Patricia Highsmith en 1988. CC-BY-SA-3.0
Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande…
Notice (8): Trying to access array offset on value of type null [APP/Template/Posts/view.ctp, line 123]Code Context<div class="post__article">
<? if ($post->free || $connected['active'] || $crawler || defined('IP_MATCH') || ($this->request->getParam('prefix') == 'smd')): ?>
<?= $post->content ?>
$viewFile = '/data01/sites/bonpourlatete.com/dev/bonpourlatete.com/src/Template/Posts/view.ctp' $dataForView = [ 'referer' => 'https://dev.bonpourlatete.com/like/4868', 'OneSignal' => '8a2ea76e-2c65-48ce-92e5-098c4cb86093', '_serialize' => [ (int) 0 => 'post' ], 'post' => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4868, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Comment Simenon et Highsmith déjouent les poncifs du polar', 'subtitle' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'subtitle_edition' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'content' => '<p>Georges Simenon se plaignait de ce que la critique et le public français le considérassent (pour parler comme San Antonio) strictement comme un auteur de romans policiers, alors que le reste du monde voyait en lui un écrivain à part entière. De la même façon, Patricia Highsmith – elle-même vive admiratrice de Simenon mais ne prisant guère le genre policier en tant que tel -, n’appréciait pas du tout le titre de « reine du crime » que d’aucuns lui accolaient. </p> <p>Or s’il est vrai que les « purs littéraires », et surtout en France, aiment à séparer ce qui est « vraie littérature » des genres dits mineurs (polar, science-fiction, fantastique, littérature populaire en un mot), il n’est pas moins évident que le roman policier, dit aussi roman noir, thriller ou polar, a ses règles spécifiques qui en font, qu’on le veuille ou non, et sans mépris, un genre particulier.</p> <p>Simenon reconnaissait, le premier, que la série de Maigret obéissait à certains schémas dont il éprouva, à un moment donné, le besoin de se libérer. Cela ne signifie pas que ses Maigret soient forcément schématiques, mais le fait est que le meilleur de Simenon échappe aux normes du polar. Un volume en partie « biographique » de la prestigieuse Pléiade, paru en 2009, témoigne à la fois de la reconnaissance et du niveau de qualité et de profondeur d’au moins une trentaine de romans qu’on taxe tantôt, comme l’auteur, de « romans durs », ou de « romans de l’homme ».</p> <p>C’est ainsi que <em>Lettre à mon juge</em><em> </em>ou <em>le balzacien</em><em> Bourgmestre de Furnes</em>, <em>La neige était sale</em>, <em>Les inconnus dans la maison</em>, <em>Feux rouges</em>, <em>Les gens d’en face</em><em> </em>ou <em>L’homme qui regardait passer les trains</em>, pour ne citer que ceux-là, ressortissent bel et bien à la meilleure littérature, comme il en va de <em>Crime et châtiment</em><em> </em>de Dostoïevski, si proche à l’inverse de certains romans noirs.</p> <p>Mais qui était Simenon, formidable personnage lui-même de roman sans rien de « policier » ? De <em>Pedigree</em> à la <em>Lettre à ma mère</em>, entre sept autres romans, le volume de La Pléiade éclairait incidemment la personnalité même du grand romancier.</p> <h3><strong>Quand le « je » devient « il »</strong></h3> <p>Il aura fallu, à l’été 1940, qu’un médecin lui annonce sa mort à brève échéance (deux ans au plus) pour que Georges Simenon entreprenne soudain, pour son premier fils Marc en bas âge, de rédiger l’histoire de sa propre enfance et de son clan liégeois, «afin qu’il sache »...</p> <p>Dans l’immédiat, interdiction lui était faite de fumer, de boire ou de faire l’amour. Dur, dur pour un homme aussi porté sur la chair que sur la chère, incroyablement fécond (dix romans rien qu’en 39-40 !) et qui venait de payer de sa personne dans l’accueil de 18.000 réfugiés belges à La Rochelle, en tant que « haut commissaire » spécial…</p> <p>À 38 ans, déjà célèbre et richissime, le romancier avait signé plusieurs centaines de romans, sans jamais parler de lui-même. Or c’est en « je » qu’il allait rédiger les cent premiers feuillets d’un texte (réédité plus tard sous le titre de <em>Je me souviens</em>) qu’il soumit à André Gide, lequel lui conseilla de passer à la troisième personne pour se raconter plus librement, comme… dans un roman de Simenon.</p> <p>Ainsi fut écrit <em>Pedigree,</em> pavé de 400 pages et tableau vibrant de vie et d’humanité d’un quartier populaire de Liège au début du XXe siècle. Au premier rang : le jeune Roger Mamelin, entre un père sensible et digne (très proche de Désiré Simenon), et une mère castratrice, découvre tout un monde de petites gens attachants, les vertiges du sexe éprouvés par l’enfant de chœur courant au bordel avec les sous du curé, enfin la vie profuse de la ville ouvrière. Le récit s’achève à la seizième année du protagoniste, mais Simenon prétendait que l’essentiel d’un individu se forge avant dix-huit ans…</p> <p>Qu’il évoque la dictature politique (l’URSS des <em>Gens d’en face</em>) ou la guerre conjugale (dans Pedigree dont les conjoints ne se parlent plus que par billets interposés), ses anciens amis qui ont mal tourné ou les peines d’un enfant trop sensible, Simenon le romancier reste évidemment le même homme que le mémorialiste aigu (à qui l’on intentera trois procès !) ou que le reporter autour du monde : un écrivain d’une incomparable porosité, toujours fidèle à sa devise de « comprendre et ne pas juger ».</p> <h3><strong>Du noyau au « trou noir »…</strong></h3> <p>« Nous sommes deux, mère, à nous regarder ; tu m’as mis au monde, je suis sorti de ton ventre, tu m’as donné mon premier lait et pourtant je ne te connais pas plus que tu ne me connais. Nous sommes, dans ta chambre d’hôpital, comme deux étrangers qui ne parlent pas la même langue – d’ailleurs nous parlons peu – et qui se méfient l’un de l’autre »…</p> <p>Ce dur constat donne le ton d’un livre à la fois terrible et déchirant, par le truchement duquel on peut sonder l’abîme séparant une mère de son fils auquel elle a toujours préféré son frère cadet en dépit de la « réussite » fracassante de son aîné.</p> <p>Comme l’inoubliable <em>In Memoriam</em> de Paul Léautaud, griffonné au chevet de son père mourant, la <em>Lettre à ma mère</em> que Simenon a écrite le 18 avril 1974 à Lausanne, trois ans après le décès d’Henriette Brüll, est un de ces écrits fondamentaux qui jettent, sur une vie ou une œuvre, la lumière crue de la vérité.</p> <p>Ici, le manque absolu de tendresse, la frustration définitive éprouvée par un fils jamais caressé et jamais « reconnu », jusqu’à un âge avancé, en disent sans doute long sur les rapports, trivialement fonctionnels ou beaucoup plus compliqués, voire pervers, que Georges Simenon entretenait avec les femmes. Bref, une galaxie humaine à ne cesser de découvrir, comme en témoigne l’expo à voir ces jours à la fondation Michalski.</p> <h3><strong>Figures de l’humiliation</strong></h3> <p>Autre univers personnel à découvrir : l’arrière-monde de Patricia Highsmith, dont les <em>Écrits intimes</em> de plus de mille pages, parus en 2021 chez Calmann-Lévy, constituent la meilleure introduction. </p> <p>Bien plus que les secrets d’une « reine du crime », nous y découvrons les soubassements émotionnels et le quotidien professionnel et affectif souvent très difficile d’une insatiable amoureuse qualifiée justement de « poète de l’angoisse » par le grand romancier anglais Graham Greene. Autant que Simenon, Patricia Highsmith a signé des romans et des nouvelles qui ne s’intéressent guère aux aspects techniques policiers ou judiciaires de la criminalité, constituant le fonds des auteurs actuels de polars, mais essentiellement aux motivations obscures de celles et ceux qui « passent à l’acte ». Dès ses premiers écrits de jeune fille, le crime la scotche, mais des flics et des « enquêtes » elle n’a que fiche… </p> <p>Lors d’une visite que je lui rendis en 1988 dans le hameau tessinois d’Aurigeno, me recevant en l’humble maison de pierres où elle logeait avant sa dernière installation sur les hauts d’Ascona, la romancière, peu soucieuse de parler d’elle-même, répondit, à la question que je lui posai, relative à l’origine, selon elle, de la plupart des crimes, par un seul mot : l’humiliation.</p> <p>Or celle-ci est la base évidente de la psychologie du plus emblématique de ses personnages, au nom de Tom Ripley, dont tous les agissements paraissent un exorcisme à l’humiliation nourrie d’envie, de frustration et d’esprit de revanche.</p> <p>On croit avoir tout dit de Ripley en le réduisant à un pervers inquiétant se plaisant en eaux troubles, mais le personnage est beaucoup plus que cela : un homme perdu de notre temps, un type qui rêve d’être quelqu’un, au sens de la société, et le devient en façade, sans être jamais vraiment satisfait, calmé ou justifié.</p> <p>Il faut lire la série des romans dans l’ordre de leur composition pour bien voir d’où vient Tom Ripley, survivant comme par malentendu à la disparition accidentelle de ses parents. C’est un peu la version thriller de <em>L’homme sans qualités,</em> dont l’écriture apparemment plate de Patricia Highsmith ne tisse pas moins un arrière-monde aux insondables profondeurs. Ripley l’informe rêve d’art et y accède par tous les biais, y compris le faux (l’invention de Derwatt) et le simulacre - il peint lui-même à ses heures, comme on dit…</p> <p>Ripley est un humilié qui se rachète en douce, comme il peut, un pas après l’autre. C’est un peu par malentendu qu’il commet son premier meurtre, parce qu’un jeune homme l’a vexé, et pour tout le reste qui justifiait cet énervement du moment, tout ce que symbolisait ce fils d’enfant gâté. Mais Ripley lui-même est un monde, qui suscite de multiples interprétations, comme on l’a vu au cinéma sous les visages successifs du (trop) bel Alain Delon (<em>Plein soleil</em> de René Clément), du plus équivoque Matt Damon (<em>Le talentueux M. Ripley </em>d’Antony Minghella) et, aujourd’hui, d’un Andrew Scott qui aurait probablement troublé Highsmith elle-même…</p> <h3><strong>Un Ripley « caravagesque » </strong></h3> <p>Contre toute attente, s’agissant d’une série, et donc d’un sous-genre sacrifiant souvent à la superficialité, <a href="https://www.netflix.com/title/81678765" target="_blank" rel="noopener">le dernier avatar de <em>Ripley</em></a> de Steven Zaillian, avec un Andrew Scott stupéfiant de subtilité dans le rôle du protagoniste, saisit à la fois par sa compréhension en profondeur de l’univers de Patricia Highsmith, son atmosphère « psychique » admirablement traduite par une image extrêmement soignée, l’ensemble des décors, des paysages italiens, des visages et de toute la scénographie du film (on peut le voir ainsi, tout un, malgré ses huit épisodes, avec sa haute qualité cinématographique évoquant le noir et blanc d’Alfred Hitchcock – premier « traducteur » de Highsmith à l’écran avec <em>L’inconnu du Nord-express</em>, il faut le rappeler – autant que le clair-obscur du néo-réalisme italien), mais aussi les jeux du clair-obscur du Caravage qui devient d’ailleurs la référence picturale majeure de cette plongée dans l’Italie baroque à la sensualité lancinante jusqu’au morbide, et enfin dans le jeu des acteurs, formidablement dirigés et que domine la figure diaboliquement souriante, enjôleuse, tranchante et troublante à la fois, trompeuse en plein abandon de sincérité feinte, d’un Andrew Scott au-dessus de tout éloge. </p> <p>D’aucuns se sont déjà plaints, ici et là, de l’usage du noir et blanc pour évoquer la beauté de l’Italie traversée, de la côte amalfitaine à Rome et de Venise à Naples, alors que c’est justement la « couleur » parfaite de ce périple conduisant Ripley loin de l’Italie des chromos et autres cartes postales aux vertiges existentiels du Caravage, immense artiste et peut-être criminel…</p> <p>Vide et taiseux, mais frémissant d’intérieure rage vengeresse, escroc minable mais génial instinctif, ambigu et d’emblée soupçonné d’être gay par la petite amie de Dickie le beau gosse de riche, mais insaisissable à tous égards : tel est le personnage de cette admirable série brève loin d’épuiser, à vrai dire, tous les aspects de ce personnage issu de l’imagination vertigineuse d’une romancière qui, chez elle, me disait qu’elle n’avait pas de télé au motif de sa peur du sang… </p> <hr /> <p>Georges Simenon. Pedigree et autres romans, Lettre à ma mère. Edition établie et préfacée par Jacques Dubois et Benoît Denis. Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 699p.</p> <p>Montricher. Fondation Jan Michalski. <a href="https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon?fbclid=IwAR3Ew-xfs48NeLbFnoCl5IrdI8zVgeKdFx-fDBVW12ISDz2IntW1ku_xlUQ_aem_ATVpJq1sLpfhRXj1et6ytZQ6Nomt31-UcZpTbfJ3-c1B2nW_hMACFeaichqJ0nvkx6IWLY9oqljQo0SIfin4abOZ">https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon</a></p> <p>Patricia Highsmith<em>. </em><em>Les écrits intimes de Patricia Highsmith</em> (1941-1995)</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'comment-simenon-et-highsmith-dejouent-les-poncifs-du-polar', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 720, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Jean-Louis Kuffer', 'description' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'title' => 'Comment Simenon et Highsmith déjouent les poncifs du polar', 'crawler' => true, 'connected' => null, 'menu_blocks' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Block) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Block) {} ], 'menu' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Category) {} ] ] $bufferLevel = (int) 1 $referer = 'https://dev.bonpourlatete.com/like/4868' $OneSignal = '8a2ea76e-2c65-48ce-92e5-098c4cb86093' $_serialize = [ (int) 0 => 'post' ] $post = object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4868, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Comment Simenon et Highsmith déjouent les poncifs du polar', 'subtitle' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'subtitle_edition' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'content' => '<p>Georges Simenon se plaignait de ce que la critique et le public français le considérassent (pour parler comme San Antonio) strictement comme un auteur de romans policiers, alors que le reste du monde voyait en lui un écrivain à part entière. De la même façon, Patricia Highsmith – elle-même vive admiratrice de Simenon mais ne prisant guère le genre policier en tant que tel -, n’appréciait pas du tout le titre de « reine du crime » que d’aucuns lui accolaient. </p> <p>Or s’il est vrai que les « purs littéraires », et surtout en France, aiment à séparer ce qui est « vraie littérature » des genres dits mineurs (polar, science-fiction, fantastique, littérature populaire en un mot), il n’est pas moins évident que le roman policier, dit aussi roman noir, thriller ou polar, a ses règles spécifiques qui en font, qu’on le veuille ou non, et sans mépris, un genre particulier.</p> <p>Simenon reconnaissait, le premier, que la série de Maigret obéissait à certains schémas dont il éprouva, à un moment donné, le besoin de se libérer. Cela ne signifie pas que ses Maigret soient forcément schématiques, mais le fait est que le meilleur de Simenon échappe aux normes du polar. Un volume en partie « biographique » de la prestigieuse Pléiade, paru en 2009, témoigne à la fois de la reconnaissance et du niveau de qualité et de profondeur d’au moins une trentaine de romans qu’on taxe tantôt, comme l’auteur, de « romans durs », ou de « romans de l’homme ».</p> <p>C’est ainsi que <em>Lettre à mon juge</em><em> </em>ou <em>le balzacien</em><em> Bourgmestre de Furnes</em>, <em>La neige était sale</em>, <em>Les inconnus dans la maison</em>, <em>Feux rouges</em>, <em>Les gens d’en face</em><em> </em>ou <em>L’homme qui regardait passer les trains</em>, pour ne citer que ceux-là, ressortissent bel et bien à la meilleure littérature, comme il en va de <em>Crime et châtiment</em><em> </em>de Dostoïevski, si proche à l’inverse de certains romans noirs.</p> <p>Mais qui était Simenon, formidable personnage lui-même de roman sans rien de « policier » ? De <em>Pedigree</em> à la <em>Lettre à ma mère</em>, entre sept autres romans, le volume de La Pléiade éclairait incidemment la personnalité même du grand romancier.</p> <h3><strong>Quand le « je » devient « il »</strong></h3> <p>Il aura fallu, à l’été 1940, qu’un médecin lui annonce sa mort à brève échéance (deux ans au plus) pour que Georges Simenon entreprenne soudain, pour son premier fils Marc en bas âge, de rédiger l’histoire de sa propre enfance et de son clan liégeois, «afin qu’il sache »...</p> <p>Dans l’immédiat, interdiction lui était faite de fumer, de boire ou de faire l’amour. Dur, dur pour un homme aussi porté sur la chair que sur la chère, incroyablement fécond (dix romans rien qu’en 39-40 !) et qui venait de payer de sa personne dans l’accueil de 18.000 réfugiés belges à La Rochelle, en tant que « haut commissaire » spécial…</p> <p>À 38 ans, déjà célèbre et richissime, le romancier avait signé plusieurs centaines de romans, sans jamais parler de lui-même. Or c’est en « je » qu’il allait rédiger les cent premiers feuillets d’un texte (réédité plus tard sous le titre de <em>Je me souviens</em>) qu’il soumit à André Gide, lequel lui conseilla de passer à la troisième personne pour se raconter plus librement, comme… dans un roman de Simenon.</p> <p>Ainsi fut écrit <em>Pedigree,</em> pavé de 400 pages et tableau vibrant de vie et d’humanité d’un quartier populaire de Liège au début du XXe siècle. Au premier rang : le jeune Roger Mamelin, entre un père sensible et digne (très proche de Désiré Simenon), et une mère castratrice, découvre tout un monde de petites gens attachants, les vertiges du sexe éprouvés par l’enfant de chœur courant au bordel avec les sous du curé, enfin la vie profuse de la ville ouvrière. Le récit s’achève à la seizième année du protagoniste, mais Simenon prétendait que l’essentiel d’un individu se forge avant dix-huit ans…</p> <p>Qu’il évoque la dictature politique (l’URSS des <em>Gens d’en face</em>) ou la guerre conjugale (dans Pedigree dont les conjoints ne se parlent plus que par billets interposés), ses anciens amis qui ont mal tourné ou les peines d’un enfant trop sensible, Simenon le romancier reste évidemment le même homme que le mémorialiste aigu (à qui l’on intentera trois procès !) ou que le reporter autour du monde : un écrivain d’une incomparable porosité, toujours fidèle à sa devise de « comprendre et ne pas juger ».</p> <h3><strong>Du noyau au « trou noir »…</strong></h3> <p>« Nous sommes deux, mère, à nous regarder ; tu m’as mis au monde, je suis sorti de ton ventre, tu m’as donné mon premier lait et pourtant je ne te connais pas plus que tu ne me connais. Nous sommes, dans ta chambre d’hôpital, comme deux étrangers qui ne parlent pas la même langue – d’ailleurs nous parlons peu – et qui se méfient l’un de l’autre »…</p> <p>Ce dur constat donne le ton d’un livre à la fois terrible et déchirant, par le truchement duquel on peut sonder l’abîme séparant une mère de son fils auquel elle a toujours préféré son frère cadet en dépit de la « réussite » fracassante de son aîné.</p> <p>Comme l’inoubliable <em>In Memoriam</em> de Paul Léautaud, griffonné au chevet de son père mourant, la <em>Lettre à ma mère</em> que Simenon a écrite le 18 avril 1974 à Lausanne, trois ans après le décès d’Henriette Brüll, est un de ces écrits fondamentaux qui jettent, sur une vie ou une œuvre, la lumière crue de la vérité.</p> <p>Ici, le manque absolu de tendresse, la frustration définitive éprouvée par un fils jamais caressé et jamais « reconnu », jusqu’à un âge avancé, en disent sans doute long sur les rapports, trivialement fonctionnels ou beaucoup plus compliqués, voire pervers, que Georges Simenon entretenait avec les femmes. Bref, une galaxie humaine à ne cesser de découvrir, comme en témoigne l’expo à voir ces jours à la fondation Michalski.</p> <h3><strong>Figures de l’humiliation</strong></h3> <p>Autre univers personnel à découvrir : l’arrière-monde de Patricia Highsmith, dont les <em>Écrits intimes</em> de plus de mille pages, parus en 2021 chez Calmann-Lévy, constituent la meilleure introduction. </p> <p>Bien plus que les secrets d’une « reine du crime », nous y découvrons les soubassements émotionnels et le quotidien professionnel et affectif souvent très difficile d’une insatiable amoureuse qualifiée justement de « poète de l’angoisse » par le grand romancier anglais Graham Greene. Autant que Simenon, Patricia Highsmith a signé des romans et des nouvelles qui ne s’intéressent guère aux aspects techniques policiers ou judiciaires de la criminalité, constituant le fonds des auteurs actuels de polars, mais essentiellement aux motivations obscures de celles et ceux qui « passent à l’acte ». Dès ses premiers écrits de jeune fille, le crime la scotche, mais des flics et des « enquêtes » elle n’a que fiche… </p> <p>Lors d’une visite que je lui rendis en 1988 dans le hameau tessinois d’Aurigeno, me recevant en l’humble maison de pierres où elle logeait avant sa dernière installation sur les hauts d’Ascona, la romancière, peu soucieuse de parler d’elle-même, répondit, à la question que je lui posai, relative à l’origine, selon elle, de la plupart des crimes, par un seul mot : l’humiliation.</p> <p>Or celle-ci est la base évidente de la psychologie du plus emblématique de ses personnages, au nom de Tom Ripley, dont tous les agissements paraissent un exorcisme à l’humiliation nourrie d’envie, de frustration et d’esprit de revanche.</p> <p>On croit avoir tout dit de Ripley en le réduisant à un pervers inquiétant se plaisant en eaux troubles, mais le personnage est beaucoup plus que cela : un homme perdu de notre temps, un type qui rêve d’être quelqu’un, au sens de la société, et le devient en façade, sans être jamais vraiment satisfait, calmé ou justifié.</p> <p>Il faut lire la série des romans dans l’ordre de leur composition pour bien voir d’où vient Tom Ripley, survivant comme par malentendu à la disparition accidentelle de ses parents. C’est un peu la version thriller de <em>L’homme sans qualités,</em> dont l’écriture apparemment plate de Patricia Highsmith ne tisse pas moins un arrière-monde aux insondables profondeurs. Ripley l’informe rêve d’art et y accède par tous les biais, y compris le faux (l’invention de Derwatt) et le simulacre - il peint lui-même à ses heures, comme on dit…</p> <p>Ripley est un humilié qui se rachète en douce, comme il peut, un pas après l’autre. C’est un peu par malentendu qu’il commet son premier meurtre, parce qu’un jeune homme l’a vexé, et pour tout le reste qui justifiait cet énervement du moment, tout ce que symbolisait ce fils d’enfant gâté. Mais Ripley lui-même est un monde, qui suscite de multiples interprétations, comme on l’a vu au cinéma sous les visages successifs du (trop) bel Alain Delon (<em>Plein soleil</em> de René Clément), du plus équivoque Matt Damon (<em>Le talentueux M. Ripley </em>d’Antony Minghella) et, aujourd’hui, d’un Andrew Scott qui aurait probablement troublé Highsmith elle-même…</p> <h3><strong>Un Ripley « caravagesque » </strong></h3> <p>Contre toute attente, s’agissant d’une série, et donc d’un sous-genre sacrifiant souvent à la superficialité, <a href="https://www.netflix.com/title/81678765" target="_blank" rel="noopener">le dernier avatar de <em>Ripley</em></a> de Steven Zaillian, avec un Andrew Scott stupéfiant de subtilité dans le rôle du protagoniste, saisit à la fois par sa compréhension en profondeur de l’univers de Patricia Highsmith, son atmosphère « psychique » admirablement traduite par une image extrêmement soignée, l’ensemble des décors, des paysages italiens, des visages et de toute la scénographie du film (on peut le voir ainsi, tout un, malgré ses huit épisodes, avec sa haute qualité cinématographique évoquant le noir et blanc d’Alfred Hitchcock – premier « traducteur » de Highsmith à l’écran avec <em>L’inconnu du Nord-express</em>, il faut le rappeler – autant que le clair-obscur du néo-réalisme italien), mais aussi les jeux du clair-obscur du Caravage qui devient d’ailleurs la référence picturale majeure de cette plongée dans l’Italie baroque à la sensualité lancinante jusqu’au morbide, et enfin dans le jeu des acteurs, formidablement dirigés et que domine la figure diaboliquement souriante, enjôleuse, tranchante et troublante à la fois, trompeuse en plein abandon de sincérité feinte, d’un Andrew Scott au-dessus de tout éloge. </p> <p>D’aucuns se sont déjà plaints, ici et là, de l’usage du noir et blanc pour évoquer la beauté de l’Italie traversée, de la côte amalfitaine à Rome et de Venise à Naples, alors que c’est justement la « couleur » parfaite de ce périple conduisant Ripley loin de l’Italie des chromos et autres cartes postales aux vertiges existentiels du Caravage, immense artiste et peut-être criminel…</p> <p>Vide et taiseux, mais frémissant d’intérieure rage vengeresse, escroc minable mais génial instinctif, ambigu et d’emblée soupçonné d’être gay par la petite amie de Dickie le beau gosse de riche, mais insaisissable à tous égards : tel est le personnage de cette admirable série brève loin d’épuiser, à vrai dire, tous les aspects de ce personnage issu de l’imagination vertigineuse d’une romancière qui, chez elle, me disait qu’elle n’avait pas de télé au motif de sa peur du sang… </p> <hr /> <p>Georges Simenon. Pedigree et autres romans, Lettre à ma mère. Edition établie et préfacée par Jacques Dubois et Benoît Denis. Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 699p.</p> <p>Montricher. Fondation Jan Michalski. <a href="https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon?fbclid=IwAR3Ew-xfs48NeLbFnoCl5IrdI8zVgeKdFx-fDBVW12ISDz2IntW1ku_xlUQ_aem_ATVpJq1sLpfhRXj1et6ytZQ6Nomt31-UcZpTbfJ3-c1B2nW_hMACFeaichqJ0nvkx6IWLY9oqljQo0SIfin4abOZ">https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon</a></p> <p>Patricia Highsmith<em>. </em><em>Les écrits intimes de Patricia Highsmith</em> (1941-1995)</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'comment-simenon-et-highsmith-dejouent-les-poncifs-du-polar', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 720, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5282, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Lire «Vivre», de Boualem Sansal, participe de sa libération', 'subtitle' => 'L’arrestation du grand écrivain algérien, le 16 novembre dernier à Alger, relève à la fois de l’infamie et de la logique d’Etat, s’agissant d’un opposant déclaré plus virulent même qu’un Salman Rushdie. Mais comment enfermer ses livres? Et que pèsent les décisions de mafieux gouvernementaux dans la balance des destinées universelles? Ces questions sont abordées, avec faconde et malice, dans le dernier roman du plus voltairien des auteurs contemporains. ', 'subtitle_edition' => 'L’arrestation du grand écrivain algérien, le 16 novembre dernier à Alger, relève à la fois de l’infamie et de la logique d’Etat, s’agissant d’un opposant déclaré plus virulent même qu’un Salman Rushdie. Mais comment enfermer ses livres? Et que pèsent les décisions de mafieux gouvernementaux dans la balance des destinées universelles? Ces questions sont abordées, avec faconde et malice, dans le dernier roman du plus voltairien des auteurs contemporains. ', 'content' => '<p>Comment Boualem Sansal se porte-t-il ce matin? Que ressent-il dans sa cellule ou sa chambre de la section pénitentiaire de l’hôpital algérois où il se trouve confiné à ce qu’on sait? Est-il vrai qu’il aurait apprécié le fait de ne pas être maltraité? Est-il vrai qu’il aurait affirmé ces derniers temps qu’il en avait assez de vivre? Et que voit-il par la fenêtre, si tant est que les murs qui l'enferment soient pourvus de la moindre ouverture? S’inquiète-t-il de son sort autant que ses proches, amis et lecteurs, ou prend-il les choses avec détachement, comme l’écrivain-visionnaire, à la fin de <em>Vivre</em>, son dernier roman, incite ses lecteurs à considérer les choses à distance: l’univers incommensurable en général et notre destinée personnelle en particulier ?</p> <p>Telles étaient les questions confuses que je me posais ce matin, après avoir achevé hier soir la lecture annotée de <em>Vivre</em> et avant de reprendre celle de <em>La Vie dans l’univers</em> du physicien rebelle Freeman Dyson (lequel a été délivré de la pesanteur terrestre en 2020) dont certains thèmes se retrouvent dans le roman de Sansal, à commencer par la situation de l’infime créature humaine dans l’immensité des galaxies, l’origine de la vie et ses fins dernières, l’importance de la biotechnologie au XXe siècle et nos relations avec d’éventuelles présences extraterrestres, etc.</p> <p>Le dernier chapitre de <em>La Vie dans l’univers</em> est le plus surprenant, auquel je reviens ce matin pour la 42e fois (l’importance du nombre 42 est d’ailleurs relevée par le narrateur matheux de <em>Vivre</em> ), et qui postule la nécessité prochaine, pour l’humanité, de (ré)concilier son penchant religieux et les savoirs de la Science, avec un aperçu du goût de ce scientifique de haut vol pour les échappées imaginaires de quelques auteurs de science-fiction, où Sansal aurait sans doute sa place aujourd’hui.</p> <h3><strong>Une intrigue interstellaire</strong></h3> <p>Boualem Sansal ennemi de la religion, au prétexte qu’il y aurait chez lui du Voltaire algérien? Mais pas du tout : maintes fois, en effet, l’auteur du redoutable 2084 l’a répété: ce n’est pas à l’islam qu’il en veut, mais à l’islamisme et à l’instrumentalisation sociale et politique du «message» musulman, comparable à l’instrumentalisation faite par tous les fanatiques césaro-papistes des confessions diverses, etc.</p> <p>Freeman Dyson rend hommage à l’auteure de science-fiction Madeleine L'Engle, très prisée des enfants et des ados anglo-saxons (elle a écrit une trentaine de romans les visant en priorité) et qui accorde, en chrétienne atypique, plus d’importance aux scientifiques qu’aux théologiens, coupables, selon elle, de limiter la notion de Dieu alors que «les scientifiques, avec leurs questions, avec leur émerveillement face à la gloire de l’Univers», l’ont aidée dans sa quête de méditation et de contemplation, tant il est vrai que les spécialistes de biologie cellulaire ou d'astrophysique traitent de la nature de l'existence même au fil de questions d’ordre théologique: «quelle est la nature du temps? De la création? De la vie? Qu’est-ce que la créativité humaine? Quelle est notre part dans l’œuvre de Dieu?», etc.</p> <p>Le nom de Dieu, dans le roman de Boualem Sansal, est repris du «point de vue de Sirius», si l’on peut dire, car le personnage «médiateur» de l’intrigue interstellaire, identifié sous le nom de l’Entité par le narrateur (prof de maths en rupture d’activités universitaires, quadra typique des quadras mâles blancs occidentaux super-éduqués du début du XXIe siècle, dont la compagne Nelly prof de français en zone urbaine sensible combat la décadence de l’enseignement en farouche syndicaliste), n’est elle-même qu’une instance secondaire de la grande horlogerie universelle à peine perturbée, à la fin du roman de Boualem Sansal, par le fracas «provincial» d’une troisième guerre nucléaire dévastant la planète Terre avant sa destruction par effet collatéral «naturel»…</p> <h3><strong>Comme une fable </strong><strong>SF pour ados de tous les âges…</strong></h3> <p>Vous allez vous amuser, sûrement, en lisant le dernier roman de Boualem Sansal. Vous allez vous retrouver en vos jeunes années, quand vous vous interrogiez, graves filles et garçons, sur la place de l’homme dans l’Univers, le mystère de son origine et de ses fins dernières, l’éventualité de présences cousines dans les galaxies poches ou lointaines, enfin tout le branlebas de questions relevant de la religion, de la philosophie, de la métaphysique ou de la science-fiction.</p> <p>Si celle-ci a été «votre truc» entre 13 et 33 ans, soit par les livres de Bradbury et d’Asimov, soit par le cinéma avec Spielberg et autres odyssées de l’espace, vous vous retrouverez en pays de connaissance avec la partie explicitement conjecturale et truffée de trouvailles épatantes de <em>Vivre</em>, schématique à souhait et «limite» naïve quoique frisant le comique burlesque à la Monty Python dans son arborescence «scientifique», avant que le roman, apparemment tout différent des autres ouvrages de Boualem Sansal, ne vous ramène au cœur des préoccupations actuelles de l’écrivain: inquiétudes sociétales (fanatisme religieux et wokisme au menu) et chocs entre cultures et continents, monde en pleine bascule géopolitique et troisième guerre mondiale redoutée, fin des haricots et fuite sur Mars dans la fusée des Musk Brothers & Co, etc.</p> <p>Or je lis plus précisément, dans <em>Vivre</em>, que «les gouvernements n’ont jamais d’autre but que de satisfaire l’appétit insatiable des oligarchies et des camarillas qui les constituent»; et tout à l’heure je lisais ces lignes qui sont comme le «pitch» de ce formidable récit se jouant des codes «populaires» de la SF pour développer une réflexion voltairienne sur l’état actuel de nos sociétés et les hantises et autres fantasmes de survie de nos semblables divers: «Une entité de l’espace vous contacte télépathiquement pour vous annoncer que la Terre va disparaître, frappée par un phénomène naturel, est-il précisé, et qu’il vous incombe personnellement de désigner ceux qui seront sauvés. Elle met à votre disposition un vaisseau qui peut emporter trois milliards de passagers, sur les huit que compte la planète. En les tassant, en les affamant un peu, vous prendrez peut-être un milliard de plus. Messieurs les religieux, nous voulons apprendre de vous. La question est celle-ci: que ferez-vous?» Quelqu’un devait commencer par lancer la discussion, ce fut l’imam. Je m’y attendais, c’est un corps d’élite, les imams, toujours prêts à bondir et à rendre service, comme les scouts »...</p> <h3><strong>Un hymne insolent à la vie libre !</strong></h3> <p>Sacré Boualem, qui fait passer le salut des Terriens par le truchement de la connexion onirique – et quel régal panaché que la suite des réponses de l’imam, du rabbin, du curé et de l’hindouiste vegan, quelle fiesta d’ironie sagace et de lucidité débonnaire quoique sans illusion, aboutissant à une conclusion d’un surprenant optimisme, à savoir que «l’avenir appartient aux gens de bien», ce que Sansal commente tranquillement (je l’imagine plutôt tranquille, ce matin, dans sa réclusion), en ces termes: «Tiens, je crois que c’est ça la bonne définition de cet objet non identifié qu’est l’humanité, que je cherche depuis des années, L’humanité, ce sont ces gens de bien qui, vaille que vaille, assurent le service de la vie»…</p> <p>Aussi bien ne me fais-je pas trop de souci, malgré tout, pour ce cher homme dont la force morale, l’intelligence et l’immense savoir «humain», modulés dans ses livres si variés de forme – jusqu’à ce roman d’anticipation parodiant joyeusement la littérature conjecturale pour ados de tous les âges – me font penser qu’il vit son incarcération actuelle, par les morts-vivants du pouvoir, comme une péripétie parmi d’autres, mais combien révélatrice pour nous qui en découvrons les effets de solidarité massive autant que les retombées de haine et d’abjection.</p> <p>Vivre, oui, et d’abord lire ce livre tonique, hymne insolent et généreux à la vie libre (!) au lieu de radoter dans le vide des idéologies «divinement» meurtrières. Boualem Sansal sera-t-il libre à Noël? C’est évidemment à espérer, même si cette fête d’«infidèles» tourne au marché de pacotille. Et les Terriens méritent-ils d’ailleurs d’être sauvés! Salut le mystère!</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404354_g08284.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="161" height="235" /></p> <p><strong>Boualem Sansal. <em>Vivre. Le compte à rebours</em>. </strong><strong>Gallimard, 2024, 233p. </strong></p> <p><strong><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404445_laviedanslunivers.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="156" height="248" /></strong></p> <p><strong>Freeman J. Dyson. </strong><strong><em>La vie dans l’univers. Réflexions d’un physicien. </em></strong><strong>Gallimard, Bibliothèques des sciences humaines, 2009. 255p.</strong></p> <hr /> <h2><strong>Entretien avec Boualem Sansal, en 2006 </strong></h2> <p><strong> </strong><strong>(paru dans le quotidien <em>24 heures </em>le 9 mai 2006)</strong></p> <p>Boualem Sansal est l’une des grandes voix de la littérature algérienne francophone, dont les romans ressaisissent la tragique et complexe réalité contemporaine avec une porosité et une faconde sans pareilles. Après <em>Le serment des barbares</em> (1999), <em>L’enfant fou de l’arbre creux</em> (2000) et <em>Dis-moi le paradis</em> (2003), son quatrième roman, Harraga, s’attache à deux destinées de femmes avec autant d’empathie que de lucidité révoltée. Au printemps 2006, cet auteur qui a «mal à l’Algérie» adressait une lettre ouverte à ses compatriotes intitulée <em>Poste restante: Alger,</em> d’un courage civique impressionnant. Nous avions rencontré l’auteur après cette parution...</p> <p><strong>Comment, Boualem Sansal, vivez-vous aujourd’hui en Algérie?</strong></p> <p>Plutôt mal, après une amnistie marquant la réhabilitation des criminels d’hier, qui se retrouvent à plastronner en ville avec une arrogance extraordinaire. La chape d’un ordre moral intolérant se fait de nouveau ressentir, parallèlement à la réintroduction de l’enseignement religieux et à l’occupation des mosquées. Or la population semble l’accepter, tant elle est respectueuse de l’islam.</p> <p><strong>Quelle a été votre éducation personnelle?</strong></p> <p>Je suis né dans une famille où l’on pensait que l’instruction était essentielle. Ayant perdu mon père très tôt, j’ai été soumis, avec mes trois frères, à la discipline rigoureuse d’un grand-père chef de gare qui avait fait la guerre de 14-18, laïc et profondément attaché à la France et à sa culture. Après un début d’études classiques en latin-grec, j’ai cependant bifurqué sur une formation d’ingénieur, l’Algérie de l’indépendance ayant besoin de bâtisseurs et de techniciens plus que de «beaux parleurs», comme on disait alors. C’est pourquoi je me suis retrouvé, en 1992, au poste de Directeur de l’industrie, où m’avait appelé un condisciple devenu ministre.</p> <p><strong>Qu’avez-vous appris dans les allées du pouvoir?</strong></p> <p>Ce qui m’a le plus frappé, c’est la morgue, la corruption, les luttes entre clans et, d’une manière générale, le mépris de la population, ainsi qu’une formidable incompétence des apparatchiks du parti unique.</p> <p><strong>En avez-vous un exemple?</strong></p> <p>Le plus éloquent est ce rapport qu’un ministre m’a chargé d’établir, sur les relations entre l’endettement des pays du Sud méditerranéen et leur niveau de développement. Me fiant aux chiffres de la Banque mondiale et du FMI, j’ai constaté que les pays les plus endettés à régimes autoritaires, à commencer par l’Égypte, étaient aussi les plus déficients en matière de développement, alors qu’Israël, super-endetté, affichait un développement constant. Ce constat a mis le ministre en fureur, qui m’a prié de supprimer la mention d’Israël, ce que l’honnêteté m’interdisait. Je lui ai donc proposé ma démission immédiate, qui a été refusée en même temps qu’on enterrait le rapport. Par la suite, mes positions et mes livres m’ont valu d’être limogé.</p> <p><strong>Comment en êtes-vous venu au roman?</strong></p> <p>Cela s’est fait comme ça, pendant la terreur islamiste qui nous cloîtrait. Or que fait-on dans ces conditions ? On tourne en rond, on remâche les dernières horreurs du jour, on prend des notes sur ce qu’on observe, et tout à coup le « roman » est là, dicté par la vie. C’est ainsi qu’est né Le serment des barbares.</p> <p><strong>Décrire la réalité si fidèlement, comme l’a fait aussi votre ami Rachid Mimouni, ne représentait-il pas un risque?</strong></p> <p>Bien entendu, mais sortir dans la rue était déjà risqué. A propos de mon ami Rachid, la nuit suivant son enterrement en Algérie, des fanatiques ont exhumé son cadavre pour le livrer aux chiens. Ce n’est pas du roman : c’est la réalité, comme <em>Harraga </em>relève d’une réalité vécue.</p> <p><strong>Dans votre lettre ouverte aux Algériens, vous vous en prenez violemment à l’amnistie…</strong></p> <p>Pour aboutir à une vraie réconciliation, il fallait enquêter et rendre la justice. Je ne suis pas contre le pardon, au contraire, mais cette amnistie était une insulte aux victimes et un déni de justice.</p> <p><strong>Pensez-vous être entendu? Et menacé?</strong></p> <p>On m’a appris récemment que le livre faisait l’objet d’une mesure de censure, mais de nombreux compatriotes partagent mon point de vue, même si mes adversaires me font passer pour un « agent de la France » Menacé ? L’Algérie est un grand pays, dans lequel je reste à peu près invisible. Par ailleurs, comme Mimouni, je suis protégé par ma notoriété. Mais vous savez : un voyou payé peut me descendre demain de façon anonyme, surtout dans le contexte actuel où, comme je vous le disais, l’islamisme radical repique de plus belle…</p> <p> </p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'lire-vivre-de-boualem-sansal-participe-de-sa-liberation', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5259, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Tout à la fois fée et sorcière, Rose-Marie Pagnard nous enchante', 'subtitle' => 'L’esprit d’enfance, où la fantaisie transfigure le quotidien, imprègne «L’enlèvement de Sarah Popp», merveille d’imagination poétique et de douce folie humoristique sublimant la platitude et les épreuves de la vie. Au premier rang des romanciers-poètes de la francophonie, la Jurassienne fait irradier «la lumière sous chaque mot».', 'subtitle_edition' => 'L’esprit d’enfance, où la fantaisie transfigure le quotidien, imprègne «L’enlèvement de Sarah Popp», merveille d’imagination poétique et de douce folie humoristique sublimant la platitude et les épreuves de la vie. Au premier rang des romanciers-poètes de la francophonie, la Jurassienne fait irradier «la lumière sous chaque mot».', 'content' => '<p>De quoi l’écrivain contemporain, pour être «crédible», doit-il parler aujourd’hui? Faut-il qu’il s’«engage», comme le recommandait Jean-Paul Sartre crépitant de son aigre voix comme une mitraillette, au mitan du siècle dernier, ou peut-il se contenter de «raconter des histoires» à la Harry Potter ou à la Marc Levy? Doit-il «témoigner», ou «l’art pour l’art» suffit-il à le justifier, ou le «fun» inspiré par la «cool attitude»? Et qu’en est-il de son rapport à la fiction? Celle-ci l’éloigne-t-elle du réel, ou lui permet-elle au contraire de se libérer du «nombrilisme» et de mieux accéder à l’«universel»?</p> <p>De telles questions auront peut-être «fait débat», cet hiver-là, tandis qu’il neigeait sur Vilnius, à tel festival de littérature auquel venait de participer Sarah Popp (quel nom, n’est-ce pas? pour une auteure, autrice, auteuse ou autorelle en langage d’inclusion), qui se réjouissait de revenir en Suisse pour y retrouver, à la veille de son cinquante-neuvième anniversaire, son compagnon Tobie, aussi à l’aise à son piano que devant les fourneaux, et leur fille Matild associée à une mini-troupe d’animateurs de robots-marionnettes au goût dernier cri de la nouvelle génération théâtrale.</p> <p>Alors quoi, un roman de plus sur les «problèmes du roman»? Mais quelle barbe! Et pourtant non: grâce à la neige et au gel, aux avions cloués au sol et donc à l’imprévu illico salué par Tobie («accepte ce qui arrivera» lui chante-t-il au téléphone quand elle lui expose son retard de deux ou trois jours), et Sarah de se réjouir de l’imprévisible occasion de vivre elle ne sait encore quoi alors que, de la fenêtre du bus qui la ramène de l’aéroport en ville, elle voit sans le voir un grand camion blanc dont la cabine figure une petite maisonnette, prélude à un conte à dormir debout. De fait, c’est de ce même camion que, quelques pages plus loin, va surgir le personnage le plus imprévu qui soit, au prénom d’Aimé et au nom d’Anders, messager comme tombé du ciel et kidnappant pour ainsi dire la romancière (qu’il connaît et suit depuis longtemps) pour l’enjoindre d’écrire enfin LA vérité, disons plus précisément ce qu’il voudrait lire sous sa plume de «témoin», d’écrivaine «engagée», question de rétablir la justice comme s’y employa longtemps sa maman juriste désormais plus que nonagénaire, rangée des prétoires et veuve d’un marchand de cornichons, qui a passé par la prison (crime d’avoir porté à l’époque un «enfant du péché») sans en être à vrai dire traumatisée (ah le «trauma» dont les médias actuels raffolent) au motif qu’elle y a découvert de l’imprévu, elle aussi…</p> <p>Des débats publics entre auteurs et autrices, peut-être assommants (comme souvent) ou au contraire passionnants (comme parfois), l’on passe alors, via la fiction, à une discussion incarnée, ancrée dans la réalité par mille détails concrets et savoureux, avec une Sarah jouant et déjouant à la fois le jeu de son kidnappeur. Ainsi se met-elle bel et bien à écrire des fragments de sa «vraie vie» sur la table de la maisonnette roulante, tandis que la romancière module sa propre vision des choses, où la poésie se joue allègrement des règles de la théorie, autant que des conventions morales.</p> <h3>Au dam du «poulailler paroissial»</h3> <p>Comment une romancière d’aujourd’hui doit-elle parler de la violence faite aux femmes, ou des humiliations subies au nom de la morale courante? Le kidnappeur de Sarah Popp, comme les gens «adultes et responsables», croit avoir la réponse, enjoignant la romancière de témoigner comme au commissariat ou au tribunal – aujourd’hui aux assises des médias friands d’accusations – «on veut des noms!» </p> <p>Or ce n’est pas minimiser les souffrances que de les confronter à la complexité de la vie, jamais réductibles aux seules sentences morales. Dans le roman de Rose-Marie Pagnard, en tout cas, la morale des bien-pensants, de telle tante bigote ou de tels voisins malveillants dans un village «gonflé de méchanceté», pèse lourdement sur les jugements portés sur telle jeune fille libre ou, d’une génération antérieure, sur telle «fille-mère» passible de la prison. Mais Sarah Popp n’est pas du genre, en tant que romancière, à se contenter d’une «dénonciation» univoque. Est-ce dire qu’elle fuit dans l’équivoque? Pas non plus. Il faudrait alors, par manière de réponse, détailler le roman et ses rebondissements, les multiples facettes de ses personnages, «raconter» le vieil Anders et le pourquoi de sa révolte remontant au calvaire social de sa mère, raconter celle-ci et sa propre façon de se libérer voire de se fiche de son passé, raconter l’amour fou de Sarah et de Tobie en butte au qu’en dira-t-on, raconter la sensualité persistante de Sarah la quasi sexa, raconter Sarah et sa fille, Sarah et l’angoisse, Sarah et les maux - Sarah et les mots, Sarah et la magie des objets, Sarah et la fantaisie de la fée-sorcière Rose-Marie.</p> <p>Rose-Marie Pagnard est poète autant sinon plus qu’elle est romancière, à savoir que chez elle les mots et les images passent avant les «scènes à faire», qui tissent une sorte de tapisserie «musicale» aux détails reproduisant à foison la joyeuse profusion de la réalité.</p> <h3>Féerie kaléidoscopique</h3> <p>Et c’est alors qu’il faudrait citer à qui mieux mieux, quitte à tirer «la ficelle folie». Citer le «sac de tristesse» de l’ancien voisin bûcheron, «vieux mais propre» et fleurant le savon, le bois et le citron. Citer le syndrome des jambes de Sarah dont les cauchemars l’empêchent de dormir car «chaque nuit est un piège», telle étant la part d’ombre de ce tourbillon lumineux de neige comme produite par une usine à farine. Citer les vitrines, les concerts, les biscuits de Noël qui peut être «poussent les pensées vers la mélancolie». Citer la «tête osseuse» à «noblesse de cheval» du faux ogre estimant qu’on est tous des «maltraités de la vie». Citer le «cœur explosif» du passé de Sarah entrevu par Tobie, lequel inspire celle-ci quand il rage. Citer le souvenir pénible du «poulailler paroissial» de la mesquine petite ville. Citer les deux enfants morts emportés par le père dans un carton à chaussures – «il faut beaucoup de calme et de propreté pour que ces faits révèlent leur beauté». Citer la beauté partout quand on a l’âme clame et propre à l’écart des «bandits en soutanes», ou citer par la fenêtre du bus les bonds de dauphins que suggèrent les ondulations d’un pipeline russe violet sur fond de neige, citer la forêt qui «se serre autour de l’histoire» avec «cette petite histoire humaine à l’intérieur», etc.</p> <p>Rose-Marie Pagnard a l’âge des seniors et la grâce des enfants, ou plutôt de l’enfance en tant qu’instance de l’imagination sans âge, et c’est à l’enfance grave des contes que la fugue dans la neige lituanienne de <i>L’enlèvement de Sarah Popp</i> fait penser, à l’enfance tissée d’émerveillements primesautiers et d’effrois secrets, à ce qui nous reste de bonne rage vivace après les déceptions et les larmes, à ce qui relance notre joie. </p> <p>Dans ce conte foisonnant qui ressemble si fort à la vie, peut-être même plus réel qu’elle, il y aurait, au conditionnel de l’enfance, un poney cinquantenaire aux yeux bleus, un drôle de type nommé Robert Louis Stevenson comme le conteur fameux mort aux îles Samoa d’un AVC après avoir fait rêver les jeunesses du monde à son île au trésor, un beau garçon surnommé Chasseur qui se fait draguer «grave» par Sarah, laquelle n’est plus à la fin qu’une poussière géante ou qu’une araignée en chocolat sous le balai de la mémoire passée et future, avec les mots de Rose-Marie Pagnard, fée et sorcière-sourcière emmêlée dans ses pinceaux et autres stylos dans sa féerie évoquant «une danse de Lapons endormis», lapins d’Alice et compagnie, sous les étoiles dont les noms (Chevelure de Bérénice ou Petit Lion) «valent le coup de vivre cent ans», enfin Sarah, agitant son kaléidoscope, se dit comme ça, «qu’il ne lui est pas nécessaire de tout comprendre, seulement de vivre et d’être amie de l’imagination».</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1732184054_zoelenlevementdesarahpoppcopie.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="298" /></p> <h4>«L’enlèvement de Sarah Popp», Rose-Marie Pagnard, Editions Zoé, 187 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'tout-a-la-fois-fee-et-sorciere-rose-marie-pagnard-nous-enchante', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5236, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Douglas Kennedy interroge l’Amérique qui le divise', 'subtitle' => 'Le dernier livre de l’écrivain new yorkais au passeport européen, «Ailleurs, chez moi», déploie une fresque passionnante, mêlant expérience personnelle et observations sur le terrain, critiques vives et signes de fervente reconnaissance, à valeur de portrait kaléidoscopique d’une Amérique divorcée que son nouveau président ne «risque» pas de réconcilier…', 'subtitle_edition' => 'Le dernier livre de l’écrivain new yorkais au passeport européen, «Ailleurs, chez moi», déploie une fresque passionnante, mêlant expérience personnelle et observations sur le terrain, critiques vives et signes de fervente reconnaissance, à valeur de portrait kaléidoscopique d’une Amérique divorcée que son nouveau président ne «risque» pas de réconcilier…', 'content' => '<p>A la toute fin de l’espèce de récit-reportage que constitue <i>Ailleurs, chez moi </i>(<i>Abroad at home</i>), son dernier livre tenant à la fois du carnet de route personnel et de la chronique à très large vision retraçant une cinquantaine d’années de vie et mœurs américaines, lesquelles recoupent ses propres décennies d’enfance et de jeunesse, Douglas Kennedy, s’avouant «un Américain profondément tiraillé», se demande s’il est «possible d’aimer et de craindre son pays tout à la fois?»</p> <p>La question, après la victoire aussi inattendue qu’éclatante, et non moins inquiétante pour beaucoup, de Donald Trump, continuera sans doute de se poser à des millions de ressortissant(es) du pays en question, mais aussi à tous ceux et celles qui, dans le monde, s’interrogent sur l’évolution de celui-ci, entre attachement et possible effroi.</p> <p>Comme Douglas Kennedy, sur un ton de quasi camaraderie, au fil d’une narration d’une lumineuse intelligence, mais sans pédantisme en dépit de ses richissimes observations en matière d’histoire contemporaine et de politique, de littérature et de création artistique (de superbes pages sur le jazz, notamment) s’implique très personnellement, et sa famille, et ses amis, dans cette traversée à valeur de témoignage intimiste et collectif, je me suis senti impliqué à mon tour, comme d’innombrables lectrices ou lecteurs le seront probablement, me rappelant plus précisément ma première découverte des States, en 1981 (les otages de l’Iran venaient d’être libérés) et mon escale à La Nouvelle Orléans où Kennedy, après une traversée du Texas me rappelant la sienne, voit une île de bonne vie «bohème» au milieu d’une Amérique névrosée soumise au stress et à l’obsession du rendement.</p> <h3>L’Amérique «oubliée»</h3> <p>Au Texas, l’écrivain s’est arrêté dans un bled perdu «au bout de nulle part» au nom d’Amarillo, qui représente à ses yeux la quintessence d’une Amérique profonde coupée en deux, où l’apparition d’un type qui prend des notes sur un carnet ne peut que paraître suspecte comme sont suspects les intellos depuis les ères de Nixon et de Reagan, mais c’est bel et bien en ce lieu que Kennedy va comprendre l’un des grands paradoxes du moment, qui fait que la «classe ouvrière», et plus généralement les gens d’en bas, se rallient aujourd’hui à la cause d’un escroc démagogue séduisant les évangélistes et leurs troupes galvanisées par des émissions de télé martelant leur promesses de salut contre monnaie sonnante...</p> <p>En janvier 1981, débarquant dans la ville martienne de Houston, comme surgie avec ses gratte-ciel de la prairie, pour y présenter, fait éminemment surréaliste, l’œuvre hyper-littéraire de Charles-Albert Cingria, au 47ème étage d’une tour de verre investie par un congrès universitaire à l’enseigne de la Modern Language Association, l’Amérique que j’aimais pour avoir lu avec passion les romans de Thomas Wolfe et de William Faulkner ou de Philip Roth, les nouvelles fulgurantes de Flannery O’Connor et les poèmes de Walt Whitman, entre tant d’autres, m’avait immédiatement sidéré par la sottise vulgaire de sa télévision et la coupure évidente séparant ses divers milieux sociaux, classes et races.</p> <p>Ensuite, une première escale à La Nouvelle Orleans, où je découvris un haut lieu du jazz dont parle Kennedy, et la remontée de la côte Est jusqu’à Washington et New York, trimballé par les bus de la compagnie Greyhound où Noirs et Blancs se tenaient à méfiante distance, je passai par tous les stades de l’adhésion et de la répulsion que suscitait une évidente société à deux vitesses, illustrée à foison par le livre de Kennedy.</p> <p>En revanche, et je me rappelle alors quelques vives discussions dans l’entourage de Vladmir Volkoff, enseignant alors à Macon (Georgia) après la parution des <i>Humeurs de la mer</i>, peu de trace alors de l’agressivité opposant les tenants de telle ou telle position idéologique ou politique, alors que Kennedy affirme aujourd’hui que, désormais, «les discussions politiques aux Etats-Unis sont trop souvent réduites à deux individus s’affrontant de loin à grands cris haineux»… </p> <h3>Histoire d’une rupture</h3> <p>Le dépouillement des urnes de ces jours révèle, une fois de plus, la fracture profonde affectant les USA en 2024, dont l’histoire est retracée par Douglas Kennedy dès l’évocation de son enfance, marquée par un père violent, anticommuniste furieux, lui-même jamais guéri du traumatisme de la guerre (200'000 morts à Okinawa…) et partageant la frustration domestique de toute une génération, la mère de l’écrivain vivant de son côté l’humiliation des femmes. En ces années-là, le divorce faisait quasiment figure d’acte anti-patriotique, comme l’avortement aujourd’hui pour les «trumpistes» les plus ardents, fait offense au Dieu «copilote»…</p> <p>Reliant à tout moment son expérience personnelle de garçon défendant farouchement sa liberté (mot-clef de son appartenance, et l’une des valeurs américaines typiques, avec son aura d’ambiguïté ultralibérale ou libertarienne) aux positions et préjugés «générationnels» des époques successives, Douglas Kennedy excelle à mettre en valeur les dates hautement symboliques d’une évolution tendant depuis longtemps à l’antagonisme binaire et à la fracture.</p> <p>D’une balade nocturne dans les allées plus ou moins sûres de Central Park, à ses quatorze ans avec son père qui lui dit que désormais la Lune leur appartient, aux émeutes de 1972 où les «cols bleus» ouvriers s’attaquent aux étudiants contestataires comme à des ennemis de l’intérieur, en passant par les assassinats de JFK et de son frère ou de Martin Luther King, jusqu’aux bavures racistes qui ont coûté la vie à Rodney King et George Floyd, Douglas Kennedy retrace cinq décennies de haute tension continue. </p> <h3>Par les terres et les livres</h3> <p>Par ailleurs, l’écrivain voyageur va sur le terrain, au Wyoming ou au Texas, d’où il ramène d’éclairantes observations, tout en ne cessant d’enrichir son tableau de références aux œuvres littéraires les plus significatives du dernier demi-siècle, de Sinclair Lewis et son <i>Babbit </i>emblématique, au Tennessee Williams de <i>La ménagerie de verre</i>, en passant par Hemingway ou Fitzgerald et leur «cinéma» respectif. Ainsi Douglas Kennedy, compose-t-il un patchwork où la tendresse généreuse le dispute à la critique du «râleur-né» de l’East Village new yorkais. Deux autres auteurs «expatriés», à savoir Gore Vidal longtemps établi en Italie, et James Baldwin séjournant en France, sont en outre cités par Kennedy comme exemples de virulents critiques restés fondamentalement attachés à leur pays, comme il l’est lui-même, revenu aux States en 2011 après un long séjour en Irlande et de constants déplacements entre Paris et Berlin, notamment.</p> <h3>L’avenir à reculons</h3> <p>Alors que nous nous demandons ces jours où ira demain l’Amérique de Trump, l’on peut rappeler que le même Douglas Kennedy nous a proposé l’an dernier un détour par l’avenir, avec un roman d’anticipation grinçant intitulé <i>Et c’est ainsi que nous vivrons,</i> situé en 2045 où les etats désunis ont fait scission en deux entités, l’une représentant une théocratie où l’on brûle les hérétiques comme au bon vieux temps de l’Inquisition espagnole (ou calviniste), l’autre une République dont le progressisme coercitif passe par la surveillance de tous ses citoyens, comme chez Orwell, par un Big Brother évoquant la Corée du nord ou le paradis selon Elon Musk… </p> <p>Fort heureusement, les prédictions catastrophistes des écrivains sont souvent démenties par la complexe réalité humaine, et Douglas Kennedy, tout réaliste et pessimiste qu’il soit, n’en finit pas pour autant de parier pour les «surprises de l’Histoire». Si persuadé qu’il soit qu’une démocratie sociale et progressiste est le seul moyen pour son pays d’aller de l’avant, il poursuit aussi bien le dialogue avec tel ami voyant en Trump la mort de la démocratie américaine et l’éventualité d’un nouveau totalitarisme ploutocratique, autant qu’avec tel autre qui voit en Trump «un président incompris, critiqué à tort». </p> <p>Sans équivoque pour autant, son livre, comme un roman, est un miroir promené le long de la route américaine (une évocation de la Route 66 rappelle le mythe national, avec un éloge chaleureux quoique nuancé de Jack Kerouac le beatnik virant «réac» sur le tard ), dans un «ailleurs» de citoyen du monde qui pourrait être aussi le nôtre…</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1730993956_ailleurschezmoi.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="322" /></p> <h4>«Ailleurs, chez moi», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond, 256 pages.</h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1730994068_9782266341042ori.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="328" /></p> <h4>«Et c'est ainsi que nous vivrons», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond/Pocket, 451 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'douglas-kennedy-interroge-l-amerique-qui-le-divise', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 62, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5214, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Pavese, notre ami fragile, nous attend à l’«Hôtel Roma»', 'subtitle' => 'Merveille de sensibilité mimétique, de substance documentaire et de justesse d’expression dans son approche d’un grand écrivain retrouvé à l’été (1950) de son suicide, l’ouvrage de Pierre Adrian restitue à la fois les aspects contradictoires de la personne, complexe et combien âprement attachante, et le génie du poète, avec ses racines piémontaises et de constantes et pertinentes références à ses œuvres relues.', 'subtitle_edition' => 'Merveille de sensibilité mimétique et de justesse d’expression dans son approche d’un grand écrivain retrouvé à l’été (1950) de son suicide, l’ouvrage de Pierre Adrian restitue à la fois les aspects contradictoires de la personne et le génie du poète, avec ses racines piémontaises et de constantes références à ses œuvres.', 'content' => '<p>Il y a des gens, comme ça, à de certains moments particuliers, que vous éprouvez l’irrépressible besoin de prendre dans vos bras, et cette impulsion soudaine se trouve précisément exprimée par le jeune écrivain français Pierre Adrian, à la fin de son <i>Hôtel Roma,</i> dans ces lignes marquant la fin d’une intense recherche menée par lui sur les traces d’un des plus grands auteurs italiens du XXème siècle, en la personne de Cesare Pavese: «<em>Je m’attachais à l’homme à mesure que je l’accompagnais vers la mort. Il me semblait, à retracer pointilleusement ses derniers jours, escorter un jeune condamné. Je voulais lui taper sur l’épaule, peut-être même le pendre dans mes bras. Oui, je voulais prendre Pavese dans mes bras. Dans ma tête, je le dessinais d’après les images que j’en avais. Pavese marchait les épaules rentrées, en bras de chemise, le dos suant, les yeux gênés par la lumière, les souliers usés, la pipe entre paume et pouce, une petite valise dans l’autre main, Pavese s’épuisait en vagabondant dans sa ville poussiéreuse, ses odeurs saturées de quais de gare, d’arrière-cuisines mal ventilées, sa couleur ballast, son ciel fouetté par les câbles des tramways où, pour mettre un peu de gaîté, on voudrait pendre du linge bariolé. Je le dessinais sans couleurs, me fiant à une confidence d’Ernesto Ferrero, l’écrivain qui disait de Pavese qu’il était un homme en noir et blanc</em>»…</p> <h3>Du noir et autres couleurs</h3> <p>Ce «noir et blanc» ne laisse d’évoquer toute une époque, à l’évidence, et c’est à la fois la «couleur» du néoréalisme italien, faisant écho aux romans américains plus ou moins «noirs» qui ont fasciné le jeune Pavese, grand lecteur par ailleurs de Walt Whitman et futur traducteur (faisant autorité aujourd’hui encore) de l’immense <i>Moby Dick</i>, baleine à long sillage blanc dans la mer dont le Piémontais rêve tout en la détestant – donc on verra bientôt que le «noir et blanc» n’a rien de binaire ni de réducteur pour celui qui gardera toujours au cœur les feux de septembre, d’or et de pourpre, des vignobles des Langhe, ces collines des hauts de Turin dont il évoque le paradis retrouvé dans <i>Les Mers du sud</i>, premier poème de <i>Travailler fatigue, </i>au début de son journal amorcé en relégation, en novembre 1935: «S’il y a une figure dans mes poèmes, c’est celle de celui qui s’est enfui de chez lui et qui revient avec joie à son petit village, après en avoir vu de toutes les couleurs et rien que des choses pittoresques, avec très peu envie de travailler, prenant un grand plaisir à des choses très simples, toujours large, débonnaire et net dans ses jugements, incapable de souffrir profondément, content d’obéir à la nature et d’être heureux avec une femme, mais content aussi de se sentir seul et dégagé, prêt chaque matin: les <i>Mers du Sud</i> en somme»… </p> <p>Mais non camarade: travailler repose! Et si vous pensez que le geste de prendre Pavese dans vos bras va vous en rapprocher en moite tendresse, déchantez car le mec est aussi distant, voire impossible avec ses semblables qu’avec les femmes, comme il le sous-entend dans ce fragment du <i>Métier de vivre</i> daté de ses vingt-sept ans: «Comme les grands amants, les grands poètes sont rares. Les velléités, les fureurs et les rêves ne suffisent pas; il faut ce qu’il y a de mieux: des couilles dures. Ce que l’on appelle également le regard olympien».</p> <p>Hélas le péremptoire jeune homme ne sera jamais un «grand amant», mais il pressent en lui le «grand poète» non sans raison, malgré le «vice absurde» qu’il nourrit déjà, et qu’il maudit en toute lucidité. Ainsi le note-t-il aussi en novembre 1937: «Le plus grand tort de celui qui se suicide est non de se tuer mais d’y penser et de ne pas le faire. Rien n’est plus abject que l’état de désintégration morale auquel amène l’idée – l’habitude de l’idée – du suicide. Responsabilité, conscience, force, tout flotte à la dérive sur cette mer morte, coule et revient futilement à la surface, jouet de n’importe quel courant.» </p> <h3>L'incommunicable en partage</h3> <p>Et d’autres couleurs au cinéma, comme dans les films de Michelangelo Antonioni que Pierre Adrian évoque à propos de la mort de Monica Vitti qui vous a tous fait craquer, jeunes gens, entre seize et vingt ans, quand vous découvriez le mot «incommunicabilité» très prisé des intellos une dizaine d’années après la mort de Pavese… </p> <p>Le terme est au cœur du paradoxe de la relation de Pavese avec les autres, qu’il appelle et rejette en même temps, auxquels il offre sa poésie et qu’il fuit comme malgré lui. </p> <p>Or ce mélange d’attirance et de répulsion, Pierre Adrian l’a éprouvé lui-même après avoir trouvé, en sa vingtaine, l’écrivain selon son cœur en la personne de Pier Paolo Pasolini, l’opposé à maints égards de Pavese, qu’il suivra du Frioul à Rome avant, la trentaine venue, de repérer un autre «compagnon lucide» possible avec Pavese qu’il va «retrouver», de Rome où il vit, à Turin, en compagnie d’une amie-amante qu’il appelle «la fille à la peau mate» à la façon du poète parlant de sa «fille à la voix rauque», passion malheureuse entre tant d’autres… </p> <h3>D'amitié et d'amour</h3> <p>Autre paradoxe alors: que le récit-enquête-pèlerinage consacré à un poète mal barré en amour, entrepris en complicité avec une jeune Parisienne de joyeuse compagnie, transforme ce qui pourrait n’être qu’un fastidieux «docu» littéraire en histoire d’amitié et d’amour, où l’incommunicabilité fameuse – l’un des murs sur lesquels Pavese bute souvent dans <i>Le Métier de vivre</i> – se déploie en vecteur de sympathies multiples, au fil des rencontres parfois très étonnantes qui ponctuent le parcours des deux «petits Français»…</p> <p>Cela commence à <i>La Dernière plage</i>, ce restau à salle de bal et terrasse estivale des hauts de Turin, anciennement <i>Taverna dell’orso,</i> où Pavese accoutumait de se rendre, à deux pas de la maison de sa mère, et dont le nouveau propriétaire farceur a conçu une anti-publicité typique de l’humour grinçant des Piémontais: «<em>Si mangia male, si paga tanto</em>», l’on mange mal et l’on paie cher…</p> <p>Premier lieu «à la Pavese», au seuil des Langhe, restau de province aux airs «défaits», avant une série d’escales significatives dans les collines, en Calabre où le poète a été exilé sept mois par les autorités fascistes, à Rome, ou encore à Bocca di Magra en face des falaises de marbre de Carrare où il foula sa véritable «dernière plage» en compagnie d’un improbable flirt…</p> <h3>Les œuvres, bagages accompagnés</h3> <p>Valeur ajoutée inestimable à ce périple: les constantes références de l’auteur aux livres de Pavese, citations à l’appui tirées de <i>La lune et les feux</i>, son dernier livre apparié à une «divine comédie», des <i>Dialogues avec Leuco</i>, sur l’exemplaire duquel figurent les derniers mots manuscrits du désespéré («Je pardonne à tous et à tous je demande pardon. Ca va? Pas trop de bavardages»), du <i>Bel été</i> (prix Strega en juin 1950, consécration à peine relevée par les médias sauf à Turin), <i>Entre femmes seules </i>aux si profondes intuitions psychologiques, <i>Le Métier de vivre</i> à de multiples reprises et la correspondance de l’écrivain d’où l’auteur tire la page saisissante, à valeur d’autoportrait, d’une lettre à Fernanda Pivano, le 25 octobre 1950, où figurent ces mots d’une si terrible lucidité: «Or P. qui sans doute est un solitaire parce qu’en grandissant il a compris qu’on ne peut rien faire qui vaille sinon loin du commerce du monde, est le martyr de ces contradictions. Il veut être seul – et il est seul –, mais il veut l’être au milieu d’un cercle qui le sache (…) P. appelle même tout cela besoin d’expression, de communication, de communion; sa privation, tragédie de la solitude, incommunicabilité des âmes, et ainsi de suite. Que pourra faire un tel homme devant l’amour?»</p> <p>Enfin Pierre Adrian a retrouvé à Rome, géant nonagénaire, le dernier compagnon vivant de Pavese au nom de Franco Ferrarotti, qui nous vaut les pages les plus émouvantes <i>d’Hôtel Roma</i>, avec l’évocation des funérailles de Pavese, dont le cercueil fut suivi par des centaines de personnes, le message bouleversant du jeune Italo Calvino, atterré par la mort de son ami, et une conclusion qui oriente l’ensemble de l’ouvrage dans le même sens que les derniers mots de Pavese, le 18 août 1950: «Un clou chasse l’autre. Mais quatre clous font une croix. Mon rôle public, je l’ai accompli – j’ai fait ce que je pouvais. J’ai travaillé, j’ai donné de la poésie aux hommes, j’ai partagé la peine de beaucoup».</p> <p>Et Pierre Adrian de conclure: «Ferrotti m’avait conforté dans la conviction qu’un écrivain peut être l’ami qui vous réconforte et vous aide à tenir. Pavese était devenu un compagnon de route. Je m’étais lié à lui. On ne demande pas à nos amis de nous ressembler. On leur demande de nous aider à vivre»…</p> <p><em>Post scriptum</em>: <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AWqKECytyeU" target="_blank" rel="noopener"><i>Amico fragile</i></a> est l’une des plus belles chansons de Fabrizio de André, autre géant «à la Pavese» dont la voix grave et douce fait écho à celle, <i>sottovoce</i>, qu’on entend entre les lignes du <i>Métier de vivre</i>…</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1729776691_g07635.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="293" /></p> <h4>«Hotel Roma», Pierre Adrian, Editions Gallimard, 192 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'pavese-notre-ami-fragile-nous-attend-a-l-hotel-roma', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 64, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 11129, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Highsmith_on_After_Dark.JPG', 'type' => 'image', 'subtype' => 'jpeg', 'size' => (int) 133029, 'md5' => 'bc8d89f94506bcd0e3aa70311edb9ef6', 'width' => (int) 1024, 'height' => (int) 748, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => 'Patricia Highsmith en 1988. CC-BY-SA-3.0', 'description' => '', 'author' => '', 'copyright' => '', 'path' => '1712841999_highsmith_on_after_dark.jpg', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) { 'id' => (int) 7041, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'status' => 'ACCEPTED', 'comment' => 'Beaucoup de subtilité dans le scénario de la série "Ripley" et il faut saluer le jeu des acteurs et notamment celui de Monsieur Andrew Scott mais tous sont vraiment excellents. Espérons que cela incite les Maisons d'édition à rééditer à nouveau les romans de Madame Patricia Highsmith, une très grande dame de la littérature. ', 'post_id' => (int) 4868, 'user_id' => (int) 12213, 'user' => object(App\Model\Entity\User) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Comments' } ] $author = 'Jean-Louis Kuffer' $description = 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ' $title = 'Comment Simenon et Highsmith déjouent les poncifs du polar' $crawler = true $connected = null $menu_blocks = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Block) { 'id' => (int) 56, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'active' => true, 'name' => '#Trends', 'subtitle' => null, 'description' => null, 'color' => null, 'order' => null, 'position' => null, 'type' => 'menu', 'slug' => 'menu_tags', 'extern_url' => null, 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'posts' => [[maximum depth reached]], '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Blocks' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Block) { 'id' => (int) 55, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'active' => true, 'name' => 'Les plus lus cette semaine', 'subtitle' => null, 'description' => null, 'color' => null, 'order' => null, 'position' => null, 'type' => 'menu', 'slug' => 'menu_highlight', 'extern_url' => null, 'tags' => [[maximum depth reached]], 'posts' => [ [maximum depth reached] ], '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Blocks' } ] $menu = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 2, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'A vif', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 4, 'description' => 'Lorsque nos auteurs ont envie de réagir sur le vif à un événement, des concerts aux disparitions célèbres, ils confient leurs écrits à la rubrique "A vif", afin que ceux-ci soient publiés dans l’instant.', 'slug' => 'a-vif', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 3, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Chronique', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 5, 'description' => '<p>La réputation des chroniqueurs de Bon pour la tête n’est plus à faire: Tout va bien, Le billet du Vaurien, la chronique de JLK, ou encore Migraine et In#actuel, il y en a pour tous les goûts!</p>', 'slug' => 'chroniques', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 4, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Lu ailleurs', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 5, 'description' => 'Pourquoi ne pas mettre en avant nos collègues lorsque l'on est sensibles à leur travail? Dans la rubrique « Lu ailleurs » vous trouverez des reprises choisies par la rédaction et remaniées façon BPLT.', 'slug' => 'ailleurs', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 5, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Actuel', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 1, 'description' => 'Bon pour la tête n’a pas vocation à être un site d’actualité à proprement parler, car son équipe prend le temps et le recul nécessaire pour réagir à l’information.', 'slug' => 'actuel', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 6, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Culture', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 3, 'description' => '', 'slug' => 'culture', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 7, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Vos lettres', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 6, 'description' => 'Bon pour la tête donne la parole à ses lecteurs, qu’ils aient envie de partager leur avis, pousser un coup de gueule ou contribuer à la palette diversifiée d’articles publiés. A vous de jouer!', 'slug' => 'vos-lettres-a-bon-pour-la-tete', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 8, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Analyse', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 3, 'description' => '', 'slug' => 'analyse', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 10, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Science', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'sciences', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 1, 'rght' => (int) 2, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 11, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Histoire', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'histoire', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 3, 'rght' => (int) 4, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 12, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Humour', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'humour', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 5, 'rght' => (int) 6, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 13, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Débat', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'debat', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 7, 'rght' => (int) 8, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 14, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Opinion', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'opinion', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 9, 'rght' => (int) 10, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 15, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Reportage', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'reportage', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 11, 'rght' => (int) 12, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' } ] $tag = object(App\Model\Entity\Tag) { 'id' => (int) 739, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Polar', 'slug' => 'polar', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Tags' } $edition = object(App\Model\Entity\Edition) { 'id' => (int) 163, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'num' => (int) 160, 'active' => true, 'title' => 'Edition 160', 'header' => null, '_joinData' => object(App\Model\Entity\EditionsPost) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Editions' }include - APP/Template/Posts/view.ctp, line 123 Cake\View\View::_evaluate() - CORE/src/View/View.php, line 1435 Cake\View\View::_render() - CORE/src/View/View.php, line 1393 Cake\View\View::render() - CORE/src/View/View.php, line 892 Cake\Controller\Controller::render() - CORE/src/Controller/Controller.php, line 791 Cake\Http\ActionDispatcher::_invoke() - CORE/src/Http/ActionDispatcher.php, line 126 Cake\Http\ActionDispatcher::dispatch() - CORE/src/Http/ActionDispatcher.php, line 94 Cake\Http\BaseApplication::__invoke() - CORE/src/Http/BaseApplication.php, line 256 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 App\Middleware\IpMatchMiddleware::__invoke() - APP/Middleware/IpMatchMiddleware.php, line 28 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 Cake\Routing\Middleware\RoutingMiddleware::__invoke() - CORE/src/Routing/Middleware/RoutingMiddleware.php, line 164 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 Cors\Routing\Middleware\CorsMiddleware::__invoke() - ROOT/vendor/ozee31/cakephp-cors/src/Routing/Middleware/CorsMiddleware.php, line 32 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 Cake\Routing\Middleware\AssetMiddleware::__invoke() - CORE/src/Routing/Middleware/AssetMiddleware.php, line 88 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65
Warning: file_put_contents(/data01/sites/bonpourlatete.com/dev/bonpourlatete.com/logs/debug.log) [function.file-put-contents]: failed to open stream: Permission denied in /data01/sites/bonpourlatete.com/dev/bonpourlatete.com/vendor/cakephp/cakephp/src/Log/Engine/FileLog.php on line 133
Georges Simenon se plaignait de ce que la critique et le public français le considérassent (pour parler comme San Antonio) strictement comme un auteur de romans policiers, alors que le reste du monde voyait en lui un écrivain à part entière. De la même façon, Patricia Highsmith – elle-même vive admiratrice de Simenon mais ne prisant guère le genre policier en tant que tel -, n’appréciait pas du tout le titre de « reine du crime » que d’aucuns lui accolaient.
Or s’il est vrai que les « purs littéraires », et surtout en France, aiment à séparer ce qui est « vraie littérature » des genres dits mineurs (polar, science-fiction, fantastique, littérature populaire en un mot), il n’est pas moins évident que le roman policier, dit aussi roman noir, thriller ou polar, a ses règles spécifiques qui en font, qu’on le veuille ou non, et sans mépris, un genre particulier.
Simenon reconnaissait, le premier, que la série de Maigret obéissait à certains schémas dont il éprouva, à un moment donné, le besoin de se libérer. Cela ne signifie pas que ses Maigret soient forcément schématiques, mais le fait est que le meilleur de Simenon échappe aux normes du polar. Un volume en partie « biographique » de la prestigieuse Pléiade, paru en 2009, témoigne à la fois de la reconnaissance et du niveau de qualité et de profondeur d’au moins une trentaine de romans qu’on taxe tantôt, comme l’auteur, de « romans durs », ou de « romans de l’homme ».
C’est ainsi que Lettre à mon juge ou le balzacien Bourgmestre de Furnes, La neige était sale, Les inconnus dans la maison, Feux rouges, Les gens d’en face ou L’homme qui regardait passer les trains, pour ne citer que ceux-là, ressortissent bel et bien à la meilleure littérature, comme il en va de Crime et châtiment de Dostoïevski, si proche à l’inverse de certains romans noirs.
Mais qui était Simenon, formidable personnage lui-même de roman sans rien de « policier » ? De Pedigree à la Lettre à ma mère, entre sept autres romans, le volume de La Pléiade éclairait incidemment la personnalité même du grand romancier.
Quand le « je » devient « il »
Il aura fallu, à l’été 1940, qu’un médecin lui annonce sa mort à brève échéance (deux ans au plus) pour que Georges Simenon entreprenne soudain, pour son premier fils Marc en bas âge, de rédiger l’histoire de sa propre enfance et de son clan liégeois, «afin qu’il sache »...
Dans l’immédiat, interdiction lui était faite de fumer, de boire ou de faire l’amour. Dur, dur pour un homme aussi porté sur la chair que sur la chère, incroyablement fécond (dix romans rien qu’en 39-40 !) et qui venait de payer de sa personne dans l’accueil de 18.000 réfugiés belges à La Rochelle, en tant que « haut commissaire » spécial…
À 38 ans, déjà célèbre et richissime, le romancier avait signé plusieurs centaines de romans, sans jamais parler de lui-même. Or c’est en « je » qu’il allait rédiger les cent premiers feuillets d’un texte (réédité plus tard sous le titre de Je me souviens) qu’il soumit à André Gide, lequel lui conseilla de passer à la troisième personne pour se raconter plus librement, comme… dans un roman de Simenon.
Ainsi fut écrit Pedigree, pavé de 400 pages et tableau vibrant de vie et d’humanité d’un quartier populaire de Liège au début du XXe siècle. Au premier rang : le jeune Roger Mamelin, entre un père sensible et digne (très proche de Désiré Simenon), et une mère castratrice, découvre tout un monde de petites gens attachants, les vertiges du sexe éprouvés par l’enfant de chœur courant au bordel avec les sous du curé, enfin la vie profuse de la ville ouvrière. Le récit s’achève à la seizième année du protagoniste, mais Simenon prétendait que l’essentiel d’un individu se forge avant dix-huit ans…
Qu’il évoque la dictature politique (l’URSS des Gens d’en face) ou la guerre conjugale (dans Pedigree dont les conjoints ne se parlent plus que par billets interposés), ses anciens amis qui ont mal tourné ou les peines d’un enfant trop sensible, Simenon le romancier reste évidemment le même homme que le mémorialiste aigu (à qui l’on intentera trois procès !) ou que le reporter autour du monde : un écrivain d’une incomparable porosité, toujours fidèle à sa devise de « comprendre et ne pas juger ».
Du noyau au « trou noir »…
« Nous sommes deux, mère, à nous regarder ; tu m’as mis au monde, je suis sorti de ton ventre, tu m’as donné mon premier lait et pourtant je ne te connais pas plus que tu ne me connais. Nous sommes, dans ta chambre d’hôpital, comme deux étrangers qui ne parlent pas la même langue – d’ailleurs nous parlons peu – et qui se méfient l’un de l’autre »…
Ce dur constat donne le ton d’un livre à la fois terrible et déchirant, par le truchement duquel on peut sonder l’abîme séparant une mère de son fils auquel elle a toujours préféré son frère cadet en dépit de la « réussite » fracassante de son aîné.
Comme l’inoubliable In Memoriam de Paul Léautaud, griffonné au chevet de son père mourant, la Lettre à ma mère que Simenon a écrite le 18 avril 1974 à Lausanne, trois ans après le décès d’Henriette Brüll, est un de ces écrits fondamentaux qui jettent, sur une vie ou une œuvre, la lumière crue de la vérité.
Ici, le manque absolu de tendresse, la frustration définitive éprouvée par un fils jamais caressé et jamais « reconnu », jusqu’à un âge avancé, en disent sans doute long sur les rapports, trivialement fonctionnels ou beaucoup plus compliqués, voire pervers, que Georges Simenon entretenait avec les femmes. Bref, une galaxie humaine à ne cesser de découvrir, comme en témoigne l’expo à voir ces jours à la fondation Michalski.
Figures de l’humiliation
Autre univers personnel à découvrir : l’arrière-monde de Patricia Highsmith, dont les Écrits intimes de plus de mille pages, parus en 2021 chez Calmann-Lévy, constituent la meilleure introduction.
Bien plus que les secrets d’une « reine du crime », nous y découvrons les soubassements émotionnels et le quotidien professionnel et affectif souvent très difficile d’une insatiable amoureuse qualifiée justement de « poète de l’angoisse » par le grand romancier anglais Graham Greene. Autant que Simenon, Patricia Highsmith a signé des romans et des nouvelles qui ne s’intéressent guère aux aspects techniques policiers ou judiciaires de la criminalité, constituant le fonds des auteurs actuels de polars, mais essentiellement aux motivations obscures de celles et ceux qui « passent à l’acte ». Dès ses premiers écrits de jeune fille, le crime la scotche, mais des flics et des « enquêtes » elle n’a que fiche…
Lors d’une visite que je lui rendis en 1988 dans le hameau tessinois d’Aurigeno, me recevant en l’humble maison de pierres où elle logeait avant sa dernière installation sur les hauts d’Ascona, la romancière, peu soucieuse de parler d’elle-même, répondit, à la question que je lui posai, relative à l’origine, selon elle, de la plupart des crimes, par un seul mot : l’humiliation.
Or celle-ci est la base évidente de la psychologie du plus emblématique de ses personnages, au nom de Tom Ripley, dont tous les agissements paraissent un exorcisme à l’humiliation nourrie d’envie, de frustration et d’esprit de revanche.
On croit avoir tout dit de Ripley en le réduisant à un pervers inquiétant se plaisant en eaux troubles, mais le personnage est beaucoup plus que cela : un homme perdu de notre temps, un type qui rêve d’être quelqu’un, au sens de la société, et le devient en façade, sans être jamais vraiment satisfait, calmé ou justifié.
Il faut lire la série des romans dans l’ordre de leur composition pour bien voir d’où vient Tom Ripley, survivant comme par malentendu à la disparition accidentelle de ses parents. C’est un peu la version thriller de L’homme sans qualités, dont l’écriture apparemment plate de Patricia Highsmith ne tisse pas moins un arrière-monde aux insondables profondeurs. Ripley l’informe rêve d’art et y accède par tous les biais, y compris le faux (l’invention de Derwatt) et le simulacre - il peint lui-même à ses heures, comme on dit…
Ripley est un humilié qui se rachète en douce, comme il peut, un pas après l’autre. C’est un peu par malentendu qu’il commet son premier meurtre, parce qu’un jeune homme l’a vexé, et pour tout le reste qui justifiait cet énervement du moment, tout ce que symbolisait ce fils d’enfant gâté. Mais Ripley lui-même est un monde, qui suscite de multiples interprétations, comme on l’a vu au cinéma sous les visages successifs du (trop) bel Alain Delon (Plein soleil de René Clément), du plus équivoque Matt Damon (Le talentueux M. Ripley d’Antony Minghella) et, aujourd’hui, d’un Andrew Scott qui aurait probablement troublé Highsmith elle-même…
Un Ripley « caravagesque »
Contre toute attente, s’agissant d’une série, et donc d’un sous-genre sacrifiant souvent à la superficialité, le dernier avatar de Ripley de Steven Zaillian, avec un Andrew Scott stupéfiant de subtilité dans le rôle du protagoniste, saisit à la fois par sa compréhension en profondeur de l’univers de Patricia Highsmith, son atmosphère « psychique » admirablement traduite par une image extrêmement soignée, l’ensemble des décors, des paysages italiens, des visages et de toute la scénographie du film (on peut le voir ainsi, tout un, malgré ses huit épisodes, avec sa haute qualité cinématographique évoquant le noir et blanc d’Alfred Hitchcock – premier « traducteur » de Highsmith à l’écran avec L’inconnu du Nord-express, il faut le rappeler – autant que le clair-obscur du néo-réalisme italien), mais aussi les jeux du clair-obscur du Caravage qui devient d’ailleurs la référence picturale majeure de cette plongée dans l’Italie baroque à la sensualité lancinante jusqu’au morbide, et enfin dans le jeu des acteurs, formidablement dirigés et que domine la figure diaboliquement souriante, enjôleuse, tranchante et troublante à la fois, trompeuse en plein abandon de sincérité feinte, d’un Andrew Scott au-dessus de tout éloge.
D’aucuns se sont déjà plaints, ici et là, de l’usage du noir et blanc pour évoquer la beauté de l’Italie traversée, de la côte amalfitaine à Rome et de Venise à Naples, alors que c’est justement la « couleur » parfaite de ce périple conduisant Ripley loin de l’Italie des chromos et autres cartes postales aux vertiges existentiels du Caravage, immense artiste et peut-être criminel…
Vide et taiseux, mais frémissant d’intérieure rage vengeresse, escroc minable mais génial instinctif, ambigu et d’emblée soupçonné d’être gay par la petite amie de Dickie le beau gosse de riche, mais insaisissable à tous égards : tel est le personnage de cette admirable série brève loin d’épuiser, à vrai dire, tous les aspects de ce personnage issu de l’imagination vertigineuse d’une romancière qui, chez elle, me disait qu’elle n’avait pas de télé au motif de sa peur du sang…
Georges Simenon. Pedigree et autres romans, Lettre à ma mère. Edition établie et préfacée par Jacques Dubois et Benoît Denis. Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 699p.
Montricher. Fondation Jan Michalski. https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon
Patricia Highsmith. Les écrits intimes de Patricia Highsmith (1941-1995)
Notice (8): Trying to access array offset on value of type null [APP/Template/Posts/view.ctp, line 147]Code Context<div class="col-lg-12 order-lg-4 order-md-4">
<? if(!$connected['active']): ?>
<div class="utils__spacer--default"></div>
$viewFile = '/data01/sites/bonpourlatete.com/dev/bonpourlatete.com/src/Template/Posts/view.ctp' $dataForView = [ 'referer' => 'https://dev.bonpourlatete.com/like/4868', 'OneSignal' => '8a2ea76e-2c65-48ce-92e5-098c4cb86093', '_serialize' => [ (int) 0 => 'post' ], 'post' => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4868, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Comment Simenon et Highsmith déjouent les poncifs du polar', 'subtitle' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'subtitle_edition' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'content' => '<p>Georges Simenon se plaignait de ce que la critique et le public français le considérassent (pour parler comme San Antonio) strictement comme un auteur de romans policiers, alors que le reste du monde voyait en lui un écrivain à part entière. De la même façon, Patricia Highsmith – elle-même vive admiratrice de Simenon mais ne prisant guère le genre policier en tant que tel -, n’appréciait pas du tout le titre de « reine du crime » que d’aucuns lui accolaient. </p> <p>Or s’il est vrai que les « purs littéraires », et surtout en France, aiment à séparer ce qui est « vraie littérature » des genres dits mineurs (polar, science-fiction, fantastique, littérature populaire en un mot), il n’est pas moins évident que le roman policier, dit aussi roman noir, thriller ou polar, a ses règles spécifiques qui en font, qu’on le veuille ou non, et sans mépris, un genre particulier.</p> <p>Simenon reconnaissait, le premier, que la série de Maigret obéissait à certains schémas dont il éprouva, à un moment donné, le besoin de se libérer. Cela ne signifie pas que ses Maigret soient forcément schématiques, mais le fait est que le meilleur de Simenon échappe aux normes du polar. Un volume en partie « biographique » de la prestigieuse Pléiade, paru en 2009, témoigne à la fois de la reconnaissance et du niveau de qualité et de profondeur d’au moins une trentaine de romans qu’on taxe tantôt, comme l’auteur, de « romans durs », ou de « romans de l’homme ».</p> <p>C’est ainsi que <em>Lettre à mon juge</em><em> </em>ou <em>le balzacien</em><em> Bourgmestre de Furnes</em>, <em>La neige était sale</em>, <em>Les inconnus dans la maison</em>, <em>Feux rouges</em>, <em>Les gens d’en face</em><em> </em>ou <em>L’homme qui regardait passer les trains</em>, pour ne citer que ceux-là, ressortissent bel et bien à la meilleure littérature, comme il en va de <em>Crime et châtiment</em><em> </em>de Dostoïevski, si proche à l’inverse de certains romans noirs.</p> <p>Mais qui était Simenon, formidable personnage lui-même de roman sans rien de « policier » ? De <em>Pedigree</em> à la <em>Lettre à ma mère</em>, entre sept autres romans, le volume de La Pléiade éclairait incidemment la personnalité même du grand romancier.</p> <h3><strong>Quand le « je » devient « il »</strong></h3> <p>Il aura fallu, à l’été 1940, qu’un médecin lui annonce sa mort à brève échéance (deux ans au plus) pour que Georges Simenon entreprenne soudain, pour son premier fils Marc en bas âge, de rédiger l’histoire de sa propre enfance et de son clan liégeois, «afin qu’il sache »...</p> <p>Dans l’immédiat, interdiction lui était faite de fumer, de boire ou de faire l’amour. Dur, dur pour un homme aussi porté sur la chair que sur la chère, incroyablement fécond (dix romans rien qu’en 39-40 !) et qui venait de payer de sa personne dans l’accueil de 18.000 réfugiés belges à La Rochelle, en tant que « haut commissaire » spécial…</p> <p>À 38 ans, déjà célèbre et richissime, le romancier avait signé plusieurs centaines de romans, sans jamais parler de lui-même. Or c’est en « je » qu’il allait rédiger les cent premiers feuillets d’un texte (réédité plus tard sous le titre de <em>Je me souviens</em>) qu’il soumit à André Gide, lequel lui conseilla de passer à la troisième personne pour se raconter plus librement, comme… dans un roman de Simenon.</p> <p>Ainsi fut écrit <em>Pedigree,</em> pavé de 400 pages et tableau vibrant de vie et d’humanité d’un quartier populaire de Liège au début du XXe siècle. Au premier rang : le jeune Roger Mamelin, entre un père sensible et digne (très proche de Désiré Simenon), et une mère castratrice, découvre tout un monde de petites gens attachants, les vertiges du sexe éprouvés par l’enfant de chœur courant au bordel avec les sous du curé, enfin la vie profuse de la ville ouvrière. Le récit s’achève à la seizième année du protagoniste, mais Simenon prétendait que l’essentiel d’un individu se forge avant dix-huit ans…</p> <p>Qu’il évoque la dictature politique (l’URSS des <em>Gens d’en face</em>) ou la guerre conjugale (dans Pedigree dont les conjoints ne se parlent plus que par billets interposés), ses anciens amis qui ont mal tourné ou les peines d’un enfant trop sensible, Simenon le romancier reste évidemment le même homme que le mémorialiste aigu (à qui l’on intentera trois procès !) ou que le reporter autour du monde : un écrivain d’une incomparable porosité, toujours fidèle à sa devise de « comprendre et ne pas juger ».</p> <h3><strong>Du noyau au « trou noir »…</strong></h3> <p>« Nous sommes deux, mère, à nous regarder ; tu m’as mis au monde, je suis sorti de ton ventre, tu m’as donné mon premier lait et pourtant je ne te connais pas plus que tu ne me connais. Nous sommes, dans ta chambre d’hôpital, comme deux étrangers qui ne parlent pas la même langue – d’ailleurs nous parlons peu – et qui se méfient l’un de l’autre »…</p> <p>Ce dur constat donne le ton d’un livre à la fois terrible et déchirant, par le truchement duquel on peut sonder l’abîme séparant une mère de son fils auquel elle a toujours préféré son frère cadet en dépit de la « réussite » fracassante de son aîné.</p> <p>Comme l’inoubliable <em>In Memoriam</em> de Paul Léautaud, griffonné au chevet de son père mourant, la <em>Lettre à ma mère</em> que Simenon a écrite le 18 avril 1974 à Lausanne, trois ans après le décès d’Henriette Brüll, est un de ces écrits fondamentaux qui jettent, sur une vie ou une œuvre, la lumière crue de la vérité.</p> <p>Ici, le manque absolu de tendresse, la frustration définitive éprouvée par un fils jamais caressé et jamais « reconnu », jusqu’à un âge avancé, en disent sans doute long sur les rapports, trivialement fonctionnels ou beaucoup plus compliqués, voire pervers, que Georges Simenon entretenait avec les femmes. Bref, une galaxie humaine à ne cesser de découvrir, comme en témoigne l’expo à voir ces jours à la fondation Michalski.</p> <h3><strong>Figures de l’humiliation</strong></h3> <p>Autre univers personnel à découvrir : l’arrière-monde de Patricia Highsmith, dont les <em>Écrits intimes</em> de plus de mille pages, parus en 2021 chez Calmann-Lévy, constituent la meilleure introduction. </p> <p>Bien plus que les secrets d’une « reine du crime », nous y découvrons les soubassements émotionnels et le quotidien professionnel et affectif souvent très difficile d’une insatiable amoureuse qualifiée justement de « poète de l’angoisse » par le grand romancier anglais Graham Greene. Autant que Simenon, Patricia Highsmith a signé des romans et des nouvelles qui ne s’intéressent guère aux aspects techniques policiers ou judiciaires de la criminalité, constituant le fonds des auteurs actuels de polars, mais essentiellement aux motivations obscures de celles et ceux qui « passent à l’acte ». Dès ses premiers écrits de jeune fille, le crime la scotche, mais des flics et des « enquêtes » elle n’a que fiche… </p> <p>Lors d’une visite que je lui rendis en 1988 dans le hameau tessinois d’Aurigeno, me recevant en l’humble maison de pierres où elle logeait avant sa dernière installation sur les hauts d’Ascona, la romancière, peu soucieuse de parler d’elle-même, répondit, à la question que je lui posai, relative à l’origine, selon elle, de la plupart des crimes, par un seul mot : l’humiliation.</p> <p>Or celle-ci est la base évidente de la psychologie du plus emblématique de ses personnages, au nom de Tom Ripley, dont tous les agissements paraissent un exorcisme à l’humiliation nourrie d’envie, de frustration et d’esprit de revanche.</p> <p>On croit avoir tout dit de Ripley en le réduisant à un pervers inquiétant se plaisant en eaux troubles, mais le personnage est beaucoup plus que cela : un homme perdu de notre temps, un type qui rêve d’être quelqu’un, au sens de la société, et le devient en façade, sans être jamais vraiment satisfait, calmé ou justifié.</p> <p>Il faut lire la série des romans dans l’ordre de leur composition pour bien voir d’où vient Tom Ripley, survivant comme par malentendu à la disparition accidentelle de ses parents. C’est un peu la version thriller de <em>L’homme sans qualités,</em> dont l’écriture apparemment plate de Patricia Highsmith ne tisse pas moins un arrière-monde aux insondables profondeurs. Ripley l’informe rêve d’art et y accède par tous les biais, y compris le faux (l’invention de Derwatt) et le simulacre - il peint lui-même à ses heures, comme on dit…</p> <p>Ripley est un humilié qui se rachète en douce, comme il peut, un pas après l’autre. C’est un peu par malentendu qu’il commet son premier meurtre, parce qu’un jeune homme l’a vexé, et pour tout le reste qui justifiait cet énervement du moment, tout ce que symbolisait ce fils d’enfant gâté. Mais Ripley lui-même est un monde, qui suscite de multiples interprétations, comme on l’a vu au cinéma sous les visages successifs du (trop) bel Alain Delon (<em>Plein soleil</em> de René Clément), du plus équivoque Matt Damon (<em>Le talentueux M. Ripley </em>d’Antony Minghella) et, aujourd’hui, d’un Andrew Scott qui aurait probablement troublé Highsmith elle-même…</p> <h3><strong>Un Ripley « caravagesque » </strong></h3> <p>Contre toute attente, s’agissant d’une série, et donc d’un sous-genre sacrifiant souvent à la superficialité, <a href="https://www.netflix.com/title/81678765" target="_blank" rel="noopener">le dernier avatar de <em>Ripley</em></a> de Steven Zaillian, avec un Andrew Scott stupéfiant de subtilité dans le rôle du protagoniste, saisit à la fois par sa compréhension en profondeur de l’univers de Patricia Highsmith, son atmosphère « psychique » admirablement traduite par une image extrêmement soignée, l’ensemble des décors, des paysages italiens, des visages et de toute la scénographie du film (on peut le voir ainsi, tout un, malgré ses huit épisodes, avec sa haute qualité cinématographique évoquant le noir et blanc d’Alfred Hitchcock – premier « traducteur » de Highsmith à l’écran avec <em>L’inconnu du Nord-express</em>, il faut le rappeler – autant que le clair-obscur du néo-réalisme italien), mais aussi les jeux du clair-obscur du Caravage qui devient d’ailleurs la référence picturale majeure de cette plongée dans l’Italie baroque à la sensualité lancinante jusqu’au morbide, et enfin dans le jeu des acteurs, formidablement dirigés et que domine la figure diaboliquement souriante, enjôleuse, tranchante et troublante à la fois, trompeuse en plein abandon de sincérité feinte, d’un Andrew Scott au-dessus de tout éloge. </p> <p>D’aucuns se sont déjà plaints, ici et là, de l’usage du noir et blanc pour évoquer la beauté de l’Italie traversée, de la côte amalfitaine à Rome et de Venise à Naples, alors que c’est justement la « couleur » parfaite de ce périple conduisant Ripley loin de l’Italie des chromos et autres cartes postales aux vertiges existentiels du Caravage, immense artiste et peut-être criminel…</p> <p>Vide et taiseux, mais frémissant d’intérieure rage vengeresse, escroc minable mais génial instinctif, ambigu et d’emblée soupçonné d’être gay par la petite amie de Dickie le beau gosse de riche, mais insaisissable à tous égards : tel est le personnage de cette admirable série brève loin d’épuiser, à vrai dire, tous les aspects de ce personnage issu de l’imagination vertigineuse d’une romancière qui, chez elle, me disait qu’elle n’avait pas de télé au motif de sa peur du sang… </p> <hr /> <p>Georges Simenon. Pedigree et autres romans, Lettre à ma mère. Edition établie et préfacée par Jacques Dubois et Benoît Denis. Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 699p.</p> <p>Montricher. Fondation Jan Michalski. <a href="https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon?fbclid=IwAR3Ew-xfs48NeLbFnoCl5IrdI8zVgeKdFx-fDBVW12ISDz2IntW1ku_xlUQ_aem_ATVpJq1sLpfhRXj1et6ytZQ6Nomt31-UcZpTbfJ3-c1B2nW_hMACFeaichqJ0nvkx6IWLY9oqljQo0SIfin4abOZ">https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon</a></p> <p>Patricia Highsmith<em>. </em><em>Les écrits intimes de Patricia Highsmith</em> (1941-1995)</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'comment-simenon-et-highsmith-dejouent-les-poncifs-du-polar', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 720, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Jean-Louis Kuffer', 'description' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'title' => 'Comment Simenon et Highsmith déjouent les poncifs du polar', 'crawler' => true, 'connected' => null, 'menu_blocks' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Block) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Block) {} ], 'menu' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Category) {}, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Category) {} ] ] $bufferLevel = (int) 1 $referer = 'https://dev.bonpourlatete.com/like/4868' $OneSignal = '8a2ea76e-2c65-48ce-92e5-098c4cb86093' $_serialize = [ (int) 0 => 'post' ] $post = object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4868, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Comment Simenon et Highsmith déjouent les poncifs du polar', 'subtitle' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'subtitle_edition' => 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ', 'content' => '<p>Georges Simenon se plaignait de ce que la critique et le public français le considérassent (pour parler comme San Antonio) strictement comme un auteur de romans policiers, alors que le reste du monde voyait en lui un écrivain à part entière. De la même façon, Patricia Highsmith – elle-même vive admiratrice de Simenon mais ne prisant guère le genre policier en tant que tel -, n’appréciait pas du tout le titre de « reine du crime » que d’aucuns lui accolaient. </p> <p>Or s’il est vrai que les « purs littéraires », et surtout en France, aiment à séparer ce qui est « vraie littérature » des genres dits mineurs (polar, science-fiction, fantastique, littérature populaire en un mot), il n’est pas moins évident que le roman policier, dit aussi roman noir, thriller ou polar, a ses règles spécifiques qui en font, qu’on le veuille ou non, et sans mépris, un genre particulier.</p> <p>Simenon reconnaissait, le premier, que la série de Maigret obéissait à certains schémas dont il éprouva, à un moment donné, le besoin de se libérer. Cela ne signifie pas que ses Maigret soient forcément schématiques, mais le fait est que le meilleur de Simenon échappe aux normes du polar. Un volume en partie « biographique » de la prestigieuse Pléiade, paru en 2009, témoigne à la fois de la reconnaissance et du niveau de qualité et de profondeur d’au moins une trentaine de romans qu’on taxe tantôt, comme l’auteur, de « romans durs », ou de « romans de l’homme ».</p> <p>C’est ainsi que <em>Lettre à mon juge</em><em> </em>ou <em>le balzacien</em><em> Bourgmestre de Furnes</em>, <em>La neige était sale</em>, <em>Les inconnus dans la maison</em>, <em>Feux rouges</em>, <em>Les gens d’en face</em><em> </em>ou <em>L’homme qui regardait passer les trains</em>, pour ne citer que ceux-là, ressortissent bel et bien à la meilleure littérature, comme il en va de <em>Crime et châtiment</em><em> </em>de Dostoïevski, si proche à l’inverse de certains romans noirs.</p> <p>Mais qui était Simenon, formidable personnage lui-même de roman sans rien de « policier » ? De <em>Pedigree</em> à la <em>Lettre à ma mère</em>, entre sept autres romans, le volume de La Pléiade éclairait incidemment la personnalité même du grand romancier.</p> <h3><strong>Quand le « je » devient « il »</strong></h3> <p>Il aura fallu, à l’été 1940, qu’un médecin lui annonce sa mort à brève échéance (deux ans au plus) pour que Georges Simenon entreprenne soudain, pour son premier fils Marc en bas âge, de rédiger l’histoire de sa propre enfance et de son clan liégeois, «afin qu’il sache »...</p> <p>Dans l’immédiat, interdiction lui était faite de fumer, de boire ou de faire l’amour. Dur, dur pour un homme aussi porté sur la chair que sur la chère, incroyablement fécond (dix romans rien qu’en 39-40 !) et qui venait de payer de sa personne dans l’accueil de 18.000 réfugiés belges à La Rochelle, en tant que « haut commissaire » spécial…</p> <p>À 38 ans, déjà célèbre et richissime, le romancier avait signé plusieurs centaines de romans, sans jamais parler de lui-même. Or c’est en « je » qu’il allait rédiger les cent premiers feuillets d’un texte (réédité plus tard sous le titre de <em>Je me souviens</em>) qu’il soumit à André Gide, lequel lui conseilla de passer à la troisième personne pour se raconter plus librement, comme… dans un roman de Simenon.</p> <p>Ainsi fut écrit <em>Pedigree,</em> pavé de 400 pages et tableau vibrant de vie et d’humanité d’un quartier populaire de Liège au début du XXe siècle. Au premier rang : le jeune Roger Mamelin, entre un père sensible et digne (très proche de Désiré Simenon), et une mère castratrice, découvre tout un monde de petites gens attachants, les vertiges du sexe éprouvés par l’enfant de chœur courant au bordel avec les sous du curé, enfin la vie profuse de la ville ouvrière. Le récit s’achève à la seizième année du protagoniste, mais Simenon prétendait que l’essentiel d’un individu se forge avant dix-huit ans…</p> <p>Qu’il évoque la dictature politique (l’URSS des <em>Gens d’en face</em>) ou la guerre conjugale (dans Pedigree dont les conjoints ne se parlent plus que par billets interposés), ses anciens amis qui ont mal tourné ou les peines d’un enfant trop sensible, Simenon le romancier reste évidemment le même homme que le mémorialiste aigu (à qui l’on intentera trois procès !) ou que le reporter autour du monde : un écrivain d’une incomparable porosité, toujours fidèle à sa devise de « comprendre et ne pas juger ».</p> <h3><strong>Du noyau au « trou noir »…</strong></h3> <p>« Nous sommes deux, mère, à nous regarder ; tu m’as mis au monde, je suis sorti de ton ventre, tu m’as donné mon premier lait et pourtant je ne te connais pas plus que tu ne me connais. Nous sommes, dans ta chambre d’hôpital, comme deux étrangers qui ne parlent pas la même langue – d’ailleurs nous parlons peu – et qui se méfient l’un de l’autre »…</p> <p>Ce dur constat donne le ton d’un livre à la fois terrible et déchirant, par le truchement duquel on peut sonder l’abîme séparant une mère de son fils auquel elle a toujours préféré son frère cadet en dépit de la « réussite » fracassante de son aîné.</p> <p>Comme l’inoubliable <em>In Memoriam</em> de Paul Léautaud, griffonné au chevet de son père mourant, la <em>Lettre à ma mère</em> que Simenon a écrite le 18 avril 1974 à Lausanne, trois ans après le décès d’Henriette Brüll, est un de ces écrits fondamentaux qui jettent, sur une vie ou une œuvre, la lumière crue de la vérité.</p> <p>Ici, le manque absolu de tendresse, la frustration définitive éprouvée par un fils jamais caressé et jamais « reconnu », jusqu’à un âge avancé, en disent sans doute long sur les rapports, trivialement fonctionnels ou beaucoup plus compliqués, voire pervers, que Georges Simenon entretenait avec les femmes. Bref, une galaxie humaine à ne cesser de découvrir, comme en témoigne l’expo à voir ces jours à la fondation Michalski.</p> <h3><strong>Figures de l’humiliation</strong></h3> <p>Autre univers personnel à découvrir : l’arrière-monde de Patricia Highsmith, dont les <em>Écrits intimes</em> de plus de mille pages, parus en 2021 chez Calmann-Lévy, constituent la meilleure introduction. </p> <p>Bien plus que les secrets d’une « reine du crime », nous y découvrons les soubassements émotionnels et le quotidien professionnel et affectif souvent très difficile d’une insatiable amoureuse qualifiée justement de « poète de l’angoisse » par le grand romancier anglais Graham Greene. Autant que Simenon, Patricia Highsmith a signé des romans et des nouvelles qui ne s’intéressent guère aux aspects techniques policiers ou judiciaires de la criminalité, constituant le fonds des auteurs actuels de polars, mais essentiellement aux motivations obscures de celles et ceux qui « passent à l’acte ». Dès ses premiers écrits de jeune fille, le crime la scotche, mais des flics et des « enquêtes » elle n’a que fiche… </p> <p>Lors d’une visite que je lui rendis en 1988 dans le hameau tessinois d’Aurigeno, me recevant en l’humble maison de pierres où elle logeait avant sa dernière installation sur les hauts d’Ascona, la romancière, peu soucieuse de parler d’elle-même, répondit, à la question que je lui posai, relative à l’origine, selon elle, de la plupart des crimes, par un seul mot : l’humiliation.</p> <p>Or celle-ci est la base évidente de la psychologie du plus emblématique de ses personnages, au nom de Tom Ripley, dont tous les agissements paraissent un exorcisme à l’humiliation nourrie d’envie, de frustration et d’esprit de revanche.</p> <p>On croit avoir tout dit de Ripley en le réduisant à un pervers inquiétant se plaisant en eaux troubles, mais le personnage est beaucoup plus que cela : un homme perdu de notre temps, un type qui rêve d’être quelqu’un, au sens de la société, et le devient en façade, sans être jamais vraiment satisfait, calmé ou justifié.</p> <p>Il faut lire la série des romans dans l’ordre de leur composition pour bien voir d’où vient Tom Ripley, survivant comme par malentendu à la disparition accidentelle de ses parents. C’est un peu la version thriller de <em>L’homme sans qualités,</em> dont l’écriture apparemment plate de Patricia Highsmith ne tisse pas moins un arrière-monde aux insondables profondeurs. Ripley l’informe rêve d’art et y accède par tous les biais, y compris le faux (l’invention de Derwatt) et le simulacre - il peint lui-même à ses heures, comme on dit…</p> <p>Ripley est un humilié qui se rachète en douce, comme il peut, un pas après l’autre. C’est un peu par malentendu qu’il commet son premier meurtre, parce qu’un jeune homme l’a vexé, et pour tout le reste qui justifiait cet énervement du moment, tout ce que symbolisait ce fils d’enfant gâté. Mais Ripley lui-même est un monde, qui suscite de multiples interprétations, comme on l’a vu au cinéma sous les visages successifs du (trop) bel Alain Delon (<em>Plein soleil</em> de René Clément), du plus équivoque Matt Damon (<em>Le talentueux M. Ripley </em>d’Antony Minghella) et, aujourd’hui, d’un Andrew Scott qui aurait probablement troublé Highsmith elle-même…</p> <h3><strong>Un Ripley « caravagesque » </strong></h3> <p>Contre toute attente, s’agissant d’une série, et donc d’un sous-genre sacrifiant souvent à la superficialité, <a href="https://www.netflix.com/title/81678765" target="_blank" rel="noopener">le dernier avatar de <em>Ripley</em></a> de Steven Zaillian, avec un Andrew Scott stupéfiant de subtilité dans le rôle du protagoniste, saisit à la fois par sa compréhension en profondeur de l’univers de Patricia Highsmith, son atmosphère « psychique » admirablement traduite par une image extrêmement soignée, l’ensemble des décors, des paysages italiens, des visages et de toute la scénographie du film (on peut le voir ainsi, tout un, malgré ses huit épisodes, avec sa haute qualité cinématographique évoquant le noir et blanc d’Alfred Hitchcock – premier « traducteur » de Highsmith à l’écran avec <em>L’inconnu du Nord-express</em>, il faut le rappeler – autant que le clair-obscur du néo-réalisme italien), mais aussi les jeux du clair-obscur du Caravage qui devient d’ailleurs la référence picturale majeure de cette plongée dans l’Italie baroque à la sensualité lancinante jusqu’au morbide, et enfin dans le jeu des acteurs, formidablement dirigés et que domine la figure diaboliquement souriante, enjôleuse, tranchante et troublante à la fois, trompeuse en plein abandon de sincérité feinte, d’un Andrew Scott au-dessus de tout éloge. </p> <p>D’aucuns se sont déjà plaints, ici et là, de l’usage du noir et blanc pour évoquer la beauté de l’Italie traversée, de la côte amalfitaine à Rome et de Venise à Naples, alors que c’est justement la « couleur » parfaite de ce périple conduisant Ripley loin de l’Italie des chromos et autres cartes postales aux vertiges existentiels du Caravage, immense artiste et peut-être criminel…</p> <p>Vide et taiseux, mais frémissant d’intérieure rage vengeresse, escroc minable mais génial instinctif, ambigu et d’emblée soupçonné d’être gay par la petite amie de Dickie le beau gosse de riche, mais insaisissable à tous égards : tel est le personnage de cette admirable série brève loin d’épuiser, à vrai dire, tous les aspects de ce personnage issu de l’imagination vertigineuse d’une romancière qui, chez elle, me disait qu’elle n’avait pas de télé au motif de sa peur du sang… </p> <hr /> <p>Georges Simenon. Pedigree et autres romans, Lettre à ma mère. Edition établie et préfacée par Jacques Dubois et Benoît Denis. Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 699p.</p> <p>Montricher. Fondation Jan Michalski. <a href="https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon?fbclid=IwAR3Ew-xfs48NeLbFnoCl5IrdI8zVgeKdFx-fDBVW12ISDz2IntW1ku_xlUQ_aem_ATVpJq1sLpfhRXj1et6ytZQ6Nomt31-UcZpTbfJ3-c1B2nW_hMACFeaichqJ0nvkx6IWLY9oqljQo0SIfin4abOZ">https://fondation-janmichalski.com/fr/agenda/simenon</a></p> <p>Patricia Highsmith<em>. </em><em>Les écrits intimes de Patricia Highsmith</em> (1941-1995)</p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'comment-simenon-et-highsmith-dejouent-les-poncifs-du-polar', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 720, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5282, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Lire «Vivre», de Boualem Sansal, participe de sa libération', 'subtitle' => 'L’arrestation du grand écrivain algérien, le 16 novembre dernier à Alger, relève à la fois de l’infamie et de la logique d’Etat, s’agissant d’un opposant déclaré plus virulent même qu’un Salman Rushdie. Mais comment enfermer ses livres? Et que pèsent les décisions de mafieux gouvernementaux dans la balance des destinées universelles? Ces questions sont abordées, avec faconde et malice, dans le dernier roman du plus voltairien des auteurs contemporains. ', 'subtitle_edition' => 'L’arrestation du grand écrivain algérien, le 16 novembre dernier à Alger, relève à la fois de l’infamie et de la logique d’Etat, s’agissant d’un opposant déclaré plus virulent même qu’un Salman Rushdie. Mais comment enfermer ses livres? Et que pèsent les décisions de mafieux gouvernementaux dans la balance des destinées universelles? Ces questions sont abordées, avec faconde et malice, dans le dernier roman du plus voltairien des auteurs contemporains. ', 'content' => '<p>Comment Boualem Sansal se porte-t-il ce matin? Que ressent-il dans sa cellule ou sa chambre de la section pénitentiaire de l’hôpital algérois où il se trouve confiné à ce qu’on sait? Est-il vrai qu’il aurait apprécié le fait de ne pas être maltraité? Est-il vrai qu’il aurait affirmé ces derniers temps qu’il en avait assez de vivre? Et que voit-il par la fenêtre, si tant est que les murs qui l'enferment soient pourvus de la moindre ouverture? S’inquiète-t-il de son sort autant que ses proches, amis et lecteurs, ou prend-il les choses avec détachement, comme l’écrivain-visionnaire, à la fin de <em>Vivre</em>, son dernier roman, incite ses lecteurs à considérer les choses à distance: l’univers incommensurable en général et notre destinée personnelle en particulier ?</p> <p>Telles étaient les questions confuses que je me posais ce matin, après avoir achevé hier soir la lecture annotée de <em>Vivre</em> et avant de reprendre celle de <em>La Vie dans l’univers</em> du physicien rebelle Freeman Dyson (lequel a été délivré de la pesanteur terrestre en 2020) dont certains thèmes se retrouvent dans le roman de Sansal, à commencer par la situation de l’infime créature humaine dans l’immensité des galaxies, l’origine de la vie et ses fins dernières, l’importance de la biotechnologie au XXe siècle et nos relations avec d’éventuelles présences extraterrestres, etc.</p> <p>Le dernier chapitre de <em>La Vie dans l’univers</em> est le plus surprenant, auquel je reviens ce matin pour la 42e fois (l’importance du nombre 42 est d’ailleurs relevée par le narrateur matheux de <em>Vivre</em> ), et qui postule la nécessité prochaine, pour l’humanité, de (ré)concilier son penchant religieux et les savoirs de la Science, avec un aperçu du goût de ce scientifique de haut vol pour les échappées imaginaires de quelques auteurs de science-fiction, où Sansal aurait sans doute sa place aujourd’hui.</p> <h3><strong>Une intrigue interstellaire</strong></h3> <p>Boualem Sansal ennemi de la religion, au prétexte qu’il y aurait chez lui du Voltaire algérien? Mais pas du tout : maintes fois, en effet, l’auteur du redoutable 2084 l’a répété: ce n’est pas à l’islam qu’il en veut, mais à l’islamisme et à l’instrumentalisation sociale et politique du «message» musulman, comparable à l’instrumentalisation faite par tous les fanatiques césaro-papistes des confessions diverses, etc.</p> <p>Freeman Dyson rend hommage à l’auteure de science-fiction Madeleine L'Engle, très prisée des enfants et des ados anglo-saxons (elle a écrit une trentaine de romans les visant en priorité) et qui accorde, en chrétienne atypique, plus d’importance aux scientifiques qu’aux théologiens, coupables, selon elle, de limiter la notion de Dieu alors que «les scientifiques, avec leurs questions, avec leur émerveillement face à la gloire de l’Univers», l’ont aidée dans sa quête de méditation et de contemplation, tant il est vrai que les spécialistes de biologie cellulaire ou d'astrophysique traitent de la nature de l'existence même au fil de questions d’ordre théologique: «quelle est la nature du temps? De la création? De la vie? Qu’est-ce que la créativité humaine? Quelle est notre part dans l’œuvre de Dieu?», etc.</p> <p>Le nom de Dieu, dans le roman de Boualem Sansal, est repris du «point de vue de Sirius», si l’on peut dire, car le personnage «médiateur» de l’intrigue interstellaire, identifié sous le nom de l’Entité par le narrateur (prof de maths en rupture d’activités universitaires, quadra typique des quadras mâles blancs occidentaux super-éduqués du début du XXIe siècle, dont la compagne Nelly prof de français en zone urbaine sensible combat la décadence de l’enseignement en farouche syndicaliste), n’est elle-même qu’une instance secondaire de la grande horlogerie universelle à peine perturbée, à la fin du roman de Boualem Sansal, par le fracas «provincial» d’une troisième guerre nucléaire dévastant la planète Terre avant sa destruction par effet collatéral «naturel»…</p> <h3><strong>Comme une fable </strong><strong>SF pour ados de tous les âges…</strong></h3> <p>Vous allez vous amuser, sûrement, en lisant le dernier roman de Boualem Sansal. Vous allez vous retrouver en vos jeunes années, quand vous vous interrogiez, graves filles et garçons, sur la place de l’homme dans l’Univers, le mystère de son origine et de ses fins dernières, l’éventualité de présences cousines dans les galaxies poches ou lointaines, enfin tout le branlebas de questions relevant de la religion, de la philosophie, de la métaphysique ou de la science-fiction.</p> <p>Si celle-ci a été «votre truc» entre 13 et 33 ans, soit par les livres de Bradbury et d’Asimov, soit par le cinéma avec Spielberg et autres odyssées de l’espace, vous vous retrouverez en pays de connaissance avec la partie explicitement conjecturale et truffée de trouvailles épatantes de <em>Vivre</em>, schématique à souhait et «limite» naïve quoique frisant le comique burlesque à la Monty Python dans son arborescence «scientifique», avant que le roman, apparemment tout différent des autres ouvrages de Boualem Sansal, ne vous ramène au cœur des préoccupations actuelles de l’écrivain: inquiétudes sociétales (fanatisme religieux et wokisme au menu) et chocs entre cultures et continents, monde en pleine bascule géopolitique et troisième guerre mondiale redoutée, fin des haricots et fuite sur Mars dans la fusée des Musk Brothers & Co, etc.</p> <p>Or je lis plus précisément, dans <em>Vivre</em>, que «les gouvernements n’ont jamais d’autre but que de satisfaire l’appétit insatiable des oligarchies et des camarillas qui les constituent»; et tout à l’heure je lisais ces lignes qui sont comme le «pitch» de ce formidable récit se jouant des codes «populaires» de la SF pour développer une réflexion voltairienne sur l’état actuel de nos sociétés et les hantises et autres fantasmes de survie de nos semblables divers: «Une entité de l’espace vous contacte télépathiquement pour vous annoncer que la Terre va disparaître, frappée par un phénomène naturel, est-il précisé, et qu’il vous incombe personnellement de désigner ceux qui seront sauvés. Elle met à votre disposition un vaisseau qui peut emporter trois milliards de passagers, sur les huit que compte la planète. En les tassant, en les affamant un peu, vous prendrez peut-être un milliard de plus. Messieurs les religieux, nous voulons apprendre de vous. La question est celle-ci: que ferez-vous?» Quelqu’un devait commencer par lancer la discussion, ce fut l’imam. Je m’y attendais, c’est un corps d’élite, les imams, toujours prêts à bondir et à rendre service, comme les scouts »...</p> <h3><strong>Un hymne insolent à la vie libre !</strong></h3> <p>Sacré Boualem, qui fait passer le salut des Terriens par le truchement de la connexion onirique – et quel régal panaché que la suite des réponses de l’imam, du rabbin, du curé et de l’hindouiste vegan, quelle fiesta d’ironie sagace et de lucidité débonnaire quoique sans illusion, aboutissant à une conclusion d’un surprenant optimisme, à savoir que «l’avenir appartient aux gens de bien», ce que Sansal commente tranquillement (je l’imagine plutôt tranquille, ce matin, dans sa réclusion), en ces termes: «Tiens, je crois que c’est ça la bonne définition de cet objet non identifié qu’est l’humanité, que je cherche depuis des années, L’humanité, ce sont ces gens de bien qui, vaille que vaille, assurent le service de la vie»…</p> <p>Aussi bien ne me fais-je pas trop de souci, malgré tout, pour ce cher homme dont la force morale, l’intelligence et l’immense savoir «humain», modulés dans ses livres si variés de forme – jusqu’à ce roman d’anticipation parodiant joyeusement la littérature conjecturale pour ados de tous les âges – me font penser qu’il vit son incarcération actuelle, par les morts-vivants du pouvoir, comme une péripétie parmi d’autres, mais combien révélatrice pour nous qui en découvrons les effets de solidarité massive autant que les retombées de haine et d’abjection.</p> <p>Vivre, oui, et d’abord lire ce livre tonique, hymne insolent et généreux à la vie libre (!) au lieu de radoter dans le vide des idéologies «divinement» meurtrières. Boualem Sansal sera-t-il libre à Noël? C’est évidemment à espérer, même si cette fête d’«infidèles» tourne au marché de pacotille. Et les Terriens méritent-ils d’ailleurs d’être sauvés! Salut le mystère!</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404354_g08284.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="161" height="235" /></p> <p><strong>Boualem Sansal. <em>Vivre. Le compte à rebours</em>. </strong><strong>Gallimard, 2024, 233p. </strong></p> <p><strong><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1733404445_laviedanslunivers.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="156" height="248" /></strong></p> <p><strong>Freeman J. Dyson. </strong><strong><em>La vie dans l’univers. Réflexions d’un physicien. </em></strong><strong>Gallimard, Bibliothèques des sciences humaines, 2009. 255p.</strong></p> <hr /> <h2><strong>Entretien avec Boualem Sansal, en 2006 </strong></h2> <p><strong> </strong><strong>(paru dans le quotidien <em>24 heures </em>le 9 mai 2006)</strong></p> <p>Boualem Sansal est l’une des grandes voix de la littérature algérienne francophone, dont les romans ressaisissent la tragique et complexe réalité contemporaine avec une porosité et une faconde sans pareilles. Après <em>Le serment des barbares</em> (1999), <em>L’enfant fou de l’arbre creux</em> (2000) et <em>Dis-moi le paradis</em> (2003), son quatrième roman, Harraga, s’attache à deux destinées de femmes avec autant d’empathie que de lucidité révoltée. Au printemps 2006, cet auteur qui a «mal à l’Algérie» adressait une lettre ouverte à ses compatriotes intitulée <em>Poste restante: Alger,</em> d’un courage civique impressionnant. Nous avions rencontré l’auteur après cette parution...</p> <p><strong>Comment, Boualem Sansal, vivez-vous aujourd’hui en Algérie?</strong></p> <p>Plutôt mal, après une amnistie marquant la réhabilitation des criminels d’hier, qui se retrouvent à plastronner en ville avec une arrogance extraordinaire. La chape d’un ordre moral intolérant se fait de nouveau ressentir, parallèlement à la réintroduction de l’enseignement religieux et à l’occupation des mosquées. Or la population semble l’accepter, tant elle est respectueuse de l’islam.</p> <p><strong>Quelle a été votre éducation personnelle?</strong></p> <p>Je suis né dans une famille où l’on pensait que l’instruction était essentielle. Ayant perdu mon père très tôt, j’ai été soumis, avec mes trois frères, à la discipline rigoureuse d’un grand-père chef de gare qui avait fait la guerre de 14-18, laïc et profondément attaché à la France et à sa culture. Après un début d’études classiques en latin-grec, j’ai cependant bifurqué sur une formation d’ingénieur, l’Algérie de l’indépendance ayant besoin de bâtisseurs et de techniciens plus que de «beaux parleurs», comme on disait alors. C’est pourquoi je me suis retrouvé, en 1992, au poste de Directeur de l’industrie, où m’avait appelé un condisciple devenu ministre.</p> <p><strong>Qu’avez-vous appris dans les allées du pouvoir?</strong></p> <p>Ce qui m’a le plus frappé, c’est la morgue, la corruption, les luttes entre clans et, d’une manière générale, le mépris de la population, ainsi qu’une formidable incompétence des apparatchiks du parti unique.</p> <p><strong>En avez-vous un exemple?</strong></p> <p>Le plus éloquent est ce rapport qu’un ministre m’a chargé d’établir, sur les relations entre l’endettement des pays du Sud méditerranéen et leur niveau de développement. Me fiant aux chiffres de la Banque mondiale et du FMI, j’ai constaté que les pays les plus endettés à régimes autoritaires, à commencer par l’Égypte, étaient aussi les plus déficients en matière de développement, alors qu’Israël, super-endetté, affichait un développement constant. Ce constat a mis le ministre en fureur, qui m’a prié de supprimer la mention d’Israël, ce que l’honnêteté m’interdisait. Je lui ai donc proposé ma démission immédiate, qui a été refusée en même temps qu’on enterrait le rapport. Par la suite, mes positions et mes livres m’ont valu d’être limogé.</p> <p><strong>Comment en êtes-vous venu au roman?</strong></p> <p>Cela s’est fait comme ça, pendant la terreur islamiste qui nous cloîtrait. Or que fait-on dans ces conditions ? On tourne en rond, on remâche les dernières horreurs du jour, on prend des notes sur ce qu’on observe, et tout à coup le « roman » est là, dicté par la vie. C’est ainsi qu’est né Le serment des barbares.</p> <p><strong>Décrire la réalité si fidèlement, comme l’a fait aussi votre ami Rachid Mimouni, ne représentait-il pas un risque?</strong></p> <p>Bien entendu, mais sortir dans la rue était déjà risqué. A propos de mon ami Rachid, la nuit suivant son enterrement en Algérie, des fanatiques ont exhumé son cadavre pour le livrer aux chiens. Ce n’est pas du roman : c’est la réalité, comme <em>Harraga </em>relève d’une réalité vécue.</p> <p><strong>Dans votre lettre ouverte aux Algériens, vous vous en prenez violemment à l’amnistie…</strong></p> <p>Pour aboutir à une vraie réconciliation, il fallait enquêter et rendre la justice. Je ne suis pas contre le pardon, au contraire, mais cette amnistie était une insulte aux victimes et un déni de justice.</p> <p><strong>Pensez-vous être entendu? Et menacé?</strong></p> <p>On m’a appris récemment que le livre faisait l’objet d’une mesure de censure, mais de nombreux compatriotes partagent mon point de vue, même si mes adversaires me font passer pour un « agent de la France » Menacé ? L’Algérie est un grand pays, dans lequel je reste à peu près invisible. Par ailleurs, comme Mimouni, je suis protégé par ma notoriété. Mais vous savez : un voyou payé peut me descendre demain de façon anonyme, surtout dans le contexte actuel où, comme je vous le disais, l’islamisme radical repique de plus belle…</p> <p> </p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'lire-vivre-de-boualem-sansal-participe-de-sa-liberation', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5259, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Tout à la fois fée et sorcière, Rose-Marie Pagnard nous enchante', 'subtitle' => 'L’esprit d’enfance, où la fantaisie transfigure le quotidien, imprègne «L’enlèvement de Sarah Popp», merveille d’imagination poétique et de douce folie humoristique sublimant la platitude et les épreuves de la vie. Au premier rang des romanciers-poètes de la francophonie, la Jurassienne fait irradier «la lumière sous chaque mot».', 'subtitle_edition' => 'L’esprit d’enfance, où la fantaisie transfigure le quotidien, imprègne «L’enlèvement de Sarah Popp», merveille d’imagination poétique et de douce folie humoristique sublimant la platitude et les épreuves de la vie. Au premier rang des romanciers-poètes de la francophonie, la Jurassienne fait irradier «la lumière sous chaque mot».', 'content' => '<p>De quoi l’écrivain contemporain, pour être «crédible», doit-il parler aujourd’hui? Faut-il qu’il s’«engage», comme le recommandait Jean-Paul Sartre crépitant de son aigre voix comme une mitraillette, au mitan du siècle dernier, ou peut-il se contenter de «raconter des histoires» à la Harry Potter ou à la Marc Levy? Doit-il «témoigner», ou «l’art pour l’art» suffit-il à le justifier, ou le «fun» inspiré par la «cool attitude»? Et qu’en est-il de son rapport à la fiction? Celle-ci l’éloigne-t-elle du réel, ou lui permet-elle au contraire de se libérer du «nombrilisme» et de mieux accéder à l’«universel»?</p> <p>De telles questions auront peut-être «fait débat», cet hiver-là, tandis qu’il neigeait sur Vilnius, à tel festival de littérature auquel venait de participer Sarah Popp (quel nom, n’est-ce pas? pour une auteure, autrice, auteuse ou autorelle en langage d’inclusion), qui se réjouissait de revenir en Suisse pour y retrouver, à la veille de son cinquante-neuvième anniversaire, son compagnon Tobie, aussi à l’aise à son piano que devant les fourneaux, et leur fille Matild associée à une mini-troupe d’animateurs de robots-marionnettes au goût dernier cri de la nouvelle génération théâtrale.</p> <p>Alors quoi, un roman de plus sur les «problèmes du roman»? Mais quelle barbe! Et pourtant non: grâce à la neige et au gel, aux avions cloués au sol et donc à l’imprévu illico salué par Tobie («accepte ce qui arrivera» lui chante-t-il au téléphone quand elle lui expose son retard de deux ou trois jours), et Sarah de se réjouir de l’imprévisible occasion de vivre elle ne sait encore quoi alors que, de la fenêtre du bus qui la ramène de l’aéroport en ville, elle voit sans le voir un grand camion blanc dont la cabine figure une petite maisonnette, prélude à un conte à dormir debout. De fait, c’est de ce même camion que, quelques pages plus loin, va surgir le personnage le plus imprévu qui soit, au prénom d’Aimé et au nom d’Anders, messager comme tombé du ciel et kidnappant pour ainsi dire la romancière (qu’il connaît et suit depuis longtemps) pour l’enjoindre d’écrire enfin LA vérité, disons plus précisément ce qu’il voudrait lire sous sa plume de «témoin», d’écrivaine «engagée», question de rétablir la justice comme s’y employa longtemps sa maman juriste désormais plus que nonagénaire, rangée des prétoires et veuve d’un marchand de cornichons, qui a passé par la prison (crime d’avoir porté à l’époque un «enfant du péché») sans en être à vrai dire traumatisée (ah le «trauma» dont les médias actuels raffolent) au motif qu’elle y a découvert de l’imprévu, elle aussi…</p> <p>Des débats publics entre auteurs et autrices, peut-être assommants (comme souvent) ou au contraire passionnants (comme parfois), l’on passe alors, via la fiction, à une discussion incarnée, ancrée dans la réalité par mille détails concrets et savoureux, avec une Sarah jouant et déjouant à la fois le jeu de son kidnappeur. Ainsi se met-elle bel et bien à écrire des fragments de sa «vraie vie» sur la table de la maisonnette roulante, tandis que la romancière module sa propre vision des choses, où la poésie se joue allègrement des règles de la théorie, autant que des conventions morales.</p> <h3>Au dam du «poulailler paroissial»</h3> <p>Comment une romancière d’aujourd’hui doit-elle parler de la violence faite aux femmes, ou des humiliations subies au nom de la morale courante? Le kidnappeur de Sarah Popp, comme les gens «adultes et responsables», croit avoir la réponse, enjoignant la romancière de témoigner comme au commissariat ou au tribunal – aujourd’hui aux assises des médias friands d’accusations – «on veut des noms!» </p> <p>Or ce n’est pas minimiser les souffrances que de les confronter à la complexité de la vie, jamais réductibles aux seules sentences morales. Dans le roman de Rose-Marie Pagnard, en tout cas, la morale des bien-pensants, de telle tante bigote ou de tels voisins malveillants dans un village «gonflé de méchanceté», pèse lourdement sur les jugements portés sur telle jeune fille libre ou, d’une génération antérieure, sur telle «fille-mère» passible de la prison. Mais Sarah Popp n’est pas du genre, en tant que romancière, à se contenter d’une «dénonciation» univoque. Est-ce dire qu’elle fuit dans l’équivoque? Pas non plus. Il faudrait alors, par manière de réponse, détailler le roman et ses rebondissements, les multiples facettes de ses personnages, «raconter» le vieil Anders et le pourquoi de sa révolte remontant au calvaire social de sa mère, raconter celle-ci et sa propre façon de se libérer voire de se fiche de son passé, raconter l’amour fou de Sarah et de Tobie en butte au qu’en dira-t-on, raconter la sensualité persistante de Sarah la quasi sexa, raconter Sarah et sa fille, Sarah et l’angoisse, Sarah et les maux - Sarah et les mots, Sarah et la magie des objets, Sarah et la fantaisie de la fée-sorcière Rose-Marie.</p> <p>Rose-Marie Pagnard est poète autant sinon plus qu’elle est romancière, à savoir que chez elle les mots et les images passent avant les «scènes à faire», qui tissent une sorte de tapisserie «musicale» aux détails reproduisant à foison la joyeuse profusion de la réalité.</p> <h3>Féerie kaléidoscopique</h3> <p>Et c’est alors qu’il faudrait citer à qui mieux mieux, quitte à tirer «la ficelle folie». Citer le «sac de tristesse» de l’ancien voisin bûcheron, «vieux mais propre» et fleurant le savon, le bois et le citron. Citer le syndrome des jambes de Sarah dont les cauchemars l’empêchent de dormir car «chaque nuit est un piège», telle étant la part d’ombre de ce tourbillon lumineux de neige comme produite par une usine à farine. Citer les vitrines, les concerts, les biscuits de Noël qui peut être «poussent les pensées vers la mélancolie». Citer la «tête osseuse» à «noblesse de cheval» du faux ogre estimant qu’on est tous des «maltraités de la vie». Citer le «cœur explosif» du passé de Sarah entrevu par Tobie, lequel inspire celle-ci quand il rage. Citer le souvenir pénible du «poulailler paroissial» de la mesquine petite ville. Citer les deux enfants morts emportés par le père dans un carton à chaussures – «il faut beaucoup de calme et de propreté pour que ces faits révèlent leur beauté». Citer la beauté partout quand on a l’âme clame et propre à l’écart des «bandits en soutanes», ou citer par la fenêtre du bus les bonds de dauphins que suggèrent les ondulations d’un pipeline russe violet sur fond de neige, citer la forêt qui «se serre autour de l’histoire» avec «cette petite histoire humaine à l’intérieur», etc.</p> <p>Rose-Marie Pagnard a l’âge des seniors et la grâce des enfants, ou plutôt de l’enfance en tant qu’instance de l’imagination sans âge, et c’est à l’enfance grave des contes que la fugue dans la neige lituanienne de <i>L’enlèvement de Sarah Popp</i> fait penser, à l’enfance tissée d’émerveillements primesautiers et d’effrois secrets, à ce qui nous reste de bonne rage vivace après les déceptions et les larmes, à ce qui relance notre joie. </p> <p>Dans ce conte foisonnant qui ressemble si fort à la vie, peut-être même plus réel qu’elle, il y aurait, au conditionnel de l’enfance, un poney cinquantenaire aux yeux bleus, un drôle de type nommé Robert Louis Stevenson comme le conteur fameux mort aux îles Samoa d’un AVC après avoir fait rêver les jeunesses du monde à son île au trésor, un beau garçon surnommé Chasseur qui se fait draguer «grave» par Sarah, laquelle n’est plus à la fin qu’une poussière géante ou qu’une araignée en chocolat sous le balai de la mémoire passée et future, avec les mots de Rose-Marie Pagnard, fée et sorcière-sourcière emmêlée dans ses pinceaux et autres stylos dans sa féerie évoquant «une danse de Lapons endormis», lapins d’Alice et compagnie, sous les étoiles dont les noms (Chevelure de Bérénice ou Petit Lion) «valent le coup de vivre cent ans», enfin Sarah, agitant son kaléidoscope, se dit comme ça, «qu’il ne lui est pas nécessaire de tout comprendre, seulement de vivre et d’être amie de l’imagination».</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1732184054_zoelenlevementdesarahpoppcopie.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="298" /></p> <h4>«L’enlèvement de Sarah Popp», Rose-Marie Pagnard, Editions Zoé, 187 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'tout-a-la-fois-fee-et-sorciere-rose-marie-pagnard-nous-enchante', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5236, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Douglas Kennedy interroge l’Amérique qui le divise', 'subtitle' => 'Le dernier livre de l’écrivain new yorkais au passeport européen, «Ailleurs, chez moi», déploie une fresque passionnante, mêlant expérience personnelle et observations sur le terrain, critiques vives et signes de fervente reconnaissance, à valeur de portrait kaléidoscopique d’une Amérique divorcée que son nouveau président ne «risque» pas de réconcilier…', 'subtitle_edition' => 'Le dernier livre de l’écrivain new yorkais au passeport européen, «Ailleurs, chez moi», déploie une fresque passionnante, mêlant expérience personnelle et observations sur le terrain, critiques vives et signes de fervente reconnaissance, à valeur de portrait kaléidoscopique d’une Amérique divorcée que son nouveau président ne «risque» pas de réconcilier…', 'content' => '<p>A la toute fin de l’espèce de récit-reportage que constitue <i>Ailleurs, chez moi </i>(<i>Abroad at home</i>), son dernier livre tenant à la fois du carnet de route personnel et de la chronique à très large vision retraçant une cinquantaine d’années de vie et mœurs américaines, lesquelles recoupent ses propres décennies d’enfance et de jeunesse, Douglas Kennedy, s’avouant «un Américain profondément tiraillé», se demande s’il est «possible d’aimer et de craindre son pays tout à la fois?»</p> <p>La question, après la victoire aussi inattendue qu’éclatante, et non moins inquiétante pour beaucoup, de Donald Trump, continuera sans doute de se poser à des millions de ressortissant(es) du pays en question, mais aussi à tous ceux et celles qui, dans le monde, s’interrogent sur l’évolution de celui-ci, entre attachement et possible effroi.</p> <p>Comme Douglas Kennedy, sur un ton de quasi camaraderie, au fil d’une narration d’une lumineuse intelligence, mais sans pédantisme en dépit de ses richissimes observations en matière d’histoire contemporaine et de politique, de littérature et de création artistique (de superbes pages sur le jazz, notamment) s’implique très personnellement, et sa famille, et ses amis, dans cette traversée à valeur de témoignage intimiste et collectif, je me suis senti impliqué à mon tour, comme d’innombrables lectrices ou lecteurs le seront probablement, me rappelant plus précisément ma première découverte des States, en 1981 (les otages de l’Iran venaient d’être libérés) et mon escale à La Nouvelle Orléans où Kennedy, après une traversée du Texas me rappelant la sienne, voit une île de bonne vie «bohème» au milieu d’une Amérique névrosée soumise au stress et à l’obsession du rendement.</p> <h3>L’Amérique «oubliée»</h3> <p>Au Texas, l’écrivain s’est arrêté dans un bled perdu «au bout de nulle part» au nom d’Amarillo, qui représente à ses yeux la quintessence d’une Amérique profonde coupée en deux, où l’apparition d’un type qui prend des notes sur un carnet ne peut que paraître suspecte comme sont suspects les intellos depuis les ères de Nixon et de Reagan, mais c’est bel et bien en ce lieu que Kennedy va comprendre l’un des grands paradoxes du moment, qui fait que la «classe ouvrière», et plus généralement les gens d’en bas, se rallient aujourd’hui à la cause d’un escroc démagogue séduisant les évangélistes et leurs troupes galvanisées par des émissions de télé martelant leur promesses de salut contre monnaie sonnante...</p> <p>En janvier 1981, débarquant dans la ville martienne de Houston, comme surgie avec ses gratte-ciel de la prairie, pour y présenter, fait éminemment surréaliste, l’œuvre hyper-littéraire de Charles-Albert Cingria, au 47ème étage d’une tour de verre investie par un congrès universitaire à l’enseigne de la Modern Language Association, l’Amérique que j’aimais pour avoir lu avec passion les romans de Thomas Wolfe et de William Faulkner ou de Philip Roth, les nouvelles fulgurantes de Flannery O’Connor et les poèmes de Walt Whitman, entre tant d’autres, m’avait immédiatement sidéré par la sottise vulgaire de sa télévision et la coupure évidente séparant ses divers milieux sociaux, classes et races.</p> <p>Ensuite, une première escale à La Nouvelle Orleans, où je découvris un haut lieu du jazz dont parle Kennedy, et la remontée de la côte Est jusqu’à Washington et New York, trimballé par les bus de la compagnie Greyhound où Noirs et Blancs se tenaient à méfiante distance, je passai par tous les stades de l’adhésion et de la répulsion que suscitait une évidente société à deux vitesses, illustrée à foison par le livre de Kennedy.</p> <p>En revanche, et je me rappelle alors quelques vives discussions dans l’entourage de Vladmir Volkoff, enseignant alors à Macon (Georgia) après la parution des <i>Humeurs de la mer</i>, peu de trace alors de l’agressivité opposant les tenants de telle ou telle position idéologique ou politique, alors que Kennedy affirme aujourd’hui que, désormais, «les discussions politiques aux Etats-Unis sont trop souvent réduites à deux individus s’affrontant de loin à grands cris haineux»… </p> <h3>Histoire d’une rupture</h3> <p>Le dépouillement des urnes de ces jours révèle, une fois de plus, la fracture profonde affectant les USA en 2024, dont l’histoire est retracée par Douglas Kennedy dès l’évocation de son enfance, marquée par un père violent, anticommuniste furieux, lui-même jamais guéri du traumatisme de la guerre (200'000 morts à Okinawa…) et partageant la frustration domestique de toute une génération, la mère de l’écrivain vivant de son côté l’humiliation des femmes. En ces années-là, le divorce faisait quasiment figure d’acte anti-patriotique, comme l’avortement aujourd’hui pour les «trumpistes» les plus ardents, fait offense au Dieu «copilote»…</p> <p>Reliant à tout moment son expérience personnelle de garçon défendant farouchement sa liberté (mot-clef de son appartenance, et l’une des valeurs américaines typiques, avec son aura d’ambiguïté ultralibérale ou libertarienne) aux positions et préjugés «générationnels» des époques successives, Douglas Kennedy excelle à mettre en valeur les dates hautement symboliques d’une évolution tendant depuis longtemps à l’antagonisme binaire et à la fracture.</p> <p>D’une balade nocturne dans les allées plus ou moins sûres de Central Park, à ses quatorze ans avec son père qui lui dit que désormais la Lune leur appartient, aux émeutes de 1972 où les «cols bleus» ouvriers s’attaquent aux étudiants contestataires comme à des ennemis de l’intérieur, en passant par les assassinats de JFK et de son frère ou de Martin Luther King, jusqu’aux bavures racistes qui ont coûté la vie à Rodney King et George Floyd, Douglas Kennedy retrace cinq décennies de haute tension continue. </p> <h3>Par les terres et les livres</h3> <p>Par ailleurs, l’écrivain voyageur va sur le terrain, au Wyoming ou au Texas, d’où il ramène d’éclairantes observations, tout en ne cessant d’enrichir son tableau de références aux œuvres littéraires les plus significatives du dernier demi-siècle, de Sinclair Lewis et son <i>Babbit </i>emblématique, au Tennessee Williams de <i>La ménagerie de verre</i>, en passant par Hemingway ou Fitzgerald et leur «cinéma» respectif. Ainsi Douglas Kennedy, compose-t-il un patchwork où la tendresse généreuse le dispute à la critique du «râleur-né» de l’East Village new yorkais. Deux autres auteurs «expatriés», à savoir Gore Vidal longtemps établi en Italie, et James Baldwin séjournant en France, sont en outre cités par Kennedy comme exemples de virulents critiques restés fondamentalement attachés à leur pays, comme il l’est lui-même, revenu aux States en 2011 après un long séjour en Irlande et de constants déplacements entre Paris et Berlin, notamment.</p> <h3>L’avenir à reculons</h3> <p>Alors que nous nous demandons ces jours où ira demain l’Amérique de Trump, l’on peut rappeler que le même Douglas Kennedy nous a proposé l’an dernier un détour par l’avenir, avec un roman d’anticipation grinçant intitulé <i>Et c’est ainsi que nous vivrons,</i> situé en 2045 où les etats désunis ont fait scission en deux entités, l’une représentant une théocratie où l’on brûle les hérétiques comme au bon vieux temps de l’Inquisition espagnole (ou calviniste), l’autre une République dont le progressisme coercitif passe par la surveillance de tous ses citoyens, comme chez Orwell, par un Big Brother évoquant la Corée du nord ou le paradis selon Elon Musk… </p> <p>Fort heureusement, les prédictions catastrophistes des écrivains sont souvent démenties par la complexe réalité humaine, et Douglas Kennedy, tout réaliste et pessimiste qu’il soit, n’en finit pas pour autant de parier pour les «surprises de l’Histoire». Si persuadé qu’il soit qu’une démocratie sociale et progressiste est le seul moyen pour son pays d’aller de l’avant, il poursuit aussi bien le dialogue avec tel ami voyant en Trump la mort de la démocratie américaine et l’éventualité d’un nouveau totalitarisme ploutocratique, autant qu’avec tel autre qui voit en Trump «un président incompris, critiqué à tort». </p> <p>Sans équivoque pour autant, son livre, comme un roman, est un miroir promené le long de la route américaine (une évocation de la Route 66 rappelle le mythe national, avec un éloge chaleureux quoique nuancé de Jack Kerouac le beatnik virant «réac» sur le tard ), dans un «ailleurs» de citoyen du monde qui pourrait être aussi le nôtre…</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1730993956_ailleurschezmoi.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="322" /></p> <h4>«Ailleurs, chez moi», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond, 256 pages.</h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1730994068_9782266341042ori.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="328" /></p> <h4>«Et c'est ainsi que nous vivrons», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond/Pocket, 451 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'douglas-kennedy-interroge-l-amerique-qui-le-divise', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 62, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5214, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Pavese, notre ami fragile, nous attend à l’«Hôtel Roma»', 'subtitle' => 'Merveille de sensibilité mimétique, de substance documentaire et de justesse d’expression dans son approche d’un grand écrivain retrouvé à l’été (1950) de son suicide, l’ouvrage de Pierre Adrian restitue à la fois les aspects contradictoires de la personne, complexe et combien âprement attachante, et le génie du poète, avec ses racines piémontaises et de constantes et pertinentes références à ses œuvres relues.', 'subtitle_edition' => 'Merveille de sensibilité mimétique et de justesse d’expression dans son approche d’un grand écrivain retrouvé à l’été (1950) de son suicide, l’ouvrage de Pierre Adrian restitue à la fois les aspects contradictoires de la personne et le génie du poète, avec ses racines piémontaises et de constantes références à ses œuvres.', 'content' => '<p>Il y a des gens, comme ça, à de certains moments particuliers, que vous éprouvez l’irrépressible besoin de prendre dans vos bras, et cette impulsion soudaine se trouve précisément exprimée par le jeune écrivain français Pierre Adrian, à la fin de son <i>Hôtel Roma,</i> dans ces lignes marquant la fin d’une intense recherche menée par lui sur les traces d’un des plus grands auteurs italiens du XXème siècle, en la personne de Cesare Pavese: «<em>Je m’attachais à l’homme à mesure que je l’accompagnais vers la mort. Il me semblait, à retracer pointilleusement ses derniers jours, escorter un jeune condamné. Je voulais lui taper sur l’épaule, peut-être même le pendre dans mes bras. Oui, je voulais prendre Pavese dans mes bras. Dans ma tête, je le dessinais d’après les images que j’en avais. Pavese marchait les épaules rentrées, en bras de chemise, le dos suant, les yeux gênés par la lumière, les souliers usés, la pipe entre paume et pouce, une petite valise dans l’autre main, Pavese s’épuisait en vagabondant dans sa ville poussiéreuse, ses odeurs saturées de quais de gare, d’arrière-cuisines mal ventilées, sa couleur ballast, son ciel fouetté par les câbles des tramways où, pour mettre un peu de gaîté, on voudrait pendre du linge bariolé. Je le dessinais sans couleurs, me fiant à une confidence d’Ernesto Ferrero, l’écrivain qui disait de Pavese qu’il était un homme en noir et blanc</em>»…</p> <h3>Du noir et autres couleurs</h3> <p>Ce «noir et blanc» ne laisse d’évoquer toute une époque, à l’évidence, et c’est à la fois la «couleur» du néoréalisme italien, faisant écho aux romans américains plus ou moins «noirs» qui ont fasciné le jeune Pavese, grand lecteur par ailleurs de Walt Whitman et futur traducteur (faisant autorité aujourd’hui encore) de l’immense <i>Moby Dick</i>, baleine à long sillage blanc dans la mer dont le Piémontais rêve tout en la détestant – donc on verra bientôt que le «noir et blanc» n’a rien de binaire ni de réducteur pour celui qui gardera toujours au cœur les feux de septembre, d’or et de pourpre, des vignobles des Langhe, ces collines des hauts de Turin dont il évoque le paradis retrouvé dans <i>Les Mers du sud</i>, premier poème de <i>Travailler fatigue, </i>au début de son journal amorcé en relégation, en novembre 1935: «S’il y a une figure dans mes poèmes, c’est celle de celui qui s’est enfui de chez lui et qui revient avec joie à son petit village, après en avoir vu de toutes les couleurs et rien que des choses pittoresques, avec très peu envie de travailler, prenant un grand plaisir à des choses très simples, toujours large, débonnaire et net dans ses jugements, incapable de souffrir profondément, content d’obéir à la nature et d’être heureux avec une femme, mais content aussi de se sentir seul et dégagé, prêt chaque matin: les <i>Mers du Sud</i> en somme»… </p> <p>Mais non camarade: travailler repose! Et si vous pensez que le geste de prendre Pavese dans vos bras va vous en rapprocher en moite tendresse, déchantez car le mec est aussi distant, voire impossible avec ses semblables qu’avec les femmes, comme il le sous-entend dans ce fragment du <i>Métier de vivre</i> daté de ses vingt-sept ans: «Comme les grands amants, les grands poètes sont rares. Les velléités, les fureurs et les rêves ne suffisent pas; il faut ce qu’il y a de mieux: des couilles dures. Ce que l’on appelle également le regard olympien».</p> <p>Hélas le péremptoire jeune homme ne sera jamais un «grand amant», mais il pressent en lui le «grand poète» non sans raison, malgré le «vice absurde» qu’il nourrit déjà, et qu’il maudit en toute lucidité. Ainsi le note-t-il aussi en novembre 1937: «Le plus grand tort de celui qui se suicide est non de se tuer mais d’y penser et de ne pas le faire. Rien n’est plus abject que l’état de désintégration morale auquel amène l’idée – l’habitude de l’idée – du suicide. Responsabilité, conscience, force, tout flotte à la dérive sur cette mer morte, coule et revient futilement à la surface, jouet de n’importe quel courant.» </p> <h3>L'incommunicable en partage</h3> <p>Et d’autres couleurs au cinéma, comme dans les films de Michelangelo Antonioni que Pierre Adrian évoque à propos de la mort de Monica Vitti qui vous a tous fait craquer, jeunes gens, entre seize et vingt ans, quand vous découvriez le mot «incommunicabilité» très prisé des intellos une dizaine d’années après la mort de Pavese… </p> <p>Le terme est au cœur du paradoxe de la relation de Pavese avec les autres, qu’il appelle et rejette en même temps, auxquels il offre sa poésie et qu’il fuit comme malgré lui. </p> <p>Or ce mélange d’attirance et de répulsion, Pierre Adrian l’a éprouvé lui-même après avoir trouvé, en sa vingtaine, l’écrivain selon son cœur en la personne de Pier Paolo Pasolini, l’opposé à maints égards de Pavese, qu’il suivra du Frioul à Rome avant, la trentaine venue, de repérer un autre «compagnon lucide» possible avec Pavese qu’il va «retrouver», de Rome où il vit, à Turin, en compagnie d’une amie-amante qu’il appelle «la fille à la peau mate» à la façon du poète parlant de sa «fille à la voix rauque», passion malheureuse entre tant d’autres… </p> <h3>D'amitié et d'amour</h3> <p>Autre paradoxe alors: que le récit-enquête-pèlerinage consacré à un poète mal barré en amour, entrepris en complicité avec une jeune Parisienne de joyeuse compagnie, transforme ce qui pourrait n’être qu’un fastidieux «docu» littéraire en histoire d’amitié et d’amour, où l’incommunicabilité fameuse – l’un des murs sur lesquels Pavese bute souvent dans <i>Le Métier de vivre</i> – se déploie en vecteur de sympathies multiples, au fil des rencontres parfois très étonnantes qui ponctuent le parcours des deux «petits Français»…</p> <p>Cela commence à <i>La Dernière plage</i>, ce restau à salle de bal et terrasse estivale des hauts de Turin, anciennement <i>Taverna dell’orso,</i> où Pavese accoutumait de se rendre, à deux pas de la maison de sa mère, et dont le nouveau propriétaire farceur a conçu une anti-publicité typique de l’humour grinçant des Piémontais: «<em>Si mangia male, si paga tanto</em>», l’on mange mal et l’on paie cher…</p> <p>Premier lieu «à la Pavese», au seuil des Langhe, restau de province aux airs «défaits», avant une série d’escales significatives dans les collines, en Calabre où le poète a été exilé sept mois par les autorités fascistes, à Rome, ou encore à Bocca di Magra en face des falaises de marbre de Carrare où il foula sa véritable «dernière plage» en compagnie d’un improbable flirt…</p> <h3>Les œuvres, bagages accompagnés</h3> <p>Valeur ajoutée inestimable à ce périple: les constantes références de l’auteur aux livres de Pavese, citations à l’appui tirées de <i>La lune et les feux</i>, son dernier livre apparié à une «divine comédie», des <i>Dialogues avec Leuco</i>, sur l’exemplaire duquel figurent les derniers mots manuscrits du désespéré («Je pardonne à tous et à tous je demande pardon. Ca va? Pas trop de bavardages»), du <i>Bel été</i> (prix Strega en juin 1950, consécration à peine relevée par les médias sauf à Turin), <i>Entre femmes seules </i>aux si profondes intuitions psychologiques, <i>Le Métier de vivre</i> à de multiples reprises et la correspondance de l’écrivain d’où l’auteur tire la page saisissante, à valeur d’autoportrait, d’une lettre à Fernanda Pivano, le 25 octobre 1950, où figurent ces mots d’une si terrible lucidité: «Or P. qui sans doute est un solitaire parce qu’en grandissant il a compris qu’on ne peut rien faire qui vaille sinon loin du commerce du monde, est le martyr de ces contradictions. Il veut être seul – et il est seul –, mais il veut l’être au milieu d’un cercle qui le sache (…) P. appelle même tout cela besoin d’expression, de communication, de communion; sa privation, tragédie de la solitude, incommunicabilité des âmes, et ainsi de suite. Que pourra faire un tel homme devant l’amour?»</p> <p>Enfin Pierre Adrian a retrouvé à Rome, géant nonagénaire, le dernier compagnon vivant de Pavese au nom de Franco Ferrarotti, qui nous vaut les pages les plus émouvantes <i>d’Hôtel Roma</i>, avec l’évocation des funérailles de Pavese, dont le cercueil fut suivi par des centaines de personnes, le message bouleversant du jeune Italo Calvino, atterré par la mort de son ami, et une conclusion qui oriente l’ensemble de l’ouvrage dans le même sens que les derniers mots de Pavese, le 18 août 1950: «Un clou chasse l’autre. Mais quatre clous font une croix. Mon rôle public, je l’ai accompli – j’ai fait ce que je pouvais. J’ai travaillé, j’ai donné de la poésie aux hommes, j’ai partagé la peine de beaucoup».</p> <p>Et Pierre Adrian de conclure: «Ferrotti m’avait conforté dans la conviction qu’un écrivain peut être l’ami qui vous réconforte et vous aide à tenir. Pavese était devenu un compagnon de route. Je m’étais lié à lui. On ne demande pas à nos amis de nous ressembler. On leur demande de nous aider à vivre»…</p> <p><em>Post scriptum</em>: <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AWqKECytyeU" target="_blank" rel="noopener"><i>Amico fragile</i></a> est l’une des plus belles chansons de Fabrizio de André, autre géant «à la Pavese» dont la voix grave et douce fait écho à celle, <i>sottovoce</i>, qu’on entend entre les lignes du <i>Métier de vivre</i>…</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1729776691_g07635.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="293" /></p> <h4>«Hotel Roma», Pierre Adrian, Editions Gallimard, 192 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'pavese-notre-ami-fragile-nous-attend-a-l-hotel-roma', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 64, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 11129, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Highsmith_on_After_Dark.JPG', 'type' => 'image', 'subtype' => 'jpeg', 'size' => (int) 133029, 'md5' => 'bc8d89f94506bcd0e3aa70311edb9ef6', 'width' => (int) 1024, 'height' => (int) 748, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => 'Patricia Highsmith en 1988. CC-BY-SA-3.0', 'description' => '', 'author' => '', 'copyright' => '', 'path' => '1712841999_highsmith_on_after_dark.jpg', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) { 'id' => (int) 7041, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'status' => 'ACCEPTED', 'comment' => 'Beaucoup de subtilité dans le scénario de la série "Ripley" et il faut saluer le jeu des acteurs et notamment celui de Monsieur Andrew Scott mais tous sont vraiment excellents. Espérons que cela incite les Maisons d'édition à rééditer à nouveau les romans de Madame Patricia Highsmith, une très grande dame de la littérature. ', 'post_id' => (int) 4868, 'user_id' => (int) 12213, 'user' => object(App\Model\Entity\User) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Comments' } ] $author = 'Jean-Louis Kuffer' $description = 'Souvent relégués au rayon subalterne du roman policier, Georges Simenon - sujet ces jours d’une exposition à Montricher, et Patricia Highsmith, dont le personnage de Tom Ripley fait l’objet d’une nouvelle série exceptionnelle de Steven Zaillian, avec Andrew Scott dans le rôle-titre - ont laissé deux œuvres d’envergure sondant les profondeurs de la psychologie humaine et développant une observation sociale d’une lucidité rare – qualités rarement partagées par les auteurs de « polars », notamment en Suisse romande… ' $title = 'Comment Simenon et Highsmith déjouent les poncifs du polar' $crawler = true $connected = null $menu_blocks = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Block) { 'id' => (int) 56, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'active' => true, 'name' => '#Trends', 'subtitle' => null, 'description' => null, 'color' => null, 'order' => null, 'position' => null, 'type' => 'menu', 'slug' => 'menu_tags', 'extern_url' => null, 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'posts' => [[maximum depth reached]], '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Blocks' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Block) { 'id' => (int) 55, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'active' => true, 'name' => 'Les plus lus cette semaine', 'subtitle' => null, 'description' => null, 'color' => null, 'order' => null, 'position' => null, 'type' => 'menu', 'slug' => 'menu_highlight', 'extern_url' => null, 'tags' => [[maximum depth reached]], 'posts' => [ [maximum depth reached] ], '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Blocks' } ] $menu = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 2, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'A vif', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 4, 'description' => 'Lorsque nos auteurs ont envie de réagir sur le vif à un événement, des concerts aux disparitions célèbres, ils confient leurs écrits à la rubrique "A vif", afin que ceux-ci soient publiés dans l’instant.', 'slug' => 'a-vif', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 3, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Chronique', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 5, 'description' => '<p>La réputation des chroniqueurs de Bon pour la tête n’est plus à faire: Tout va bien, Le billet du Vaurien, la chronique de JLK, ou encore Migraine et In#actuel, il y en a pour tous les goûts!</p>', 'slug' => 'chroniques', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 4, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Lu ailleurs', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 5, 'description' => 'Pourquoi ne pas mettre en avant nos collègues lorsque l'on est sensibles à leur travail? Dans la rubrique « Lu ailleurs » vous trouverez des reprises choisies par la rédaction et remaniées façon BPLT.', 'slug' => 'ailleurs', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 5, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Actuel', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 1, 'description' => 'Bon pour la tête n’a pas vocation à être un site d’actualité à proprement parler, car son équipe prend le temps et le recul nécessaire pour réagir à l’information.', 'slug' => 'actuel', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 6, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Culture', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 3, 'description' => '', 'slug' => 'culture', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 7, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Vos lettres', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 6, 'description' => 'Bon pour la tête donne la parole à ses lecteurs, qu’ils aient envie de partager leur avis, pousser un coup de gueule ou contribuer à la palette diversifiée d’articles publiés. A vous de jouer!', 'slug' => 'vos-lettres-a-bon-pour-la-tete', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 8, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Analyse', 'menu' => true, 'menu_order' => (int) 3, 'description' => '', 'slug' => 'analyse', 'attachment_id' => '0', 'lft' => null, 'rght' => null, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 10, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Science', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'sciences', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 1, 'rght' => (int) 2, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 11, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Histoire', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'histoire', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 3, 'rght' => (int) 4, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 12, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Humour', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'humour', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 5, 'rght' => (int) 6, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 13, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Débat', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'debat', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 7, 'rght' => (int) 8, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 14, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Opinion', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'opinion', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 9, 'rght' => (int) 10, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' }, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Category) { 'id' => (int) 15, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Reportage', 'menu' => true, 'menu_order' => null, 'description' => '', 'slug' => 'reportage', 'attachment_id' => '0', 'lft' => (int) 11, 'rght' => (int) 12, 'parent_id' => null, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Categories' } ] $tag = object(App\Model\Entity\Tag) { 'id' => (int) 739, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'Polar', 'slug' => 'polar', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Tags' } $edition = object(App\Model\Entity\Edition) { 'id' => (int) 163, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'num' => (int) 160, 'active' => true, 'title' => 'Edition 160', 'header' => null, '_joinData' => object(App\Model\Entity\EditionsPost) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Editions' }include - APP/Template/Posts/view.ctp, line 147 Cake\View\View::_evaluate() - CORE/src/View/View.php, line 1435 Cake\View\View::_render() - CORE/src/View/View.php, line 1393 Cake\View\View::render() - CORE/src/View/View.php, line 892 Cake\Controller\Controller::render() - CORE/src/Controller/Controller.php, line 791 Cake\Http\ActionDispatcher::_invoke() - CORE/src/Http/ActionDispatcher.php, line 126 Cake\Http\ActionDispatcher::dispatch() - CORE/src/Http/ActionDispatcher.php, line 94 Cake\Http\BaseApplication::__invoke() - CORE/src/Http/BaseApplication.php, line 256 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 App\Middleware\IpMatchMiddleware::__invoke() - APP/Middleware/IpMatchMiddleware.php, line 28 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 Cake\Routing\Middleware\RoutingMiddleware::__invoke() - CORE/src/Routing/Middleware/RoutingMiddleware.php, line 164 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 Cors\Routing\Middleware\CorsMiddleware::__invoke() - ROOT/vendor/ozee31/cakephp-cors/src/Routing/Middleware/CorsMiddleware.php, line 32 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65 Cake\Routing\Middleware\AssetMiddleware::__invoke() - CORE/src/Routing/Middleware/AssetMiddleware.php, line 88 Cake\Http\Runner::__invoke() - CORE/src/Http/Runner.php, line 65
Warning: file_put_contents(/data01/sites/bonpourlatete.com/dev/bonpourlatete.com/logs/debug.log) [function.file-put-contents]: failed to open stream: Permission denied in /data01/sites/bonpourlatete.com/dev/bonpourlatete.com/vendor/cakephp/cakephp/src/Log/Engine/FileLog.php on line 133
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Maryvon 16.04.2024 | 11h53
«Beaucoup de subtilité dans le scénario de la série "Ripley" et il faut saluer le jeu des acteurs et notamment celui de Monsieur Andrew Scott mais tous sont vraiment excellents. Espérons que cela incite les Maisons d'édition à rééditer à nouveau les romans de Madame Patricia Highsmith, une très grande dame de la littérature. »