Actuel / Les rebondissements de l’histoire à Saint-Gingolph et ailleurs
Recueillement sur les tombes des fusillés de Saint-Gingolph. © J.P.
En ce mardi ensoleillé le bourg franco-suisse se remémorait le massacre et l’incendie du 23 juillet 1944. Mais tant de fois ce jour, il fut question d’un épisode récemment révélé. L’histoire n’est pas écrite pour toujours. Il s’agit de la redécouvrir sans cesse. En Suisse, en France, partout. Un roman nous le rappelle.
L’événement est connu. Des résistants, ou prétendus tels, tuent des soldats allemands et une Française sur les hauteurs, le samedi. Et le dimanche, des SS et des douaniers nazis arrivent de Thonon avec l’ordre de raser le village. Les habitants de la partie française fuient en hâte vers la Suisse qui a ouvert la frontière. Le président de commune valaisan André Chaperon et le brigadier Julius Schwarz qui commande les nombreux soldats helvétiques sur la frontière tentent et réussissent un coup de bluff. Ils vont voir les chefs du commando à l’hôtel de France et les menacent: s’ils mettent le feu au-dessous de la ligne du train, s’ils touchent à l’église commune, les Suisses interviendront. Cela n’empêche pas l’incendie de plusieurs maisons et six malheureuses personnes restées sur place, dont le curé, d’être tuées d’une balle dans la tête.
Le brigadier Julius Schwartz
Il y avait donc des raisons de saluer la solidarité franco-suisse. Comme sur la plaque mémorielle, au cimetière commun où les tombes des uns et des autres se mêlent. Mais le discours de la maire de la commune française, Géraldine Pflieger, ajoutait cette fois une autre note. Elle a évoqué les révélations de deux historiens zurichois, récemment rapportées par Le Temps et d’autres journaux. Les criminels du 23 juillet se sont réfugiés en Suisse trois semaines plus tard quand l’armée allemande s’est retirée de la Haute-Savoie. Après maintes péripéties, des renvois, des retours, des fuites ailleurs, ils s’en tirèrent à bon compte. Le Conseil fédéral considéra alors qu’ils ne devaient pas être jugés. Leurs noms et leurs sorts furent rappelés lors de la cérémonie, où fut mentionné qu’en ce lieu on trouva «le pire et le meilleur de l’humain».
Il faut dire que des centaines d’Allemands, à la débâcle, tentèrent de trouver refuge en Suisse. Un vieux monsieur, centenaire, pied hésitant mais verbe clair, alors jeune homme à Lugrin, se souvient d’avoir été tétanisé par les motards du commando qui le dévisagèrent, en route vers Saint-Gingolph ce dimanche matin. Fernand Bugnon se souvient aussi de cet ami qui lui raconta plus tard ce qu’il ne devait pas répéter: se promenant du côté de Novel, après la libération, il entendit du bruit dans un bosquet. Un Allemand terrorisé qui cherchait la frontière. Il l’aida. Chut.
Tant de zones d’ombre encore. Un habitant de Saint-Gingolph, âgé de huit ans à l’époque, Jean-Pierre Jacquier, nous racontait il y a peu que les «résistants» auteurs de l’opération irréfléchie du 22 n’étaient que des «voyous». A preuve, ils auraient pillé les logements des Français passés en Suisse, avant l’arrivée des sinistres vengeurs ou après leur départ. La Résistance avait ses héros mais aussi ses opportunistes de tout poil…
Ce n’est bien sûr pas ce qui préoccupait les gens du lieu, réunis la veille de la cérémonie officielle, au cimetière, pour une rencontre plus intime. Sans discours. Dans le silence et la pudeur. Chacun, chacune déposait une rose blanche sur les six tombes des fusillés.
A toute échelle on ne cesse de découvrir des pans méconnus de l’histoire. Ainsi un roman historique récent fait un certain bruit outre-Jura: Un monde à refaire de Claire Deya (Editions de l’Observatoire). La trame qui remonte aussi à 1944 et aux années suivantes se nourrit de deux faits peu connus. La France a détenu, après la fin de l’Occupation, plus d’un million de prisonniers de guerre allemands. Arrêtés sur place ou dans d’autres pays qui les y ont transférés. Le gouvernement n’était pas pressé de les libérer car nombre d’entre eux étaient mis au travail pour la reconstruction, l’aide aux paysans. Et le déminage. On a peu dit que la côte méditerranéenne avait été truffée de ces pièges, pour contrer un débarquement allié, survenu d’ailleurs en août 1944. Désamorcer ces dizaines de milliers de mines, de types divers et perfectionnés, fut un travail gigantesque et dangereux qui dura plus de deux ans. Des centaines de volontaires et de prisonniers allemands furent tués ou blessés dans l’exercice. Les chiffres précis ne sont pas pas connus, non publiés pour ne pas décourager les bonnes volontés. L’opération était conduite par l’ingénieur et grand résistant Raymond Aubrac (1914-2012). Les accords internationaux et le CICR excluent en principe le travail forcé des prisonniers de guerre. Mais les Alliés fermèrent les yeux.
L’auteure d'Un monde à refaire, Claire Deya, imagine les destins bouleversés et croisés d’hommes et de femmes, de France et d’Allemagne, avec leurs amours souvent douloureuses, leurs peurs, leurs quêtes du passé fracassé, leurs pulsions de haine ou de paix. Les imbroglios apparaissent plus intimes, plus sentimentaux que politiques. Mais après la lecture de toutes ces histoires entremêlées, on s’interroge: pourquoi donc ces dévouements et ces sacrifices au nom du nouveau départ de la France sont-ils si peu rappelés et honorés? Les pouvoirs et les scribes du récit national, pour maintes raisons, ouvrent les yeux sur certains chapitres, les ferment sur d’autres. Partout. Rien n’interdit de chercher à découvrir d’autres facettes du passé, qui nourrit plus qu’on ne le pense d’ordinaire notre présent et notre avenir.
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Il va jusqu’à promettre une ambassade à Jérusalem… où l’on n’est guère convaincu par ce nouvel allié proclamé. Ses seuls ennemis, dit-il, ce sont l’Iran et le Hezbollah. Et n’a pas un mot quant aux bombes israéliennes qui pleuvent sur son territoire ni sur la présence de Tsahal aux portes de Damas. Silence aussi devant les exactions et les assassinats commis par ses partisans, rapportés sur le net, image à l’appui. En outre, il est prévu de mijoter une nouvelle constitution. La «République arabe syrienne» devrait s’appeler «Etat islamique de Syrie».</p> <p>On peut comprendre la satisfaction des Américains et des Européens voyant que la Russie et l’Iran sont bannis des lieux. Mais comment peuvent-ils peindre ainsi en rose la nouvelle situation? Sans penser aux désastreux précédents de l’Irak, de la Libye?</p> <p>En fait, ce n’est pas totalement surprenant. Lorsque la guerre civile fut déclenchée en 2011, ce sont les mêmes forces islamistes qui prirent très tôt le relais des manifestants qui réclamaient la démocratie, brutalisés par la police d’Assad. Elles furent soutenues aveuglément, des années durant, par plusieurs pays arabes et européens. Ce fut atroce. Un demi-million de morts, dit-on. Sous le double feu du dictateur criminel, certes, et celui des insurgés barbus. Des dizaines de millions d’exilés fuyant la fureur des uns et des autres.</p> <p>N’entrons pas ici dans les spéculations sur l’avenir, sur les desseins des puissances qui, de fait, s’emparent du pays, qui s’agitent au fil de leurs ambitions géopolitiques et économiques. Sans parler du pétrole, exploité par les Américains sur la partie kurde… Qu’il nous soit permis d’évoquer plutôt un souvenir. Cinq ans avant la guerre, un voyage inoubliable en Syrie. Un prêtre nous faisait visiter Alep, tous les quartiers, animés et relativement prospères. Nous parlions avec tous. Conscients d’être dans une dictature, nous constations que chacun exprimait sans peur sa foi, son appartenance. Nous avions visité l’admirable mosquée des Omeyyades à Damas. Nous nous sommes étonnés auprès de deux jeunes filles de voir tant de monde, des familles en sortie, un dimanche et non un vendredi. Elles éclatèrent de rire: «Mais c’est le jour de Pâques!». Comme Noël, les jours de fêtes chrétiennes sont officiellement fériés en Syrie. Jusqu’à quand?</p> <p>Le prêtre d’Alep, devenu un ami, qui vit aujourd’hui en France, n’a pas le cœur à applaudir le tournant actuel. Il s’est exilé avec les siens après que sa fille de dix-huit ans ait été débarquée d’un bus, violée et assassinée parce qu’elle portait une croix autour du cou. Par des «rebelles modérés» comme on disait à l’époque. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@JoelSutter 26.07.2024 | 09h20
«L’histoire des prisonniers restés après la guerre pour exécuter divers travaux est aussi évoquée dans le livre dessiné de Félix Meynet sur les Carroz d’Arâche: les prisonniers devaient travailler à la petite mine de charbon qui avait été réouverte pendant la guerre. »
@Deuborch 28.07.2024 | 16h05
«J’avais 7 ans en 1944. En avril,nous allons à Saint-Gingolph avec ma mère, ma tante et mon oncle. Au débarcadère,il faut attendre mon oncle qui discute avec le capitaine. J’en profite pour m’éclipser et prendre le chemin qui mène à la localité. Je me trouve bientôt devant une palissade en bois surmontée de fil de fer barbelé. Une ouverture permet de passer mais il y a un soldat,fusil sur l’épaule,qui va et vient. Je profite de son éloignement pour passer. Je croyais que c’était un soldat suisse,on en voyait souvent à l’époque. Le village était désert et je me suis perdu. Je suis entré dans un café; au milieu de la salle un escalier descendait et conduisait dans une pièce où se trouvaient une dizaine de soldats. Ils m’ont demandé ce que je cherchais. Après leur avoir répondu, ils m’ont offert du thé et des biscuits. Puis l’un d’entre eux m’a ramené à l’ouverture où j’avais passé. Il a fait une remarque à la sentinelle. Ma mère et ma tante m’attendaient,en larmes. On connaît la suite: l’arrivée des SS, qui incendient le village et fusillent 6 otages, L’incendie sera éteint par les douaniers suisses et la garnison allemande.1»
@Deuborch 28.07.2024 | 16h18
«J’ai oublié de vous donner mon nom: Jean-Claude Perriard »