Culture / Douglas Kennedy interroge l’Amérique qui le divise
© Bradyn Shock via Unsplash
Le dernier livre de l’écrivain new yorkais au passeport européen, «Ailleurs, chez moi», déploie une fresque passionnante, mêlant expérience personnelle et observations sur le terrain, critiques vives et signes de fervente reconnaissance, à valeur de portrait kaléidoscopique d’une Amérique divorcée que son nouveau président ne «risque» pas de réconcilier…
A la toute fin de l’espèce de récit-reportage que constitue Ailleurs, chez moi (Abroad at home), son dernier livre tenant à la fois du carnet de route personnel et de la chronique à très large vision retraçant une cinquantaine d’années de vie et mœurs américaines, lesquelles recoupent ses propres décennies d’enfance et de jeunesse, Douglas Kennedy, s’avouant «un Américain profondément tiraillé», se demande s’il est «possible d’aimer et de craindre son pays tout à la fois?»
La question, après la victoire aussi inattendue qu’éclatante, et non moins inquiétante pour beaucoup, de Donald Trump, continuera sans doute de se poser à des millions de ressortissant(es) du pays en question, mais aussi à tous ceux et celles qui, dans le monde, s’interrogent sur l’évolution de celui-ci, entre attachement et possible effroi.
Comme Douglas Kennedy, sur un ton de quasi camaraderie, au fil d’une narration d’une lumineuse intelligence, mais sans pédantisme en dépit de ses richissimes observations en matière d’histoire contemporaine et de politique, de littérature et de création artistique (de superbes pages sur le jazz, notamment) s’implique très personnellement, et sa famille, et ses amis, dans cette traversée à valeur de témoignage intimiste et collectif, je me suis senti impliqué à mon tour, comme d’innombrables lectrices ou lecteurs le seront probablement, me rappelant plus précisément ma première découverte des States, en 1981 (les otages de l’Iran venaient d’être libérés) et mon escale à La Nouvelle Orléans où Kennedy, après une traversée du Texas me rappelant la sienne, voit une île de bonne vie «bohème» au milieu d’une Amérique névrosée soumise au stress et à l’obsession du rendement.
L’Amérique «oubliée»
Au Texas, l’écrivain s’est arrêté dans un bled perdu «au bout de nulle part» au nom d’Amarillo, qui représente à ses yeux la quintessence d’une Amérique profonde coupée en deux, où l’apparition d’un type qui prend des notes sur un carnet ne peut que paraître suspecte comme sont suspects les intellos depuis les ères de Nixon et de Reagan, mais c’est bel et bien en ce lieu que Kennedy va comprendre l’un des grands paradoxes du moment, qui fait que la «classe ouvrière», et plus généralement les gens d’en bas, se rallient aujourd’hui à la cause d’un escroc démagogue séduisant les évangélistes et leurs troupes galvanisées par des émissions de télé martelant leur promesses de salut contre monnaie sonnante...
En janvier 1981, débarquant dans la ville martienne de Houston, comme surgie avec ses gratte-ciel de la prairie, pour y présenter, fait éminemment surréaliste, l’œuvre hyper-littéraire de Charles-Albert Cingria, au 47ème étage d’une tour de verre investie par un congrès universitaire à l’enseigne de la Modern Language Association, l’Amérique que j’aimais pour avoir lu avec passion les romans de Thomas Wolfe et de William Faulkner ou de Philip Roth, les nouvelles fulgurantes de Flannery O’Connor et les poèmes de Walt Whitman, entre tant d’autres, m’avait immédiatement sidéré par la sottise vulgaire de sa télévision et la coupure évidente séparant ses divers milieux sociaux, classes et races.
Ensuite, une première escale à La Nouvelle Orleans, où je découvris un haut lieu du jazz dont parle Kennedy, et la remontée de la côte Est jusqu’à Washington et New York, trimballé par les bus de la compagnie Greyhound où Noirs et Blancs se tenaient à méfiante distance, je passai par tous les stades de l’adhésion et de la répulsion que suscitait une évidente société à deux vitesses, illustrée à foison par le livre de Kennedy.
En revanche, et je me rappelle alors quelques vives discussions dans l’entourage de Vladmir Volkoff, enseignant alors à Macon (Georgia) après la parution des Humeurs de la mer, peu de trace alors de l’agressivité opposant les tenants de telle ou telle position idéologique ou politique, alors que Kennedy affirme aujourd’hui que, désormais, «les discussions politiques aux Etats-Unis sont trop souvent réduites à deux individus s’affrontant de loin à grands cris haineux»…
Histoire d’une rupture
Le dépouillement des urnes de ces jours révèle, une fois de plus, la fracture profonde affectant les USA en 2024, dont l’histoire est retracée par Douglas Kennedy dès l’évocation de son enfance, marquée par un père violent, anticommuniste furieux, lui-même jamais guéri du traumatisme de la guerre (200'000 morts à Okinawa…) et partageant la frustration domestique de toute une génération, la mère de l’écrivain vivant de son côté l’humiliation des femmes. En ces années-là, le divorce faisait quasiment figure d’acte anti-patriotique, comme l’avortement aujourd’hui pour les «trumpistes» les plus ardents, fait offense au Dieu «copilote»…
Reliant à tout moment son expérience personnelle de garçon défendant farouchement sa liberté (mot-clef de son appartenance, et l’une des valeurs américaines typiques, avec son aura d’ambiguïté ultralibérale ou libertarienne) aux positions et préjugés «générationnels» des époques successives, Douglas Kennedy excelle à mettre en valeur les dates hautement symboliques d’une évolution tendant depuis longtemps à l’antagonisme binaire et à la fracture.
D’une balade nocturne dans les allées plus ou moins sûres de Central Park, à ses quatorze ans avec son père qui lui dit que désormais la Lune leur appartient, aux émeutes de 1972 où les «cols bleus» ouvriers s’attaquent aux étudiants contestataires comme à des ennemis de l’intérieur, en passant par les assassinats de JFK et de son frère ou de Martin Luther King, jusqu’aux bavures racistes qui ont coûté la vie à Rodney King et George Floyd, Douglas Kennedy retrace cinq décennies de haute tension continue.
Par les terres et les livres
Par ailleurs, l’écrivain voyageur va sur le terrain, au Wyoming ou au Texas, d’où il ramène d’éclairantes observations, tout en ne cessant d’enrichir son tableau de références aux œuvres littéraires les plus significatives du dernier demi-siècle, de Sinclair Lewis et son Babbit emblématique, au Tennessee Williams de La ménagerie de verre, en passant par Hemingway ou Fitzgerald et leur «cinéma» respectif. Ainsi Douglas Kennedy, compose-t-il un patchwork où la tendresse généreuse le dispute à la critique du «râleur-né» de l’East Village new yorkais. Deux autres auteurs «expatriés», à savoir Gore Vidal longtemps établi en Italie, et James Baldwin séjournant en France, sont en outre cités par Kennedy comme exemples de virulents critiques restés fondamentalement attachés à leur pays, comme il l’est lui-même, revenu aux States en 2011 après un long séjour en Irlande et de constants déplacements entre Paris et Berlin, notamment.
L’avenir à reculons
Alors que nous nous demandons ces jours où ira demain l’Amérique de Trump, l’on peut rappeler que le même Douglas Kennedy nous a proposé l’an dernier un détour par l’avenir, avec un roman d’anticipation grinçant intitulé Et c’est ainsi que nous vivrons, situé en 2045 où les etats désunis ont fait scission en deux entités, l’une représentant une théocratie où l’on brûle les hérétiques comme au bon vieux temps de l’Inquisition espagnole (ou calviniste), l’autre une République dont le progressisme coercitif passe par la surveillance de tous ses citoyens, comme chez Orwell, par un Big Brother évoquant la Corée du nord ou le paradis selon Elon Musk…
Fort heureusement, les prédictions catastrophistes des écrivains sont souvent démenties par la complexe réalité humaine, et Douglas Kennedy, tout réaliste et pessimiste qu’il soit, n’en finit pas pour autant de parier pour les «surprises de l’Histoire». Si persuadé qu’il soit qu’une démocratie sociale et progressiste est le seul moyen pour son pays d’aller de l’avant, il poursuit aussi bien le dialogue avec tel ami voyant en Trump la mort de la démocratie américaine et l’éventualité d’un nouveau totalitarisme ploutocratique, autant qu’avec tel autre qui voit en Trump «un président incompris, critiqué à tort».
Sans équivoque pour autant, son livre, comme un roman, est un miroir promené le long de la route américaine (une évocation de la Route 66 rappelle le mythe national, avec un éloge chaleureux quoique nuancé de Jack Kerouac le beatnik virant «réac» sur le tard ), dans un «ailleurs» de citoyen du monde qui pourrait être aussi le nôtre…
«Ailleurs, chez moi», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond, 256 pages.
«Et c'est ainsi que nous vivrons», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond/Pocket, 451 pages.
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En ces années-là, le divorce faisait quasiment figure d’acte anti-patriotique, comme l’avortement aujourd’hui pour les «trumpistes» les plus ardents, fait offense au Dieu «copilote»…</p> <p>Reliant à tout moment son expérience personnelle de garçon défendant farouchement sa liberté (mot-clef de son appartenance, et l’une des valeurs américaines typiques, avec son aura d’ambiguïté ultralibérale ou libertarienne) aux positions et préjugés «générationnels» des époques successives, Douglas Kennedy excelle à mettre en valeur les dates hautement symboliques d’une évolution tendant depuis longtemps à l’antagonisme binaire et à la fracture.</p> <p>D’une balade nocturne dans les allées plus ou moins sûres de Central Park, à ses quatorze ans avec son père qui lui dit que désormais la Lune leur appartient, aux émeutes de 1972 où les «cols bleus» ouvriers s’attaquent aux étudiants contestataires comme à des ennemis de l’intérieur, en passant par les assassinats de JFK et de son frère ou de Martin Luther King, jusqu’aux bavures racistes qui ont coûté la vie à Rodney King et George Floyd, Douglas Kennedy retrace cinq décennies de haute tension continue. </p> <h3>Par les terres et les livres</h3> <p>Par ailleurs, l’écrivain voyageur va sur le terrain, au Wyoming ou au Texas, d’où il ramène d’éclairantes observations, tout en ne cessant d’enrichir son tableau de références aux œuvres littéraires les plus significatives du dernier demi-siècle, de Sinclair Lewis et son <i>Babbit </i>emblématique, au Tennessee Williams de <i>La ménagerie de verre</i>, en passant par Hemingway ou Fitzgerald et leur «cinéma» respectif. Ainsi Douglas Kennedy, compose-t-il un patchwork où la tendresse généreuse le dispute à la critique du «râleur-né» de l’East Village new yorkais. Deux autres auteurs «expatriés», à savoir Gore Vidal longtemps établi en Italie, et James Baldwin séjournant en France, sont en outre cités par Kennedy comme exemples de virulents critiques restés fondamentalement attachés à leur pays, comme il l’est lui-même, revenu aux States en 2011 après un long séjour en Irlande et de constants déplacements entre Paris et Berlin, notamment.</p> <h3>L’avenir à reculons</h3> <p>Alors que nous nous demandons ces jours où ira demain l’Amérique de Trump, l’on peut rappeler que le même Douglas Kennedy nous a proposé l’an dernier un détour par l’avenir, avec un roman d’anticipation grinçant intitulé <i>Et c’est ainsi que nous vivrons,</i> situé en 2045 où les etats désunis ont fait scission en deux entités, l’une représentant une théocratie où l’on brûle les hérétiques comme au bon vieux temps de l’Inquisition espagnole (ou calviniste), l’autre une République dont le progressisme coercitif passe par la surveillance de tous ses citoyens, comme chez Orwell, par un Big Brother évoquant la Corée du nord ou le paradis selon Elon Musk… </p> <p>Fort heureusement, les prédictions catastrophistes des écrivains sont souvent démenties par la complexe réalité humaine, et Douglas Kennedy, tout réaliste et pessimiste qu’il soit, n’en finit pas pour autant de parier pour les «surprises de l’Histoire». Si persuadé qu’il soit qu’une démocratie sociale et progressiste est le seul moyen pour son pays d’aller de l’avant, il poursuit aussi bien le dialogue avec tel ami voyant en Trump la mort de la démocratie américaine et l’éventualité d’un nouveau totalitarisme ploutocratique, autant qu’avec tel autre qui voit en Trump «un président incompris, critiqué à tort». </p> <p>Sans équivoque pour autant, son livre, comme un roman, est un miroir promené le long de la route américaine (une évocation de la Route 66 rappelle le mythe national, avec un éloge chaleureux quoique nuancé de Jack Kerouac le beatnik virant «réac» sur le tard ), dans un «ailleurs» de citoyen du monde qui pourrait être aussi le nôtre…</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1730993956_ailleurschezmoi.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="322" /></p> <h4>«Ailleurs, chez moi», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond, 256 pages.</h4> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1730994068_9782266341042ori.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="328" /></p> <h4>«Et c'est ainsi que nous vivrons», Douglas Kennedy, traduit de l'anglais (USA) par Chloé Royer, Editions Belfond/Pocket, 451 pages.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'douglas-kennedy-interroge-l-amerique-qui-le-divise', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 27, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 675, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5214, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Pavese, notre ami fragile, nous attend à l’«Hôtel Roma»', 'subtitle' => 'Merveille de sensibilité mimétique, de substance documentaire et de justesse d’expression dans son approche d’un grand écrivain retrouvé à l’été (1950) de son suicide, l’ouvrage de Pierre Adrian restitue à la fois les aspects contradictoires de la personne, complexe et combien âprement attachante, et le génie du poète, avec ses racines piémontaises et de constantes et pertinentes références à ses œuvres relues.', 'subtitle_edition' => 'Merveille de sensibilité mimétique et de justesse d’expression dans son approche d’un grand écrivain retrouvé à l’été (1950) de son suicide, l’ouvrage de Pierre Adrian restitue à la fois les aspects contradictoires de la personne et le génie du poète, avec ses racines piémontaises et de constantes références à ses œuvres.', 'content' => '<p>Il y a des gens, comme ça, à de certains moments particuliers, que vous éprouvez l’irrépressible besoin de prendre dans vos bras, et cette impulsion soudaine se trouve précisément exprimée par le jeune écrivain français Pierre Adrian, à la fin de son <i>Hôtel Roma,</i> dans ces lignes marquant la fin d’une intense recherche menée par lui sur les traces d’un des plus grands auteurs italiens du XXème siècle, en la personne de Cesare Pavese: «<em>Je m’attachais à l’homme à mesure que je l’accompagnais vers la mort. Il me semblait, à retracer pointilleusement ses derniers jours, escorter un jeune condamné. Je voulais lui taper sur l’épaule, peut-être même le pendre dans mes bras. Oui, je voulais prendre Pavese dans mes bras. Dans ma tête, je le dessinais d’après les images que j’en avais. Pavese marchait les épaules rentrées, en bras de chemise, le dos suant, les yeux gênés par la lumière, les souliers usés, la pipe entre paume et pouce, une petite valise dans l’autre main, Pavese s’épuisait en vagabondant dans sa ville poussiéreuse, ses odeurs saturées de quais de gare, d’arrière-cuisines mal ventilées, sa couleur ballast, son ciel fouetté par les câbles des tramways où, pour mettre un peu de gaîté, on voudrait pendre du linge bariolé. 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Et si vous pensez que le geste de prendre Pavese dans vos bras va vous en rapprocher en moite tendresse, déchantez car le mec est aussi distant, voire impossible avec ses semblables qu’avec les femmes, comme il le sous-entend dans ce fragment du <i>Métier de vivre</i> daté de ses vingt-sept ans: «Comme les grands amants, les grands poètes sont rares. Les velléités, les fureurs et les rêves ne suffisent pas; il faut ce qu’il y a de mieux: des couilles dures. Ce que l’on appelle également le regard olympien».</p> <p>Hélas le péremptoire jeune homme ne sera jamais un «grand amant», mais il pressent en lui le «grand poète» non sans raison, malgré le «vice absurde» qu’il nourrit déjà, et qu’il maudit en toute lucidité. Ainsi le note-t-il aussi en novembre 1937: «Le plus grand tort de celui qui se suicide est non de se tuer mais d’y penser et de ne pas le faire. Rien n’est plus abject que l’état de désintégration morale auquel amène l’idée – l’habitude de l’idée – du suicide. 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Ca va? Pas trop de bavardages»), du <i>Bel été</i> (prix Strega en juin 1950, consécration à peine relevée par les médias sauf à Turin), <i>Entre femmes seules </i>aux si profondes intuitions psychologiques, <i>Le Métier de vivre</i> à de multiples reprises et la correspondance de l’écrivain d’où l’auteur tire la page saisissante, à valeur d’autoportrait, d’une lettre à Fernanda Pivano, le 25 octobre 1950, où figurent ces mots d’une si terrible lucidité: «Or P. qui sans doute est un solitaire parce qu’en grandissant il a compris qu’on ne peut rien faire qui vaille sinon loin du commerce du monde, est le martyr de ces contradictions. Il veut être seul – et il est seul –, mais il veut l’être au milieu d’un cercle qui le sache (…) P. appelle même tout cela besoin d’expression, de communication, de communion; sa privation, tragédie de la solitude, incommunicabilité des âmes, et ainsi de suite. Que pourra faire un tel homme devant l’amour?»</p> <p>Enfin Pierre Adrian a retrouvé à Rome, géant nonagénaire, le dernier compagnon vivant de Pavese au nom de Franco Ferrarotti, qui nous vaut les pages les plus émouvantes <i>d’Hôtel Roma</i>, avec l’évocation des funérailles de Pavese, dont le cercueil fut suivi par des centaines de personnes, le message bouleversant du jeune Italo Calvino, atterré par la mort de son ami, et une conclusion qui oriente l’ensemble de l’ouvrage dans le même sens que les derniers mots de Pavese, le 18 août 1950: «Un clou chasse l’autre. Mais quatre clous font une croix. Mon rôle public, je l’ai accompli – j’ai fait ce que je pouvais. J’ai travaillé, j’ai donné de la poésie aux hommes, j’ai partagé la peine de beaucoup».</p> <p>Et Pierre Adrian de conclure: «Ferrotti m’avait conforté dans la conviction qu’un écrivain peut être l’ami qui vous réconforte et vous aide à tenir. Pavese était devenu un compagnon de route. Je m’étais lié à lui. 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Relevant alors de la fable autant que de l’affabulation, où le talent de romancier et de poète de l’auteur roumain Mircea Cārtārescu, très fécond (plus de trente livres parus) et largement consacré par de multiples prix littéraires, fusionne ici dans un (pseudo) roman historique aux fondements partiellement «réels» mais aux développements aussi extravagants que la vie du protagoniste-modèle, à savoir: Téwodros II.</p> <p>Dans l’immédiat, à propos de cet extraordinaire personnage, l’on ne peut que recommander, à la lectrice et au lecteur non moins probablement ignorants en la matière que le soussigné, de consulter, sur Internet, la longue notice consacrée à Téwodros II à l’enseigne de Wikipédia, comme ils gagneront en assises documentaires à l’écoute des explications, sur Youtube, de l’écrivain lui-même. Ces précautions ne risquent en aucune façon de «spoiler», comme on dit aujourd’hui, leur intérêt et leur plaisir de lire: disons que baliser le fonds documentaire de <em>Théodoro</em>s permettra de mieux apprécier, dès ses premières pages, l’envolée de la narration, en admettant d’emblée que l’auteur prend toutes les libertés avec la «vérité» historique.</p> <p>Pour celle et celui qui ne peut accéder à Wikipédia d’un clic, précisons vite fait: que le «vrai» Téwodros II, né Kassa Hailou en 1818 à Charghe (province du Qwara, en Ethiopie très morcelée à l’époque par les guerres des seigneurs locaux), a marqué l'Histoire, au point de fasciner un certain Arthur Rimbaud, par sa fulgurante ascension de chef de guerre et fin stratège visant à l’unification d’un pays déchiré, puis s’efforçant d’appliquer des réformes de modernisation tous azimuts: contre l’esclavage et la corruption des élites politiques et religieuses, pour une redistribution des terres aux paysans, avec l’appui d’une armée elle-même réorganisée selon des normes plus «occidentales», tout cela bel et beau et qui lui vaudra la stature posthume d’un héros, mais autant de déboires de son vivant, à peu près tenu pour un macaque déguisé par la reine Victoria, contesté par les seigneuries locales et combattu, malgré le Christ qu’il adore, par les hiérarques de la «douce orthodoxie» aux dents acérées. 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Cette histoire du sang, autant que l’histoire du sperme qu’on dit parfois le sang de l’espèce, comptera pour beaucoup dans les motifs métaphoriques du roman <em>Théodoros</em>, comme l’histoire du double. Réclamez-vous du sang du roi Salomon, avec documents à l’appui même trafiqués, et vous verrez l’effet.</p> <p>Le petit Tudor, à sept ans, s’est identifié au grand Alexandre dont sa mère lui lisait les faits et gestes: détail courant de la vie, mais qui peut devenir destin; tout dépend de notre façon de vivre la lecture. La poésie suppose cette identification et ce dédoublement. 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Je pourrais vous raconter les épisodes de la fringante piraterie sur le bateau joyeusement bordélique des forbans auxquels les filles tiennent la dragée haute, dans une espèce de phalanstère sexuel flottant, ou je pourrais vous raconter la terrifiante bataille menée par le guerrier présomptueux contre le Gel valaque, ou encore l’inénarrable mine de sel aux immenses statues souterraines, mais non: c’est à vous de vous y coller, pour le plaisir, et quel!</p> <p>Plus délicate en revanche, mais à prendre le pied léger: la théologie dans tout ça. L’on sait que le vrai Téwodros était un homme religieux, et son double romanesque ne le lui cède en rien, avec un même séjour monacal et des relations pour le moins problématiques avec les religions voisines ou adverses et les confessions et sectes chrétiennes de tout acabit. Calvinistes et papistes? Tous des chiens! God soit leur copilote, mais notre seul et unique chef est le Christ. Pantocrator cela va de soi.</p> <p>Ceci dit, faut-il être catholique pour comprendre <em>La Divine Comédie</em> de Dante? La connaissance de la pensée du docte Thomas d’Aquin, substrat dogmatique du poème, est-elle nécessaire pour apprécier celui-ci? Faut-il comprendre, et d’abord connaître le <em>Kebra Nagast</em>, livre saint de l’église orthodoxe d’Ethiopie, pour démêler les «signifiés» subtils de <em>Théodoros</em>? Je n’en crois rien, ni ne crois d’ailleurs que Mircea Cārtārescu le croie. L’humour soit plutôt notre guide, et l’amour de la Littérature. 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Pourtant les faits sont là, malgré l’étiquette «roman» qui ne dupera que celles et ceux qui ont peur ou horreur de la réalité réelle. </p> <p>Or celle-ci imprègne la fiction de Serguëi Jirnov, vrai nom d’un ancien espion du KGB, dont les protagonistes semblant sortis d’un polar ultranoir ou d’une série gore (sur Netflix on lirait comme autant de mises en garde: violence, sexe, drogue, corruption, pédocriminalité, pratiques sataniques, etc.) portent eux aussi de vrais noms, à savoir Vladimir Poutine, Serge Toutounoff alias l’archevêque Savva, Vladimir Goundiaïev alias Kyrill patriarche de toutes les Russies, entre autres personnages peut-être «inventés» mais correspondant à des «types» et à des trajectoires que pourraient recouper de multiples reportages. </p> <p>En version <em>soft</em>, le politologue italo-suisse Giuliano da Empoli nous avait déjà introduit dans l’entourage du «tsar» Poutine, avec son <i>Mage du Kremlin</i> plébiscité par le public et couronné par l’Académie française. 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Dumas, non mais des fois! L’auteur chéri de nos dix ans: <i>Les Trois Mousquetaires</i> et <i>Le comte de Monte Cristo</i>, vous visez le quasi blasphème. Eh bien non: Jirnov est sincère et conséquent. Même qu’à douze ans, il savait les mousquetaires par cœur, en russe. Avant d’apprendre le français en le relisant en V.O..</p> <p>Et le pire annoncé, c’est qu’il y a bel et bien quelque chose de Dumas chez cet agent double et non moins clairement trouble: un espace romanesque concret et palpable, comme si on y était. Le vent glacial du nord qui y souffle illico. La Russie des steppes au ciel pourri d’énormes hélicos. Des silhouettes lugubres qui sortent de la nuit. Et ce type en rouge autour duquel se pressent des «opérateurs». Tout de suite la menace. 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Question qui se posera à chaque avancée de la narration, à démêler en vérifiant, à tout coup, ce qui ne relève pas de la coïncidence fortuite… Entre cent autres interrogations que, lectrices et lecteurs plus ou moins candides, informé(e)s ou désinformé(e)s, nous nous poserons, voici donc: quoi de vrai dans l’épisode «mystique» sanglant du premier sacrifice chamanique? Quoi de vrai dans la supposée détestation des femmes et la liaison homosexuelle de Poutine avec le violoniste et homme d’affaires Serguei Roldouguine dont nous savions qu’il a planqué les millions de son ami dans nos chères banques? Quoi de vrai dans le réseau de pédocriminels béni par les hautes sphères de l’Eglise orthodoxe alors même que celle-ci taxe l'Occident d'immoralité? Quoi de vrai dans l’immense réseau d’espionnage contrôlé par la plus haute hiérarchie de la même cléricature, et les magouilles financières qui ont fait des pontes ecclésiastiques les semblables des oligarques milliardaires? Quoi de vrai dans le chantage exercé par le patriarche de Moscou sur le Président qu’il tiendrait «par les couilles»? Quoi de vrai dans la présumée dérive «islamiste» de Poutine cristallisant l’opposition des ultranationalistes et des plus hautes autorités ecclésiastiques?</p> <h3>Vertus et limites d'un roman-vérité</h3> <p>Qu’aurait dit mon ami Anton Pavlovitch Tchekhov, obstinément étranger à toute idéologie politique et religieuse, en lisant <i>Les pires amis</i>? Lui qui en savait tant de l'humaine engeance, en médecin soutien de famille dès son plus jeune âge, observateur lucide de la Russie d’en bas, infatigable homme de bonne volonté multipliant les aides concrètes de toute sorte, témoin de la misère et des injustices, plaidant pour les bagnards de Sakhaline alors que la tuberculose le rongeait – qu’aurait-il pensé du «roman» de Sergueï Jirnov?</p> <p>J’y pensais en constatant, pour ma part, le peu d’émotion réelle que suscite l’ouvrage, faute d’incarnation et de développement en profondeur des psychologies, limitées à celles d’un feuilleton bien ficelé. 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C’est à peu près le temps qu’il vous faut, précise Salman Rushdie, pour dire le Notre Père ou réciter un sonnet de Shakespeare. Et l’écrivain en sait quelque chose et y a même perdu un œil, vu que c’est exactement 27 secondes qu’a duré l’attaque sauvage qu’il a subie le 12 novembre 2022 à 10h45 du matin sur la scène de l’amphithéâtre de Chautauqua, 27 secondes qui auraient dû lui être fatales après la quinzaine de coups de couteau qui lui lacérèrent le visage, le torse et les membres, jusqu’au moment où son agresseur fut maîtrisé et menotté par un policier passant par là en l’absence, par ailleurs, de tout dispositif de sécurité. </p> <p>27 secondes chronométrées: la scène a donc été filmée par tel ou telle des plus de mille spectateurs présents pour entendre la conférence de l’auteur des <i>Versets sataniques</i> – entre vingt autres livres –, censé parler des villes-refuges pouvant accueillir, aux States, des écrivains menacés dans leur propre pays, initiative à laquelle Rushdie avait participé entre autres nombreuses activités solidaires, et voilà que le refuge présumé était devenu le piège tendu par un forcené de 24 ans qui avouerait plus tard qu’il n’avait jamais lu que deux ou trois pages des écrits de ce mécréant et vu deux ou trois vidéos sur Youtube consacrées au même «hypocrite», comme il qualifierait Salman Rushdie, décidément pas «une bonne personne», donc à supprimer au nom du Dieu superbon…</p> <h3>L'extravagante fiction du réel</h3> <p>Entre les 27 secondes qu’a duré l’exécution ratée et les trente-trois ans de tribulations vécues par Salman Rushdie depuis sa condamnation à mort, en février 1989, par le Grand Inquisiteur chiite Rouhollah Moussavi Khomeini, un abîme fantastique s’est creusé à la barbe posthume de l’ayatollah défunt (il est mort en juin 1989), dans lequel un écrivain aux fictions extravagantes s’est vu rattrapé par «la réalité». </p> <p>Aux dernières nouvelles, une récompense de deux millions de dollars reste offerte à celui qui, enfin, fera la peau à l’infâme mécréant – mais cet âne d’A. 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Soumission et mort à l’insoumis!</p> <h3>L'amour plus fort (si, si) que la mort</h3> <p>Si son meurtrier raté lui lance qu’il est haï par deux milliards de personnes, Salman Rushdie lui répond qu’il a toujours cru, pour sa part, en la force de l’amour, et c’est la force principale du <i>Couteau,</i> sœurs et frères: c’est l’amour.</p> <p>L’amour d’une femme, d’abord, merveilleuse de présence angoissée. Laquelle Eliza est accueillie par la famille de Salman, en 2017, avec ce mot plein de tendresse: «enfin!». L’amour de ses fils chéris, de sa sœur et des enfants de celle-ci. L’amour de ses amis, à commencer par son agent, dit le Chacal, Andrew Wylie qui l’a défendu mieux que personne à l’époque de sa condamnation à mort. L’amour-amitié de ses amis écrivains, dans un biotope où règnent souvent jalousie et défiance. Et c’est Martin Amis en train de mourir du cancer, et qui lui adresse un message si fraternel. C’est Philip Roth et son propre crabe. C’est Ian Mc Ewan. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@element77 12.11.2024 | 17h04
«Commentaire très précieux pour un livre aussi utile qu’enrichissant. Très vifs remerciements à M. Kennedy pour l’avoir écrit et à M. Kuffer pour nous l’avoir brillamment signalé. »