Actuel / Comment s’est enflammée l’utopie
© Twitter John Deuf
La politique est un théâtre où les discours décollent souvent de la réalité, où se brassent les mythologies. On s’y fait, plus ou moins dupes. Mais là, en Catalogne, les leaders indépendantistes ont poussé le jeu à un paroxysme inimaginable. Ils ont créé, cultivé et imposé la fiction d’un nouvel Etat sans égards à la diversité des opinions, au cadre légal existant, aux réalités économiques. La bulle se dégonfle de jour en jour. Au sein même de ce camp, des voix s’élèvent maintenant pour dire que cet emballement était irréaliste. Mais comment a-t-on pu en arriver là? Sans refaire toute l’histoire, on peut s’arrêter à un aspect de la tragi-comédie qui donne à penser bien au-delà de la Catalogne. Les partisans de la sécession ont utilisé deux armes pour échauffer l’opinion ces dernières années: la télévision et l’école. Et face au déferlement de la propagande, non seulement le pouvoir espagnol mais aussi les médias de Madrid n’en ont pas pris la mesure à temps.
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Il va jusqu’à promettre une ambassade à Jérusalem… où l’on n’est guère convaincu par ce nouvel allié proclamé. Ses seuls ennemis, dit-il, ce sont l’Iran et le Hezbollah. Et n’a pas un mot quant aux bombes israéliennes qui pleuvent sur son territoire ni sur la présence de Tsahal aux portes de Damas. Silence aussi devant les exactions et les assassinats commis par ses partisans, rapportés sur le net, image à l’appui. En outre, il est prévu de mijoter une nouvelle constitution. La «République arabe syrienne» devrait s’appeler «Etat islamique de Syrie».</p> <p>On peut comprendre la satisfaction des Américains et des Européens voyant que la Russie et l’Iran sont bannis des lieux. Mais comment peuvent-ils peindre ainsi en rose la nouvelle situation? Sans penser aux désastreux précédents de l’Irak, de la Libye?</p> <p>En fait, ce n’est pas totalement surprenant. 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Certes, Biden n’est plus en état de lire le livre de Christopher Clark, mais il est douteux que Trump connaisse toutes les dimensions du mot somnambule.</p> <p><strong>En Ukraine</strong>, le président Zelensky, si porteur d’espoir à son élection, devenu un héros à la suite de l’agression russe, titube aujourd’hui. Enfermé dans son discours, il ne sait comment répondre au désir de paix, au ras-le-bol de son peuple devant les souffrances endurées, sous un régime de surcroît corrompu et autoritaire. Aucune guerre ne peut se prolonger lorsque des policiers doivent pourchasser dans les rues les hommes qui se cachent pour ne pas prendre les armes. Certes, Zelensky vient de faire un pas vers l’idée de négociation, mais son obsession du rattachement à l’OTAN la condamne d’avance. </p> <p><strong>Même en Pologne</strong>, le gouvernement de centre-droit de Donald Tusk fait sa petite crise de somnambulisme. 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Avec la Constitution de 1978, l’Espagne a donné à plusieurs régions un statut d’autonomie élargi. Avec des compétences étendues: un parlement, un gouvernement, une police, des finances propres et deux domaines-clés, l’école et la télévision régionale.
Les pouvoirs catalans n’ont cessé de demander plus d’autonomie, avec plus ou moins de succès. Mais le projet de l’indépendance totale est récent. Ces dix dernières années, divers groupes minoritaires, de droite et de gauche ont fait monter la passion nationaliste et ont entraîné les modérés, en particulier dans la bourgeoisie au pouvoir, toute heureuse que le sujet éclipse les scandales de corruption et les fossés sociaux.
Pour gonfler le soufflé, le «Parlament» a utilisé deux armes d’une efficacité époustouflante: la télévision et l’école.
L'outil de propagande numéro 1
La Catalogne a toujours été une région bilingue. Mais depuis une vingtaine d’années, le système scolaire a imposé partout le catalan et tout fait pour marginaliser l’espagnol. Réduit à deux heures d’enseignement par semaine seulement! Pour les nouveaux arrivants d’autres régions, pour les étrangers, cela posa des difficultés considérables. Et surtout, une division s’installait entre les «vrais» Catalans et les habitants d’adoption. Dans les petites villes, des parents tentèrent de protester, d’exiger l’étude sérieuse du castillan. En vain. Beaucoup furent harcelés jusqu’à devoir envoyer leurs enfants dans des écoles privées.Même à l’université le catalan fut imposé, ce qui eut pour effet de la priver de nombreuses compétences académiques et de pousser bien des étudiants à aller voir ailleurs. Si l’on ajoute à la question linguistique celle de l’enseignement de l’histoire, orienté vers un passé catalan idéalisé, on voit bien comment la mythologie a été construite.
Mais l’outil de propagande numéro 1, c’était et c’est encore la télévision. La chaîne régionale TV3, financée aux trois quarts par le gouvernement catalan, a donné corps à cette «identité» unilatérale. Elle est dirigée par un des dirigeants de l’organisation Omnium Cultural (38’000 membres) qui promeut la langue et la culture catalane à travers une trentaine de bureaux dans toute la province. Suivre les événements sur ce canal en dit long sur le pouvoir manipulateur de la télévision. Les images diffusées en boucle exaltent les manifestations séparatistes, glorifient les leaders du mouvement et tentent de discréditer les opposants, souvent traités de «fachos». Les débats se déroulent tous en catalan seulement et les invités qui ne défendent pas la bonne ligne sont si mal traités que trois des courageux osant apporter une voix discordante ont finalement renoncé à participer. «Reporters sans frontières» vient de publier un rapport qui dénonce le climat irrespirable pour la liberté de presse dans la région catalane. Journalistes locaux et correspondants se plaignent de pression du pouvoir et de harcèlements sur les réseaux sociaux d’une ampleur inégalée.
Taire la vérité pour ne pas faire retomber le soufflé
Il faut dire cependant qu’à la différence de la télévision et de la radio, les journaux de Barcelone continuent de faire leur métier dans la dignité. La Vanguardia – publiée en deux langues – n’a cessé d’appeler au calme et à la raison. Elle se félicite que des élections libres et contrôlées soient en vue, alors qu’elles sont refusées par les jusqu’au-boutistes de l’indépendance immédiate. Elle n’a jamais caché les dissensions à l’intérieur du mouvement séparatiste, écartelé entre son aile modérée et l’extrême-gauche révolutionnaire. Ce journal vient de publier des extraits d’écoutes téléphoniques des leaders. Edifiant! Ils se disaient entre eux que certes le projet promet d’immenses difficultés économiques et politiques mais qu’il ne fallait rien en dire de crainte de faire retomber le soufflé. El Periodico s’efforce aussi d’apporter des informations et des commentaires équilibrés, certes durs à l’endroit du comportement de Madrid mais très critiques aussi à l’endroit des dirigeants catalans.
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— Axel de Beaumont (@axeldebeaumont) 29 octobre 2017
Dimanche 29 octobre 2017, Barcelone: plusieurs centaines de milliers de personnes manifestent contre l'indépendance. © @axeldebeaumont/Twitter
Précédemment dans Bon pour la tête
Catalogne: l’utopie fait long feu, par Jacques Pilet (17 octobre)
Pas de Grand Soir en Catalogne, par Jacques Pilet (10 octobre)
«Les pizzas sont arrivées, elles seront bientôt prêtes...», par Marta Beltran (1er octobre)
L'affreuse journée de Barcelone, par Jacques Pilet (1er octobre)
«La catalanité n’est pas génétique», par Marta Beltran (30 septembre) En libre accès
La réalité multinationale n’a pas de place dans un Etat national, Josef Lang
«Au regard du droit international, le référendum catalan est légitime», Marta Beltran
Le nationalisme indécent de la Catalogne, Jacques Pilet
L’avenir de la Catalogne se joue aussi en Suisse, Marta Beltran
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La chaîne <em>La Sexta</em>, «unioniste» pour reprendre le terme des indépendantistes, a mis de l’huile sur le feu, toujours en quête d’images-choc et de propos enflammés. La première chaîne publique, la <em>TVE</em>, a multiplié les débats dans ces jours de folie. En donnant la parole au compte-goutte aux Catalans tentés par la sécession. Nombre d’intervenants en appelaient au dialogue... sans le pratiquer sur les plateaux. Même le sage <em>El Pais</em>, riche d’analyses subtiles, indigné par la violation du droit, ne s’est pas distingué par une lecture approfondie des réalités sur le terrain.</p><p>Depuis la fin de la dictature franquiste (1976), depuis la tentative de coup d’Etat de 1981, jamais l’Espagne n’a été mis à ce point au défi de la démocratie. Durant ces dernières décennies, elle l’a assumé, non sans erreurs, mais avec un calme et une sagesse remarquables. 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Il va jusqu’à promettre une ambassade à Jérusalem… où l’on n’est guère convaincu par ce nouvel allié proclamé. Ses seuls ennemis, dit-il, ce sont l’Iran et le Hezbollah. Et n’a pas un mot quant aux bombes israéliennes qui pleuvent sur son territoire ni sur la présence de Tsahal aux portes de Damas. Silence aussi devant les exactions et les assassinats commis par ses partisans, rapportés sur le net, image à l’appui. En outre, il est prévu de mijoter une nouvelle constitution. La «République arabe syrienne» devrait s’appeler «Etat islamique de Syrie».</p> <p>On peut comprendre la satisfaction des Américains et des Européens voyant que la Russie et l’Iran sont bannis des lieux. Mais comment peuvent-ils peindre ainsi en rose la nouvelle situation? Sans penser aux désastreux précédents de l’Irak, de la Libye?</p> <p>En fait, ce n’est pas totalement surprenant. Lorsque la guerre civile fut déclenchée en 2011, ce sont les mêmes forces islamistes qui prirent très tôt le relais des manifestants qui réclamaient la démocratie, brutalisés par la police d’Assad. Elles furent soutenues aveuglément, des années durant, par plusieurs pays arabes et européens. Ce fut atroce. Un demi-million de morts, dit-on. Sous le double feu du dictateur criminel, certes, et celui des insurgés barbus. Des dizaines de millions d’exilés fuyant la fureur des uns et des autres.</p> <p>N’entrons pas ici dans les spéculations sur l’avenir, sur les desseins des puissances qui, de fait, s’emparent du pays, qui s’agitent au fil de leurs ambitions géopolitiques et économiques. Sans parler du pétrole, exploité par les Américains sur la partie kurde… Qu’il nous soit permis d’évoquer plutôt un souvenir. Cinq ans avant la guerre, un voyage inoubliable en Syrie. Un prêtre nous faisait visiter Alep, tous les quartiers, animés et relativement prospères. Nous parlions avec tous. Conscients d’être dans une dictature, nous constations que chacun exprimait sans peur sa foi, son appartenance. Nous avions visité l’admirable mosquée des Omeyyades à Damas. Nous nous sommes étonnés auprès de deux jeunes filles de voir tant de monde, des familles en sortie, un dimanche et non un vendredi. Elles éclatèrent de rire: «Mais c’est le jour de Pâques!». Comme Noël, les jours de fêtes chrétiennes sont officiellement fériés en Syrie. Jusqu’à quand?</p> <p>Le prêtre d’Alep, devenu un ami, qui vit aujourd’hui en France, n’a pas le cœur à applaudir le tournant actuel. Il s’est exilé avec les siens après que sa fille de dix-huit ans ait été débarquée d’un bus, violée et assassinée parce qu’elle portait une croix autour du cou. Par des «rebelles modérés» comme on disait à l’époque. 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Et aussi des manies, il est vrai, une fixation sur l’affreux Davos, le redoutable Soros. Un penchant religieux aussi et même mystique. Grand défenseur de la famille traditionnelle, mais pas opposé à l’avortement et aux couples homosexuels. Attentif, et c’est rare, aux minorités, tels les Hongrois sur sol roumain ou les Roms. Ses refrains préférés tournent autour de la défense du peuple roumain, du rassemblement de tous, du redressement d’un pays resté pauvre malgré de réels progrès économiques aux bénéfices trop inégalement répartis. On apprécie ou pas le bonhomme, mais pas de quoi le maudire… ou l’enfermer, ou l’exiler comme en rêvent les plus exaltés de ses adversaires. Certains sont allés jusqu’à couper l’eau et l’électricité de son domicile. A quoi Georgescu réagit avec le sourire et rassure, il restera sur internet et le débat, le combat continueront. 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Certes, Biden n’est plus en état de lire le livre de Christopher Clark, mais il est douteux que Trump connaisse toutes les dimensions du mot somnambule.</p> <p><strong>En Ukraine</strong>, le président Zelensky, si porteur d’espoir à son élection, devenu un héros à la suite de l’agression russe, titube aujourd’hui. Enfermé dans son discours, il ne sait comment répondre au désir de paix, au ras-le-bol de son peuple devant les souffrances endurées, sous un régime de surcroît corrompu et autoritaire. Aucune guerre ne peut se prolonger lorsque des policiers doivent pourchasser dans les rues les hommes qui se cachent pour ne pas prendre les armes. Certes, Zelensky vient de faire un pas vers l’idée de négociation, mais son obsession du rattachement à l’OTAN la condamne d’avance. </p> <p><strong>Même en Pologne</strong>, le gouvernement de centre-droit de Donald Tusk fait sa petite crise de somnambulisme. 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