.</p> <h3><strong>Un objectif, une option et puis plus rien du tout...</strong></h3> <p>Justement, la discussion sur les avantages d’une adhésion à l’Union européenne a été liquidée par les partis politiques, dès les bilatérales lancées au tournant des années 2000. Les bénéfices d’une adhésion ne sont même plus analysés dans les rapports du Département fédéral des affaires étrangères, alors que l’Union a aimanté presque tous les pays de notre continent. L’adhésion fut pourtant «l’objectif» de notre politique d’intégration, puis reléguée sous l’influence de l’UDC au rang d’option, puis plus rien du tout. Même pas un souvenir dans la tête des conseillers fédéraux en place. Pour parler de la solution de l’adhésion de la Suisse à l’UE, nos ministres attendent d’être à la retraite. Tout comme la plupart des diplomates qui se sont occupés du dossier.</p> <h3><strong>La surenchère étonnée </strong></h3> <p>À la lumière de ce non-dit, face à ce trou noir, l’accord-cadre, dotant les accords bilatéraux d’un mécanisme de règlement des différences d’interprétation du droit européen repris par la Suisse, devrait être considéré comme la solution miracle, épargnant aux partis politiques et au gouvernement toute réflexion sur une solution plus ambitieuse. Mais non. Le président du PDC, Gerhard Pfister, fait mine de découvrir que le Conseil fédéral injecte du droit européen dans les lois suisses chaque semaine, et que la Cour de justice de l’Union européenne étant <em>in fine</em> la garante de l’application du droit européen, la Suisse ne peut prétendre à l’interpréter pour elle-même.</p> <p>A gauche, la surenchère étonnée est également surjouée. On fait mine de croire que la lutte contre le dumping salarial ne peut être réalisée que par Bruxelles, alors que partenaires sociaux, cantons et Confédération peuvent demain matin décider ensemble de mieux contrôler les chantiers et les conditions des travailleurs détachés. 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La panoplie juridico-commerciale de l’UE prévoit pour les non-membres un partenariat rapproché au sein de l’Espace économique européen (refusé par nous en 1992), ou le statut d’état tiers, bien moins avantageux économiquement que nos accords bilatéraux. Renoncer à l’accord-cadre, c’est renoncer à ce statut d’exception. La probabilité que l’UE nous en concède un meilleur relève de l’utopie, surtout dans le contexte du Brexit. </p> <p>Dans la définition de sa politique européenne, le Conseil fédéral a toujours un peu peur de son ombre. Il a tendance à jouer la montre. Accueillant avec satisfaction le vote du 27 septembre, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a ainsi pris soin d’indiquer qu’elle était disponible pour des éclaircissements sur la portée de l’accord-cadre négocié, mais qu’elle s’attendait à ce que le Conseil fédéral entame sa ratification «rapidement».</p> <h3><strong>Expliciter le contenu</strong></h3> <p>Notre gouvernement devrait donc sans tarder présenter et expliciter le contenu de l’accord-cadre. On ose espérer qu’il a utilisé les derniers mois pour obtenir de Bruxelles les clarifications sur les points litigieux, tout en les gardant secrètes afin de ne pas perturber la campagne de votation du 27 septembre.</p> <p>Les trois autres options qui s’offrent au Conseil fédéral ne sont guère réalistes. Laisser tomber l’accord-cadre est une option idiote. Cela reviendrait à enterrer la voie bilatérale alors qu’elle vient d’être sauvée par le peuple et les cantons. Laisser pourrir la mise à jour des accords actuels, bloquée par la non ratification de l’accord-cadre, ne serait pas très intelligent au moment où l’économie suisse a besoin des meilleures conditions possibles pour faire face aux conséquences de la pandémie. Demander à renégocier représente une option hautement improbable, maintes fois exclue par la Commission. Mais entre renégociation formelle et éclaircissements politiques, il y a peut-être une petite marge pour permettre à tous les interlocuteurs de sauver la face.</p> <p>Comme souvent quand une crise semble insurmontable, il faut envisager une sortie par le haut, ambitieuse et courageuse. 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Après tout, l'unanimité des prises de position contre le texte de l'UDC de la part notamment des milieux économiques, syndicaux, académiques, de la recherche, ou encore des cantons, signale, par delà toute considération politique, la vacuité et l'irréalisme de la proposition. </p> <hr /> <p style="text-align: center;"><strong>Lire aussi</strong>: <a href="https://bonpourlatete.com/analyses/un-president-et-quelques-points-d-interrogation" target="_blank" rel="noopener"><em>Un président et quelques points d'interrogation</em></a></p> <hr /> <p>En général, lorsqu’une initiative est soumise au jugement du peuple suisse, il appartient aux initiants de prouver que leur idée tient la route, et qu’il vaut la peine de tout renverser. Or, chaque fois que nous votons sur une problématique européenne, ce sont les partisans des accords bilatéraux qui sont acculés à défendre la situation actuelle, alors que les auteurs de l’initiative sont traités comme de doux contestataires, dont les agissements seraient sans conséquences.</p> <p>Par exemple, l’UDC ne nous dit pas comment elle entend que le gouvernement agisse diplomatiquement avec nos partenaires européens. Bien que disposant de deux élus au Conseil fédéral, elle s’est bien gardée de revendiquer la direction du Département fédéral des affaires étrangères, lors des récentes rocades. Pourtant, en cas de oui le 27 septembre, ne vaudrait-il pas mieux que Guy Parmelin ou Ueli Maurer aillent «renégocier» avec l’Union européenne, puisque leur parti pense que ce serait tellement simple et facile?</p> <p>L’UDC ne nous indique pas non plus quel solde migratoire serait acceptable pour elle, ni quel taux de croissance supérieur ou taux de chômage inférieur aux actuels nous pourrions espérer en cas de oui.</p> <h3>Croissance en berne</h3> <p>Dans leur argumentaire, les partisans de l’initiative dite «de limitation» minimisent les conséquences de la résiliation des accords bilatéraux, liés par la clause guillotine. Ils avancent que «la catastrophe prévue n’a pas eu lieu» après le fameux non à l’EEE de 1992. Ce faisant, ils omettent de préciser que:</p> <p><strong>1.</strong> les années qui suivirent la croissance suisse fut en berne, et qu’elle est repartie à la hausse grâce à l’entrée en vigueur des accords bilatéraux;</p> <p><strong>2.</strong> les autres pays de taille similaire à la nôtre englobés dans l’EEE (par exemple l’Autriche) ont connu une croissance supérieure;</p> <p><strong>3.</strong> l’écart de croissance entre eux et nous ne s’est jamais comblé.</p> <p>Ils font comme si le Conseil fédéral n’avait pas agi et signé, après des négociations difficiles, deux paquets d’accords bilatéraux avec l’Union européenne, qui nous ont permis grosso modo d’obtenir les mêmes avantages que ceux promis par l’EEE.</p> <h3>Accord de libre-échange insuffisant</h3> <p>Visant la suppression de la libre-circulation des personnes (LCP) avec l’UE, les partisans du texte de l’UDC vont jusqu’à prétendre que la Suisse peut se passer des autres accords bilatéraux, dont la valeur pour les entreprises serait surestimée. Là encore, leur trou de mémoire est béant. La Suisse a vécu dans les années 1990 sans accords bilatéraux avec l’UE, sous le toit du seul accord de libre-échange signé en 1972 avec les Communautés européennes (et que l’UDC cite aussi beaucoup). Mais la situation a été jugée insatisfaisante par les milieux économiques, car depuis 1972, les flux économiques se sont beaucoup modifiés. Les accords bilatéraux ont été voulus par la Suisse et négociés pour nous mettre sur un pied d’égalité avec nos concurrents européens. Ils sont le plan B, imaginé après le refus de l'EEE. </p> <h3>S'infliger une double peine?</h3> <p>Les partisans de l’initiative ne prennent pas non plus en compte les chaînes de valeur qui se sont créées <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/quand-guy-parmelin-voudra-bien-nous-parler-de-notre-principal-marche" target="_blank" rel="noopener">au sein du marché européen</a>, c’est-à-dire la part et le rôle des sous-traitants. Une automobile allemande comprend des pièces usinées en Italie, en Suisse,... et dans cette chaîne, il est crucial que les produits puissent passer les frontières sans obstacles. Sinon, l’entreprise en bout de chaîne se choisira d’autres sous-traitants. L’industrie suisse d’exportation subit déjà le poids du franc fort, pas sûr qu’il soit malin de lui infliger une «double peine» en faisant sauter l’accord sur la reconnaissance mutuelle des produits et en lui infligeant des complications et de la paperasserie supplémentaire.</p> <p>Un des gros problèmes des partisans du texte de l’UDC est que la Suisse jouit en comparaison internationale d’une prospérité inouïe (en tout cas jusqu’à la pandémie du COVID19). Pourquoi changer les paramètres d’une économie qui gagne, placée dans le peloton des nations les plus innovantes?</p> <p>Les initiants nous racontent donc que cette prospérité n’est pas partagée par tous, que la libre-circulation des personnes ne bénéficie pas aux catégories les plus précaires de la population. Il est vrai que la croissance du PIB par habitant n’est pas au mieux de sa forme depuis 2007, mais cela est dû aux effets de la crise financière de 2008 pas à la LCP ou à l’UE.</p> <p>Surtout, si l’UDC veut se focaliser sur le pouvoir d’achat des plus faibles, beaucoup d’autres leviers existent, plus efficaces, que le bouleversement des conditions-cadre qui nous lient à nos principaux partenaires commerciaux. On pourrait agir sur les primes d’assurance-maladie, la politique salariale, la fiscalité,… Autant de domaines où le premier parti de Suisse se distingue par son refus de toute mesure sociale.</p> <h3>La neutralité économique? Du vent</h3> <p>Pour convaincre, nos isolationnistes essayent également d’élargir la focale et de nous abstraire d’un continent dont nous sommes le centre géographique: la Suisse devrait, selon eux, privilégier le multilatéralisme et viser la neutralité économique. Ils font semblant d’ignorer que le système multilatéral est en panne, grippé par un Donald Trump qu’ils trouvent par ailleurs formidable. Il convient de leur rappeler que même quand le système multilatéral fonctionnait bien, dans les années qui ont suivi la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994, la Suisse a éprouvé le besoin d’avoir des accords bilatéraux privilégiés avec l’UE.</p> <p>Quant à la neutralité économique, ça n’existe pas, ça n’a jamais existé, même pendant les guerres (chaudes ou froides) où la Suisse la proclamait haut et fort. Au surplus, cette posture fait fi de toute préoccupation éthique (ce qui compterait, c’est de commercer et pour le reste, <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/les-bons-amis-suisses-d-alexandre-loukachenko" target="_blank" rel="noopener">on fermerait les yeux</a>), une posture qui ne cadre guère avec notre rôle traditionnel de garant du droit humanitaire.</p> <p>Dans le déboulonnage de l’UE, certains partisans de l’initiative de l’UDC enjoignent la Confédération de prendre ses distances avec une Union sous la coupe du couple franco-allemand. D’abord, il ne faut pas confondre pouvoir d'impulsion du couple franco-allemand avec domination. Les décisions sur le récent plan de relance européen montrent que parmi les 27, chaque pays compte et possède une sorte de droit de veto. Une UE où seuls les Allemands et les Français dirigeraient ne connaîtrait pas les débats et les tensions actuelles. Ces tensions démontrent <em>a contrario</em> que, malgré toutes les critiques, l'UE est un ensemble démocratique où l'on débat des solutions et où on fait des compromis. Enfin, toute notre histoire a été influencée par celle de nos deux plus puissants voisins. Imaginer réduire leur influence sur notre destin national est aussi irréaliste que présomptueux.</p> <h3>Fausse histoire</h3> <p>Derrière ces arguments qui tournent en boucle, il n’y a aucune alternative crédible.</p> <p>L’UDC isolée nous ressasse toujours la même fausse histoire, celle d’un pays envahi et menacé, alors que notre paix sociale, notre stabilité politique et notre prospérité sont enviées. </p> <p>Elle se veut le parti de l’économie, mais l’économie combat de toutes ses forces son initiative.</p> <p>Elle prétend défendre les travailleurs, mais elle ne vote jamais pour de meilleurs contrôles des abus.</p> <p>Elle prétend défendre les chômeurs, mais elle fait tout pour réduire l’aide sociale.</p> <p>Elle prétend vouloir protéger notre patrimoine naturel, mais elle réfute toute politique contre les effets du réchauffement climatique.</p> <p>Elle prétend que l’on pourra renégocier sans soucis, alors que la puissante Grande-Bretagne avec des revendications du même ordre n’a encore rien obtenu d’avantageux.</p> <p>Elle diabolise l'UE, alors qu'il s'agit de notre meilleur rempart contre l'arbitraire des Chinois ou des Américains. </p> <p>Elle adopte une posture de pseudo défense de notre indépendance, alors que son inspirateur Christoph Blocher vise avant tout un affaiblissement de l’Etat, quel qu’il soit, pour mener ses affaires à sa guise, et engranger un maximum de profits.</p> <p>Avec son initiative dite de limitation, l’UDC ne nous offre aucune perspective autre que celle fumeuse des Brexiteurs, qui promettaient de «reprendre le contrôle» et qui depuis quatre ans n’ont repris le contrôle de rien du tout et n’ont su semer qu’une déconcertante incertitude. Désormais, plus de 57% des Britanniques indiquent vouloir rester dans l’Union européenne…</p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'derriere-le-blabla-habituel-de-l-udc', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 766, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2518, 'homepage_order' => (int) 2808, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => '', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 52, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 2538, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => 'HIGHT', 'readed' => null, 'subhead' => 'ANALYSE / Italie', 'title' => 'Quand les populistes s'en prennent à la démocratie représentative', 'subtitle' => 'Les Italiens votent dans un mois sur la proposition de réduire d'un tiers le nombre de leurs parlementaires. Cette réforme constitutionnelle émane des populistes du Mouvement 5 étoiles, naguère antisystème, aujourd'hui prêts à tout pour rester au pouvoir. Analyse d'une dangereuse embrouille dont les opposants peinent à être entendus.', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>L’Italie vit un moment paradoxal. Dans un mois, les citoyens sont appelés à se prononcer sur un référendum constitutionnel taillant un tiers des effectifs des parlementaires, une vieille revendication du Mouvement 5 étoiles au pouvoir. Dans le même temps, au terme de deux ans de gouvernement, le Mouvement antisystème se fond chaque jour un peu plus dans le «système» jadis honni, adoptant les codes et les comportements des autres formations politiques. A l’approche de nouvelles échéances électorales régionales et communales, les 5 étoiles ont voté l’abolition de la limite à deux mandats pour leurs élus. Et pour rester au pouvoir, le Mouvement fondé par Beppe Grillo − qui a insulté le Parti démocrate pendant des années − s’est dit prêt à consolider dans la durée l’alliance avec ce même parti (ce qui ne va pas sans créer des tensions au sein de la gauche et de manière plus générale dans le camp des réformistes). La plateforme de vote interne «Rousseau» a entériné ces deux spectaculaires retournements de veste la semaine dernière.</p> <p>L’issue du scrutin des 20 et 21 septembre sur la réduction d’un tiers du parlement paraît jouée d’avance. La classe politique italienne n’est pas très populaire, les citoyens lui reprochent non sans raisons de se donner en spectacle, de se perdre dans les petits jeux politiciens et clientélistes, de jouir de privilèges indus et d’être globalement inefficace. Il est proposé que la chambre passe de 630 à 400 députés et le sénat de 315 à 200. Au passage, les Italiens de l’étranger perdraient la moitié de leurs représentants (plus que 6 députés contre 12 actuellement et 4 sénateurs contre 8).</p> <h3><strong>Le non des sardines</strong></h3> <p>Les sondages donnent le oui gagnant, mais l’opposition à cette réforme relève la tête. Le jeune Mouvement des sardines, fer de lance de l’opposition à la Ligue de Matteo Salvini, apparu l’automne dernier à Bologne, vient de se déclarer contre la coupe. Europa più, le parti d’Emma Bonino, figure historique de la lutte pour les droits politiques, conteste aussi la proposition. Au sein du Parti démocrate, qui l’a votée au parlement, de plus en plus de dissidents donnent de la voix. Ce combat, disent-ils, n’est pas le leur, mais celui des 5 étoiles. Dans l’accord de gouvernement, scellé il y a un an, il était prévu d’accompagner ce changement d’une nouvelle loi électorale, or celle-ci n’est pas sur la table. Difficile dans ces conditions de simuler les conséquences concrètes de la réforme, notamment sur les petits partis. </p> <h3><strong>Pluralisme menacé</strong></h3> <p>Mais au-delà des calculs pour savoir à qui profiterait le changement émergent de vraies objections. En supprimant un tiers de leurs parlementaires, les Italiens se priveraient de représentants à un moment où justement le peuple se plaint de ne pas être écouté. Le fossé se creuserait. Le pluralisme serait menacé. Les minorités auraient moins de chance de se faire entendre, ce qui n’est jamais bon signe en démocratie. Actuellement, un député à la chambre représente en moyenne 90 000 citoyens, et un sénateur 190 000. Si le oui s’impose, le ratio passerait à 150 000 et à 300 000. Pas terrible pour combler le fossé entre élus et population. Les Italiens prendraient ainsi la tête du classement du nombre d’habitants par parlementaire, devant l’Allemagne (107 000).</p> <p>L’impact financier de la coupe est relativisé: 0,007% des dépenses publiques, sans compter que les 600 élus restant siégeraient plus souvent en commission. Il aurait mieux valu, expliquent les partisans du non, revoir et distinguer les attributions des deux chambres, sortir du bicaméralisme dit «parfait» qui oblige les deux chambres – comme en Suisse – à voter les mêmes projets de loi. Le problème, soulignent-ils encore, n’est pas la quantité de députés, mais leur qualité et leur intégrité. La réduction d’un tiers des effectifs ne garantit absolument pas que le parlement sera à l’avenir plus efficace.</p> <h3><strong>Choc entre démocratie participative et démocratie représentative</strong></h3> <p>Cette réforme de la constitution entérine une défiance envers les institutions au moment où les populistes du Mouvement 5 étoiles, ayant mieux compris leur fonctionnement, s’y fondent avec l’application de béotiens, et où l’autre camp populiste emmené par Matteo Salvini rêve de les dompter en sa faveur. Elle contient une ambiguïté peu discutée: à la démocratie représentative classique, avec ses mécanismes de contrôle et ses contre-pouvoirs, les 5 étoiles privilégient de fait une démocratie participative instantanée et permanente, sans le moindre mécanisme de contrôle. Le Mouvement procède en effet régulièrement à des consultations des membres cotisant du Mouvement par sondages en ligne, dont la fiabilité des résultats n’est absolument pas garantie. Ce conflit de légitimité entre le vote du plus grand nombre et celui de quelques privilégiés témoigne de l’extraordinaire aberration des propositions populistes. </p> <p>Traumatisés par la crise du COVID19 et ses cortèges de cercueil, inquiets des perspectives économiques sombres qu’on leur prédit pour les prochains mois, les Italiens sauront-ils résister au mirage populiste? Pour ne rien arranger à cette difficile prise de conscience de l’enjeu démocratique et représentatif du scrutin de septembre, un nouveau scandale vient d’alimenter la perplexité ambiante: la presse a révélé que cinq parlementaires, tout à fait correctement payés durant la pandémie, ont sollicité le bonus de 600 euros destinés par le gouvernement aux Italiens en situation précaire. 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Sur cet enjeu crucial, la discussion se fera en italien. Pour une fois, les Tessinois ne se sentiront pas exclus du débat. De la part de l’UDC, ce n’est pas mal joué de mettre Chiesa dans les pattes du duo Cassis-Balzaretti. Mais sera-t-il <strong>capable de tenir le choc</strong>?</p> <p>Face aux libéraux-radicaux raisonnablement ralliés aux bilatérales par obsession de ne pas évoquer l’adhésion à l’UE, le défi sera pour lui de tenir une position crédible économiquement. Nos accords bilatéraux avec l’UE constituent le plan B de l’EEE rejeté en 1992. Sur les alternatives à ce plan B, l’UDC n’a produit aucun argumentaire sérieux, elle se contente de slogans incantatoires, qui tournent en boucle.</p> <h3>Le besoin de protection a muté</h3> <p>Le parti blochérien a construit son hégémonie sur le rejet de l’Europe et des étrangers, prétendant en protéger les Suisses. Or, le besoin de protection vient de muter. La crise du COVID19 s’accompagne du retour en grâce de l’Etat et des services publics. Avec son idéologie anti-étatiste et anti-fiscale, l’UDC est prise en porte-à-faux. Le PLR peut, lui, se réclamer de sa tradition historique étatiste. Il a déjà, mieux que l’UDC, amorcé le tournant écologique.</p> <h3>Les questions d'aujourd'hui pas celles d'hier</h3> <p>Afin de prouver qu’il n’est pas à la présidence de l’UDC par défaut, Chiesa devra répondre aux questions d’aujourd’hui pas à celles d’hier: comment maintenir notre haut niveau de vie en sabotant les facilités d’accès au <strong>grand marché européen</strong>? comment financer la <strong>transition énergétique</strong>? comment exister commercialement sans devenir un <strong>vassal des Chinois ou des Américains</strong>? comment protéger nos libertés dans le nouveau monde <strong>numérique</strong>? 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