Actuel / Lutter contre le «doomscrolling»: les stratégies des adolescents
Faire défiler des contenus sur l'écran de son téléphone sans pouvoir s'arrêter, voilà le doomscrolling. Shutterstock
Le temps des vacances est là. La réjouissance de cette perspective s’accompagne pourtant d’une crainte certaine pour nombre d’adultes: la vision de l’adolescente ou de l’adolescent de la famille scotché à son téléphone, s’adonnant à une activité désormais connue sous le nom de scrolling.
Face à ce phénomène, les adolescents cherchent – et trouvent parfois – des parades pour garder la maîtrise de leur navigation sur le web, et plus largement de leur temporalité. Exploration et conseils pour passer tous ensemble des vacances (plus) sereines…
Un phénomène socialement partagé
Avant toute chose, il convient de prendre la mesure du phénomène de doomscrolling, et de reconnaître son impact social. En effet, si la focale est souvent mise sur les adolescents pour évoquer les craintes, non négligeables, que cette pratique fait peser sur la santé mentale et sociale de ces derniers, le doomscrolling n’est absolument pas générationnel. En tant qu’internautes, nous sommes tous confrontés et soumis aux stratégies mises en place par les plates-formes pour nous inciter à rester connectés le plus longtemps possible, et au même endroit.
Cette captation de l’attention nous concerne tous, quel que soit notre âge, notre statut, à partir du moment où nous utilisons des objets connectés. Nombreux sont d’ailleurs les adolescents qui pointent des usages adultes du smartphone peu exemplaires, à l’instar de Nicolas, 14 ans, qui s’amuse du paradoxe : « Mon beau-père va beaucoup sur Facebook, il y passe un temps fou et après il me dit ‘Hey oh, doucement avec Snapchat, Nico !’ ».
Ce constat d’une « société de maintenant » qui rend le téléphone indispensable au quotidien pour tous, et pour tout type d’activités, qu’elles soient professionnelles, académiques, ou personnelles, conduit Lucy, 16 ans, à appeler les adultes à une introspection :
« Je vois mes parents ils sont des fois plus sur les écrans que moi, et c’est un problème général en fait, ça ne concerne pas que moi, ou les jeunes, faut arrêter avec ça, les parents ils ne sont pas mieux et ils n’arrivent pas mieux que nous à gérer les choses, en fait ».
Entre culpabilité et stratégies pour faire face
Les usages et pratiques numériques des adolescents accordent, de fait, une place majeure au smartphone. Cet objet total répond à des besoins de sociabilités extrêmement structurants et nécessaires à cet âge de la vie, mais aussi à des besoins informationnels nombreux, assouvis quotidiennement, en lien avec l’actualité ou des questions liées à leurs centres d’intérêt ou encore aux activités scolaires.
Lorsqu’on écoute les adolescents sur ce rapport au smartphone, il est frappant de noter la culpabilité qui émane de leurs propos. Ainsi, Ambre, 17 ans, confie : « Des fois même on s’en veut, parce qu’on gâche du sommeil, on gâche du temps en famille, on gâche du temps pour faire nos devoirs ou faire des choses à l’extérieur ! », cependant que Melvin souligne : « Ce temps que tu passes comme ça, c’est franchement angoissant, et en même temps c’est compliqué parce que tu peux pas te couper du monde non plus ! Faut un équilibre, quoi ».
Cet équilibre, les adolescents le cherchent, déployant des stratégies multiples pour tenter de garder la maîtrise de leur temporalité, de leurs activités, de leur estime de soi aussi : « quand je perds du temps comme ça, je me sens nulle ! »,note ainsi Romane, 17 ans. Une enquête qualitative menée auprès de 252 adolescents âgés de 11 à 19 ans a permis de documenter plus avant ces stratégies.
Parmi ces stratégies, la plus répandue est l’activation du mode « Avion » ou « Ne pas déranger » du téléphone, avec l’espoir de favoriser sa concentration sur une tâche. D’aucuns prennent des décisions plus radicales, consistant à ne pas installer une application qu’ils ont identifiée comme potentiellement problématique pour eux. C’est le cas de Geoffrey, 17 ans, qui a « choisi de ne pas télécharger TikTok justement parce que ça prend trop de temps ».
Une autre stratégie souvent relatée consiste à désinstaller temporairement une application, « le temps que la tension retombe » face à l’afflux de notifications ; note Juliette, 17 ans. Cette stratégie est adoptée essentiellement par des lycéennes et lycéens soit lors de périodes de révisions intenses soit lorsque la saturation se fait sentir :
« Par moment, je le sens, je me sens oppressée par ça et j’arrive plus à gérer, alors je désinstalle l’appli. Tout de suite, je sens que ça va mieux, je me sens moins sous pression, et puis quand je sens que je me suis calmée, un peu apaisée on va dire, alors je réinstalle l’appli […] Je ne peux pas ne plus l’utiliser du tout, c’est pas possible, j’en ai besoin, j’aime ça, j’apprends des trucs avec ça, je suis les infos aussi avec ça » (Apolline, 16 ans).
L’éducation, meilleure ennemie du doomscrolling
Comment soutenir les adolescents dans ces efforts de résistance à la captation de l’attention et à la fatigue informationnelle qui s’en suit ?
De façon certaine, l’idée d’une imposition d’un contrôle strict est illusoire, et même contre-productive, cela ne ferait que générer frustrations et tensions. Plus encore, une telle mesure ne propose pas de solutions à l’adolescent pour exercer un véritable pouvoir d’agir. Prendre à bras-le-corps cette problématique suppose une réponse éducative à plusieurs niveaux.
Il apparait d’abord essentiel de considérer cette question pour ce qu’elle est : une question socialement partagée, qui nous engage tous dans des méandres et des recherches de tactiques pour ne pas se perdre dans le flux. Pour favoriser la concentration et la maîtrise, on peut ainsi (se) conseiller de désactiver au maximum les notifications des applications les plus chronophages. En outre, l’excès en tout est un défaut, et dégrade le plaisir ressenti dans l’activité : plus on maîtrise le temps passé en ligne, plus on le savoure aussi dignement. Voilà un argument qui peut faire mouche.
Ceci dit, pour comprendre ce qui (nous) pousse à ce « défilement morbide » (appellation québécoise du doomscrolling), il faut apprendre les ressorts de l’économie de l’attention, saisir finement quels sont les processus qui nous traversent lorsqu’on est confronté aux stratégies mises en œuvre par les industries du numérique (dark pattern, design émotionnel, notamment).
Réseaux sociaux, tous accros ? (Décod’actu – Lumni, 2018).
Pour autant, cette explication essentielle ne doit pas renvoyer aux seuls utilisateurs la responsabilité de la maîtrise : l’arsenal juridique déployé, à travers le règlement sur les marchés numériques (Digital Market Act – DMA) en complément du règlement sur les services numériques (Digital Service Act – DSA), vient précisément protéger les internautes et tenter de faire contre-poids face à la puissance économique et industrielle des plates-formes.
Étant donné son importance quasiment existentielle au sens propre du terme, une éducation aux médias et à l’information du quotidien se doit d’intégrer cette problématique à la fois sociale et politique. Tous les adolescents racontent leurs difficultés à faire face à cette fatigue informationnelle et aux processus de captation, mais racontent aussi et surtout conjointement leur aspiration à partager des moments de qualité avec les autres, dont la famille.
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Ces adolescents expriment le souhait de s’informer de façon apaisée, et d’être dépositaires d’une capacité à agir sur le monde qui les entoure. On ne peut ainsi que leur recommander et nous recommander de s’abonner à ces « médias positifs » qui se sont donnés pour mission de nous informer avec de l’actualité joyeuse. De quoi non seulement nourrir autrement les algorithmes en leur imposant un autre monde souhaité, le nôtre, mais aussi partager une information qui fait du bien et enrichit les sociabilités.
Enfin, le ralentissement face à l’accélération est un enjeu politique majeur. Parce que ralentir, arrêter le flux, c’est prendre le temps de la réflexion et de la maturation de la pensée. Une qualité citoyenne. Et cela peut même passer par le fait de scroller… Ensemble.
Anne Cordier, Professeure des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Cet <a href="https://hal.science/hal-03349696/document">objet total</a> répond à des <a href="https://theconversation.com/ladolescent-et-les-reseaux-sociaux-quels-impacts-psychiques-59646">besoins de sociabilités extrêmement structurants et nécessaires à cet âge de la vie</a>, mais aussi à des <a href="https://cfeditions.com/grandir-informes/">besoins informationnels</a> nombreux, assouvis quotidiennement, en lien avec <a href="https://theconversation.com/lena-situations-squeezie-hugo-decrypte-comment-ces-createurs-de-contenu-bousculent-linformation-traditionnelle-226171">l’actualité ou des questions liées à leurs centres d’intérêt</a> ou encore aux activités scolaires.</p> <p style="text-align: left;">Lorsqu’on écoute les adolescents sur ce rapport au smartphone, il est frappant de noter la culpabilité qui émane de leurs propos. Ainsi, Ambre, 17 ans, confie : « Des fois même on s’en veut, parce qu’on gâche du sommeil, on gâche du temps en famille, on gâche du temps pour faire nos devoirs ou faire des choses à l’extérieur ! », cependant que Melvin souligne : « Ce temps que tu passes comme ça, c’est franchement angoissant, et en même temps c’est compliqué parce que tu peux pas te couper du monde non plus ! Faut un équilibre, quoi ».</p> <p style="text-align: left;">Cet équilibre, les adolescents le cherchent, déployant des stratégies multiples pour tenter de garder la maîtrise de leur temporalité, de leurs activités, de leur estime de soi aussi : « quand je perds du temps comme ça, je me sens nulle ! »,note ainsi Romane, 17 ans. Une <a href="https://www.clemi.fr/clemi-sup/publications-du-clemi-sup/quand-les-adolescents-racontent-le-smartphone-une-enquete-sur-la-reception-de-la-bande-dessinee-dans-la-tete-de-juliette">enquête qualitative menée auprès de 252 adolescents</a> âgés de 11 à 19 ans a permis de documenter plus avant ces stratégies.</p> <p style="text-align: left;">Parmi ces stratégies, la plus répandue est l’activation du mode « Avion » ou « Ne pas déranger » du téléphone, avec l’espoir de favoriser sa concentration sur une tâche. D’aucuns prennent des décisions plus radicales, consistant à ne pas installer une application qu’ils ont identifiée comme potentiellement problématique pour eux. C’est le cas de Geoffrey, 17 ans, qui a « choisi de ne pas télécharger TikTok justement parce que ça prend trop de temps ».</p> <p style="text-align: left;">Une autre stratégie souvent relatée consiste à désinstaller temporairement une application, « le temps que la tension retombe » face à l’afflux de notifications ; note Juliette, 17 ans. Cette stratégie est adoptée essentiellement par des lycéennes et lycéens soit lors de périodes de révisions intenses soit lorsque la saturation se fait sentir :</p> <blockquote> <p>« <em>Par moment, je le sens, je me sens oppressée par ça et j’arrive plus à gérer, alors je désinstalle l’appli. Tout de suite, je sens que ça va mieux, je me sens moins sous pression, et puis quand je sens que je me suis calmée, un peu apaisée on va dire, alors je réinstalle l’appli […] Je ne peux pas ne plus l’utiliser du tout, c’est pas possible, j’en ai besoin, j’aime ça, j’apprends des trucs avec ça, je suis les infos aussi avec ça </em>» (Apolline, 16 ans).</p> </blockquote> <h3 style="text-align: left;">L’éducation, meilleure ennemie du doomscrolling</h3> <p style="text-align: left;">Comment soutenir les adolescents dans ces efforts de résistance à la captation de l’attention et à la fatigue informationnelle qui s’en suit ?</p> <p style="text-align: left;">De façon certaine, l’idée d’une imposition d’un contrôle strict est illusoire, et même contre-productive, cela ne ferait que générer frustrations et tensions. Plus encore, une telle mesure <a href="https://theconversation.com/interdire-les-ecrans-ou-eduquer-au-numerique-linsoutenable-alternative-229397">ne propose pas de solutions à l’adolescent</a> pour exercer un véritable pouvoir d’agir. Prendre à bras-le-corps cette problématique suppose une réponse éducative à plusieurs niveaux.</p> <p style="text-align: left;">Il apparait d’abord essentiel de considérer cette question pour ce qu’elle est : une question socialement partagée, qui nous engage tous dans des méandres et des recherches de tactiques pour ne pas se perdre dans le flux. Pour favoriser la concentration et la maîtrise, on peut ainsi (se) conseiller de désactiver au maximum les notifications des applications les plus chronophages. En outre, l’excès en tout est un défaut, et dégrade le plaisir ressenti dans l’activité : plus on maîtrise le temps passé en ligne, plus on le savoure aussi dignement. Voilà un argument qui peut faire mouche.</p> <p style="text-align: left;">Ceci dit, pour comprendre ce qui (nous) pousse à ce <a href="https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/26558477/defilement-morbide?utm_campaign=Redirection%20des%20anciens%20outils&utm_content=id_fiche%3D26558477&utm_source=GDT">« défilement morbide »</a> (appellation québécoise du <em>doomscrolling</em>), il faut apprendre les <a href="https://www.clemi.fr/sites/default/files/clemi/BD%20Dans%20la%20t%C3%AAte%20de%20Juliette.pdf">ressorts de l’économie de l’attention</a>, saisir finement quels sont les processus qui nous traversent lorsqu’on est confronté aux stratégies mises en œuvre par les industries du numérique (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dark_pattern">dark pattern</a>, <a href="https://shs.hal.science/halshs-01599184/document">design émotionnel</a>, notamment).</p> <figure style="text-align: left;"><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ltTHAE_C-XI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <h4 style="text-align: left;"><em><span>Réseaux sociaux, tous accros ? (Décod’actu – Lumni, 2018).</span></em></h4> <p style="text-align: left;">Pour autant, cette explication essentielle ne doit pas renvoyer aux seuls utilisateurs la responsabilité de la maîtrise : l’arsenal juridique déployé, à travers le règlement sur les marchés numériques (<a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/284907-dma-le-reglement-sur-les-marches-numeriques-ou-digital-markets-act">Digital Market Act</a> – DMA) en complément du règlement sur les services numériques (<a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/285115-dsa-le-reglement-sur-les-services-numeriques-ou-digital-services-act">Digital Service Act</a> – DSA), vient précisément protéger les internautes et tenter de faire contre-poids face à la puissance économique et industrielle des plates-formes.</p> <p style="text-align: left;">Étant donné son importance quasiment existentielle au sens propre du terme, une <a href="https://theconversation.com/pour-une-education-aux-medias-et-a-linformation-de-tous-les-jours-225299">éducation aux médias et à l’information du quotidien</a> se doit d’intégrer cette problématique à la fois sociale et politique. Tous les adolescents racontent leurs difficultés à faire face à cette fatigue informationnelle et aux processus de captation, mais racontent aussi et surtout conjointement leur aspiration à partager des moments de qualité avec les autres, dont la famille.</p> <p style="text-align: left;"><em>[Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters</em> The Conversation. <em>Et vous ? <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/subscribe/?promoted=la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a> pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.]</em></p> <p style="text-align: left;">Ces adolescents expriment le souhait de s’informer de façon apaisée, et d’être <a href="https://cultinfo.hypotheses.org/1432">dépositaires d’une capacité à agir sur le monde qui les entoure</a>. On ne peut ainsi que leur recommander et nous recommander de s’abonner à ces <a href="https://lemediapositif.com/">« médias positifs »</a> qui se sont donnés pour mission de nous informer avec de l’actualité joyeuse. De quoi non seulement nourrir autrement les algorithmes en leur imposant un autre monde souhaité, le nôtre, mais aussi partager une information qui fait du bien et enrichit les sociabilités.</p> <p style="text-align: left;">Enfin, le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-code-a-change/tout-va-trop-vite-mon-bon-monsieur-une-critique-de-l-acceleration-technologique-avec-hartmut-rosa-7804601">ralentissement face à l’accélération</a> est un enjeu politique majeur. Parce que ralentir, arrêter le flux, c’est prendre le temps de la réflexion et de la maturation de la pensée. Une qualité citoyenne. Et cela peut même passer par le fait de scroller… Ensemble.<img src="https://counter.theconversation.com/content/226172/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p style="text-align: left;"> </p> <h4 style="text-align: left;"><span><a href="https://theconversation.com/profiles/anne-cordier-1518848">Anne Cordier</a>, Professeure des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-lorraine-2158">Université de Lorraine</a></em></span></h4> <h4 style="text-align: left;">Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/lutter-contre-le-doomscrolling-les-strategies-des-adolescents-226172">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'lutter-contre-le-doomscrolling-les-strategies-des-adolescents', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 237, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/lutter-contre-le-doomscrolling-les-strategies-des-adolescents-226172', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5295, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (1)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. Au lieu de cela, ils accusent des <a href="https://psmag.com/environment/the-epa-blames-six-asian-nations-that-the-u-s-exports-plastic-waste-to-for-ocean-pollution/">systèmes de recyclage inadéquats et une mauvaise gestion des déchets</a>.</p> </li> </ul> <p>L’attention portée au recyclage des plastiques et à la gestion des déchets touche en réalité des millions de personnes en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. Ils restent toujours relégués aux mêmes tâches manuelles et difficiles, même si leurs conditions de travail en ressortent légèrement améliorées.</p> <h3>L’industrie du plastique maintient le <em>statu quo</em></h3> <p>Malgré les bonnes intentions de départ, des termes tels que «économie circulaire inclusive» sont donc trop souvent utilisés à des fins de <em>green washing</em> et même de <em>justice washing</em>, tandis que les travailleurs continuent à endurer des conditions difficiles. Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». 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[...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. 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Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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