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Les paysans français furieux bloquent des routes. Et les partis de tous bords applaudissent. Jusqu’à Emmanuel Macron qui affirme que l’accord commercial entre l’Europe et plusieurs pays sud-américains est inacceptable. Etonnant quand on regarde de plus près. Devant le sprint final de cette négociation qui dure depuis 1999, la Suisse se frotte les mains. Car l’AELE (Association européenne de libre échange) dont elle fait partie, avec la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, signera aussi l’accord. Jugé par ceux-ci très prometteur, à la différence de la France.



Il s’agit donc, si le texte passe les obstacles, d’abaisser réciproquement les droits de douane entre les pays européens et un groupe de cinq outre-Atlantique, le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et la Bolivie. D’autres pourraient suivre, la Colombie, le Chili, le Pérou et l’Equateur.

Ce qui met la France sens-dessus-dessous, c’est la viande brésilienne. Accusée, non sans quelques raisons d’ailleurs, de n’être pas conforme aux normes européennes (interdiction des hormones de croissance, et des antibiotiques notamment). A Brasilia on assure que les exportations seront dûment contrôlées. Pour l’exemple, l’envoi d’un container vient en effet d’être bloqué au départ. Les Français restent dubitatifs. Ils sont convaincus que la concurrence de cette bidoche va mettre leur agriculture au tapis. Les chiffres sont pourtant moins inquiétants. Il s’agit d’importer à tarifs réduits sur tout le continent 90’000 tonnes de bœuf. Soit, a calculé un économiste, un steak par an et par Européen. Ces apports représentent 1,6% de la production bovine de nos pays, 1,4% pour la volaille, 0,1% pour le porc. Le produit le plus concerné est en fait le soja pour l’alimentation du bétail… européen.

S’égosiller contre les périls du «mondialisme», pourquoi pas? Mais il serait honnête de voir les deux faces du problème. La France elle-même exporte des produits agricoles. Plus qu’elle n’en importe. Mais cette balance favorable se réduit en raison des pertes de marché en Afrique et du blé ukrainien qui arrive librement. Par cette baisse des droits de douane sud-américains, le Mercosur doperait les exportations de vins – ils sont à la peine partout et frappés d’une taxe brésilienne de 26%! –, de liqueurs, de lait en poudre, de maintes spécialités alimentaires. Sans parler des produits de luxe et des débouchés industriels.

Les paysans français souffrent. La pression des supermarchés sur les prix est telle que nombre d’exploitations, petites et moyennes, sont au bord du gouffre. Sous le poids aussi d’une administration tracassière. Mais là, ils se trompent de cible. Le Mercosur pourrait leur apporter plus de chances que de handicaps. Les excités nationalistes proclament que tout est fait pour le bénéfice de l’Allemagne et de ses voitures. Ils oublient que les Françaises se vendraient mieux aussi. Ils n’ont pas vu non plus que leur voisine, aujourd’hui dans le pétrin, est également une puissance agricole, juste après la France, devant l’Espagne et l’Italie.

Ce n’est pas sans raison que la plupart des pays de l’UE et tous ceux de l’AELE sont favorables à l’accord. La Suisse, elle, applaudit. Ses paysans ont aussi pléthore de soucis, mais pas celui-ci, car l’importation de viande est contingentée en fonction des besoins. Les échanges économiques avec le Brésil sont en plein boom: plus de 11% en un an, 4,173 milliards avec un excédent en notre faveur de 639 millions. Grâce à l’industrie et aux services qui espèrent faire mieux encore avec cet accord. Même Nestlé en profiterait pour mieux vendre ses produits au Brésil où se trouvent des concurrents locaux.

C’est d’ailleurs ce qui fait grincer une partie de la gauche brésilienne. Elle reproche à Lula d’ouvrir trop les portes. Et surtout de favoriser les grands exploitants agricoles, dans l’espoir d’apaiser leur opposition à son parti. La déforestation de l’Amazonie a été enfin quelque peu réduite. Mais il reste encore d’immenses surfaces et des écuries géantes pour élever le bétail. Si cette viande arrive moins en Europe, où ira-t-elle? En Chine bien sûr! Bien moins tatilllonne sur les normes et loin, très loin des tirades «anti-mondialistes».

Pauvres médias français univoques sur le sujet qui ne décortiquent pas les contradictions du marché international, inhérentes à celui-ci depuis des siècles.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

7 Commentaires

@Apitoyou 22.11.2024 | 07h41

«Comme d’habitude Jacques Pilet, il y a un a un manque dans ce raisonnement tourné uniquement sur l’économie, celui de la réflexion sur le développement de l’économie pour qu’il soit supportable et durable pour les générations actuelles et à venir, et pas seulement à l’intérieur des frontières d’un pays mais au niveau de la biosphère terrestre. Dans votre approche d’intérêt commun entre les différentes sociétés, il n’y a peu de place pour les équilibres sociaux et environnementaux. Pourtant ce sont les trois piliers minimum nécessaires à l’équilibre du développement comme les trois pieds d’un tabouret assurent le poids de celui qui veut s’y asseoir.»


@Roger R. 22.11.2024 | 08h09

«Monsieur Pilet, sur ce coup là, je ne comprends pas vos propos.
Etre opposé au Mercosur ne signifie en aucun cas être nationaliste ni antimondialiste et pourquoi pas complotiste.
La défense de nos agriculteurs n’est pas négociable elle est indisoensable.
Vous oubliez l’aspect environnemental et les changements d’habitudes alimentaires qui tendent à consommer moins de viande, de meilleure qualité et provenant d’élevage respectueux des animaux.
En fait nous allons importer de la viande « sale » destinée aux moins aisés de notre population pendant que l’élite consommera de la viande locale bio.
Parcourez nos campagnes, voyez nos troupeaux à l’air libre une bonne partie de l’année, cheminez dans notre Jura ou nos Alpes au milieu des pâturages, discutez avec nos agriculteurs et approchez-vous de leur travail; ils n’ont pas la semaine de 40 heures.
L’indépendance alimentaire et la sécurité alimentaire d’un pays ne se négocie pas; il y a suffisamment d’autres marchandises pour répondre aux enjeux de l’économie de marché, notamment en matière d’équilibre entre importations et exportations.

»


@willoft 22.11.2024 | 18h08

«Le titre donne le ton...
Curieux de s'ériger en défenseur suisse, lorsqu'on n'a rien compris, ni en géopolitique et encore moins en politique agricole ou de la planète.

Il faut sans doute sauver la démocratie en faisant pêter plus de bombes, partout... .»


@Baïka 22.11.2024 | 22h01

«Lire cet article me donne la nausée. En France, un agriculteur se suicide tous les deux jours. Les syndicats, qui devraient les défendre, sont gangrenés par la corruption. Arnaud Rousseau est devenu un homme d’affaires à la tête d’une exploitation de plus de 700 hectares, et il veut nous faire croire qu’il est aussi syndicaliste. J’ajouterai que les produits du Mercosur ne respecteront jamais les normes sanitaires européennes. L’Europe et la Suisse doivent retrouver leur souveraineté alimentaire et assurer un bon équilibre social, environnemental et respectueux du monde animal. Que se passera-t-il le jour où l’un de ces pays fermera ses frontières à cause d’un conflit ou d’une pandémie ?»


@willoft 26.11.2024 | 20h18

«@ Mister Pilet,
J'ose avouer être arrogant, plus que la moyenne.
Mais regardez "C'est dans l'air" France 5 de ce jour.
Alors on peut bien sûr penser que la Suisse, y'en a point comme nous.
je dois d'ailleurs bien avouer que je bois du petit lait avec ses croniqueurs d'obédience.

Enfin tout ça pour dire qu'il faudrait être bien naïf pour penser qu'un Elon Musk et sa maîtresse trumpiste,
alliés de ses ministres milliardaires veuent le bien de la planète.

Fin de règne de la démocracie et WWIII, soon
J'avais pas pu acheter 100 bitcoins à CHF 10, car pas disponibles en Suisse, il ya vingt ans, alors, chacun son destin»


@willoft 26.11.2024 | 22h30

«Mais pour ceux qui n'auraient pas compris l'équation, la France n'a plus de colonies...»


@willoft 27.11.2024 | 09h44

«P.S. pour ceux qui s'intéressent "vraiment" au sujet
https://www.arte.tv/fr/videos/116705-122-A/le-dessous-des-cartes-l-essentiel/»


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