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Actuel / Le paysage contrasté de l’énergie vitale. Entre spleens et élans


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Tout un pan de l’Europe péclote. La France d’abord, prise de vertige devant ses déficits abyssaux, paralysée par le cirque des ambitions politiciennes. L’Allemagne officiellement entrée en récession, sa légendaire industrie menacée par les coûts de l’énergie, les délocalisations aux Etats-Unis et la concurrence chinoise. Alors que la face sud se porte mieux. Où va le Vieux Continent? Pour y voir clair, il faut aussi observer ce qui se passe… dans les têtes.



La déprime latente ou colérique de la plupart des Français est un signe. Devant le budget de l’Etat – pas encore adopté! – qui fera mal, devant la vague des faillites à des hauteurs historiques, devant un cirque politicien où les ambitions personnelles paralysent le pays. Les uns s’accrochent à leurs acquis, les autres se préparent à se serrer la ceinture. Les jeunes générations ne croient plus que l’avenir sera meilleur que fut la vie de leurs parents et grands-parents. No future.

Les Allemands songent aussi aux temps récents où leur poids économique et politique rayonnait au sein de l’Union européenne et au-delà. Depuis deux-trois ans, c’est la glissade. L’industrie perd du terrain, privée du gaz russe, talonnée par la Chine, en désarroi du côté automobile. Inflation, infrastructures vieillissantes, crispation sur la question migratoire. Il y a de quoi avoir le vague à l’âme.

Dans ces pays au passé prestigieux, en tête du développement, les perspectives d’avenir sont peu rassurantes. L’effet chez les individus, pour la plupart d’entre eux, c’est ce que l’on pourrait appeler la panne intime, la chute de l’énergie vitale. «Bof, on verra bien ce qui se passe…» Grognements et impuissances.

Ce n’est pas ce que l’on note dans d’autres parties de l’Europe. A l’est, en Pologne particulièrement, le sentiment général est que l’on y vit bien mieux qu’hier et avant-hier, et que demain sera meilleur encore. Une foule de jeunes gens rêvent de créer une entreprise et beaucoup passent à l’acte. Ils sont moins nombreux qu’hier à émigrer, cette ancienne tradition. Au contraire, un grand nombre reviennent au pays, fuyant notamment en masse la Grande-Bretagne. La Pologne est sans doute au sommet de l’échelle du tonus mental collectif, alors même que les casse-têtes au quotidien ne manquent pas.

Impressionnant aussi, le pan sud. L’Italie est encore plus endettée que la France, elle connaît toujours les mêmes imbroglios structurels entre le haut et le bas de la botte, or cela n’empêche pas la floraison du tourisme, ainsi qu’un succès industriel, moins connu mais spectaculaire. Exportations tous azimuts. Une balance commerciale longtemps positive, aujourd’hui rognée par les coûts de l’énergie importée, mais restée bien plus saine qu’en France. Les Italiens sont certes préoccupés par le vieillissement de la société, l’afflux des migrants alors qu’ils ont tant besoin d’eux pour faire tourner la machine. Mais ils restent dans la tradition: travailleurs, prompts à s’exiler au besoin, peu portés aux lamentations existentielles.

Ces traits de caractère se retrouvent en Espagne, A l’insu des masses touristiques, elle est engagée à grands pas dans une modernisation industrielle et technologique. Depuis trois ans elle produit plus d’automobiles que la France! Des entreprises de pointe et des start-ups, souvent débarquées de loin, transforment le paysage économique jusqu’aux portes de Séville. Les salaires restent bas, le chômage élevé, mais l’humeur dominante n’est sûrement pas aux pleurnicheries.

Et le Portugal? On peut encore y entendre les accents nostalgiques du fado mais dans les boîtes bien d’autres musiques plus roboratives. Les jeunes songent moins que leurs parents à émigrer. Ceux-ci sont nombreux à revenir au pays au moment de la retraite. Le tableau général s’éclaircit. Partout des métros et des trains performants. Le taux de pauvreté est enfin en dessous de la moyenne européenne. Le redressement récent des finances publiques est spectaculaire. L’an passé l’Etat a enregistré un léger surplus budgétaire! Il y a 260’000 Portugais en Suisse. On les connaît, assidus au travail, modestes, peu portés aux interrogations nombrilistes et plaintives.

Ces considérations sur l’énergie vitale des personnes et des sociétés peuvent paraître subjectives. Mais comment ne pas voir des indices allant dans leur sens sur le baromètre de la croissance? En 2023, moyenne de l’UE: 0,4%, Allemagne -0,2, France 0,9, Grande-Bretagne 0,3, Espagne 2,5, Portugal 2,3, Grèce 2,4. Ces différences s’expliquent aussi par un effet de rattrapage de l’Est et du Sud sur les nations depuis longtemps développées. Mais il suffit de voyager dans les pays non envahis par le spleen de l’époque pour capter au coin de la rue et au bar cette énergie vitale, clé du succès depuis toujours et partout dans le monde. Allons donc recharger nos propres batteries au sud et à l’est.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

3 Commentaires

@MV 18.10.2024 | 21h06

«Monsieur Pilet considère que "la France est prise de vertige devant ses déficits abyssaux". Je le félicite pour son optimisme. A contrario, un mauvais esprit pourrait supposer que l'émoi français n'est que passager. En effet, les comptes publics de la France sont déficitaires depuis 1974. Chassez le naturel, il revient au galop ! »


@LEFV024 21.10.2024 | 19h25

«A ceux qui veulent comprendre d'où vient cette dette, je conseille la lecture du petit livre "On marche sur la dette" d'Alévêque & Glenn (2015).»


@markefrem 29.10.2024 | 19h35

«"Italiens peu portés aux lamentations existentielles", "Espagnols dont l'humeur dominante n'est pas aux pleurnicheries", voilà qui contraste joyeusement avec le pessimisme de Monsieur Pilet. Voyons les choses positives et tout ira mieux !»


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