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Le secteur est actuellement régi par des codes dignes du Far West. Puisque les poissons des océans du monde entier appartiennent à tout le monde, les Etats tentent encore de s'accaparer ce qui peut l'être à coups de milliards de subventions à l'industrie de la pêche. Comment y mettre bon ordre? Quels intérêts doivent primer? et peut-on concilier satisfaction des consommateurs et protection de l'environnement?



Paul Greenberg, Carl Safina1, article publié sur Infosperber le 18 septembre 2024, traduit par Bon Pour La Tête


Les défenseurs de la nature ont commencé dès les années 1990 à lutter contre la surpêche afin de protéger la faune et la flore des océans. Aux Etats-Unis, ces militants ont obtenu gain de cause. Ils ont réussi à convaincre le Congrès américain de mettre en place une législation stricte pour restaurer la biodiversité. Ils ont ainsi enclenché un cercle vertueux qui a permis à toutes sortes d'espèces marines – du puissant espadon à la modeste coquille Saint-Jacques – de réapparaître en abondance le long des côtes américaines.

Les nouvelles réglementations concernant d'autres espèces ont eu un effet positif similaire. Les tortues de mer qui mouraient auparavant dans les filets de pêche au crabe peuvent désormais y échapper. Moins d 'oiseaux marins se font prendre dans les lignes de pêche. Les baleines trouvent davantage de nourriture le long des côtes américaines et s'ébattent aujourd'hui à portée de vue de la Statue de la Liberté depuis que la pêche des petites espèces comme les menhaden a été limitée. En outre, la pêche professionnelle et de loisir américaine a pu augmenter son chiffre d'affaires de 35% entre 2018 et 2022.

Le produit de la pêche illégale et du travail forcé se retrouve dans les assiettes

Cependant, si vous allez dans un supermarché américain, vous achèterez peut-être encore des vivaneaux que des pêcheurs indonésiens ont délogés de leurs récifs à la dynamite, ou du thon albacore et du poulpe pêchés illégalement. La pêche aux Etats-Unis s'est peut-être nettement améliorée, mais jusqu'à 80% des poissons et des crustacés présents dans les assiettes américaines sont importés. Une grande partie d'entre eux provient de groupes de pêche internationaux opaques. Leurs fournisseurs pêchent illégalement et profitent du travail forcé. C'est ce qu'a pu démontrer l'organisation d'utilité publique Outlaw Ocean Project.

Le rendement des flottes de pêche est en baisse dans le monde

Nous, consommateurs des pays riches, soutenons ces agissements sans le savoir. Nous profitons de l'offre de poisson abondante dans le commerce comme d'un crédit à durée illimitée. Mais ce crédit arrive à échéance. La pêche mondiale de poissons et d'autres animaux marins a atteint son apogée dans les années 1990 et ne cesse de diminuer depuis. Bientôt, même le travail forcé pourrait ne plus être en mesure de tirer profit des poissons sauvages restants.

La pisciculture n'est d'aucun secours

Auparavant, une solution possible à ce problème consistait à développer la pisciculture, également appelée aquaculture. Mais contrairement à ce que l'on espérait, celle-ci n'a pas non plus apporté aux poissons sauvages la possibilité de rétablissement nécessaire. Aux saumons et aux crevettes, qui sont les plus populaires aux Etats-Unis, les éleveurs continuent d'ajouter des poissons sauvages provenant d'eaux étrangères mal réglementées. Par ailleurs, des poissons très nutritifs comme les anchois et les sardines, qui représentent 20 à 30% des prises mondiales, sont utilisés comme nourriture dans les élevages – un terrible gâchis!

De toute évidence, les poissons et animaux marins sauvages et d'élevage sont encore à mille lieues d'une véritable durabilité.

Les appels à la responsabilité des piscivores ne suffisent pas

Pour mettre du poisson vraiment durable et produit de manière éthique dans toutes les assiettes, il ne suffit pas que les consommateurs fassent un choix plus conscient. Pour venir à bout de l'exploitation et des abus, les gouvernements doivent adopter de nouvelles lois sur la gestion de la pêche et les faire appliquer avec rigueur.

Pour que les océans ne soient plus une zone de non-droit, il faut d'abord s'intéresser de plus près à l'industrie de la pêche. Des organisations comme Global Fishing Watch et ses partenaires ont déjà commencé à surveiller les chalutiers de pêche qui opéraient jusqu'à présent sans être détectés dans les zones de souveraineté étrangères et en haute mer. Ces contrôles doivent être encore renforcés dans le monde entier.

Les gouvernements doivent aussi cesser de subventionner la surpêche. De nombreuses autorités nationales de la pêche financent le carburant et la construction de navires – le résultat de cette politique est que les navires peuvent aller plus loin et pêcher plus longtemps. La Chine à elle seule dépense des milliards pour ces mesures.

35 milliards de dollars en subventions pour l'exploitation des océans

A l'échelle mondiale, les différents types de subventions accordées au secteur de la pêche sont estimés entre 35 et 40 milliards de dollars. C'est ce qui ressort des données du Global Fishing Report et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ainsi que de l'OCDE. Pour établir une liste des plus gros pollueurs subventionnés, il faut tenir compte du nombre d'habitants des pays:

L'Etat doit aussi s'engager pour la protection des habitats naturels de la faune sauvage. Seuls 7% environ des mers du monde bénéficient d'une forme de protection officielle. Les Nations Unies veulent changer cela avec leur initiative «30 by 30» et protéger 30% des océans (et des terres) d'ici 2030. Mais bien trop souvent, ces zones de protection ne sont qu'indiquées sur une carte, sans que les restrictions ne soient réellement appliquées. Pour un approvisionnement durable en poissons et fruits de mer, il faut mettre des moyens pour protéger les poissons là où ils vivent.

Informer sur le travail forcé et les atteintes à l'environnement

La coopération internationale est nécessaire pour imposer des salaires équitables et des conditions de travail sûres, et pour lutter contre les entreprises qui profitent du travail forcé dans leurs chaînes d'approvisionnement. Les autorités de contrôle aux Etats-Unis et à l'étranger doivent être pleinement informées des chaînes d'approvisionnement, des contrats de travail et des violations environnementales. Les grands distributeurs comme Sysco et Walmart pourront alors assurer à leurs clients qu'ils n'achètent pas de poisson pêché illégalement ou arrivé sur le marché par le travail forcé.

On pourrait valoriser ceux qui utilisent des méthodes de pêche durables et sélectives, comme les harpons d'espadon et les filets de saumon d'Alaska, par un étiquetage spécial. Cela permettrait de distinguer leurs produits des poissons pêchés avec des méthodes plus nocives.

Il faut également changer la manière dont nous nourrissons les animaux d'élevage dans les aquacultures en pleine expansion. Il existe déjà de nombreuses alternatives aux anchois, aux harengs ou aux menhaden: des algues aux larves de la mouche soldat. Ces aliments devraient être utilisés à plus grande échelle.

Conseils aux consommateurs

Enfin, ce qui compte encore et toujours, c'est ce que les consommateurs et consommatrices achètent et mangent. Si vous prévoyez un repas à base de poisson ou de fruits de mer, nous avons deux suggestions:

  1. Si possible, choisissez des moules ou des huîtres d'élevage. Elles se nourrissent en filtrant l'eau. Comme elles ne mangent pas de poissons, il n'est pas nécessaire d'en tuer un pour les exploiter.
  2. Préférez des poissons de petite taille. Les espèces plus grandes ont particulièrement souffert de la pêche industrielle. Ces gros poissons accumulent aussi souvent des substances toxiques dans leur organisme, dont le méthylmercure. Les animaux qui se trouvent plus bas dans la chaîne alimentaire, comme les anchois, se reproduisent plus rapidement et peuvent en conséquence reconstituer plus vite leur population. En outre, les plus petits poissons présentent généralement des taux de polluants plus faibles.

1Paul Greenberg est un pêcheur américain et auteur d'essais sur le sujet. Carl Safina est militant écologiste, auteur et ancien présentateur de l'émission télévisée Saving the Ocean with Carl Safina.

Cet article est paru en tant qu'article invité le 12 août 2024 dans le New York Times.

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