Actuel / Le véganisme, idiot utile de la société de consommation?
Produits véganes dans un supermarché autrichien. Tischbeinahe, CC BY
Si le capitalisme s’accommode bien du véganisme, c’est parce que celui-ci s’affirme comme un style de vie particulier participant à la construction identitaire et relevant également d’un courant, voire parfois d’une mode. Le véganisme comporte de ce fait une dimension ontologique importante, «végane» est un attribut du sujet, on «est» végane.
Jérôme Segal, Sorbonne Université
On peut être végane pour diverses raisons : pour la planète, pour sa santé ou par souci du bien-être animal. Le véganisme peut aussi être mis en avant en lien avec diverses ambitions et par de multiples moyens. Ainsi le véganisme se retrouve-t-il lié au développement de l’IA ou à la vente d’automobiles sans cuir animal. On parlera alors de « veganwashing » lorsque le véganisme est instrumentalisé. C’est l’objet du dernier livre de l’historien Jérôme Segal, qui publie aux éditions Lux « Veganwashing, l’instrumentalisation politique du véganisme ». Il y explique comment les véganes, alors même qu’ils représentent moins de 1 % de la population mondiale, font l’objet d’instrumentalisations politiques ou économiques grandissantes. Morceaux choisis où l’auteur interroge le positionnement des véganes face au développement de produits industriels véganes.
Dans un article sur les « opérations de veganwashing » et leur impact sur la lutte pour la cause animale en Italie, le chercheur en sciences politiques Niccolò Bertuzzi explique que le véganisme est historiquement anticapitaliste, mais que cette influence a aujourd’hui tendance à s’estomper pour des raisons pragmatiques :
« Les défenseurs des animaux ont réagi (et réagissent encore) de différentes manières aux opérations de veganwashing lancées de plus en plus fréquemment par les grandes compagnies et, plus généralement, par le capitalisme contemporain. Il est rare qu’ils […] revendiquent la nature historiquement antagoniste et contre-hégémonique du véganisme. Au contraire, la priorité accordée à l’amélioration des conditions de vie des animaux non humains, la considération d’une diminution immédiate du nombre de leurs morts, ou même une plus grande possibilité de choix pour les consommateurs humains, ont incité d’autres acteurs de l’arène à évaluer des positions conciliantes (ou même un soutien explicite) envers des acteurs fortement caractérisés par leur nature capitaliste (hégémonique). »
Lorsqu’on interroge les militants de la cause animale sur leurs positions par rapport aux grandes multinationales qui offrent des gammes de produits véganes, les réactions sont aussi variées qu’instructives.
Jérémy Dubois est cofondateur de Mission Sentience, une association qui sensibilise les jeunes à ce concept, et il anime des formations au militantisme animaliste. Pour lui, toute offre végane est bonne à prendre, car la nourriture a ceci de particulier que sa consommation est limitée par la satiété. « Tout steak végétal acheté est un steak animal en moins, car les gens n’en mangent pas deux en même temps », explique-t-il. Selon cette logique, l’accusation de veganwashing à l’encontre des industries serait un des effets collatéraux d’une action somme toute efficace.
Autrice d’un livre sur les manifestations linguistiques du spécisme, Marie-Claude Marsolier ne s’inquiète pas, elle non plus, de l’augmentation de l’offre en produits véganes proposés par l’industrie alimentaire. Elle y voit même des avantages qui pourraient s’avérer décisifs à long terme :
« Les multinationales de l’industrie de la viande, en développant des gammes de produits véganes, adoptent bien sûr une stratégie de diversification afin d’anticiper le potentiel développement du marché végétalien, donc sans que cela soit vraisemblablement motivé par des considérations éthiques. Cependant, en le faisant, elles apportent, d’une part, leur caution à des produits véganes, toujours suspects d’insuffisance sur le plan gustatif ou nutritionnel, et, d’autre part, elles réduisent le “fossé ontologique” entre produits carnés et végétaux (“D’accord, c’est pas du ‘vrai’ saucisson, mais c’est toujours fabriqué par la société X”). Enfin c’est aussi une assurance que ces compagnies ne lutteront pas activement contre le véganisme puisqu’elles sont à même de profiter d’un changement du marché en sa faveur. »
D’autres se réjouissent des prises de conscience que l’achat de ces produits peut susciter. Responsable de l’antenne française de Generation Vegan, Flavien Bascoul précise par exemple qu’« il ne faut pas s’imaginer que des gens qui se trouveraient conduits vers le véganisme pour des raisons x ou y, ne seraient pas capables d’en venir par la suite à réaliser que l’enjeu vis-à-vis des animaux est fondamental, dans une démarche végane ». De la même façon, Tobias Leenaert affirme que les changements d’avis sur certaines questions morales découlent parfois d’un changement de comportement au lieu de le provoquer :
« L’importance et le poids des arguments moraux en tant que moteur de changement sont relatifs. Nous voulons que les gens deviennent végétaliens parce qu’ils se soucient des animaux, et nous devons élever la conscience morale des gens si nous voulons obtenir un changement durable. Mais cette préoccupation pour les animaux peut résulter d’un changement de comportement pour d’autres raisons. C’est une voie plus indirecte, mais si elle fonctionne, nous devons l’utiliser. »
Flavien Bascoul, de son côté, propose en outre une expérience de pensée intéressante : « Imaginons le cas inverse : si une grande entreprise qui ne faisait que des produits véganes se mettait demain à diversifier son offre en vendant de la viande. Je ne pense pas que les lobbyistes pro-viande se questionneraient pour savoir si oui ou non ça va dans le sens de leurs intérêts… »
Dans l’ensemble, c’est plutôt le pragmatisme qui l’emporte. Laurent, un militant alsacien engagé dans les actions de terrain, est conscient de la prépondérance du capitalisme dans la société et fait le constat suivant :
« Bien sûr que c’est le capitalisme qui est derrière ces produits, mais je pense qu’il faut utiliser le système tel qu’il est, à notre avantage. Tout ce que ces grands groupes veulent, c’est faire des profits, et le végétal va prendre des parts de marché. Du coup, la part des produits d’origine animale va se réduire, moins d’animaux vont mourir. […] Fin 2021, Danone a décidé de transformer une usine dans le Gers qui utilisait du lait de vache pour en faire une usine de produits alternatifs végétaux, c’est une bonne chose ! Utilisons le capitalisme ! Je respecte les positions anarchistes ou anticapitalistes mais il faut être pragmatique. »
Tom Bry-Chevalier, doctorant de la Chaire Économie du Climat de l’université de Lorraine et spécialiste des viandes alternatives, va dans le même sens et estime que l’offre d’alternatives industrielles à la viande « participe à normaliser la nourriture végétale et à la rendre accessible. Sans être naïf sur les intentions des grandes marques (qui ne font probablement pas ça par pur altruisme), je vois mal comment on peut considérer que cela ne va pas dans le bon sens ».
Un des premiers militants et penseurs de la cause animale en France a une position plus nuancée à ce sujet, mais souhaite tout de même garder l’anonymat. Selon lui, les alternatives proposées par les grandes compagnies doivent être encouragées, mais elles ne changeront pas grand-chose :
« Je pense qu’il s’agit d’une excellente chose. C’est une façon d’intégrer le véganisme dans une certaine normalité, de le faire sortir de son ghetto végane, et c’est ainsi que la consommation de produits d’origine animale devrait baisser dans les prochaines années. On sait désormais pertinemment (c’est ce qu’indiquent les tendances actuelles et les prospectives) que cette consommation ne baissera pas parce que les véganes seront de plus en plus nombreux, mais plutôt parce que le reste de la population mangera de plus en plus de produits végés et véganes, sans cesser pour autant de manger également des produits animaux, mais en quantité progressivement moindre. Le rêve de véganiser le monde en convainquant chaque personne de devenir végane ne se réalisera pas. Pas comme ça, en tout cas. »
La polarisation des véganes de part et d’autre d’un purisme du porte-monnaie (soucieux de ne pas financer telle compagnie en achetant ses saucisses végés, parce qu’elle produit aussi des saucisses de cadavres de cochons) est à mon avis un effet de leur crispation identitaire en tant que véganes ; si on veut réduire l’exploitation animale, alors les saucisses végés (même non véganes) de Herta sont une excellente chose, une bonne nouvelle, et il est logique d’encourager leur vente, si tant est que ce soit nécessaire.
Je pense cependant que ce n’est pas l’augmentation de la consommation de produits végés qui changera les choses pour les animaux, mais bien plus la lutte culturelle et politique pour changer notre rapport aux animaux et les lois qui les concernent – une lutte culturelle et politique un peu freinée par l’engouement pour la stratégie végane, qui a tendance à être hégémonique.
Mathilde Sapin, du collectif Anonymous for the Voiceless qui installe des écrans de télévision dans les rues piétonnes pour montrer des films sur l’exploitation animale, ajoute une dimension comparatiste :
« Je suis pour banaliser l’offre végétale, tout faire pour éviter qu’elle reste marginale […]. C’est une étape nécessaire, mais pas une fin en soi. Végétaliser les supermarchés ne sera pas suffisant sans éthique. Les Allemands, qui sont en avance sur l’offre végétale, consomment à peu près tout autant d’animaux terrestres que les Français chaque année (79 kg par personne) »
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De la même façon, comme on l’a vu, malgré sa forte proportion de véganes et l’abondance de son offre végétale [et près de 4 % de sa population qui se déclare végane], Israël a une consommation de viande qui monte à 99 kilos par personne et par an. L’offre végane n’entraîne donc pas forcément une réduction de la souffrance animale.
Cet extrait est issu de « Veganwashing, l’instrumentalisation politique du véganisme », de Jérôme Segal, Lux éditeur, 168 pages. Lux, Fourni par l'auteur
Parmi les personnes interrogées, d’autres encore se demandent si ces gammes véganes des grands groupes ne se vendent pas au détriment de marques 100 % véganes qui, elles, intègrent la cause animale dans leur communication. De plus, on peut penser que les véganes gagneraient tout de même, sur le plan des idées, à dénoncer toutes les compagnies qui participent à l’exploitation animale, y compris celles qui végétalisent leur offre pour verdir leur image. Autrement dit, la question du veganwashing demeure et ne pourra être résolue tant qu’on réduira le véganisme à un simple boycott.
Jérôme Segal, Histoire, sociologie, Sorbonne Université
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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De la même façon, <a href="https://www.lagedhomme.com/ouvrages/tobias+leenaert/vers+un+monde+vegane/4541">Tobias Leenaert</a> affirme que les changements d’avis sur certaines questions morales découlent parfois d’un changement de comportement au lieu de le provoquer :</p> <blockquote> <p>« L’importance et le poids des arguments moraux en tant que moteur de changement sont relatifs. Nous voulons que les gens deviennent végétaliens parce qu’ils se soucient des animaux, et nous devons élever la conscience morale des gens si nous voulons obtenir un changement durable. Mais cette préoccupation pour les animaux peut résulter d’un changement de comportement pour d’autres raisons. 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Morceaux choisis où l’auteur interroge le positionnement des véganes face au développement de produits industriels véganes.</em></p> <hr /> <p>Dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1469540520926234">article</a> sur les « opérations de <em>veganwashing</em> » et leur impact sur la lutte pour la cause animale en Italie, le chercheur en sciences politiques Niccolò Bertuzzi explique que le véganisme est historiquement anticapitaliste, mais que cette influence a aujourd’hui tendance à s’estomper pour des raisons pragmatiques :</p> <blockquote> <p>« Les défenseurs des animaux ont réagi (et réagissent encore) de différentes manières aux opérations de <em>veganwashing</em> lancées de plus en plus fréquemment par les grandes compagnies et, plus généralement, par le capitalisme contemporain. Il est rare qu’ils […] revendiquent la nature historiquement antagoniste et contre-hégémonique du véganisme. Au contraire, la priorité accordée à l’amélioration des conditions de vie des animaux non humains, la considération d’une diminution immédiate du nombre de leurs morts, ou même une plus grande possibilité de choix pour les consommateurs humains, ont incité d’autres acteurs de l’arène à évaluer des positions conciliantes (ou même un soutien explicite) envers des acteurs fortement caractérisés par leur nature capitaliste (hégémonique). »</p> </blockquote> <p>Lorsqu’on interroge les militants de la cause animale sur leurs positions par rapport aux grandes multinationales qui offrent des gammes de produits véganes, les réactions sont aussi variées qu’instructives.</p> <p>Jérémy Dubois est cofondateur de <a href="https://www.missionsentience.org/">Mission Sentience</a>, une association qui sensibilise les jeunes à ce concept, et il anime des formations au militantisme animaliste. Pour lui, toute offre végane est bonne à prendre, car la nourriture a ceci de particulier que sa consommation est limitée par la satiété. « Tout steak végétal acheté est un steak animal en moins, car les gens n’en mangent pas deux en même temps », explique-t-il. Selon cette logique, l’accusation de <em>veganwashing</em> à l’encontre des industries serait un des effets collatéraux d’une action somme toute efficace.</p> <p>Autrice d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2023-2-page-232.htm">livre</a> sur les manifestations linguistiques du spécisme, Marie-Claude Marsolier ne s’inquiète pas, elle non plus, de l’augmentation de l’offre en produits véganes proposés par l’industrie alimentaire. Elle y voit même des avantages qui pourraient s’avérer décisifs à long terme :</p> <blockquote> <p>« Les multinationales de l’industrie de la viande, en développant des gammes de produits véganes, adoptent bien sûr une stratégie de diversification afin d’anticiper le potentiel développement du marché végétalien, donc sans que cela soit vraisemblablement motivé par des considérations éthiques. Cependant, en le faisant, elles apportent, d’une part, leur caution à des produits véganes, toujours suspects d’insuffisance sur le plan gustatif ou nutritionnel, et, d’autre part, elles réduisent le “fossé ontologique” entre produits carnés et végétaux (“D’accord, c’est pas du ‘vrai’ saucisson, mais c’est toujours fabriqué par la société X”). Enfin c’est aussi une assurance que ces compagnies ne lutteront pas activement contre le véganisme puisqu’elles sont à même de profiter d’un changement du marché en sa faveur. »</p> </blockquote> <p>D’autres se réjouissent des prises de conscience que l’achat de ces produits peut susciter. Responsable de l’antenne française de <a href="https://genv.org/fr/">Generation Vegan</a>, Flavien Bascoul précise par exemple qu’« il ne faut pas s’imaginer que des gens qui se trouveraient conduits vers le véganisme pour des raisons x ou y, ne seraient pas capables d’en venir par la suite à réaliser que l’enjeu vis-à-vis des animaux est fondamental, dans une démarche végane ». De la même façon, <a href="https://www.lagedhomme.com/ouvrages/tobias+leenaert/vers+un+monde+vegane/4541">Tobias Leenaert</a> affirme que les changements d’avis sur certaines questions morales découlent parfois d’un changement de comportement au lieu de le provoquer :</p> <blockquote> <p>« L’importance et le poids des arguments moraux en tant que moteur de changement sont relatifs. Nous voulons que les gens deviennent végétaliens parce qu’ils se soucient des animaux, et nous devons élever la conscience morale des gens si nous voulons obtenir un changement durable. Mais cette préoccupation pour les animaux peut résulter d’un changement de comportement pour d’autres raisons. C’est une voie plus indirecte, mais si elle fonctionne, nous devons l’utiliser. »</p> </blockquote> <p>Flavien Bascoul, de son côté, propose en outre une expérience de pensée intéressante : « Imaginons le cas inverse : si une grande entreprise qui ne faisait que des produits véganes se mettait demain à diversifier son offre en vendant de la viande. Je ne pense pas que les lobbyistes pro-viande se questionneraient pour savoir si oui ou non ça va dans le sens de leurs intérêts… »</p> <p>Dans l’ensemble, c’est plutôt le pragmatisme qui l’emporte. Laurent, un militant alsacien engagé dans les actions de terrain, est conscient de la prépondérance du capitalisme dans la société et fait le constat suivant :</p> <blockquote> <p>« Bien sûr que c’est le capitalisme qui est derrière ces produits, mais je pense qu’il faut utiliser le système tel qu’il est, à notre avantage. Tout ce que ces grands groupes veulent, c’est faire des profits, et le végétal va prendre des parts de marché. Du coup, la part des produits d’origine animale va se réduire, moins d’animaux vont mourir. […] Fin 2021, Danone a décidé de transformer une usine dans le Gers qui utilisait du lait de vache pour en faire une usine de produits alternatifs végétaux, c’est une bonne chose ! Utilisons le capitalisme ! Je respecte les positions anarchistes ou anticapitalistes mais il faut être pragmatique. »</p> </blockquote> <p><a href="https://theconversation.com/profiles/tom-bry-chevalier-1341901">Tom Bry-Chevalier</a>, doctorant de la Chaire Économie du Climat de l’université de Lorraine et spécialiste des viandes alternatives, va dans le même sens et estime que l’offre d’alternatives industrielles à la viande « participe à normaliser la nourriture végétale et à la rendre accessible. Sans être naïf sur les intentions des grandes marques (qui ne font probablement pas ça par pur altruisme), je vois mal comment on peut considérer que cela ne va pas dans le bon sens ».</p> <p>Un des premiers militants et penseurs de la cause animale en France a une position plus nuancée à ce sujet, mais souhaite tout de même garder l’anonymat. Selon lui, les alternatives proposées par les grandes compagnies doivent être encouragées, mais elles ne changeront pas grand-chose :</p> <blockquote> <p>« Je pense qu’il s’agit d’une excellente chose. C’est une façon d’intégrer le véganisme dans une certaine normalité, de le faire sortir de son ghetto végane, et c’est ainsi que la consommation de produits d’origine animale devrait baisser dans les prochaines années. On sait désormais pertinemment (c’est ce qu’indiquent les tendances actuelles et les prospectives) que cette consommation ne baissera pas parce que les véganes seront de plus en plus nombreux, mais plutôt parce que le reste de la population mangera de plus en plus de produits végés et véganes, sans cesser pour autant de manger également des produits animaux, mais en quantité progressivement moindre. Le rêve de véganiser le monde en convainquant chaque personne de devenir végane ne se réalisera pas. Pas comme ça, en tout cas. »</p> </blockquote> <p>La polarisation des véganes de part et d’autre d’un purisme du porte-monnaie (soucieux de ne pas financer telle compagnie en achetant ses saucisses végés, parce qu’elle produit aussi des saucisses de cadavres de cochons) est à mon avis un effet de leur crispation identitaire en tant que véganes ; si on veut réduire l’exploitation animale, alors les saucisses végés (même non véganes) de Herta sont une excellente chose, une bonne nouvelle, et il est logique d’encourager leur vente, si tant est que ce soit nécessaire.</p> <p>Je pense cependant que ce n’est pas l’augmentation de la consommation de produits végés qui changera les choses pour les animaux, mais bien plus la lutte culturelle et politique pour changer notre rapport aux animaux et les lois qui les concernent – une lutte culturelle et politique un peu freinée par l’engouement pour la stratégie végane, qui a tendance à être hégémonique.</p> <p>Mathilde Sapin, du collectif <a href="https://www.anonymousforthevoiceless.org/">Anonymous for the Voiceless</a> qui installe des écrans de télévision dans les rues piétonnes pour montrer des films sur l’exploitation animale, ajoute une dimension comparatiste :</p> <blockquote> <p>« Je suis pour banaliser l’offre végétale, tout faire pour éviter qu’elle reste marginale […]. C’est une étape nécessaire, mais pas une fin en soi. Végétaliser les supermarchés ne sera pas suffisant sans éthique. Les Allemands, qui sont en avance sur l’offre végétale, consomment à peu près tout autant d’animaux terrestres que les Français chaque année (79 kg par personne) »</p> </blockquote> <p>[<em>Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters</em> The Conversation. <em>Et vous ? <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/subscribe/?promoted=la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a> pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.</em>]</p> <p>De la même façon, comme on l’a vu, malgré sa forte proportion de véganes et l’abondance de son offre végétale [et près de 4 % de sa population qui se déclare végane], Israël a une consommation de viande qui monte à 99 kilos par personne et par an. L’offre végane n’entraîne donc pas forcément une réduction de la souffrance animale.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/596536/original/file-20240527-17-hcb4bm.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Cet extrait est issu de « Veganwashing, l’instrumentalisation politique du véganisme », de Jérôme Segal, Lux éditeur, 168 pages.</span> <span><span>Lux</span>, <span>Fourni par l'auteur</span></span></em></h4> <p>Parmi les personnes interrogées, d’autres encore se demandent si ces gammes véganes des grands groupes ne se vendent pas au détriment de marques 100 % véganes qui, elles, intègrent la cause animale dans leur communication. De plus, on peut penser que les véganes gagneraient tout de même, sur le plan des idées, à dénoncer toutes les compagnies qui participent à l’exploitation animale, y compris celles qui végétalisent leur offre pour verdir leur image. Autrement dit, la question du <em>veganwashing</em> demeure et ne pourra être résolue tant qu’on réduira le véganisme à un simple boycott.<img src="https://counter.theconversation.com/content/230992/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/jerome-segal-1535536">Jérôme Segal</a>, Histoire, sociologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sorbonne-universite-2467">Sorbonne Université</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/le-veganisme-idiot-utile-de-la-societe-de-consommation-230992">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'le-veganisme-idiot-utile-de-la-societe-de-consommation', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 45, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/le-veganisme-idiot-utile-de-la-societe-de-consommation-230992', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5026, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Rencontre avec la banquière férue de poésie qui fait durer la guerre de Poutine', 'subtitle' => 'Elvira Nabiullina, 60 ans, est depuis plus de dix ans à la tête de la Banque centrale de Russie. 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Mais ce qui a le plus inquiété les Moscovites en ce chaud lundi, c'est l'état du rouble.</p> <p>Suivre les hauts et les bas de la monnaie locale, très sensible aux prix mondiaux de l'énergie, est un passe-temps national en Russie. Lorsque le rouble tombe en dessous de 100 pour un dollar, les gens commencent à s'inquiéter. J'ai regardé mes connaissances rester rivées à leur écran pendant que le rouble franchissait le seuil psychologique. Où étaient les «<em>umnyi professionali</em>» (professionnels intelligents) de la Banque centrale?</p> <p>Il y a un «professionnel intelligent» en particulier sur lequel les Russes ont appris à compter ces dernières années et il s'agit d'une professionnelle: la directrice de la banque, Elvira Nabiullina, âgée de 60 ans. Elvira Nabiullina est une technocrate à lunettes dont l'apparence modeste dissimule une intelligence et une volonté féroces. Protégée de l'un des économistes libéraux les plus influents de Russie, elle a passé la majeure partie de ses onze années à ce poste à essayer de promouvoir une économie ouverte, stable et bien réglementée dans un pays plus habitué au communisme ou au chaos.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1720108636_455pxelvira_nabiullina_2017.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="366" height="481" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>Elvira Nabiullina en 2017. © Council.gov.ru - press service - source officielle.</em></h4> <p>Mme Nabiullina est l'un des rares banquiers centraux dont la simple présence à la barre peut suffire à calmer les marchés, et elle a su gérer habilement les drames générés par les ambitions géopolitiques de Vladimir Poutine. Après que les pays occidentaux ont imposé une série de sanctions à la Russie en 2014 à la suite de l'annexion de la Crimée par M. Poutine, elle a piloté le rouble à travers le choc de confiance qui s'en est suivi avec un minimum de dégâts. Sa passion pour la prise de décision fondée sur des données et sa volonté de s'en tenir à des politiques économiques libérales sous pression ont conduit Christine Lagarde, alors directrice du Fonds monétaire international (FMI), à la féliciter d'avoir permis à la Banque de «chanter».</p> <h3>Cette «foutue Banque centrale»</h3> <p>Ces compliments ont brusquement cessé après l'invasion totale de l'Ukraine par Moscou en 2022. Des sanctions sans précédent s'en sont suivies, y compris des restrictions sur la vente de pétrole et de gaz russes en Europe. La rumeur veut que Nabiullina ait craint l'arrestation de ses adjoints à la banque si elle ne restait pas pour sauvegarder l'économie. Quelle que soit sa motivation, elle a contribué à amortir le choc initial pour les banques russes (au fil du temps, les vastes entreprises pétrolières et gazières du pays se sont révélées étonnamment habiles à trouver de nouveaux clients non occidentaux). Les détracteurs de Poutine la considèrent, ainsi que d'autres technocrates, comme complice de l'effusion de sang qui a suivi en Ukraine.</p> <p>En août 2023, la résistance économique du pays semblait faiblir. Les achats chinois de pétrole russe avaient permis d'atténuer l'effet des sanctions occidentales, mais le propre ralentissement de Pékin a affecté sa consommation d'énergie, ce qui a eu un impact négatif sur le rouble.</p> <p>Mme Nabiullina ne s'est pas empressée de protéger la monnaie, son instinct la poussant à la laisser voler de ses propres ailes autant que possible. L'absence d'intervention a suscité de vives critiques. Vladimir Solovyev, un présentateur de la télévision d'Etat, a déclaré à l'antenne que la «foutue Banque centrale» n'avait même pas expliqué «pourquoi le taux de change du rouble a grimpé si haut qu'ils se moquent de nous à l’étranger». Le 14 août à midi, le conseiller économique de Poutine, Maxim Oreshkin, a publié un article qui allait encore plus loin, blâmant explicitement la Banque centrale pour la chute de la monnaie et laissant entendre qu'elle aurait dû augmenter les taux d'intérêt pour donner un coup de pouce temporaire au rouble. Il semble peu probable que deux personnalités politiques aussi en vue aient attaqué Mme Nabiullina sans un soutien au moins tacite du Kremlin.</p> <p>En fait, la banque avait publié une déclaration sur son site web peu avant la publication de l'article d'Oreshkin, annonçant qu'une réunion d'urgence aurait lieu le lendemain. La preuve que Mme Nabiullina était sur le dossier a semblé suffisamment rassurante pour inverser la trajectoire du rouble. Celui-ci a clôturé la journée à environ 98 pour un dollar – un niveau encore bas, mais qui se rapproche de la barre des 100, si importante.</p> <p>Pour tenter de le maintenir, Nabiullina a ensuite procédé à une série de hausses massives des taux d'intérêt (le taux actuel s'élève à 16%, ce qui est exorbitant). Elle a également dû accepter le contrôle des capitaux, une mesure protectionniste qui va à l'encontre de tout ce qu'elle avait essayé de faire auparavant pour l'économie. Ce contrôle a été ordonné par Poutine lui-même, qui a exigé des exportateurs russes qu'ils convertissent leurs bénéfices étrangers en roubles en octobre 2023. Fait très inhabituel, Mme Nabiullina a critiqué publiquement cette politique qui, selon elle, ne pouvait être «qu'un remède à court terme». </p> <p>Les amis de Mme Nabiullina affirment qu'elle est l'un des rares conseillers à pouvoir parler franchement à M. Poutine, ce que ce dernier apprécie. Leur partenariat improbable dure depuis 20 ans et a traversé de nombreuses crises. Depuis 2022, sa dextérité macroéconomique a permis à Poutine d'augmenter les dépenses de guerre. Lors de sa campagne de réélection cette année, il a pu vanter – non sans inexactitude – l'économie russe comme étant celle qui connaît la plus forte croissance en Europe.</p> <p>Mais gérer les exigences de la machine de guerre et l'impact en constante évolution des sanctions rend la tâche de Mme Nabiullina de plus en plus difficile. Les dépenses de guerre ont permis à l'économie de continuer à croître, mais ont fait naître le risque d'une inflation dangereuse. Dernièrement, Mme Nabiullina s'est retrouvée à travailler à l'enracinement d'une configuration économique et politique qui éloigne le pays de ses premiers rêves d'un marché libre transparent et bien réglementé.</p> <p>«Elle ne peut pas lui dire que c'est mal, que cela détruit ce que je fais depuis 30 ans», a déclaré Konstantin Sonin, un économiste russe qui a travaillé avec Mme Nabiullina. «Elle ne fait pas preuve de perspicacité, elle se contente d'obéir aux ordres de Poutine.»</p> <p>Aucun signe extérieur n'indique que Mme Nabiullina n'est pas moins dévouée à son travail. Toutefois, des rumeurs circulent dans les milieux d'affaires russes selon lesquelles elle présenterait sa démission à intervalles réguliers, pour la voir ensuite rejetée. Les initiés affirment qu'il serait trop dangereux pour elle de partir avant que Poutine ne le lui demande.</p> <h3>Amoureuse de poésie, d'opéra et de Paul Verlaine</h3> <p>L'économie de guerre de Poutine risque d'être en difficulté à un moment ou à un autre, quoi que fasse Mme Nabiullina. Mais elle est essentielle pour retarder ce moment. Fiona Hill, ancienne conseillère pour la Russie auprès du Conseil national de sécurité des Etats-Unis, estime qu'elle pourrait même être le pont entre la Russie et l'économie mondiale. «Lorsque l'Occident reviendra faire des affaires avec la Russie, ce qui arrivera tôt ou tard lorsque la guerre sera terminée, Nabiullina pourrait être la personne avec laquelle ils pensent pouvoir faire des affaires», a déclaré Fiona Hill.</p> <p>Pourra-t-elle maintenir le cap d'ici là? Et alors qu'une économie de guerre dirigée par l'Etat s'installe, une technocrate lisant de la poésie comme elle a-t-elle ce qu'il faut pour s'opposer aux «patriotes»?</p> <p>Elvira Nabiullina est née en 1963 à Oufa, une ville située à l'extrémité orientale de la Russie européenne. C'était une ville pétrolière, aménagée selon le modèle soviétique: des résidences ouvrières fonctionnelles desservant de grandes raffineries. Ses bâtiments publics étaient ornés de slogans tels que «Lénine vivra toujours».</p> <p>Mme Nabiullina est issue d'une famille ouvrière d'ethnie tatare; son père était chauffeur et sa mère travaillait dans une usine. (Les Tatars musulmans constituent la plus grande minorité du pays, mais ils sont toujours considérés comme étrangers à la culture russe dominante). Adolescente studieuse, elle est tombée amoureuse de l'opéra et de la poésie, en particulier de l'écrivain français Paul Verlaine.</p> <p>C'est en obtenant une place à la prestigieuse université d'Etat de Moscou, au début des années 1980, qu'elle a connu son heure de gloire. A son arrivée à Moscou, le programme d'économie de la meilleure université de l'URSS était encore très axé sur les statistiques et l'idéologie communiste. En 1985, Nabiullina a adhéré au parti communiste – à l'époque, une étape essentielle pour quiconque a de l’ambition.</p> <h3>La Russie ne peut supporter qu'un nombre limité de réformes</h3> <p>Mais le changement était dans l'air, et il venait de très haut. Mikhaïl Gorbatchev, le nouveau et jeune dirigeant, avait compris que l'Union soviétique était au bord de l'effondrement économique. Il a demandé à ses conseillers de tracer la voie vers une économie de marché; l'un d'entre eux était le professeur d'économie de Nabiullina, Evgeny Yasin.</p> <p>Yasin pensait que la liberté politique devait accompagner les réformes économiques. Sa vision de la Russie était « un pays moderne avec un marché ouvert, une démocratie politique avec une autorité rotative », a déclaré Andrei Kolesnikov, son biographe. Des idées interdites sous le communisme étaient désormais ouvertement débattues.</p> <p>Mme Nabiullina a entamé une relation avec un ami et collègue économiste de Yasin, Yaroslav Kuzminov, et le couple s'est finalement marié (ils ont un fils). A un moment donné, elle a rendu sa carte du parti et a rejoint la clique d'économistes libéraux qui s'était formée autour de Yasin et de Kuzminov. Parmi eux figuraient Anatoly Chubais, qui allait superviser la privatisation des industries d'Etat russes dans les années 1990, et la fille de Yasin, Irina, une camarade d'études qui est devenue une amie proche de Nabiullina. (Les deux amies partageaient « des intérêts intellectuels et culturels exigeants », a précisé M. Kolesnikov).</p> <p>Les premières expériences de la Russie avec le marché libre ont été traumatisantes. Boris Eltsine, le premier président de la Russie post-soviétique, était pressé de démanteler l'économie planifiée. Son premier ministre, Yegor Gaidar, a lancé un programme de « thérapie de choc » pour accélérer la transition. Il a abandonné les restrictions sur les importations et ordonné la privatisation rapide des industries d'Etat. Ces mesures ont été une aubaine pour une classe émergente d'oligarques, mais les citoyens ordinaires ont dû faire face à une flambée des prix à mesure que les contrôles et les subventions disparaissaient.</p> <p>En 1994, l'étoile de Gaidar ayant pâli, Eltsine a nommé Yasin ministre du Développement économique et l'a chargé de maintenir la transition sur les rails. Nabiullina a rejoint l'équipe de son professeur. Mais il était trop tard pour atténuer les retombées de la thérapie de choc. Un cycle d'hyperinflation s'est installé, puis le rouble s'est effondré et enfin, en 1998, la Russie a fait défaut sur sa dette extérieure. Les médias nouvellement indépendants montraient des images poignantes de Russes âgés vendant leurs biens, étalés sur les trottoirs gelés de Moscou.</p> <p>Yasin a été limogé au plus fort de la crise et Nabiullina a quitté le gouvernement avec lui. Elle avait appris une leçon précieuse: La Russie ne peut supporter qu'un nombre limité de réformes. Elle reste convaincue que le pays a besoin d'une économie de marché, mais elle en vient à penser que celle-ci ne peut se développer qu'en remodelant le système existant, et non en le détruisant. «Elle a compris les distorsions du système russe et a été capable de les intégrer, ce qui la rend particulièrement apte à travailler au sein de ce système», souligne Fiona Hill, l'expert de la Russie.</p> <h3>Une simple marionnette aux ordres de Poutine?</h3> <p>Poutine, ancien officier du KGB, qui a gravi les échelons de la politique russe, a également assisté à la crise économique des années 1990. Comme Mme Nabiullina, M. Poutine était déterminé à ce que cette crise ne se reproduise jamais.</p> <p>Au début des années 1990, M. Poutine a passé son temps à conclure des accords à Saint-Pétersbourg, tirant le meilleur parti des nouvelles possibilités offertes aux entreprises. L'entourage d'Eltsine l'a pressenti pour un poste dans l'administration présidentielle en 1997; en 1999, il a été nommé Premier ministre, puis, après la démission d'Eltsine, Président par intérim.</p> <p>Certains économistes libéraux de l'entourage de Nabiullina voyaient dans l'ancien membre du KGB quelqu'un avec qui ils pourraient conclure une alliance pragmatique. En 1999, l'un d'entre eux, German Gref, constitue une équipe au sein de son groupe de réflexion. Le groupe, qui comprend Nabiullina, est chargé d'élaborer un programme économique pour Poutine, qui fait alors campagne pour être élu président. A la fin de l'année, à l'aube du nouveau millénaire, le candidat à la présidence dévoile sa vision. Il énumère sans ménagement les désastres économiques des années 1990 et appelle à l'investissement et aux réformes du marché (gérées par un Etat fort).</p> <p>Ce discours touche une corde sensible chez des millions de Russes qui avaient souffert du chaos. Associé aux sentiments nationalistes que Poutine avait attisés lors de la dernière guerre en Tchétchénie, il lui a permis de remporter aisément l'élection présidentielle. Il a invité M. Gref à diriger son ministère du développement économique et du commerce, et Mme Nabiullina est devenue l'adjointe de M. Gref.</p> <p>Bien qu'elle soit un membre relativement jeune de l'administration de M. Poutine, Mme Nabiullina semble s'être révélée utile. En 2007, Poutine remanie son cabinet en favorisant les partisans de la ligne dure et les anciens membres des services de sécurité, les siloviki. M. Gref a été contraint de démissionner. Cette fois, Nabiullina n'est pas partie avec son patron : elle a obtenu le poste de Gref. C'est la première fois qu'elle goûte au pouvoir et, selon Hill, cela lui convient. « Elle aime être vraiment bonne dans ce qu'elle fait », note-t-elle. « En tant que technocrate, être à l'intérieur du système est un environnement qui lui convient. »</p> <p>Le deuxième mandat de M. Poutine a expiré en 2008, et la Constitution lui interdisait de se représenter dans la foulée. Il est donc devenu Premier ministre et a exercé son pouvoir en coulisses (Nabiullina l'a suivi au bureau du Premier ministre). En 2012, il se présente à nouveau à la présidence.</p> <p>Entre-temps, la Russie a radicalement changé. Il existe désormais un mouvement d'opposition démocratique, mené par un jeune militant charismatique, Alexei Navalny, qui a contribué à organiser des manifestations contre la réélection de Poutine. Après son retour au Kremlin, Poutine ordonne l'arrestation d'un grand nombre de dissidents. </p> <p>La décision de Mme Nabiullina de suivre Poutine au Kremlin dans ces circonstances a consterné certains de ses anciens amis du camp de la réforme économique. Il était clair que Poutine n'allait jamais apporter la libéralisation politique que Yasin avait appelée de ses vœux. Irina, la fille de Yasin, a ouvertement soutenu les manifestations de l'opposition, et son père et elle se sont éloignés de Nabiullina. (« Elle travaille pour Poutine depuis 13 ans, ce qui prouve que nous ne partageons plus les mêmes opinions », a ainsi déclaré M. Yasin à un journaliste de Bloomberg en 2013).</p> <p>L'année suivant le ralliement sans équivoque de Mme Nabiullina à M. Poutine, Sergei Ignatiev, gouverneur de la Banque centrale de Russie, a pris sa retraite. On s'attendait à ce que Poutine s'en tienne aux conventions et promeuve l'adjoint d'Ignatiev. Au lieu de cela, il a confié le poste à Mme Nabiullina.</p> <p>Cette décision a suscité la controverse. Mme Nabiullina n'avait que peu d'expérience en matière de politique monétaire. Elle n'avait pas d'alliés naturels. Des oligarques comme Oleg Deripaska considéraient son approche réglementaire du secteur bancaire comme un obstacle à la libre circulation du crédit dont ils avaient besoin. Les conservateurs, quant à eux, n'appréciaient pas que ses instincts économiques soient libéraux.</p> <p>Les photos de la première rencontre entre Poutine et la nouvelle gouverneure de la Banque centrale montrent le premier écoutant attentivement la seconde l'informer sur les objectifs d'inflation. Comme on allait bientôt s'en apercevoir, Mme Nabiullina avait le soutien du seul groupe d'électeurs qui comptait.</p> <h3>Un salon de coiffure, une cabine d'essayage et un pressing</h3> <p>Le siège de la Banque centrale de Russie est un palais néo-Renaissance de couleur crème et beige, construit à la fin du XIXème siècle sous les derniers tsars. Aujourd'hui, la Banque jouit d'un degré d'autonomie dont peu d'autres institutions russes bénéficient. Elle est chargée de fixer les taux d'intérêt et de réglementer le secteur bancaire. La clôture en fer forgé qui entoure le bâtiment marque la limite de l'empire personnel de Mme Nabiullina. Selon un observateur familier du fonctionnement de l’institution elle passe tellement de temps à l'intérieur qu'elle y a installé un salon de coiffure, une cabine d'essayage et un service de nettoyage à sec.</p> <p>Mme Nabiullina, qui n'est pas vraiment une « fashion victim » accorde une grande attention à son apparence, qui est scrutée de près par le monde de la finance et par les femmes russes. Elle évite le bling-bling et les marques ostentatoires, préférant le look « quiet luxury » (« luxe discret ») adopté par les personnages de la série <i>Succession</i> de HBO. « Elle a commencé par s'habiller comme une comptable de province », déplore un initié de l'industrie de la mode russe, qui estime que Mme Nabiullina achète désormais ses costumes sobres chez Loro Piana, le créateur des super-riches. Son charme discret est renforcé par des bijoux plus voyants : Nabiullina semblait souvent signaler ses décisions en matière de taux par le type de broches qu'elle portait, avec une épingle à faucon en céramique qui donnait aux observateurs un indice pas trop subtil de ce qui allait se passer. (Depuis l'invasion de l'Ukraine, on l'a souvent vue en noir funèbre).</p> <h3>Mélange de culot et de rigueur</h3> <p>Après avoir pris les rênes de la banque centrale en 2013, Mme Nabiullina a entrepris d'en faire un lieu de travail capable d'attirer les meilleurs économistes. Elle a constitué une équipe jeune et hautement qualifiée, dont beaucoup - comme son adjointe, Ksenia Yudaeva, qui a contribué à l'introduction de pratiques modernes de collecte et d'analyse des données - ont été formés en Occident.</p> <p>Selon Alexandra Prokopenko, une collègue qui a quitté la Banque peu après le début de la guerre en Ukraine, de nombreuses « personnes intelligentes et talentueuses » en sont venues à éprouver une forte loyauté personnelle envers Mme Nabiullina. «Elle a fait beaucoup pour créer un environnement de travail moins toxique. La culture de l'entreprise était fondée sur l'interaction et, si elle n'était pas totalement horizontale, elle n'était pas verticale.» Un ami de Mme Nabiullina souligne le contraste entre elle et d'autres économistes russes puissants: «Elle est modeste, discrète et n'est pas motivée par son ego. La plupart des fonctionnaires russes conduisent de grosses Maybach: Nabiullina préfère une Jaguar élégante.»</p> <p>Elle avait certes un côté dur. «Les gens ont peur de Nabiullina, elle est toujours souriante mais elle a une détermination d’acier, se souvient l'observateur. On la surnommait "Elvira d’acier" et même les hommes forts avaient peur d'entrer dans son bureau», raconte un ancien collègue du ministère de l'Economie. «Elle n'aime pas les gens faibles. Un jour, Mme Nabiullina a annoncé à un groupe de journalistes, invités à un événement "officieux", que l'un de ses adjoints allait démissionner immédiatement. L'un des journalistes m'a dit que l'adjoint en question était présent au briefing et qu'il avait l'air stupéfait. C'est officiel, a déclaré Mme Nabiullina, sans sourciller.»</p> <p>Ce mélange de culot et de rigueur intellectuelle a donné à Mme Nabiullina la confiance nécessaire pour apporter des changements importants à la politique de la Banque centrale. Les précédents gouverneurs de la Banque de Russie avaient protégé le rouble, maintenant son taux de change à un niveau artificiellement élevé : Mme Nabiullina a annoncé son intention de le laisser flotter. Elle a résisté aux pressions exercées par les oligarques pour que le crédit bon marché continue de circuler, en maintenant au contraire des taux d'intérêt élevés. Elle a également fermé 300 banques en quatre ans, dont un grand nombre pour « transactions douteuses » - en d'autres termes, pour blanchiment d'argent. Il s'agissait d'un programme ambitieux, qui ne manquerait pas de mécontenter certaines personnes en cours de route, en particulier dans le secteur bancaire. Mais M. Poutine est satisfait de la stabilité macroéconomique qu'elle lui apporte. « Ses ennemis savent qu'il la soutient », relève un observateur.</p> <p>En ce qui concerne les alliés de M. Poutine, Mme Nabiullina semble avoir choisi ses batailles. Igor Sechin, président de la compagnie pétrolière nationale Rosneft, a pu obtenir des prêts en dollars auprès de la Banque centrale à des conditions très favorables, même après la fin supposée de ce type d’accords.</p> <p>En 2014, l'année où Mme Nabiullina avait prévu de laisser flotter le rouble, M. Poutine a annexé la Crimée. L'Europe et l'Amérique ont imposé des sanctions qui ont rendu l'accès au crédit plus difficile pour les grandes entreprises russes du secteur bancaire, de l'énergie et de la défense. En outre, les prix mondiaux du pétrole ont chuté et le rouble a commencé à s’affaiblir; les Russes ont vu leurs économies perdre rapidement de la valeur. Il aurait été facile pour Mme Nabiullina de dépenser les réserves de la Banque pour soutenir le rouble et d'imposer un contrôle des capitaux pour empêcher les Russes d'acheter des devises fortes. Mais cela aurait ébranlé la confiance dans le type d'économie qu'elle essayait de développer. Elle s'en est tenue à son plan et a laissé le rouble flotter. Comme on pouvait s'y attendre, il a coulé.</p> <p>Les économistes de l'establishment l'ont qualifiée de téméraire. Les nationalistes de la droite russe ont fustigé le personnel du «département d'Etat américain» de la Banque. Mais son pari calculé a porté ses fruits et, à l'automne 2016, le rouble avait repris de la valeur. Pendant ce temps, l'inflation se rapprochait de l'objectif de 4% qu'elle s'était fixé.</p> <p>Les récompenses internationales ont afflué. En 2017, elle a été nommée meilleure banquière centrale d'Europe par <i>The Banker</i>, une revue spécialisée prestigieuse. L'année suivante, le FMI a invité Mme Nabiullina à donner sa conférence annuelle sur la Banque centrale. S'exprimant dans un anglais fluide, Nabiullina a parlé avec sérieux de la «lutte pour construire les fondations d'une économie de marché et atteindre la stabilité macroéconomique ». L'élite financière mondiale a applaudi. Sa proximité avec Poutine ne semblait pas les déranger; ils espéraient peut-être qu'elle deviendrait leur alliée. « Je pensais qu'elle était une bonne chose et qu'elle était du bon côté », se souvient un diplomate. « Mais regardez ce qui s'est passé. »</p> <p>Une semaine après l'entrée des troupes russes en Ukraine, en février 2022, Mme Nabiullina a diffusé un message vidéo à l'intention du personnel de la Banque centrale. Pâle mais posée, seule dans un vaste foyer de marbre, elle a choisi ses mots avec soin. « Notre économie a atteint une situation extrême, totalement hors norme, qu'aucun d'entre nous ne souhaitait », dit-elle face à la caméra. Elle a ensuite exhorté ses employés à oublier leurs divergences politiques et à se concentrer sur le travail à accomplir. « Mon objectif est de faire en sorte que les gens ordinaires et les entreprises perdent le moins possible et j'espère que vous ferez de même », a-t-elle conclu. La vidéo, qui a fait l'objet d'une fuite sur Internet, donne un rare aperçu du style de <i>leadership</i> de Mme Nabiullina: sévère, mais non dépourvu d’empathie.</p> <h3>Plus loin de Washington, plus près de Téhéran</h3> <p>Il est difficile d'imaginer que sa vision rationnelle du monde s'accorde avec les ambitions de Poutine en Ukraine. « Dans son esprit, elle est pour la démocratie, le libre marché et la concurrence », a déclaré un ami. Il a été largement rapporté qu'elle était allée voir Poutine avant le début de la guerre pour essayer de le dissuader de la déclencher, en lui exposant la dévastation économique qu'elle causerait. Mais publiquement, la gouverneure n'a donné aucun signe de dissidence (si ce n'est le ton sombre de ses vêtements).</p> <p>Dans les jours qui ont suivi l'invasion, l'UE a gelé les avoirs de la Banque centrale russe d'une valeur de plus de 200 milliards d'euros et les pays occidentaux ont imposé des sanctions de grande envergure aux secteurs bancaire, énergétique et militaire de Moscou. Le lundi 28 février au matin, les Russes ont fait la queue pour retirer leurs économies alors que le rouble perdait près de 30% par rapport au dollar.</p> <p>Mme Nabiullina a dû prendre des mesures extraordinaires pour calmer la situation, loin de son livre de recettes de 2014. Elle a d'abord porté les taux d'intérêt à 20% - une décision tellement audacieuse qu'une employée se souvient que sa garde rapprochée a été augmentée par la suite. Ensuite, elle et Poutine ont mis en place un contrôle des capitaux, l'une de ses lignes rouges personnelles, obligeant les grandes entreprises énergétiques à acheter des roubles avec leurs dollars et interdisant la plupart des transferts en dehors de la Russie. Elle a même gelé l'accès des épargnants russes à leurs fonds pendant un certain temps. « Elle a été soutenue par une intensification de la répression », commente Sergei Guriev, un éminent économiste qui a quitté la Russie et enseigne aujourd'hui à Sciences Po Paris. « Les Russes ne sont pas descendus dans la rue, car ils ont compris qu'ils ne pouvaient pas le faire. »</p> <p>La plupart de ces mesures ont finalement été annulées et une certaine stabilité a été atteinte. L'économie qu'elle avait contribué à nourrir a été lentement démantelée, mais Mme Nabiullina a réussi à paraître calme, voire positive, en annonçant les mauvaises nouvelles. Lors de ses conférences de presse mensuelles retransmises en direct, Mme Nabiullina utilise des termes neutres tels que « imprévisibilité » ou « pénuries sur le marché du travail », mais ne mentionne jamais la guerre. Sa personnalité dépassionnée et technocratique est tellement connue qu'elle a suscité des mèmes sur les réseaux sociaux russes. L'un d'entre eux montre une photo de Nabiullina au-dessus des mots: «pas un fiasco total mais une transformation structurelle ».</p> <p>Elle s'est appliquée à la nouvelle situation de la Russie avec la même diligence qu'elle mettait à séduire l'establishment bancaire occidental. Les invitations à Washington ont peut-être diminué, mais en mai dernier, elle était une invitée de marque à Téhéran pour aider à consolider les relations naissantes de la Russie avec l'Iran, et en mai dernier, elle a accompagné Poutine lors de sa visite officielle en Chine. Poutine parle de sa vision d'un nouvel ordre économique et politique libéré de l'influence américaine; les échanges avec la Chine sont montés en flèche, bien que le yuan, en tant que monnaie internationale, ne soit pas un substitut au dollar.</p> <p>C'est au ministère des Finances, et non à la Banque centrale, de gérer les coûts de la guerre en Russie. L'économiste Guriev estime que les économies de l'Etat sont utilisées pour financer les soldats et les munitions et que, lorsqu'elles seront épuisées, dans un an environ, il faudra réduire les dépenses sociales. « Les gens seront mécontents, mais c'est le problème de la police », a-t-il déclaré.</p> <h3>Une éthique shakespearienne</h3> <p>La principale tâche de Mme Nabiullina consiste aujourd'hui à contrôler l'inflation. Elle a fait part de son intention de maintenir les taux d'intérêt à 16% jusqu'à la fin de l'année. Jusqu'à présent, elle a épargné aux ménages russes de graves difficultés économiques, et M. Poutine semble soutenir sa politique de taux d'intérêt. Toutefois, selon Sonin, son ancien collègue, il y a un prix à payer. Il estime que la femme qui a fait enchanté la Banque centrale est désormais devenue l'un des « soldats de Poutine, marchant dans la direction qu'il souhaite ».</p> <p>M. Yasin, le mentor de Mme Nabiullina, est décédé en septembre dernier. Il était considéré comme le parrain du libéralisme économique russe, et des personnalités politiques et universitaires de premier plan ont assisté à son service funèbre à l'Ecole supérieure d'économie de Moscou. Plusieurs d'entre elles se sont rassemblées sur la scène et se sont succédé pour lui rendre hommage. Sur les photos de Mme Nabiullina, on la voit seule, perdue dans ses pensées, devant le cercueil orné d'une rose.</p> <p>Elle semble de plus en plus isolée ces jours-ci, même de ses collègues partageant les mêmes idées, comme Yudaeva, qui a démissionné de son poste de gouverneur adjoint de la banque l'été dernier (des connaissances affirment que Nabiullina a organisé cette démission pour protéger Yudaeva des critiques alors que le rouble s'effondrait).</p> <p>Un initié financier russe compare Mme Nabiullina à un personnage de la tragédie shakespearienne: inextricablement liée à une ligne de conduite en raison de son caractère. « Dès le premier jour de la guerre, elle a parfaitement compris les conséquences de ses actes et pourtant elle continue », a déclaré l'initié. « C'est comme si elle avait un code éthique, une déontologie, comme un chirurgien qui traite un patient, peu importe qui est le patient. »</p> <p>Poutine a autour de lui une poignée d'autres technocrates qui tentent de gérer les circonstances extraordinaires dans lesquelles la Russie se trouve aujourd'hui: Mikhail Mishustin, le Premier ministre, Sergei Kiriyenko, son chef de cabinet adjoint, et Andrei Belousov, l'économiste récemment nommé ministre de la Défense. Le plan consiste vraisemblablement à faire fonctionner les choses jusqu'à ce que Poutine puisse déclarer la victoire sur l'Ukraine, mettre fin à la guerre et demander la réhabilitation de la Russie.</p> <p>En réalité, peu de gens s'attendent à ce que la guerre se termine bientôt. Certains économistes pensent qu'elle déclenchera alors les calamités économiques que Nabiullina a contribué à maintenir à distance pendant si longtemps. « Lorsque la démilitarisation commencera, il y aura une énorme crise économique », a déclaré M. Sonin. « Tous ceux qui travaillent dans la production militaire devront être licenciés; ce sera l'effet soviétique bis ». Pour le banquier de guerre de Poutine, le plus grand défi pourrait bien être la paix.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'rencontre-avec-la-banquiere-ferue-de-poesie-qui-fait-durer-la-guerre-de-poutine', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 24, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5025, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'L’UE suspecte des médicaments', 'subtitle' => 'Le journal «Les Echos» annonce que« l’Europe suspend 400 médicaments génériques pour "études erronées". 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La Corée du Sud se classe troisième, l’Allemagne au 20ème rang.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1720086367_graph1.png" class="img-responsive img-fluid center " width="590" height="472" /></p> <p>En ce qui concerne l'espérance de vie à l'âge de <i>60 ans</i>, la Suisse occupe la cinquième place après le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et Singapour. L'Allemagne se situe au 18ème rang. Classement de haut en bas:</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1720086398_graph2.png" class="img-responsive img-fluid center " width="590" height="402" /></p> <h3>Dans les pays industrialisés, l'espérance de vie élevée n'a pas grand-chose à voir avec les coûts de la santé</h3> <p>C'est une erreur de croire que l'espérance de vie élevée en Suisse est due aux coûts de la santé extrêmement élevés. Les nombreux médecins, hôpitaux et médicaments de qualité ne sont qu'un facteur secondaire pour expliquer la hausse de l'espérance de vie. Les habitants du Japon, de la Corée du Sud, de l'Australie, de l'Espagne ou de l'Italie atteignent en moyenne un âge aussi avancé, mais dépensent nettement moins d'argent dans la santé. (voir tableau ci-dessous).</p> <p>Les comparaisons internationales de l'OCDE doivent toujours être interprétées avec prudence. En ce qui concerne les dépenses obligatoires (en Suisse, l'assurance de base), les prestations couvertes ne sont pas les mêmes partout. 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Les pays industrialisés les plus faibles socialement et économiquement ont une <a href="https://www.infosperber.ch/gesundheit/public-health/die-reichtumskluft-verkuerzt-den-aermsten-das-leben/?preview_id=261241&preview_nonce=c995710bee&preview=true&_thumbnail_id=261243">espérance de vie inférieure d'environ dix ans</a> à celle des plus forts économiquement ;</li> <li>En Suisse, le pourcentage de personnes effectuant des travaux physiquement pénibles est moins élevé que dans d'autres pays ;</li> <li>En Suisse, il y a proportionnellement moins de personnes sédentaires (inactives physiquement) ;</li> <li>Il y a en Suisse moins de personnes en surpoids et diabétiques.</li> </ol> <p>Aux Etats-Unis, le nombre élevé de toxicomanes joue un rôle supplémentaire. Il est en grande partie responsable de la stagnation de l'espérance de vie dans ce pays, malgré des coûts de santé extrêmement élevés et en constante augmentation. Elle était de 78,7 ans à la naissance en 2010 et de <a href="https://www.cdc.gov/nchs/products/databriefs/db492.htm#Key_finding">77,5 ans</a> en 2022.</p> <p>Par rapport au Japon, le pays qui a l'espérance de vie à la naissance la plus élevée au monde, la Suisse est à la traîne principalement parce qu'elle compte, en pourcentage, deux fois plus de personnes en fort surpoids, deux fois plus de décès dus au tabagisme et un tiers de plus de personnes sédentaires qu'au Japon.</p> <p>A l'inverse, l'Australie, la Norvège, l'Espagne et l'Italie se retrouvent derrière la Suisse dans le classement de l'espérance de vie, notamment parce que la proportion de personnes souffrant d'un surpoids important est de 18 à 32% plus élevée dans ces pays qu'en Suisse.</p> <p>En ce qui concerne l'espérance de vie à la naissance, Singapour se situe au 5ème rang. Par rapport à la Suisse, on y trouve nettement plus de sédentaires et une consommation d'alcool beaucoup plus élevée. En revanche, la Suisse s'en sort mieux en matière de pollution de l'air.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1720086468_graph4.png" class="img-responsive img-fluid center " width="590" height="354" /></p> <p>Malgré toutes les faiblesses de ces classements et d'autres, les spécialistes de la santé publique s'accordent à dire que l'espérance de vie et la santé dans un pays industrialisé dépendent principalement de l'intensité et de la fréquence de l'activité physique, du nombre de fumeurs, de la consommation excessive d'alcool et de la proportion de personnes socialement et économiquement défavorisées dans le pays.</p> <p>Si la politique de santé publique a pour objectif d'améliorer l'état de santé général de la population et d'augmenter l'espérance de vie moyenne, alors des milliards supplémentaires ne devraient pas être investis dans le système de santé, mais plutôt dans la lutte contre la pauvreté, le tabagisme, la consommation excessive d'alcool, les particules fines et autres polluants dans l'air, ainsi que dans des incitations à l'activité physique.</p> <p>Certaines choses comme l'interdiction totale de la publicité pour le tabac (y compris les cigarettes électroniques) ou la limitation de la vitesse à 30 km/h dans les villes (particules fines) seraient même gratuites.</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-suisses-vivent-plus-longtemps-et-ce-n-est-pas-grace-aux-couts-de-la-sante', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 25, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://www.infosperber.ch/gesellschaft/uebriges-gesellschaft/schweizer-leben-laenger-nicht-dank-hoher-gesundheitskosten/', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5017, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Pour une Journée de l’indépendance gay et lesbienne', 'subtitle' => 'Et si l’expérience homosexuelle et celle de la transidentité étaient radicalement différentes, voire irréconciliables? C’est la conviction du journaliste et auteur américano-britannique Andrew Sullivan, ex-rédacteur en chef de «The New Republic» et pionnier du combat pour le mariage gay. Dans ce texte paru dans sa newsletter «The Weekly Dish», il dit son inquiétude face au nouveau danger qui menace les enfants homosexuels: celui d’une doctrine trans-affirmative qui les encourage à fuir leur homosexualité en changeant de sexe. La grande communion LGBTQIA+ se paie, déplore-t-il, au prix fort: celui de la santé et de la sécurité des enfants homosexuels. Si on veut protéger leurs intérêts, il est temps de rompre cette coalition, conclut Sullivan. ', 'subtitle_edition' => 'Et si l’expérience homosexuelle et celle de la transidentité étaient radicalement différentes, voire irréconciliables? C’est la conviction du journaliste et auteur américano-britannique Andrew Sullivan, ex-rédacteur en chef de «The New Republic» et pionnier du combat pour le mariage gay. 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Aider les enfants, c'est le moteur primordial de mon engagement militant:</p> <p><i>«Je me souviens du moment où j'ai compris que j'étais gay. Brutalement, j'ai pris la mesure de ce que cela signifiait: il n'y aurait pas de jour où ma famille se réunirait pour célébrer une nouvelle, une future famille. Je n'aurais jamais une relation aussi légitime que celle de mes parents, de mon frère ou de ma sœur. Les effets de cette prise de conscience sur un jeune psychisme ne sont pas faciles à décrire mais ils sont profonds. Dès ce moment, la ségrégation émotionnelle s’installe, et tout ce qui va avec: le manque d'estime de soi, la notion de sexe fatalement déconnecté d’une relation stable, la douleur de devoir choisir entre la famille dans laquelle on est né et l'amour que l'on ressent.»</i></p> <p>Je voulais que l’on trouve le moyen de dire aux enfants homosexuels qu'ils avaient un avenir. Je voulais aider à guérir chez eux la blessure qui avait meurtri mon cœur et mon âme jusqu'à l'âge adulte. Je voulais qu'ils vivent en paix avec leur sexe et leur amour homosexuel. J'espérais que l’avènement du mariage homosexuel transformerait la culture, l’humaniserait. Par le simple fait de connaître l’existence de cette possibilité, les enfants homosexuels seraient moins traumatisés, moins rongés par la haine de soi et plus confiants dans le monde. Ils pourraient grandir comme les enfants hétérosexuels – ni plus ni moins bousillés qu’eux.</p> <p>Je ne me trompais pas. Cette semaine, la RAND Corporation a publié une étude évaluant les effets du mariage gay dans la vraie vie, deux décennies après son avènement: aucun des désastres prédits ne s’est vérifié. Les mariages hétérosexuels ont légèrement augmenté; les taux du divorce et de la cohabitation hétérosexuels sont restés les mêmes; chez les couples homosexuels, dans les Etats ayant adopté l'égalité du mariage, on observe «des relations plus stables, des revenus plus élevés et des taux plus élevés d'accession à la propriété». Le soutien à l'égalité du mariage était de 42% en 2004, et cette thématique allait aider Bush à remporter un second mandat dans l'Ohio; aujourd'hui, alors que nous pouvons vérifier l’impact réel du nouveau statut, ce dernier est plébiscité à près de 70%.</p> <p>Et qu'en est-il des enfants homosexuels qui ont tant inspiré mon ardeur militante?</p> <p>Là, c’est nettement plus problématique. La question est difficile à cerner, principalement parce que la catégorie même des «enfants homosexuels» a été abolie par… oui, par les groupes homosexuels. Les enfants gays sont désormais associés à des groupes totalement différents les uns des autres: les enfants qui se sentent appartenir au sexe opposé, les enfants hétérosexuels qui se disent «queer», une catégorie entièrement nouvelle d'êtres humains appelés «non-binaires», et quelques centaines de nouvelles «orientations» et «genres» – y compris les eunuques! Tous ces enfants sont désormais considérés comme des incarnations de la «diversité de genre», vivant essentiellement la même vie «LGBTQIA+<strong><sup>1</sup></strong>», définie comme étant queer et subversive face aux normes culturelles et sociales. L'homosexualité? Elle s'est évaporée dans la «diversité de genre».</p> <p>Et s'il existait un conflit fondamental, profond, entre certaines lettres du fameux sigle? Et si ces deux expériences – être gay, être trans – s’avéraient être de nature radicalement différente? 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Je parle des enfants homosexuels et de ce que l'idéologie du genre leur enseigne, de ce que les prises en charge relevant de l’«affirmation de genre» font à leurs corps et à leurs âmes.</p> <p>La doctrine transmise aujourd’hui par l'<em>establishment</em> éducatif, l'industrie médicale et le gouvernement fédéral postule qu’être un garçon ou une fille n’est pas un fait biologique mais un état ressenti. Vos organes génitaux, vos chromosomes, ne vous disent rien sur votre sexe. En grandissant, enseigne la doctrine, les enfants peuvent <i>choisir</i> leur genre, le nombre des genres étant infini – et le genre et le sexe se confondant. Puis, à la puberté, s’ils voient que leur corps ne ressemble pas au sexe qu'ils ont choisi, ils peuvent et doivent en changer.</p> <p>On comprend le sens qu’il y a à tenir ce propos aux enfants souffrant de dysphorie de genre. Mais enseigner cette doctrine aux enfants homosexuels est une terrible erreur, qui conduit à des résultats effrayants. La dernière chose dont un garçon gay a besoin, c'est de s’entendre dire qu'il est peut-être une fille à l'intérieur, et que là est probablement la source de tous ses problèmes. Psychologiquement, c’est brutal et terrifiant.</p> <p>Je me souviens d’un jour de Noël chez mes grands-parents. J'avais environ huit ans et mon frère quatre. Il jouait avec un camion et s’amusait à le lancer contre le mur; moi, je lisais un livre. Ma grand-mère nous a regardés et a dit à ma mère: «Au moins, maintenant vous avez un vrai garçon». Cette remarque désinvolte a été comme un coup de poignard dans mon amour-propre. C'est le tropisme homophobe le plus profond et le plus ancien: les garçons homosexuels ne sont pas vraiment des garçons. Ce préjugé est aujourd'hui diffusé par les théoriciens du genre aussi joyeusement qu'il l'était autrefois par les bigots.</p> <p>Imaginez maintenant qu'une figure d'autorité vienne renforcer cette idée auprès d'un enfant confronté à la puberté. Le parent ou l'enseignant ajoutera que s’il le souhaite, le garçon peut se transformer en fille, et dénouer ainsi toutes ses angoisses naissantes. Un tel message, bienveillant lorsqu’il est adressé aux enfants transgenres, vire involontairement à l'homophobie face aux enfants homosexuels. Au moment précis où ils ont besoin d’être légitimés dans leur sexe biologique, on leur dit que ce dernier n'existe pas. La phrase qui me hante – omniprésente dans la littérature pour enfants LGBTQIA+ – est la suivante: «Tu peux être un garçon ou une fille, ou les deux, ou aucun des deux, ou quelque chose d'entièrement différent». Et je me demande: si on m'avait proposé cette solution, l'aurais-je acceptée?</p> <p>La réponse est peut-être oui. Et je ne suis pas le seul. Voyez Martina Navratilova, qui se demande si, comme enfant aujourd’hui, elle aurait été diagnostiquée comme souffrant de dysphorie de genre.</p> <p><i>«Sûrement, je l'aurais été. 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Mais demandez-leur ce qui leur permet de différencier un enfant gay d’un enfant trans souffrant de dysphorie de genre, et ils ne pourront rien répondre si ce n’est qu’il faut «croire l'enfant».</p> <p>Demandez-leur s’il ne faudrait pas ralentir le processus pour minimiser le risque d'erreurs; ils vous répondront que la question est «transphobe». Car du moment où un enfant dit qu’il pense être du sexe opposé, <i>vous n'avez même pas le droit de questionner son affirmation</i>. C'est le modèle «affirmatif du genre». Une telle posture n’est déjà pas prudente avec les enfants transgenres. Mais avec les enfants gays, elle relève de rien d’autre que de la maltraitance. 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