Actuel / La fièvre xénophobe face au choc des réalités
En mai dernier, Marine Le Pen est invitée de Europa Viva 24, une convention des partis populistes et ultraconservateurs européens à Madrid. © Vox España - communication du parti Vox
La terrifiante escalade de la guerre au Moyen-Orient ne devrait pas nous détourner des périls intérieurs en Europe. Partout ou presque montent, à divers degrés, les clameurs nationalistes. Les mouvances qui se profilent ainsi sont en progrès en Allemagne, en Autriche, en France et l’une est au pouvoir en Italie. Avec une rengaine: chassez les étrangers! Stop à l’immigration! Or, dans les faits apparaissent bien des nuances, bien des contradictions… A voir de plus près.
Contrastes avec la Suisse. A la différence des autres, son patriotisme ne dérape guère dans les excès. L’UDC peut parfois dégager des relents xénophobes à la marge mais elle s’est assagie depuis le temps lointain où quelques-uns tempêtaient contre… les Italiens. Sa participation à tous les échelons des pouvoirs l’a amenée à la raison, à la dignité. Elle apporte une part nécessaire au débat. Autour de nous en revanche…
En Autriche, l'avancée du FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs), fondé en 1955, est notable (29% des voix) mais ne le mènera pas au pouvoir. C’est un vieil acteur de la scène autrichienne qui eut d’autres heures de gloire, en dépit des affinités néonazies de certains en son sein. Le terrain lui est favorable: avec 20% d’étrangers, beaucoup de voisins mais aussi d’immigrés venus de loin. Le leader du parti, Herbert Kickl, totalement centré sur ce sujet, admire le Hongrois Orbán, apprécie moins Giorgia Meloni… Car la Première ministre italienne, elle aussi portée au pouvoir par la vague nationaliste et anti-migrants, voit les faits en face. L'économie italienne tourne pour une grande part, et de plus en plus, grâce à la force de travail des étrangers. De plus Mme Meloni reste très attachée à l’Union européenne. Tout en la critiquant à raison. Etiquettée comme «populiste», elle se montre inventive. Seule parmi les dirigeants européens à se rendre en Tunisie et en Libye pour marchander des freins aux départs de migrants sur la Méditerranée. Ces mesures ont réduit le nombre des arrivées de 64%. Les discours, c’est bien beau, mais une fois aux affaires, le choc des réalités exige d’autres qualités.
Même expérience en Allemagne. L’AfD y progresse, surtout à l’Est, ainsi que le jeune parti de Sarah Wagenknecht, dans un registre plus diversifié et nullement haineux. Mais la droite de la droite n’a aucune perspective d’arriver au pouvoir, avec moins d’un tiers de l’électorat. Même si les excités de l’extrême gauche et des Verts (90 parlementaires!) n’obtiennent pas son interdiction, demandée au mépris des règles démocratiques. Comme en Italie, l’industrie, déjà fragilisée par le coût de l’énergie, et certains services, comme la santé, la restauration et l’hôtellerie, fonctionnent surtout grâce à la main d’œuvre étrangère. Au point que le gouvernement vient de conclure un accord avec le Kenya pour faire venir des forces de travail formées de ce pays où le chômage est massif.
Autre leçon qu’escamotent ceux qui rêvent d’élever toujours davantage les barricades nationales, la Grande-Bretagne. Trop d’étrangers! C’est ce qui a fait passer le Brexit. Le résultat: près d’un million de travailleurs qualifiés européens ont quitté l’île, en raison des tracas administratifs et de la crise économique. Mais ensuite le royaume a connu une envolée du flux des migrants en provenance d’Afrique et d’Asie (745’000 en 2022 et 685’000 en 2023).
Ces réalités ne sont guère évoquées en France dans le débat surchauffé sur l’immigration. Les chiffres? En 2023, elle a émis 320’000 permis de séjour, y compris pour les Européens, et constaté 100’000 entrées illégales. Nul ne conteste que se posent de sérieux problèmes avec une grande part de la population d’origine maghrébine, nombreuse à détenir la nationalité française mais non intégrée, «communautariste» comme on dit. Un casse-tête, il est vrai, mis en tête de l’actualité sur certaines chaînes TV à des fins politiques évidentes, dans un défilé incessant de faits divers choquants.
La colère monte, monte et les discours dérapent. Paradoxalement assez peu du côté de Marine Le Pen et de son RN. Mais voilà qu’au sein même du nouveau gouvernement, sous la houlette du sage Barnier, on entend des voix dans l’outrance. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, membre des Républicains, martèle tous les jours des slogans «anti-migrants». Il profite de l’émotion suscitée par l’assassinat de la jeune Philippine pour réclamer l’expulsion systématique des délinquants étrangers ou double-nationaux, quitte à leur enlever le passeport français. Comme l’Algérie et le Maroc refusent de les accueillir, le ministre les menace de sanctions. Et tend encore les déjà mauvaises relations avec le sud de la Méditerranée. Au quotidien, ces diatribes pourrissent un peu plus le climat entre la population dite «de souche» et les Maghrébins, quelles que soient leur attitude et leur position dans la société. Ceux-ci ont le sentiment, non sans raisons, qu’on les rend coupables de tout ce qui ne va pas en France.
Plus graves encore sur le fond, les déclarations de ce même ministre qui s’en prend à la justice et à ses fondements: «L’Etat de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré. (…) C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs, mais la source de l’Etat de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain». L’historien Edouard Husson, dans le Courrier des stratèges, le corrige: «Première erreur philosophique fondamentale: le mot “état”, dans “état de droit”, ne fait pas référence à “l’Etat” mais au latin “status”, la “situation”, le “statut”. Retailleau n’est pas le seul à incriminer. 90% de la classe politique française commet l’erreur. Et les médias mettent quasi-systématiquement une majuscule là où il n’en faut pas (…) L’état de droit, précisément, est intangible et sacré. On vit dans le droit ou non. Je comprends bien que si le ministre de l’Intérieur croit que c’est l’Etat qui décrète le droit, alors oui, ….l’Etat s’attribue tous les droits. »
Ce ne sont évidemment pas ces réflexions politico-philosophiques qui troubleront le nouveau chroniqueur de LCI. Louis Sarkozy, fiston (26 ans) de l’ex-Président, filleul du propriétaire de la chaîne, Martin Bouygues, grand ami de son père. Fraîchement débarqué des Etats-Unis, dont il a aussi la nationalité, sans réelle formation journalistique, il ne s’embarrasse pas de «l’état de droit». Il lance à l’antenne à propos des opérations israéliennes à Gaza et au Liban: «Qu’ils crèvent, qu’ils crèvent tous… Israël fait le travail de l’humanité!» Le cri de haine en lieu et place de l’analyse. Applaudi le lendemain à l’antenne par Sarkozy père.
Inutile de dire que les réseaux sociaux s’embrasent dans tous les sens sur cette affaire comme sur la thématique migratoire.
Pauvre France qui, en plus de sa panade économique et politique, s’échauffe ainsi, des hauteurs ministérielles jusqu’au ras d’un paysage médiatique trop souvent affligeant.
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Il va jusqu’à promettre une ambassade à Jérusalem… où l’on n’est guère convaincu par ce nouvel allié proclamé. Ses seuls ennemis, dit-il, ce sont l’Iran et le Hezbollah. Et n’a pas un mot quant aux bombes israéliennes qui pleuvent sur son territoire ni sur la présence de Tsahal aux portes de Damas. Silence aussi devant les exactions et les assassinats commis par ses partisans, rapportés sur le net, image à l’appui. En outre, il est prévu de mijoter une nouvelle constitution. La «République arabe syrienne» devrait s’appeler «Etat islamique de Syrie».</p> <p>On peut comprendre la satisfaction des Américains et des Européens voyant que la Russie et l’Iran sont bannis des lieux. Mais comment peuvent-ils peindre ainsi en rose la nouvelle situation? Sans penser aux désastreux précédents de l’Irak, de la Libye?</p> <p>En fait, ce n’est pas totalement surprenant. 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Et aussi des manies, il est vrai, une fixation sur l’affreux Davos, le redoutable Soros. Un penchant religieux aussi et même mystique. Grand défenseur de la famille traditionnelle, mais pas opposé à l’avortement et aux couples homosexuels. Attentif, et c’est rare, aux minorités, tels les Hongrois sur sol roumain ou les Roms. Ses refrains préférés tournent autour de la défense du peuple roumain, du rassemblement de tous, du redressement d’un pays resté pauvre malgré de réels progrès économiques aux bénéfices trop inégalement répartis. On apprécie ou pas le bonhomme, mais pas de quoi le maudire… ou l’enfermer, ou l’exiler comme en rêvent les plus exaltés de ses adversaires. Certains sont allés jusqu’à couper l’eau et l’électricité de son domicile. A quoi Georgescu réagit avec le sourire et rassure, il restera sur internet et le débat, le combat continueront. 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Il est d’ailleurs beaucoup plus policé dans l’expression, démagogique certes mais nullement vulgaire.</span></p> <p><span>Sa rivale du second tour (le 8 décembre), Elena Lasconi, ancienne présentatrice du téléjournal, sans expérience politique sinon la mairie d’un village de 30’000 habitants, illustre la tendance: elle se veut libérale, se compare à Ronald Reagan, reprend mot pour mot le récit atlantiste sur l’Ukraine, la Russie, mais n’aborde quasiment jamais le quotidien des démunis, des petits paysans, des laissés-pour-compte. Une cible idéale pour le pan de la population qui se veut «anti-système».</span></p> <p><span>Leurs chances au second tour? Aux 23,94% des voix de Georgescu pourraient s’ajouter celles d’une formation ultra-nationaliste – qui prône l’union avec la Moldavie! – d’un certain George Simion, accusé d’être un espion de Moscou, et fort de 13,86% des voix. Quant à Elena Lasconi qui a recueilli 19,18%, trouvera-t-elle l’appui des autres partis, restés querelleurs? 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Si une telle décision est confirmée, on imagine la turbulence chez les sympathisant de Georgescu…</span></p> <p><span>Si au contraire celui-ci est élu, qu’arrivera-t-il? On peut le prédire en regardant ses vidéos (sous-titrées en français). Au sein de l’UE, il se joindra à Orbán (Hongrie) et Fico (Slovaquie) pour contrebalancer l’engagement de Mme von der Leyen et les autres pour l’appui à l’Ukraine. Versant OTAN, il donnera aussi de la voix. Car nombre de Roumains, même à l’opposé de ses opinions politiques, s’inquiètent de voir l’alliance atlantique renforcer sa base de Constanța, sur la mer Noire, plus grande encore que celle de Ramstein en Allemagne. Ils n’apprécient guère non plus la présence de 1'000 soldats français (il en est promis 5'000) sur leur territoire. Ces soutiens militaires sont vus davantage comme un danger qu’une garantie de tranquillité. </span></p> <p><span>Côté budget, ce serait le grand chambardement. 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@Eggi 04.10.2024 | 22h33
«Oui, bien sûr, des politiciens, des "experts", quelques journalistes pêchent (pèchent) en xénophobie.
Mais que dire des quelque 30% des citoyen(ne)s qui soutiennent les partis politiques dont les slogans électoraux contiennent peu ou prou des accents anti-immigrés? S'ils n'existaient pas, l'AFD et ses homologues italiens, autrichiens ou français deviendraient plus minoritaires qu'il ne le sont encore (heureusement). Et même notre impayable UDC perdrait beaucoup de son influence.
Pour y arriver, il n'y a que l'éducation des parents, puis l'enseignement de l'école visant à donner raison et juste information. Malheureusement nous en sommes loin, même en Suisse.»
@Eggi 05.10.2024 | 18h52
«A propos de l'E(é)tat de droit, l'Académie, dans son dictionnaire, s'oppose aux définitions de l'historien Husson (que je ne connaissais pas, mais qui n'est apparemment ni politiste, ni juriste): l'Etat de droit est celui dans lequel le droit l'emporte sur l'arbitraire, selon l'état de (du) droit existant. La notion d'Etat de droit est immuable, l'état du (de) droit, en revanche, étant susceptible de varier selon les décisions du pouvoir législatif (parlement) issu d'élections populaires (démocratiques en principe).»
@simone 07.10.2024 | 11h43
«Cela fait des années que des juristes divergent d'opinion quant à la définition de l'é[E]tat de droit. Est-ce un Etat dans lequel toute activité étatique repose sur une base légale (notion très technique) ou un Etat qui respecte les droits de l'homme (notion purement idéaliste) ?. C'est en tous les cas une expression à n'utiliser qu'avec des pincettes et qui, au mieux ne signifie pas grand chose, mais permet d'avoir la conscience tranquille.»
@LEFV024 07.10.2024 | 15h04
«Quand ça ne va pas (par exemple inflation ou chômage), certains cherchent un bouc-émissaire (par exemple l'étranger ou celui qui a une autre religion que soi), mais c'est toujours dangereux de réagir ainsi et surtout cela ne résout pas les problèmes réels.»
@markefrem 14.10.2024 | 17h17
«Jamais été question de chasser les étrangers (sauf malfaiteurs récidivistes) mais évitons de jouer "open bar" sans distinction ni règle stricte !!! Notre territoire, bien que très attractif, n'est pas extensible. Fixons et anticipons raisonnablement, démocratiquement nos limites ; ne laissons pas les "grands cœurs généreux" décider pour nous !!!»